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08/12/2010 | FRANCE | N°10-87818

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 décembre 2010, 10-87818


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Adam X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 3 novembre 2010, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires de Pologne, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., ressortissant polonais, a été placé en rétention judiciaire le 29 septembre 2010 de 18 heures 25 à 19 he

ures, en vue de la mise à exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 27 juillet 201...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Adam X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 3 novembre 2010, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires de Pologne, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., ressortissant polonais, a été placé en rétention judiciaire le 29 septembre 2010 de 18 heures 25 à 19 heures, en vue de la mise à exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 27 juillet 2010 par les autorités judiciaires polonaises dans le cadre d'une procédure suivie contre lui des chefs de vol aggravé en récidive, rébellion, outrage et violences aggravées ; qu'il a comparu le 30 septembre 2010 à 15 heures 05 devant le procureur général, qui a procédé aux formalités prévues par l'article 695-27 du code de procédure pénale ; que, devant la chambre de l'instruction, M. X... a refusé de consentir à sa remise ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code pénal, des articles 695-26, 695-27, 803-2, 803-3, 593 du code de procédure pénale, 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise de M. X... à l'autorité judiciaire polonaise, pour l'exécution du mandat d'arrêt européen émis par cette autorité le 27 juillet 2010 à l'encontre de l'intéressé ;
" aux motifs que M. X... a été placé en rétention judiciaire le 29 septembre 2010 à 18h55 et a comparu devant le procureur général de Paris le 30 septembre 2010 à 15h05, soit moins de 24h après son appréhension en vertu dudit mandat d'arrêt européen ; que le délai de 48 h de l'article 695-27 du code de procédure pénale a été respecté ; que les dispositions des articles 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale sont inapplicables à la procédure d'exécution d'un mandat d'arrêt européen, que leur prétendue violation ne peut donc entacher de nullité l'exécution dudit mandat ; qu'au demeurant, M. X... ayant vu sa rétention judiciaire être levée le 29 septembre 2010 à 18 heures 55 il a comparu devant le procureur général de Paris le 30 septembre 2010 à 15 heures 05 soit dans le délai de 20 heures ayant suivi la levée de la rétention judiciaire ; que le délai de 20 heures entre cette levée et sa comparution devant le procureur général correspond au délai de transfèrement entre le commissariat de police du 9ème arrondissement à Paris et sa présentation audit procureur général après passage par le dépôt de nuit de Paris ; qu'il n'a donc pas été détenu sans titre régulier de détention ;
" 1°) alors que le délai écoulé entre la fin de la rétention judiciaire (29 septembre 2010 à 18 heures 55) et la comparution de M. X... devant le procureur général (30 septembre 2010 à 15 heures 05) est supérieure à 20 heures ; qu'en affirmant que ce délai était inférieur à 20 heures, la chambre de l'instruction a statué par contradiction de motifs et a dénaturé les pièces de la procédure ;
" 2°) alors que les dispositions générales de l'article 803-3 du code de procédure pénale, auxquelles ne déroge aucune des dispositions spéciales relatives à la procédure applicable en cas de mandat d'arrêt européen, commandent que le défèrement devant un magistrat, quels qu'en soient le motif et le cadre, après la fin de la mesure coercitive exercée contre une personne, fût-ce dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen, ait lieu moins de 20 heures après la fin de cette coercition ; qu'en refusant d'annuler la procédure, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
" 3°) alors qu'à supposer que l'article 803-3 du code de procédure pénale ne s'applique pas, alors aucun texte n'autorise le maintien d'une personne, faisant l'objet d'une rétention judiciaire en vue de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, à être maintenu à la disposition des autorités de police après la fin dûment notifiée de cette rétention judiciaire, et avant son défèrement au parquet ; qu'ainsi, M. X... était retenu sans droit ni titre au moment de son défèrement ; que la chambre de l'instruction a encore violé les textes et principes susvisés " ;
Attendu que, pour dire la procédure d'exécution du mandat d'arrêt européen régulière, l'arrêt prononce par les motifs partiellement reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, la cour d'appel n'a pas méconnu le sens et la portée des textes et du principe susvisés, dès lors que la procédure d'exécution d'un mandat d'arrêt européen est régie par les seules dispositions de l'article 695-27 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code pénal, des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise de M. X... à l'autorité judiciaire polonaise, pour l'exécution du mandat d'arrêt européen émis par cette autorité le 27 juillet 2010 à l'encontre de l'intéressé ;
