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16/11/2011 | FRANCE | N°10-87866

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 2011, 10-87866


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La Société commerciale de télécommunication, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE, en date du 13 octobre 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre MM. Frédéric X... et Franck Y... du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 octobre 2011 où étaient présents : M. Louvel p

résident, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Desgrange, N...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La Société commerciale de télécommunication, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE, en date du 13 octobre 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre MM. Frédéric X... et Franck Y... du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 octobre 2011 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Desgrange, Nocquet, M. Couaillier, Mme Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, MM. Bloch, Buisson, Mme Mirguet conseillers de la chambre, Mme Moreau conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre du chef d'abus de confiance contre MM. X... et Y... ;
"aux motifs qu'il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier s'il existe des éléments suffisants permettant de démontrer que les faits reprochés à MM. X... et Y... sont susceptibles d'être constitutifs du délit d'abus de confiance ; que l'article 314-1 du code pénal dispose "l'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs, ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de le rendre ou de les représenter ou d'en faire un usage déterminé" ; que ces termes, fonds, valeurs doivent s'entendre par argent, bijoux, valeurs mobilières et bien quelconque, par tout objet mobilier, à savoir, écrit ayant une valeur marchande tel que fichier de clientèle, étant précisé que ce bien doit avoir été détourné pour être constitutif de l'élément matériel de l'infraction ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments de la procédure ci-dessus rappelés que MM. X... et Y... ont incontestablement détourné une partie de la clientèle de la société SCT Télécom ; que, toutefois, la clientèle n'est pas un bien susceptible d'être détourné et son détournement ne saurait constituer le fondement d'une poursuite pénale du chef d'abus de confiance ; que, par ailleurs, la partie civile reproche à M. X... un prétendu détournement de contrats de la société SCT Télécom vers la société Vertigo Télécom qui, selon ses déclarations "n'aurait pu être réalisé que par la possession par la société Vertigo Télécom des fichiers des clients de la société SCT Télécom remis par M. X... ou un autre salarié" ; que l'information judiciaire n'a pas permis, malgré les précautions prises par la partie civile, filatures, autorisation accordée à l'huissier de justice de se rendre au domicile des MM. X... et Y... aux fins de constat, de découvrir un quelconque fichier de clientèle soustrait à l'employeur ; que les témoins entendus au cours de l'enquête n'ont constaté aucun détournement de fichier de clientèle ; que M. Z... a confirmé, au cours de son audition du 25 juin 2007, qu'aucune unité centrale de l'agence SCT Télécom n'avait disparu, ce qui démontre la méprise de Mme A... qui avait cru voir M. X... emporter la base d'un ordinateur appartenant à la société le 23 décembre 2005 et confirme les propos de M. X... qui déclare avoir récupéré, ce jour là, son imprimante personnelle ; qu'il ne résulte pas des éléments de la procédure d'indice grave d'un détournement d'un quelconque fichier de clientèle ; qu'ainsi, en l'absence de soustraction d'un fichier, l'usage des moyens matériels mis à la disposition des personnes mises en examen ne peuvent être constitutifs du délit d'abus de confiance, dès lors que ces éléments ne constituent pas des fonds, valeurs ou biens remis à la charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ;
"1°) alors que, commet un abus de confiance le salarié qui utilise abusivement des informations qui lui ont été confiées par son employeur pour les besoins de sa fonction dans des conditions étrangères à celles prévues lors de la remise et notamment pour les besoins d'une entreprise concurrente ; que la société SCT Télécom soutenait que la captation d'un fichier clients par MM. X... et Y... aurait en tout état de cause été inutile, dès lors que tous les salariés de l'entreprise étaient en possession des listings de clients et que les informations relatives à la clientèle qu'elle avait confiées à ses salariés, MM. X... et Y..., avaient été utilisées par ces derniers dans le but de promouvoir une entreprise concurrente, la société Vertigo Télécom, dans laquelle ils exerçaient les fonctions de gestion ; qu'en se bornant à affirmer que l'information judiciaire n'avait pas permis de découvrir un quelconque fichier de clientèle soustrait à l'employeur, sans rechercher, comme il le lui avait été demandé, si