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18/05/2011 | FRANCE | N°10-60406

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2011, 10-60406


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 14e, 6 octobre 2010), que le 1er janvier 2010, les fonds de commerce des sociétés Dékra Construction et Dékra Diagnostic Immobilier ont été apportés en location-gérance à la société Dékra Inspection, anciennement dénommée Dékra Equipement ; que le 9 avril, un accord d'entreprise a constaté la perte de la qualité d'établissements distincts des entités Dékra Construction et Dékra Diagnostic Immobilier, pris

acte de la suppression des comités d'établissement de ces entités et de l'expirat...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 14e, 6 octobre 2010), que le 1er janvier 2010, les fonds de commerce des sociétés Dékra Construction et Dékra Diagnostic Immobilier ont été apportés en location-gérance à la société Dékra Inspection, anciennement dénommée Dékra Equipement ; que le 9 avril, un accord d'entreprise a constaté la perte de la qualité d'établissements distincts des entités Dékra Construction et Dékra Diagnostic Immobilier, pris acte de la suppression des comités d'établissement de ces entités et de l'expiration de tous les mandats en cours des élus et des représentants syndicaux à ces comités, seul subsistant le comité d'établissement de la société Dékra Equipement devenant le comité d'entreprise de la société Dékra Inspection ; que le 30 juin, les sociétés Dékra Construction et Dékra Diagnostic Immobilier ont été absorbées par la société Dékra Inspection dans le cadre d'une fusion ; que le 5 juillet, la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie a désigné Mme X... en qualité de délégué syndical au sein de la société Dékra Inspection ;

Attendu que la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie fait grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en principe, seuls les syndicats ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel sont représentatifs et, comme tels, admis à désigner des délégués syndicaux ; que, cependant, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles dans l'entreprise ou l'établissement, pour lesquelles la date fixée pour la première réunion de la négociation du protocole d'accord préélectoral est postérieure au 21 août 2008, est présumé représentatif à ce niveau tout syndicat affilié à l'une des organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel à cette date ; qu'en cas de fusion de sociétés, la période transitoire ainsi définie ne prend fin que si des élections professionnelles permettant de mesurer l'audience syndicale ont eu lieu, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, dans chacune des entités composant le nouveau périmètre de désignation ; que, dès lors, en se fondant, pour dénier à la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie le droit de se prévaloir de la présomption irréfragable de représentativité subsistant au cours de la période transitoire, sur des élections dont il ressortait de ses propres constatations qu'elles n'avaient concerné qu'une seule des trois sociétés de la fusion desquelles était issue la société Dékra Inspection, qui constituait le périmètre de désignation des délégués syndicaux, le tribunal d'instance a violé les articles 11 IV et 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et les articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail ;

2°/ que dans ses conclusions, la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie faisait valoir, sur le fondement de l'article L. 2322-5 du code du travail, qu'en l'absence d'accord unanime ou de décision administrative prise à cet effet, les comités d'établissement des anciennes entités Dékra Construction et Dékra Immobilier n'avaient pas disparu au profit du comité d'entreprise de la société Dékra Inspection ; qu'en se fondant, pour considérer que le comité d'entreprise de la société Dékra Inspection était la seule institution représentative au travers de laquelle devait être appréciée l'existence d'élections mettant fin à la période transitoire prévue par l'article 11 IV de la loi du 20 août 2008, sur l'accord d'entreprise du 9 avril 2010 dont il ressortait de ses propres constatations qu'il n'était pas unanime et sans répondre au moyen tiré de ce qu'il n'avait pas pu avoir pour effet faire disparaître les comités d'établissement existants, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ en tout état de cause, que les conventions ou accords collectifs de travail peuvent prévoir des clauses plus favorables à celle de la loi, notamment en ce qui concerne l'institution des délégués syndicaux ; qu'en considérant, dès lors, que la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie ne pouvait pas se prévaloir de ce qu'elle avait figuré, dans l'accord collectif signé le 9 avril 2010, au nombre des syndicats représentatifs au sein de la société Dékra Inspection et qu'elle avait été invitée par l'employeur, dans le courant du mois de mars 2010, à désigner un délégué syndical, ce dont découlait une manifestation de volonté non équivoque de l'employeur de reconnaître sa représentativité, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2141-10, L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que des élections au comité d'entreprise s'étaient déroulées au sein de la société Dékra Equipement sur la base d'un protocole préélectoral dont la première réunion de négociation était postérieure à la date de publication de la loi n° 2008/789 du 20 août 2008, c'est à bon droit que le tribunal, qui n'avait pas répondre à des conclusions inopérantes et faisant état d'une exigence que le code du travail ne prévoit pas, a retenu que la période transitoire avait pris fin dans cette société, peu important qu'après ces élections, la société Dékra Equipement, aujourd'hui dénommée Dékra Inspection, ait absorbé des sociétés dans lesquelles de telles élections n'avaient pas été organisées ;

