AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Shiyou,
contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 22 février 2005, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de proxénétisme aggravé et infraction à la législation sur les étrangers, a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de sa requête en désignation d'un interprète ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 25 mars 2005, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6.3 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, des articles 81, 82-1, 116, 145-3, 186-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble la loi du 10 juillet 1991, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris de la requête de Shiyou X... tendant à la saisine directe de la chambre de l'instruction à la suite du silence gardé par le juge d'instruction après une demande de désignation d'un interprète ;
"aux motifs que, "par requête du 23 décembre 2004, l'avocat de Shiyou X... a formulé une demande "d'assistance et désignation d'un interprète au cours de l'information" auprès de Mme Tacheau, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Bobigny saisi de l'information ; que, par requête en date du 31 janvier 2005, l'avocat de Shiyou X... a saisi le président de la chambre de l'instruction aux motifs que le juge d'instruction n'a pas statué sur sa demande dans le délai d'un mois fixé par le dernier alinéa de l'article 81 du Code de procédure pénale ; que cette demande n'entre pas dans les actes, au vu de l'article 82-1 du Code de procédure pénale, qu'il est possible aux parties de solliciter ; qu'il n'y a lieu à saisine de la chambre de l'instruction" (page 1) ;
"alors que le droit de communication de la personne mise en examen avec son conseil commis d'office implique le droit, pour celle-là, lorsqu'elle ne comprend pas le français, de solliciter la désignation d'office d'un interprète ; que cette mesure entre dans la catégorie de celles qui peuvent être demandées en cours d'instruction par les parties, en application de l'article 82-1 du Code de procédure pénale ; de sorte que méconnaît ses pouvoirs, en violation des textes susvisés, le président de la chambre de l'instruction qui refuse de saisir ladite chambre à la suite du défaut de réponse du juge d'instruction à une demande de désignation d'un interprète formulée par un ressortissant chinois ne parlant pas le français, pour pouvoir communiquer avec son avocat commis d'office qui ne parle pas le chinois" ;
Vu les articles 81, 82-1 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la demande d'une personne poursuivie, bénéficiant de l'aide juridictionnelle et qui sollicite la désignation d'un interprète chargé de l'assister dans ses entretiens avec son avocat ainsi que la prise en charge par l'Etat des frais en résultant, ne saurait être déclarée irrecevable ; qu'elle entre dans la catégorie des mesures qui peuvent, en application de l'article 82-1 du Code susvisé, être demandées par la personne mise en examen au cours de l'information ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Shiyou X..., ressortissant chinois, qui a été mis en examen, a obtenu la désignation d'un avocat commis d'office ; que, par requête du 23 décembre 2004, il a demandé la désignation d'un interprète pour l'assister au cours de l'information ; que, le juge d'instruction n'ayant pas statué sur cette demande dans le délai d'un mois, Shiyou X... a saisi directement, en application de l'article 81, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, le président de la chambre de l'instruction ;
Que, par l'ordonnance attaquée, ce dernier a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé et a excédé ses pouvoirs ;
D'où il suit que l'annulation est encourue ;
Par ces motifs,
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 22 février 2005 ;
Et attendu que la chambre de l'instruction de cette cour d'appel est saisie de la requête présentée par Shiyou X... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;