LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 411-47 et L. 411-58 du code rural, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 décembre 2009), que M. X... a donné à bail à long terme à M. Y... diverses parcelles de terres ; que Mme Z..., venant aux droits du bailleur décédé, a fait donation à sa fille, Mme A..., de la nue-propriété de ces parcelles puis a renoncé à son usufruit ; que Mme A... a donné congé à M. Y... en vue de la reprise des parcelles par son époux ; que M. Y... a assigné en annulation de ce congé ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la réunion sur la tête de Mme A... de la qualité de nue-propriétaire et d'usufruitière n'avait pas fait l'objet d'une publication, que l'acte la constatant restait inopposable à M. Y... qui détenait des droits concurrents sur l'immeuble et qu'en conséquence seule l'usufruitière pouvait délivrer congé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le défaut de publication d'un acte portant ou constatant la mutation ou la constitution de droits réels immobiliers est sans effet sur la validité du congé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme A... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour Mme A...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le congé délivré par Mme A... à M. Y... relatif aux parcelles ZK 28 et ZK 22 situées à Catillon sur Sambre ;
AUX MOTIFS QUE les parties sont d'accord pour admettre que M. Y... bénéficie d'un droit soumis à publicité foncière, s'agissant d'un bail de longue durée, prévue par l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 ; en application de l'article 30 du même texte, les actes et décisions judiciaires soumis à publicité en application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposable aux tiers qui, sur le même immeuble ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même publicité et publiés ; or, M. Y... et Mme A... tirent bien leurs droits du même auteur, puisque le bail de longue durée a été consenti à M. Y... par l'auteur de Marie-Louise Z...et que Mme A... tire directement ses droits de celle-ci ; les droits de bail et de propriété portent bien sur le même immeuble ; tant le bail de longue durée que la renonciation de Marie-Louise Z...à son usufruit font partie des droits énumérés à l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 comme devant être obligatoirement publiés ; M. Y... bénéficie d'une publication antérieure à celle du droit de propriété de Mme A... ; enfin la condition supplémentaire d'absence de fraude posée par la jurisprudence est remplie ; dans ces conditions, tant que la réunion sur la tête de Mme A... de la qualité de nue-propriétaire et d'usufruitière n'avait pas fait l'objet d'une publication, soit jusqu'au 7 juillet 2004, l'acte la constatant restait inopposable à M. Y... qui détenait des droits concurrents sur l'immeuble depuis la publication du bail à la conservation des hypothèques de Cambrai le 28 janvier 1988 ; dès lors, le congé délivré le 28 ami 2004 au locataire par Mme A..., alors que seule l'usufruitière pouvait délivrer un tel congé, est irrégulier et doit être annulé ;
ALORS QUE le propriétaire et le locataire, fût-ce pour une durée de douze ans, n'ont pas des droits concurrents sur le même immeuble ; qu'il n'était donc pas nécessaire que le droit de propriété de Mme A... soit publié pour être opposable à M. Y..., locataire ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955.