LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la seconde branche du premier moyen et la seconde branche du second moyen, réunies :
Vu les articles 1236 et 1372 du code civil ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que faisant valoir que, pour éviter la saisie d'un immeuble appartenant à Mme X..., il avait réglé les dettes de celles-ci envers le Crédit foncier et le Trésor public, M. Y... l'a assignée en remboursement de ces sommes ;
Attendu que pour débouter M. Y... de ces demandes, l'arrêt, après avoir exactement énoncé qu'il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d'autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées, retient que M. Y..., dont l'intention libérale est exclue, invoque comme cause de son paiement l'objectif de préserver le patrimoine de Mme X..., qui constituait le gage garantissant ses créances à l'égard de celle-ci mais que la gestion d'affaires sur laquelle celui-ci fonde sa demande doit être écartée dès lors que le seul paiement de la dette d'autrui ne suffit pas à la caractériser ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que M. Y... avait agi à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que les paiements litigieux avaient été utiles à celle-ci non seulement en permettant l'extinction de ses dettes mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers, ce qui caractérisait une gestion d'affaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, réformant le jugement du 29 mai 2008 qui avait condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 57 226, 39 euros, il déboute M. Y... de la demande en paiement de cette somme, l'arrêt rendu le 9 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Mme X... et celle de la SCP Gatineau Fattaccini, son avocat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné Mme X... à payer à M. Y... une somme de 57 226, 39 euros et débouté M. Y... de sa demande tendant à voir condamner Mme X... à lui payer « au titre du prêt immobilier relatif à l'immeuble ... » la somme globale arrêtée au 01/ 04/ 2010 de 151 352, 66 euros outre les mensualités à courir jusqu'à complet paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 26 janvier 2001 ;
AUX MOTIFS QUE « l'arrêt n° 719 du 28 octobre 2009 a statué sur l'ensemble des demandes à l'exception de celles relatives au prêt immobilier et aux frais de saisie immobilière, demandes pour lesquelles la Cour a ordonné la réouverture des débats afin que les parties concluent sur les fondements de ces demandes, l'existence et la nature de l'obligation invoquée et la répartition de la charge de la preuve ; que s'agissant du prêt immobilier, la demande concerne un prêt n° 79. 6229662 de 300 000 francs accordé par le Crédit Foncier à Madame X... pour une durée de vingt ans et venant normalement à expiration le 6 avril 2012, remboursable par mensualités de 2 170, 16 francs soit 330, 84 € ; que son tableau d'amortissement figure en annexe A XVIII au rapport d'expertise ; que l'arrêt du 28 octobre 2009 est, sur ce point, affecté d'une erreur matérielle page 3 ligne 10 en ce qu'il mentionne que le prêt a été souscrit par Madame X... pour la construction d'un logement « sur le terrain leur appartenant » alors qu'il faut lire « lui appartenant » ; que le jugement entrepris a retenu que ce prêt avait été remboursé par anticipation par Monsieur Y... le 13 novembre 2006 et condamné Madame X... à rembourser à Monsieur Y... la somme de 57 226, 49 €, montant des paiements effectués par celui-ci pour son compte dans ce cadre ; que la cour a abouti à un total des sommes remboursées par Monsieur Y... de 56 834, 13 € et ordonné la réouverture des débats aux fins rappelées cidessus ; que Monsieur Y..., bien qu'il eût indiqué dans ses conclusions antérieures au 3 septembre 2009, page 7 ligne 15, qu'un remboursement anticipé était effectivement intervenu le 13 novembre 2006, soutient désormais qu'il n'en a rien été et qu'il continue à rembourser cet emprunt aux lieu et place de Madame X... de sorte que sa créance de remboursement s'élèverait à 140 685, 56 – 6 496, 29 = 134 189, 27 € au 30 septembre 2007, sous réserve de l'actualisation (Monsieur Y... vise un total de 157 848, 25 € incluant les frais de saisie à la date du 1er avril 2010) ; qu'à l'appui de cette dernière demande, il produit des documents récents émanant du Crédit Foncier ayant pour référence « Monsieur ou Madame Y... Vincent », n° du prêt … 6229662 99Z ou e ncore (5/ 3/ 2010) « X... Christiane n° du prêt 622966299Z » dont il r essort que le remboursement des échéances d'un montant de 330, 84 €, outre 13, 26 € de cotisations d'assurance décès, se poursuit et qu'il est opéré par prélèvement sur le compte de Monsieur Y... ; que ces éléments, partiellement contradictoires, évoquent une renégociation du prêt initial, sans changement de débiteur, mais il n'en est pas justifié (…) ; que les dernières pièces produites par Monsieur Y... font ressortir le fait qu'il subsiste un prêt immobilier sous la référence « dossier X... Christiane n° 6229662 99Z » encore en cours d'a mortissement et qui est remboursé par Monsieur Y..., par prélèvement sur son compte bancaire ; Monsieur Y... n'alléguant pas qu'il serait tenu d'opérer ces remboursements (par exemple à titre de co-obligé de caution ou d'associé d'une société de fait entre époux) ou qu'il aurait été mandaté par Madame X... pour le faire au nom de celle-ci, il convient de retenir qu'il existe en l'espèce paiement de la dette de Madame X... envers le Crédit Foncier par un tiers, qualifiable de non intéressé à la dette et ne bénéficiant d'aucune subrogation ; contrairement à ce qu'avance Monsieur Y..., le tiers qui a payé la dette d'autrui de ses propres deniers ne dispose pas nécessairement d'un recours contre le débiteur dont la cause serait le seul fait du paiement, générateur d'une obligation nouvelle distincte de celle éteinte par le paiement et au contraire, il appartient à