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01/06/2011 | FRANCE | N°10-16482

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 juin 2011, 10-16482


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ;
Attendu que M. X..., de nationalité française et Mme Y..., de nationalité togolaise, vivant depuis deux ans en concubinage, se sont mariés en France le 26 mai 2000 et ont eu un enfant le 19 septembre suivant ; que M. X... a formé une demande en nullitÃ

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Attendu que, saisie sur le fondement de la loi française, la co...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ;
Attendu que M. X..., de nationalité française et Mme Y..., de nationalité togolaise, vivant depuis deux ans en concubinage, se sont mariés en France le 26 mai 2000 et ont eu un enfant le 19 septembre suivant ; que M. X... a formé une demande en nullité de mariage ;
Attendu que, saisie sur le fondement de la loi française, la cour d'appel a rejeté cette demande en faisant application de ladite loi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conditions de fond du mariage étant régies par la loi nationale de chacun des époux, la loi togolaise était applicable pour apprécier le consentement de Mme Y..., la cour d'appel, à laquelle il incombait d'appliquer cette loi, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande d'annulation du mariage célébré le 26 mai 2000 avec Mme Dodzi Adjoavi Clémence Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE dès lors que l'acte de mariage fait preuve de l'échange des volontés, il appartient à M. X..., qui sollicite l'annulation du mariage, de rapporter la preuve de l'absence d'intention conjugale de son conjoint ; qu'en l'espèce, il est constant que les parties ont vécu en concubinage à compter du mois de septembre 1997; que leur enfant, Christian, né le 19 septembre 2000, a été conçu quelques mois avant leur mariage, célébré le 26 mai 2000 ; que la déclaration de nationalité française de Mme Dodzi Y... a été enregistrée le 8 mars 2004 ; que l'épouse a quitté le domicile conjugal en octobre de la même année ; que M. X... verse aux débats le procès-verbal d'audition de Mme Dodzi Y... par les services de police en date du 25 juillet 2005 ; que l'intimée y fait les déclarations suivantes : « lorsque je suis tombée enceinte de Claude, je reconnais que je n'avais aucun document me permettant de séjourner régulièrement en France, lors de la visite à l 'hôpital pour suivre ma grossesse, l'une des infirmières m'a dit qu'il valait mieux que j 'épouse Claude de façon à régulariser ma situation et ainsi mes frais médicaux auraient été pris en charge. J'en ai parlé à Claude et nous avons décidé de nous marier." ; que s'il est établi par cette pièce qu'en s'unissant par les liens du mariage, les parties ont poursuivi le but de régulariser la situation de Mme Dodzi Y... sur le territoire français, en vue de lui permettre de bénéficier d'avantages sociaux, il n'est en revanche pas démontré que cet effet secondaire de leur union a été pour l'intimée la cause exclusive du mariage contracté avec M. X... ; que la circonstance que Mme Y... se soit séparée de son époux sept mois après avoir obtenu la nationalité française, n'est pas davantage de nature à caractériser l'absence d'intention matrimoniale de l'intimée au jour du mariage célébré quatre ans plus tôt ;
ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES QUE tout d'abord, il ressort du rapport d'enquête sociale établi le 1er février 2007 ayant abouti au jugement du juge aux affaires familiales en date du 12 décembre 2006 que les parties se sont connues en 1997 et se sont installées ensemble à Grancey sur Ource dès 1998 ; qu'ils se sont mariés le 26 mai 2000 et que leur fils Christian est né le19 septembre 2000 ; que le jugement du 12 décembre 2006, se fondant sur plusieurs pièces objectives, précise qu'il n'est pas contesté que M. X... s'adonnait à l'alcool depuis plusieurs années et notamment pendant la vie commune du couple jusque fin 2004 ; que ces constatations ne sont nullement contredites par les pièces produites par le demandeur puisque le certificat médical en date du 18 décembre 2006 mentionnant une abstinence totale et une situation stable depuis plus de deux ans permet de considérer que les affirmations de l'épouse, quant à l'existence de difficultés liées à l'alcool jusque fin 2004, sont vraies ; qu'ensuite, Mme Y... a demandé la nationalité française uniquement le 18 avril 2003, soit de nombreuses années après le début de leur vie commune et près de trois ans après leur mariage ; qu'enfin quand bien même Mme Y... précise dans son audition du 25 juillet 2005 par les services de police, qu'une infirmière lui avait conseillé d'épouser M. X... pour régulariser sa situation et permettre la prise en charge des frais médicaux, il ressort de l'ensemble des motifs précités que l'acquisition de la nationalité n'était pas le but principal ou ultime de sa liaison avec le demandeur et de son mariage subséquent ; qu'ainsi, il n'existe en définitive dans ce dossier aucun élément permettant de caractériser l'absence de véritable consentement des époux, en particulier de l'épouse, de sorte que le mariage attaqué n'était aucunement simulé et révélait une véritable intention matrimoniale.
ALORS QUE selon l'article 3 du code civil, il incombe au juge français, s'agissant de droits dont les parties n'ont pas la libre disposition, de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher, au besoin avec le concours des parties, la teneur du droit étranger applicable ; que les conditions de fond du mariage, et notamment le consentement, sont régies pour chacun des futurs époux par la loi de celui des deux Etats dont ils ont la nationalité ; que pour rejeter la demande formée par M. X..., de nationalité française, en annulation de son mariage contracté avec Mme Y..., alors de nationalité togolaise, la cour d'appel a retenu, sur le seul fondement de la loi française, que le défaut d'intention matrimoniale de l'épouse n'était pas établi ; qu'en statuant au vu de la seule loi française, quand le consentement de l'épouse relevait de son droit national, même si le mariage avait été célébré en France, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-16482
Date de la décision : 01/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Application d'office - Cas - Droits indisponibles - Portée

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Mariage - Conditions de fond - Loi applicable - Détermination - Office du juge - Etendue LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Application d'office - Cas - Droits indisponibles - Portée MARIAGE - Validité - Conditions - Conditions de fond - Consentement - Appréciation - Conflit de lois - Loi applicable - Détermination - Office du juge - Etendue

Il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle en application de l'article 3 du code civil. Par suite, viole ce texte la cour d'appel qui accueille, sur le fondement du droit français, la demande en nullité d'un mariage contracté entre un Français et une Togolaise pour défaut d'intention matrimoniale de l'épouse alors que les conditions de fond du mariage étant régies par la loi nationale de chacun des époux, la loi togolaise était applicable pour apprécier le consentement de l'épouse


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 mai 2009

Dans le même sens que :1re Civ., 19 septembre 2007, pourvoi n° 06-20208, Bull. 2007, I, n° 281 (cassation) ;1re Civ., 11 février 2009, pourvoi n° 08-10387, Bull. 2009, I, n° 27 (cassation) ;1re Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 09-71992, Bull. 2011, I, n° 100 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 jui. 2011, pourvoi n°10-16482, Bull. civ. 2011, I, n° 101
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 101

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16482
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