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03/05/2011 | FRANCE | N°10-14104

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mai 2011, 10-14104


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 24 mars 2003 par le Comité d'entraide aux Français rapatriés (le comité) en qualité de directrice d'un établissement et licenciée le 23 avril 2007, après un rappel à l'ordre valant observation et deux avertissements ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 1134 du code civil, les articles L. 1321-1, L. 1331-1, L. 1333-2 du code du travail et les articles 21, 23 et 24 du règlement intérieur ; >Attendu que si l'employeur n'est en principe pas tenu de convoquer le salari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 24 mars 2003 par le Comité d'entraide aux Français rapatriés (le comité) en qualité de directrice d'un établissement et licenciée le 23 avril 2007, après un rappel à l'ordre valant observation et deux avertissements ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 1134 du code civil, les articles L. 1321-1, L. 1331-1, L. 1333-2 du code du travail et les articles 21, 23 et 24 du règlement intérieur ;
Attendu que si l'employeur n'est en principe pas tenu de convoquer le salarié à un entretien avant de lui notifier un avertissement, il en va autrement lorsque, au regard des dispositions d'un règlement intérieur, l'avertissement peut avoir une influence sur le maintien du salarié dans l'entreprise ; que tel est le cas lorsque le règlement intérieur, instituant ainsi une garantie de fond, subordonne le licenciement d'un salarié à l'existence de deux sanctions antérieures pouvant être constituées notamment par un avertissement ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande d'annulation des avertissements, l'arrêt retient que le règlement intérieur prévoit l ‘ obligation pour l'employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable lorsqu'il envisage de prendre à son encontre une sanction pouvant avoir une conséquence sur son maintien en activité, sa carrière ou sa rémunération et que, l'avertissement n'ayant pas, par lui-même, une telle incidence, la salariée ne peut invoquer des irrégularités de procédure pour fonder ses demandes en annulation ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le règlement intérieur énonçait que, sauf en cas de faute grave, il ne pourrait y avoir de licenciement que si le salarié a fait l'objet d'au moins deux sanctions, ce dont il résultait qu'un avertissement pouvait avoir une incidence sur la présence du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, qui est recevable :
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu que sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 22 novembre 2006, l'arrêt retient qu'elle n'avait pas observé son obligation de réserve et de loyauté à l'égard de l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la signature d'une pétition portant sur une demande de personnel supplémentaire, qui ne contient aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérise pas un abus de la liberté d'expression du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur la première branche du moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions critiquées par le second ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne le Comité d'entraide aux français rapatriés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Comité d'entraide aux français rapatriés à payer à la Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande d'annulation des avertissements notifiés les 4 janvier 2005 et 22 novembre 2006 et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE " le règlement intérieur prévoit l'obligation pour l'employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable lorsqu'il envisage de prendre une sanction pouvant avoir une conséquence sur son maintien en activité, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que l'avertissement n'ayant pas par lui-même une telle incidence, la salariée ne peut invoquer des irrégularités de procédure pour fonder ses demandes en annulation ;
QU'au fond, en rappelant les accusations de harcèlement dont Isabelle X... avait fait l'objet et les instructions qui lui avaient été données en suite de ces accusations, en jugeant qu'elle n'avait pas respecté son obligation de réserve et de loyauté à l'égard de son employeur, en relevant que la lettre d'observations n'avait pour but que d'assainir le climat social qui se détériorait et en la déboutant de ses demandes d'annulation des avertissements et de la lettre d'observations, les premiers juges ont fait une exacte analyse des éléments de la cause, tenant lesdits éléments produits par l'employeur pour établir les faits ayant motivé les sanctions " ;