" aux motifs qu'il ne résulte d'aucune disposition du code de procédure pénale que le président de la chambre de l'instruction dispose du pouvoir de désigner un interprète, au titre de l'aide juridictionnelle, devant permettre à l'avocat commis au même titre, de s'entretenir à la maison d'arrêt avec la personne concernée en vue de préparer la défense de cette dernière en prévision de l'audience de fond, faute pour ledit avocat de parler et de comprendre la langue de ladite personne ; qu'une telle désignation entre manifestement dans les attributions du ministère public ; que M. X... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'exécution du mandat d'arrêt européen dont il fait l'objet contrevient aux stipulations des paragraphes 3 c et 3 e de l'article 6 de la Convention européenne au motif que, alors que son conseil en avait fait la demande par lettre faxée le 25 octobre 2010 au président de la chambre de l'instruction, il n'a pas été en mesure de s'entretenir à la maison d'arrêt préalablement à l'audience de fond avec son conseil par le truchement d'un interprète en langue polonaise qui aurait été rémunéré au titre de l'aide juridictionnelle ;
" 1°) alors que toute personne poursuivie devant une juridiction pénale, à quelque titre que ce soit, et notamment en vue de l'exécution d'une mesure de remise à un Etat étranger, dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen, a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir, dans une langue qu'il comprend, avec l'avocat commis pour préparer sa défense, et ceci dans un temps compatible avec la procédure écrite applicable devant la chambre de l'instruction ; qu'il incombe donc à l'autorité judiciaire, qu'elle soit de poursuite ou de jugement, de faire désigner, lorsque la personne étrangère faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen le demande, par l'intermédiaire de son avocat commis d'office au titre de l'aide juridictionnelle, un interprète pour s'entretenir avec ce dernier dans une langue qu'il comprend, dans un délai lui permettant d'établir un mémoire écrit la veille de l'audience ; que la chambre de l'instruction a violé les droits de la défense et les textes susvisés " ;
Vu les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que toute personne recherchée aux fins d'exécution d'un mandat d'arrêt européen et bénéficiant de l'aide juridictionnelle, a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir, dans une langue qu'elle comprend, avec l'avocat commis afin de préparer sa défense ;
Attendu que, pour dire la procédure suivie devant la chambre de l'instruction régulière, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la personne recherchée n'avait pas disposé des facilités nécessaires à la préparation de sa défense devant la chambre de l'instruction, ladite chambre a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 novembre 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : Mme Chanet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Leprieur conseiller rapporteur, Mme Ponroy, MM. Corneloup, Pometan, Foulquié, Moignard, Castel conseillers de la chambre, Mme Lazerges, M. Laurent conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87818
Date de la décision : 08/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Chambre de l'instruction - Droits de la défense - Avocat ne parlant ni ne comprenant la langue de son client - Droit pour le prévenu de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir avec l'avocat commis pour préparer sa défense

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Mandat d'arrêt européen - Droits de la défense - Avocat ne parlant ni ne comprenant la langue de son client - Droit pour le prévenu de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir avec l'avocat commis pour préparer sa défense INTERPRETE - Assistance - Nécessité - Cas - Mandat d'arrêt européen - Avocat ne parlant ni ne comprenant la langue de son client - Communication avec l'avocat - Portée

Toute personne recherchée aux fins d'exécution d'un mandat d'arrêt européen et bénéficiant de l'aide juridictionnelle a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir, dans une langue qu'elle comprend, avec l'avocat commis afin de préparer sa défense devant la chambre de l'instruction


Références :

Sur le numéro 1 : articles 695-27, 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 03 novembre 2010

Sur le n° 2 : Sur le droit à l'assistance d'un interprète, à rapprocher :Crim., 25 mai 2005, pourvoi n° 05-81628, Bull. crim. 2005, n° 157 (annulation) ;Crim., 29 juin 2005, pourvoi n° 04-86110, Bull. crim. 2005, n° 199 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 déc. 2010, pourvoi n°10-87818, Bull. crim. criminel 2010, n° 199
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 199

Composition du Tribunal
Président : Mme Chanet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Cordier
Rapporteur ?: Mme Leprieur
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.87818
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