Attendu, ensuite, qu'en ce qu'elle soumet désormais la représentativité des organisations syndicales à la condition d'avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, la loi n° 2008/789 du 20 août 2008 est d'ordre public absolu, ce qui interdit, par suite, à un accord collectif comme à un employeur de reconnaître la qualité d'organisation syndicale représentative à une organisation qui n'a pas satisfait à cette condition ;

Qu'ayant constaté que la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie n'avait pas obtenu au moins 10% des suffrages exprimés lors des élections au sein de la société Dékra Equipement, aujourd'hui dénommée Dékra Inspection, c'est dès lors à bon droit que tribunal a annulé la désignation de Mme X... en qualité de délégué syndical au sein de cette dernière ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie.

II est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR annulé la désignation de Mme X... en qualité de déléguée syndicale par la Fédération confédérée Force Ouvrière de la métallurgie en date du 5 juillet 2010 ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 11 IV de la loi du 20 août 2008, est présumé représentatif dans l'entreprise ou l'établissement concerné tout syndicat affilié à l'une des organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise ou l'établissement, pour lesquelles la date fixée pour la première réunion de la négociation du protocole électoral est postérieure à l'application de cette loi ; que les élections ont eu lieu au sein de l'entreprise Dekra équipement le 8 juin 2009, après accord préélectoral du 21 avril 2009 ; qu'aux termes d'un accord d'entreprise signé le 9 avril 2010 par la société Dekra inspection et différents syndicats dont F0, il est précisé que les fonds de commerce de Dekra construction et Dekra immobilier perdent leur caractère d'établissement distinct, que leurs comités d'établissement sont supprimés et que subsiste le comité d'établissement de la société Dekra équipement en tant que comité d'entreprise de la société de Dekra inspection ; que cet accord d'entreprise a été signé entre la société Dekra inspection et les organisations syndicales, à l'exception de la CFDT ; que, par conséquent, lors de la désignation de Mme X... ne subsistait plus qu'une seul entité, la société Dekra inspection, au sein de laquelle existait un comité d'entreprise, issu du comité d'établissement de la société Dekra inspection, selon les termes de l'accord du 9 avril 2010 ; que les élections au sein du comité d'établissement devenu comité d'entreprise par l'effet de l'accord d'entreprise du 9 avril 2010 ont eu lieu après l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 ; que les dispositions transitoires de cette loi cessent donc d'être applicables au profit des dispositions des articles L. 2121-1 et suivants du code du travail ; que, dès lors, le syndicat FO ne peut être considéré comme représentatif au sein de la société Dekra inspection dans la mesure où son score à l'élection concernée n'était pas égal à 10 %, quel que soit le mode de calcul effectué ; que, par ailleurs, ce syndicat ne peut pas se prévaloir d'avoir été mentionné comme syndicat représentatif dans le protocole d'accord, ou d'avoir été sollicité par la société Dekra inspection pour désigner un délégué syndical, dès lors que le seul critère de représentativité est le critère légal défini par les articles L. 2121-1 et suivants du code du travail ;

