LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Zvezdan X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 13 novembre 2009, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroqueries en bande organisée et association de malfaiteurs aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant une mesure conservatoire ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information suivie contre M. X... des chefs susvisés, le juge des libertés et de la détention, statuant sur requête du procureur de la République, a, en application de l'article 706-103 du code de procédure pénale, ordonné le nantissement de cinquante parts sociales d'une société civile immobilière dont le mis en examen est propriétaire ; que ce dernier a interjeté appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 9, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591, 593 et 706-103 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit non critiquable l'ordonnance entreprise par laquelle le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article 706-103 du code de procédure pénale, a ordonné le nantissement des cinquante parts sociales détenues par M. X... dans la SCI Californie ;
"alors que l'article 706-103 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution au regard des articles 2, 9, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'aux principes du droit à une procédure juste et équitable, d'égalité devant la loi, ainsi qu'au principe de la présomption d'innocence et au principe des droits de la défense en ce qu'il autorise, en cas d'information ouverte pour l'une des infractions prévues aux articles 706-73 et 706-74, la prise de mesures conservatoires sur les biens d'une personne qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration de culpabilité et ce, à l'issue d'une procédure non contradictoire pendant laquelle cette dernière ne peut faire valoir ses droits ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des textes précités qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique" ;
Attendu que, par arrêt du 18 juin 2010, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. X... à l'occasion du présent pourvoi et formulée dans les mêmes termes qu'au moyen ;
Qu'il s'en déduit que le grief est devenu sans objet ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire et des articles 186, 186-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. X... contre une ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article 706-103 du code de procédure pénale ;
"aux motifs qu'en la forme, la loi n'aménage pas un droit d'appel à l'encontre de l'ordonnance prévue à l'article 706-103 du code de procédure pénale ; qu'aucun des textes ou principes cités par M. X... dans son mémoire au soutien de ses prétentions ne fonde le droit d'appel par lui allégué, qu'il reconnaît ne pas être prévu par la loi ; que le droit à un double degré de juridiction en matière pénale n'a été inscrit à l'article 2 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme qu'au bénéfice des personnes déclarées coupables d'une infraction pénale, alors que seule est en cause une décision portant mesure conservatoire ; qu'en cet état l'appel susvisé apparaît irrecevable ;
"alors que l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article 706-103 du code de procédure pénale n'entre pas dans le champ d'application des articles 186 et suivants qui ne visent que les ordonnances rendues dans le cadre du chapitre I du titre III du code de procédure pénale auquel dérogent les dispositions spécifiques des articles 706-74 et suivants du code de procédure pénale ; que, dès lors que l'appel n'est pas expressément exclu, il est en application du principe général du double degré de juridiction recevable de la part de toute personne à laquelle l'ordonnance fait grief ; qu'ainsi, en déclarant irrecevable l'appel interjeté par M. X... contre une ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article 706-103 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le principe du double degré de juridiction et l'article préliminaire du même code" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 591, 593, 706-74 et 706-103 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article 706-103 du code de procédure pénale n'était pas critiquable ;
"aux motifs que, quant au fond, en application de l'article 706-103 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention a le pouvoir d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens meubles ou immeubles de la personne mise en examen afin de garantir le paiement des amendes encourues pour l'une des infractions, objet de sa saisine, visées aux articles 706-73 et 706-74 dudit code ainsi que l'indemnisation des victimes et l'exécution de la confiscation ; que sur le fondement de ces dispositions, le juge des libertés et de la détention a pu valablement ordonner la mesure conservatoire litigieuse sur les parts sociales en cause, dont M. X... ne conteste pas avoir la propriété ; que, contrairement à ce que soutient M. X... dans son mémoire, la mesure conservatoire ordonnée dans les conditions ci-dessus reprises de l'ordonnance contestée n'apparaît, à raison de son caractère transitoire, ni contraire aux dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou à celles de l'article 1er du Protocole additionnel invoqués, ni disproportionnée, au sens de l'article préliminaire du code de procédure pénale, au regard de la gravité des infractions à lui reprochés et du montant corrélatif des amendes encourues ; qu'en conséquence, n'apparaissent critiquables ni la légalité, ni l'opportunité de l'ordonnance susvisée ;
"et aux motifs adoptés de l'ordonnance entreprise que M. X... a été mis en examen du chef d'escroquerie en bande organisée, et encourt notamment les peines suivantes : 1 000 000 euros d'amende et la confiscation de tout ou partie de ses biens qu'elle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; que M. X... apparaît propriétaire de cinquante parts sociales de la SCI Californie, société civile immobilière au capital de 100 euros, détenant un bien immobilier sis ... ;
"1°) alors qu'en cas d'information ouverte pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-74 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention ne peut ordonner une mesure conservatoire sur les biens de la personne mise en examen qu'après s'être assuré de l'existence d'éléments de gravité suffisants pour justifier l'application de mesures dérogatoires ; qu'en l'espèce, M. X... n'a été mis en examen que pour deux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-74, escroquerie en bande organisée et association de malfaiteurs ; qu'ainsi, en autorisant une inscription provisoire de nantissements sur des parts sociales détenues par M. X..., sans avoir constaté l'existence d'éléments de particulière gravité, justifiant cette mesure attentatoire au droit de propriété avant toute condamnation, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
"2°) alors qu' en vertu des articles 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, une ingérence dans le droit de propriété n'est justifiée qu'à condition qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que, par suite, le juge des libertés et de la détention doit s'assurer, avant d'ordonner une mesure conservatoire dans le cadre de l'article 706-103 du code de procédure pénale, que ladite mesure n'est pas excessive au regard des objectifs qu'elle vise à atteindre ; qu'en l'espèce, au moyen soulevé par M. X... tiré du caractère disproportionné du nantissement ordonné, l'arrêt attaqué s'est contenté de répondre que tel n'était pas le cas en raison de la nature transitoire de la mesure ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs abstraits et impropres à caractériser la proportionnalité de l'atteinte au droit de propriété de M. X..., présumé innocent, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"3°) alors que ni l'arrêt attaqué, ni l'ordonnance de première instance ne comporte aucune indication sur les ressources, le patrimoine de M. X... et ne précise pas la valeur des parts sociales faisant l'objet de la mesure conservatoire ; qu'il est dès lors impossible à la Cour de cassation de s'assurer que ladite mesure est justifiée, proportionnée et raisonnable ; que l'arrêt attaqué est en conséquence privé de motif et de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que, par des motifs suffisants et exempts de contradiction, les juges du second degré ont exactement retenu que la mesure de nantissement prise à titre conservatoire sur les parts sociales dont le mis en examen est propriétaire n'était disproportionnée ni au regard de la gravité des infractions reprochées ni au regard des amendes encourues ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;