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29/06/2005 | FRANCE | N°04-86110

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 juin 2005, 04-86110


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michiel,

contre l'arrêt de cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2004, qui, pour infractio

ns à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à 8 ans d'emprisonnement et a p...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michiel,

contre l'arrêt de cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2004, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à 8 ans d'emprisonnement et a prononcé l'interdiction définitive du territoire français ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré rejeter l'exception fondée sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, prise de ce que l'avocat désigné d'office du prévenu ne parlant pas la langue française, n'avait pu s'entretenir avec lui pour préparer sa défense en l'état du refus de désignation d'un interprète à cette fin, et, retenant la culpabilité du prévenu, a confirmé le jugement entrepris ;

"aux motifs que la Cour ne peut que constater que l'avocat du demandeur avait effectivement sollicité du ministère public que lui soit adjoint un interprète, faute par cet avocat de parler et comprendre la langue néerlandaise, demande rejetée suivant courriers des 6 et 14 avril 2004 au motif que les règles de l'aide juridictionnelle ne permettent pas la prise en charge des frais d'interprète tandis qu'aucun avocat du barreau local ne parle la langue du prévenu ; que toutefois, Michiel X... a été entendu à l'audience de la Cour, comme en première instance, par le truchement d'un interprète assermenté ; que l'audience avait une première fois été renvoyée à quasiment trois mois à cette fin ; que des démarches auprès de l'autorité consulaire n'ont pas abouti ; que figure au dossier une lettre signée du prévenu, rédigée par un codétenu, en français, demandant le renvoi du dossier, dès avant la première audience devant la Cour, laissant à penser que Michiel X..., qui se plaint davantage de la brièveté de ses entretiens avec son avocat que de la barrière de la langue entre eux, avait la possibilité de communiquer avec autrui en français, même avec un intermédiaire ; que du temps et des facilités ont ainsi été laissés au prévenu pour assurer sa défense, sans que les dispositions du Code de procédure pénale ne permettent ni n'exigent la désignation d'un interprète pour s'entretenir avec son avocat, en dehors de l'audience ou à l'immédiate approche de celle-ci ;

"alors que, la Convention européenne des droits de l'homme doit s'interpréter de façon à garantir des droits concrets et effectifs et non théoriques et illusoires ; que l'article 6-3-e) de ladite Convention, selon lequel l'accusé a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience, ne saurait être interprété en ce sens qu'il restreindrait l'assistance de l'interprète à la seule audience, alors même que l'avocat désigné par la cour d'appel ne parle pas la langue de l'accusé et a expressément sollicité, avant l'audience, la désignation d'un interprète pour pouvoir communiquer avec l'accusé et préparer sa défense ; qu'une telle interprétation ne correspond pas au but et à l'objectif de l'article 6 qui est le droit à un procès équitable, lequel inclut le principe de l'égalité des armes ;

qu'en adoptant néanmoins cette interprétation par une motivation au demeurant dubitative et fondée sur une connaissance supposée de la langue française par le prévenu, contraire aux constatations objectives de la procédure, la cour d'appel a violé le texte précité" ;

Vu l'article 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, tout prévenu a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir, dans une langue qu'il comprend, avec l'avocat commis pour préparer sa défense ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité prise de ce que, ne parlant ni ne comprenant la langue de son client, de nationalité néerlandaise, l'avocat de Michiel X... n'a pu s'entretenir avec lui avant l'audience, faute d'avoir obtenu que lui soit adjoint un interprète, l'arrêt attaqué énonce notamment que les dispositions du Code de procédure pénale ne permettent ni n'exigent la désignation d'un interprète en dehors de l'audience ou à l'immédiate approche de celle-ci ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le prévenu n'a pas été mis en mesure de préparer utilement sa défense, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 30 septembre 2004, et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Salmeron, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-86110
Date de la décision : 29/06/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.3 b. - Juridictions correctionnelles - Droits de la défense - Avocat ne parlant ni ne comprenant la langue de son client - Droit pour le prévenu de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir avec l'avocat commis pour préparer sa défense.

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Droits de la défense - Avocat ne parlant ni ne comprenant la langue de son client - Droit pour le prévenu de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir avec l'avocat commis pour préparer sa défense

INTERPRETE - Assistance - Nécessité - Cas

Il résulte de l'article 6.3 de la Convention européenne des droits de l'homme que tout prévenu a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète pour s'entretenir, dans une langue qu'il comprend, avec l'avocat commis pour préparer sa défense.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.3

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 30 septembre 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 2005-05-25, Bulletin criminel 2005, n° 157, p. 563 (annulation sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jui. 2005, pourvoi n°04-86110, Bull. crim. criminel 2005 N° 199 p. 695
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 199 p. 695

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: Mme Nocquet.
Avocat(s) : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.86110
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