celui qui, sans être subrogé, acquitte une dette dont il sait ne pas être tenu, de démontrer que la cause dont procède ce paiement implique l'obligation du débiteur de rembourser la somme versée ; que Monsieur Y... invoque comme cause de son paiement un objectif, à savoir celui de préserver le patrimoine de Madame X... parce que celui-ci constituerait le gage garantissant des créances sur cette dernière, ainsi que la circonstance qu'il a déjà été exclu qu'il ait pu agir avec une intention libérale ; que la cause ainsi invoquée n'implique cependant pour Madame X... aucune obligation de remboursement et la circonstance qu'une éventuelle intention libérale ait été exclue ne modifie pas l'analyse qui précède, la charge de la preuve pesant en l'espèce sur Monsieur Y... alors que l'exclusion dont s'agit ne peut constituer la preuve positive requise ; que le fondement présenté comme subsidiaire de l'enrichissement sans cause ne fonde pas mieux Monsieur Y... en sa demande, l'argumentation même de celui-ci révélant que, bien que non intéressé à la dette, il a agi dans son intérêt personnel et à ses risques et périls ayant notamment fait inscrire une sûreté sur l'immeuble concerné ; qu'il en va de même pour le fondement plus subsidiaire de la gestion d'affaires, un seul paiement de la dette d'autrui ne caractérisant pas de manière suffisante une gestion d'affaires au sens de l'article 1372 du Code civil » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le tiers qui a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, bien que non subrogé dans les droits du créancier, bénéficie d'un recours contre le débiteur lorsqu'il démontre que la cause dont procède le paiement implique l'obligation pour le débiteur de rembourser la somme versée ; que tel est le cas lorsque le tiers payeur a agi, non pas avec une intention libérale, mais dans le but de préserver le patrimoine du débiteur avec lequel il était lui-même en litige, aux fins de garantir le paiement ultérieur de ses propres créances ; que la Cour d'appel a constaté que M. Y... avait payé le solde de l'emprunt de Mme X... dans le but de « préserver le patrimoine de Madame X... parce que celui-ci constituerait le gage garantissant des créances sur cette dernière » et que toute intention libérale de sa part était exclue ; qu'en déboutant néanmoins M. Y... de son action en remboursement, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1236 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la gestion d'affaires suppose que le gérant ait accompli, pour le compte du maître, un acte utile sans y être légalement ni contractuellement tenu ; que le maître dont l'affaire a été bien administrée doit indemniser le gérant de tous les engagements personnels qu'il a pris et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites ; que le paiement de la dette d'autrui, qui permet non seulement d'éteindre cette dette, mais en outre d'éviter la saisie d'un bien immobilier et le risque de sa vente à vil prix, constitue un acte doublement utile au maître dont il permet de sauvegarder le patrimoine ; qu'en retenant que le paiement de la dette d'autrui ne pourrait caractériser de manière suffisante une gestion d'affaires, la Cour d'appel a violé l'article 1372 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de remboursement d'une somme de 6 496, 29 euros, correspondant aux frais de saisie acquittés par M. Y... envers le Trésor public, aux lieu et place de Mme X... ;
AUX MOTIFS QUE « sur le paiement des frais de saisie pour la somme de 6 496, 29 € ; que le raisonnement précédent trouve également son application car ce paiement fait, sans subrogation, a été fait par un tiers qualifiable de non intéressé à la dette et qui ne démontre pas que la cause de ce paiement impliquerait l'obligation de Madame X... de lui rembourser ces frais ; que la décision déférée qui avait rejeté cette demande sera donc confirmée pour ce motif substitué » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le tiers qui a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, bien que non subrogé dans les droits du créancier, bénéficie d'un recours contre le débiteur lorsqu'il démontre que la cause dont procède le paiement implique l'obligation pour le débiteur de rembourser la somme versée ; que tel est le cas lorsque le tiers payeur a agi, non pas avec une intention libérale, mais dans le but de préserver le patrimoine du débiteur avec lequel il était lui-même en litige, aux fins de garantir le paiement ultérieur de ses propres créances ; que la Cour d'appel a constaté que M. Y... avait payé les dettes de Mme X... dans le but de « préserver le patrimoine de Madame X... parce que celui-ci constituerait le gage garantissant des créances sur cette dernière » et que toute intention libérale de sa part était exclue ; qu'en déboutant néanmoins M. Y... de son action en remboursement des sommes versées au Trésor public, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1236 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la gestion d'affaires suppose que le gérant ait accompli, pour le compte du maître, un acte utile sans y être légalement ni contractuellement tenu ; que le maître dont l'affaire a été bien administrée doit indemniser le gérant de tous les engagements personnels qu'il a pris et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites ; que le paiement de la dette d'autrui, qui permet non seulement d'éteindre cette dette, mais en outre d'éviter la saisie d'un bien immobilier et le risque de sa vente à vil prix, constitue un acte doublement utile au maître dont il permet de sauvegarder le patrimoine ; qu'en omettant de répondre au moyen par lequel M. Y... soutenait, sur le fondement de la gestion d'affaires, que Mme X... devait le rembourser des sommes qu'il avait versées en ses lieu et place au Trésor public au titre des frais de saisie, la Cour d'appel a violé l'article 455 Code de procédure civile.