l'utilisation abusive, par MM. X... et Y..., des informations figurant dans les fichiers clients n'était pas constitutive du délit d'abus de confiance, la chambre de l'instruction pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que la société SCT Télécom faisait également valoir que M. X... avait donné des instructions aux salariés de cette société pour que les informations relatives aux clients les plus importants soient dirigées vers la société Vertigo Télécom afin qu'ils deviennent des clients de celle-ci et qu'il avait instauré une période d'essai de deux mois pour tous les contrats de SCT Télécom, ce qui permettait de passer librement chez un autre opérateur ; qu'en se bornant à affirmer qu'il ne résultait pas des éléments de la procédure d'indice grave d'un détournement d'un quelconque fichier de clientèle, sans rechercher, comme il le lui avait été demandé, si le transfert, par M. X... vers une autre société, des informations contenues dans les fichiers clients, n'était pas constitutif du délit d'abus de confiance, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3°) alors que la société SCT Télécom soutenait que MM. X... et Y... avaient induit en erreur les clients de la société, en leur indiquant que la société allait disparaître afin de les conduire à signer un contrat avec la société Vertigo Télécom et en prétendant que celle-ci venait aux droits de la société SCT Télécom ; qu'en se bornant à affirmer qu'il ne résultait pas des éléments de la procédure d'indice grave d'un détournement d'un quelconque fichier de clientèle, sans rechercher comme il le lui avait été demandé, si MM. X... et Y... n'avaient pas commis le délit d'abus de confiance en communiquant aux anciens clients de la société SCT Télécom de fausses informations sur le sort de celle-ci afin de les conduire à signer un contrat avec la société Vertigo Télécom, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 314-1 du code pénal ;
Attendu que les dispositions de ce texte s'appliquent à un bien quelconque, susceptible d'appropriation ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Société commerciale de distribution (SCT Télécom), courtier en services téléphoniques, a porté plainte et s'est constituée partie civile devant le doyen des juges d'instruction en exposant que M. X..., directeur régional de cette société, en avait détourné la clientèle pour le compte d'une société concurrente, gérée par M. Y..., un de ses anciens salariés, en utilisant à cette fin les renseignements dont il était dépositaire au sein de la société SCT Télécom ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'arrêt énonce que l'abus de confiance ne peut porter que sur "tout objet mobilier, à savoir, écrit ayant une valeur marchande tel qu'un fichier de clientèle" ; que les juges ajoutent que, s'il est incontestable que M. X... et M. Y... ont détourné une partie de la clientèle de la société SCT Télécom, ce fait ne peut être poursuivi sous la qualification d'abus de confiance, dès lors que la clientèle n'est pas un bien susceptible d'être détourné et qu'aucun détournement de fichier n'a été établi ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les informations relatives à la clientèle constituent un bien susceptible d'être détourné, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, en date du 13 octobre 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize novembre deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87866
Date de la décision : 16/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ABUS DE CONFIANCE - Détournement - Chose détournée - Bien quelconque - Bien incorporel - Informations relatives à la clientèle

Les dispositions de l'article 314-1 du code pénal s'appliquent à un bien quelconque, susceptible d'appropriation. Méconnaît le texte susvisé et le principe sus-énoncé, l'arrêt qui, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction dans la procédure suivie du chef d'abus de confiance contre un salarié ayant détourné la clientèle de son entreprise pour le compte d'une société concurrente, en utilisant les informations dont il était dépositaire, énonce que l'abus de confiance ne peut porter que sur un bien mobilier et qu'aucun détournement de fichier n'a été établi, alors que les informations relatives à la clientèle constituent un bien susceptible d'être détourné


Références :

article 314-1 du code pénal

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 13 octobre 2010

Sur l'application des dispositions de l'article 314-1 du code pénal à un bien quelconque et non pas seulement à un bien corporel, à rapprocher :Crim., 22 septembre 2004, pourvoi n° 04-80285, Bull. crim. 2004, n° 218 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 2011, pourvoi n°10-87866, Bull. crim. criminel 2011, n° 233
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011, n° 233

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Mme Labrousse
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.87866
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