LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 de la loi du 28 pluviôse An VIII, ensemble l'article 1er, alinéa 1er, de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en cas d'action en responsabilité tendant à la réparation des dommages causés par un véhicule, les tribunaux de l'ordre judiciaire ne sont compétents que pour autant que le préjudice invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action du véhicule, et non dans l'existence, l'organisation ou les conditions de fonctionnement d'un ouvrage public ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soutenant être victimes de nuisances sonores excédant les troubles normaux du voisinage, M. X..., M. et Mme Y..., M. et Mme Z..., M. A..., M. B..., M. C..., M. D..., Mme E... et l'Association pour la défense du site des Pesquiers, de l'hippodrome et des quartiers avoisinants (ASPHA) ont fait assigner l'agent judiciaire du Trésor, pris en sa qualité de représentant de l'Etat français, et l'Etat français, pris en la personne du préfet du Var, aux fins de voir faire interdiction, sous astreinte, à la base aéronautique navale d'Hyères Le Palyvestre de survoler en hélicoptère le quartier des Pesquiers, de l'hippodrome et du port, où ils demeurent, et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'agent judiciaire du Trésor au profit des juridictions administratives, l'arrêt énonce que "l'ouvrage public aéroportuaire n'est nullement en cause" ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les hélicoptères litigieux appartenaient à la base aéronautique navale, de sorte que le préjudice invoqué trouvait sa cause déterminante dans l'existence et les conditions de fonctionnement de l'ouvrage public, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du présent litige ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne in solidum M. X..., M. et Mme Y..., M. et Mme Z..., M. A..., M. B..., M. C..., M. D..., Mme E... et l'Association pour la défense du site des Pesquiers, de l'hippodrome et des quartiers avoisinants (ASPHA) aux dépens exposés en première instance, en appel et devant la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour l'agent judiciaire du Trésor.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire soulevée par l'exposant au profit des juridictions administratives ;
Aux motifs que la demande au fond des appelants de l'ordonnance déférée tends, sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil et de la théorie des troubles anormaux de voisinage, à voir interdire le survol de leurs propriétés par des hélicoptères et ce, selon eux, en infraction au plan d'exposition aux bruits en vigueur depuis 1975, qu'il se déduit de leurs explications que la cause du trouble qu'ils invoquent réside dans le passage intempestif des hélicoptères de la Base Aéronautique Navale, d'où il résulte que l'ouvrage public aéroportuaire n'est nullement en cause, seuls ces véhicules que sont les hélicoptères étant visés comme fauteurs du trouble allégué, étant précisé que ces aéronefs éminemment maniables et qui peuvent avoir une course aléatoire ne sont pas soumis à une trajectoire imposée par l'ouvrage public duquel ils décollent.
Dès lors, le moyen tiré par l'Etat Français de la compétence du juge administratif pour connaître des actions relatives aux dommages et accidents causés par les ouvrages publics aéroportuaires est inopérant et qu'en conséquence, c'est à tort que le premier juge a déclaré le tribunal de grande instance de Toulon incompétent au profit du tribunal administratif de Toulon.
Il y a lieu, réformant l'ordonnance entreprise, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'Etat Français ;
Alors que relève de la compétence de la juridiction administrative, l'action en réparation des dommages invoqués par les résidents d'un lotissement qui sont imputés aux nuisances sonores provoquées par les vols des aéronefs atterrissant et décollant d'une base aéronautique navale située à proximité des habitations, en infraction au plan d'exposition aux bruits, et qui résultent, d'une part, de l'existence et des conditions de fonctionnement de cet ouvrage public, et n'ont pas, d'autre part, leur cause déterminante dans l'action d'un véhicule ; qu'en jugeant le contraire, tout en constatant que le trafic aérien émanait de la base aéronautique navale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII et a entaché sa décision d'excès de pouvoir.