1°) ALORS QUE le règlement intérieur du CEFR énumère, en son article 21, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux salariés dont les deux premières sont l'observation écrite et l'avertissement ; qu'il dispose, en son article 22, que " sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions citées à l'article 21 " ; qu'il prévoit enfin, en son article 24, une procédure protectrice des droits du salarié, ainsi libellée : " lorsqu'il est envisagé de prendre une sanction (autre que l'observation écrite) qui peut avoir une conséquence immédiate ou non sur son maintien en activité, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (…) le salarié est convoqué par écrit à un entretien préalable (pour lequel) le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au CEFR (et) au cours (duquel) il est indiqué le motif de la sanction envisagée et les explications du salarié sont recueillies (…) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que toute sanction disciplinaire est de nature à avoir une conséquence sur la carrière du salarié dès lors que son renouvellement constitue un préalable nécessaire à son licenciement de sorte qu'hormis la lettre d'observations qui en est expressément exclue, elle doit être précédée d'un entretien préalable ; que chacun des deux avertissements délivrés à Madame X... devait ainsi faire l'objet de cette procédure qui constituait une garantie de fond dont la méconnaissance, par l'employeur, justifiait la nullité des sanctions irrégulières ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 21, 22 et 24 du règlement intérieur et, partant, l'article 1134 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE " Mademoiselle X... a signé une pétition adressée au Conseil général et à la DDAS de l'Aude sans en informer sa hiérarchie ; qu'elle n'a pas respecté l'obligation de réserve et de loyauté ; que cette initiative a mis la direction du CEFR dans une position délicate vis à vis des organismes de tutelle ; que Mademoiselle X... a participé à la négociation des moyens alloués par le Conseil général ; qu'elle était tenue de respecter les engagements contractuels " ;
2°) ALORS subsidiairement QUE le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de la liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que l'exercice par un salarié de cette liberté ne peut justifier un avertissement que s'il dégénère en abus ; qu'en considérant que la signature d'une pétition à l'intention du Conseil général et à la DDAS portant sur des réclamations relatives aux conditions de travail et d'emploi s'analysait en un manquement de la salariée à son obligation de loyauté et de réserve quand cette adhésion à une demande collective qui ne contenait aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérisait pas un abus dans l'usage, par Mademoiselle X..., de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE " sur le licenciement … l'employeur produit une lettre en date du 12 mars 2007 établie sous forme de pétition à l'en-tête de " l'ensemble du personnel " signée par 20 personnes et faisant état de graves carences en matière de management, de tensions sur le lieu de travail, de l'existence d'un climat de défiance, d'un manque de dialogue, de propos humiliants, de menaces de sanctions, mais également d'agressions verbales à l'encontre de certains personnels ; qu'il est également produit plusieurs attestations confirmant les termes de la lettre susvisée ainsi qu'une lettre reçue par l'employeur le 22 mars 2007 émanant d'une salariée faisant état notamment d'une direction " qui n'a de cesse de brouiller les employés entre eux " ; que l'employeur établit par ailleurs les griefs relatifs d'une part aux courriers adressés à différents médecins traitants intervenant sur la résidence et le ton employé dans ces courriers, d'autre part à l'omission de renouvellement de contrats aidés, enfin à l'acheminement de résidents dans les véhicules du personnel ; que l'ensemble de ces éléments ainsi que la persévérance de ces carences malgré des mises en garde de l'employeur constituent un motif réel et sérieux de licenciement " ;
ALORS QU'en l'état des dispositions du règlement intérieur subordonnant le licenciement disciplinaire d'un salarié, sauf faute grave, à la circonstance qu'il ait auparavant fait l'objet d'au moins deux sanctions disciplinaires, l'annulation de ces sanctions prive son licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure, sur le premier moyen du pourvoi, du chef de l'arrêt attaqué ayant déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif disciplinaire de Mademoiselle X... interviendra comme conséquence indivisible de celle à intervenir du chef la déboutant de ses demandes d'annulation des avertissements des 4 janvier 2005 et 26 novembre 2006.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-14104
Date de la décision : 03/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Obligations du salarié - Obligation de loyauté - Manquement - Défaut - Applications diverses

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Droit d'expression des salariés - Exercice - Abus - Défaut - Applications diverses

Viole l'article L. 1121-1 du code du travail, la cour d'appel, qui retient qu'un salarié n'avait pas observé son obligation de réserve et de loyauté à l'égard de l'employeur, alors que la signature d'une pétition portant sur une demande de personnel supplémentaire, qui ne contient aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérise pas un abus d'expression


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 13 janvier 2010

Sur le n° 1 : Sur le principe selon lequel un avertissement, n'ayant par lui-même aucune incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération d'un salarié, n'a pas à être précédé d'un entretien préalable, en sens contraire :Soc., 20 avril 1989, pourvoi n° 86-43661, Bull. 1989, V, n° 298 (1) (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mai. 2011, pourvoi n°10-14104, Bull. civ. 2011, V, n° 104
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 104

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Cavarroc
Rapporteur ?: M. Chauvet
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.14104
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