ALORS, 1°), QU'en principe, seuls les syndicats ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel sont représentatifs et, comme tels, admis à désigner des délégués syndicaux ; que, cependant, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles dans l'entreprise ou l'établissement, pour lesquelles la date fixée pour la première réunion de la négociation du protocole d'accord préélectoral est postérieure au 21 août 2008, est présumé représentatif à ce niveau tout syndicat affilié à l'une des organisations syndicales de salariés présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel à cette date ; qu'en cas de fusion de sociétés, la période transitoire ainsi définie ne prend fin que si des élections professionnelles permettant de mesurer l'audience syndicale ont eu lieu, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, dans chacune des entités composant le nouveau périmètre de désignation ; que, dès lors, en se fondant, pour dénier à la Fédération confédérée Force Ouvrière de la métallurgie le droit de se prévaloir de la présomption irréfragable de représentativité subsistant au cours de la période transitoire, sur des élections dont il ressortait de ses propres constatations qu'elles n'avaient concerné qu'une seule des trois sociétés de la fusion desquelles était issue la société Dekra inspection, qui constituait le périmètre de désignation des délégués syndicaux, le tribunal d'instance a violé les articles 11 IV et 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et les articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE, dans ses conclusions (p. 8), la Fédération confédérée Force Ouvrière de la métallurgie faisait valoir, sur le fondement de l'article L. 2322-5 du code du travail, qu'en l'absence d'accord unanime ou de décision administrative prise à cet effet, les comités d'établissement des anciennes entités Dekra construction et Dekra immobilier n'avaient pas disparu au profit du comité d'entreprise de la société Dekra inspection ; qu'en se fondant, pour considérer que le comité d'entreprise de la société Dekra inspection était la seule institution représentative au travers de laquelle devait être appréciée l'existence d'élections mettant fin à la période transitoire prévue par l'article 11 IV de la loi du 20 août 2008, sur l'accord d'entreprise du 9 avril 2010 dont il ressortait de ses propres constatations qu'il n'était pas unanime et sans répondre au moyen tiré de ce qu'il n'avait pas pu avoir pour effet faire disparaître les comités d'établissement existants, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exiqences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE les conventions ou accords collectifs de travail peuvent prévoir des clauses plus favorables à celle de la loi, notamment en ce qui concerne l'institution des délégués syndicaux ; qu'en considérant, dès lors, que la Fédération confédérée Force Ouvrière de la métallurgie ne pouvait pas se prévaloir de ce qu'elle avait figuré, dans l'accord collectif signé le 9 avril 2010, au nombre des syndicats représentatifs au sein de la société Dekra inspection et qu'elle avait été invitée par l'employeur, dans le courant du mois de mars 2010, à désigner un délégué syndical, ce dont découlait une manifestation de volonté non équivoque de l'employeur de reconnaître sa représentativité, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2141-10, L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-60406
Date de la décision : 18/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Représentativité - Détermination - Critères - Résultats des élections professionnelles - Dispositions de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 - Caractère d'ordre public absolu - Portée

En ce qu'elle soumet désormais la représentativité des organisations syndicales à la condition d'avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors du premier tour de l'élection des membres titulaires du comité d'entreprise, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, est d'ordre public absolu, ce qui interdit, par suite, à un accord collectif comme à un employeur de reconnaître la qualité d'organisation syndicale représentative à une organisation qui n'a pas satisfait à cette condition. Doit dès lors être rejeté le pourvoi formé contre un jugement de tribunal d'instance qui, ayant constaté qu'une organisation syndicale n'avait pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors de telles élections, annule la désignation par elle d'un délégué syndical peu important que le syndicat soutienne avoir été invité par l'employeur à la négociation d'un accord collectif ou avoir été invité par lui à désigner un délégué syndical


Références :

Sur le numéro 1 : articles 11 IV et 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale
Sur le numéro 2 : articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2143-3 et L. 2141-10 du code du travail

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 14ème, 06 octobre 2010

Sur le n° 1 : Sur le principe de l'application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale à compter des résultats des élections professionnelles organisées sur la base d'un protocole préélectoral dont la première réunion de négociation est postérieure à la date de publication de la loi, à rapprocher :Soc., 6 janvier 2011, pourvoi n° 10-60169, Bull. 2011, V, n° 8 (rejet)

arrêt cité. Sur le n° 2 : Sur l'impossibilité pour un accord collectif ou un employeur de reconnaître la qualité d'organisation syndicale représentative à un syndicat qui ne satisfait pas au critère de l'audience posé par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, concernant le périmètre d'appréciation, à rapprocher :Soc., 6 janvier 2011, pourvoi n° 10-18205, Bull. 2011, V, n° 9 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2011, pourvoi n°10-60406, Bull. civ. 2011, V, n° 116
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 116

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Lalande
Rapporteur ?: M. Béraud
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.60406
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