La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/09/2010 | FRANCE | N°09-87624

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 septembre 2010, 09-87624


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gérard, - Y... Monique, épouse X..., parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 30 juin 2009, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée du chef de harcèlement moral, a déclaré irrecevable leur appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire déposé par

la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Jean-Pierre Gal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gérard, - Y... Monique, épouse X..., parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 30 juin 2009, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée du chef de harcèlement moral, a déclaré irrecevable leur appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire déposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Jean-Pierre Galan :
Attendu que, n'étant pas partie à la procédure, le témoin assisté ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ;
Que, dès lors, le mémoire produit par celui-ci est irrecevable ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 731 du code civil, 1er, 2, 3, 85, 86, 87, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'appel interjeté par les époux X... contre l'ordonnance de non-lieu irrecevable, après avoir jugé que leur plainte avec constitution de partie civile, tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de leur fils décédé, était irrecevable ;
"aux motifs que, dans la nuit du 27 au 28 février 2003, Jean-Michel X... donnait la mort à sa femme Fatima A... et à leurs deux enfants mineurs Charles et Amandine, au moyen de plusieurs coups de couteau ; qu'il tentait aussitôt de se suicider à l'aide de ce même couteau mais n'y parvenait pas ; qu'hospitalisé en début de matinée, il quittait l'hôpital le 4 mars 2003 et était incarcéré ; que, le 12 mars 2003, il se donnait la mort par pendaison ; que, le 4 mai 2004, Gérard X... et Monique Y..., son épouse, père et mère du défunt se constituaient par courrier, tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de leur fils Jean-Michel X..., partie civile, devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Béziers contre personne non dénommée du chef de harcèlement moral ; que les faits sus dénoncés déclenchaient, le 27 juin 2005, l'ouverture d'une information contre X du chef de harcèlement moral dans le cadre des relations de travail ; qu'il est constant, à l'examen des pièces de la procédure qu'avant son décès, survenu dans la nuit du 27 au 28 février 2003 dans des conditions dramatiques sus développées, Jean-Michel X... ne s'était pas constitué partie civile devant une juridiction d'instruction ou du fond ; que le ministère public n'avait de même pas initié avant que les parents du défunt ne déposent tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers, une plainte avec constitution de partie civile du chef de harcèlement moral entre les mains du doyen des juges d'instruction de Béziers ; que, sauf exceptions légales, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l'action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l'infraction dénoncée ; qu'ainsi, en l'espèce, l'action publique n'ayant été mise en mouvement du vivant de la victime, ni par celle-ci, ni par le ministère public, seule la voie civile était ouverte à Gérard X... et à Monique Y... son épouse, ayants droit de ladite victime pour exercer le droit à réparation reçu en leur qualité d'héritiers ; qu'il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, que l'action civile devant les juridictions pénales n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que si la cour ne peut que comprendre et s'incliner devant la douleur des parents générée par le décès de leur fils, dans des conditions aussi dramatiques, il n'en apparaît pas moins, au vu des pièces versées au dossier, que le suicide de Jean-Michel X... après qu'il ait ôté la vie à son épouse et à ses deux enfants, n'est pas la conséquence directe de l'infraction de harcèlement moral dénoncée par ces derniers ; que pas davantage et alors même qu'il est au demeurant constant que, lors des faits allégués, les consorts X... ne cohabitaient pas avec leur fils majeur au foyer familial de ce dernier, il n'est pas justifié par ceux-ci d'un préjudice directement causé par l'infraction, objet de la poursuite, dont ils auraient personnellement souffert et qui aurait tenu au spectacle permanent de l'état psychique de leur fils ; qu'il s'ensuit que les demandeurs n'avaient pas qualité à déposer plainte avec constitution de partie civile dont s'agit, bien que l'irrecevabilité de ladite plainte soit sans effet sur la validité de l'action publique déclenchée par le ministère public ; que, dans ces conditions, et pour ces mêmes motifs de défaut de qualité à agir, l'appel contre la décision de non-lieu à suivre critiquée, s'il est régulier en la forme, doit être déclaré irrecevable ;
"1) alors que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers ; que, par ailleurs, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public et que la victime n'a pas renoncé à l'action civile, ses ayants droit sont recevables à agir devant la juridiction saisie ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Michel X... a donné la mort à sa femme et à leurs deux enfants, au moyen de plusieurs coups de couteau et a tenté de se suicider, sans y parvenir, une première fois, pour finir par se donner la mort par pendaison au cours de son incarcération le 12 mars 2003 ; que, le 4 mai 2004, Gérard X... et Monique Y... son épouse, parents de Jean-Michel X..., ont porté plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Béziers ; que, le 27 janvier 2005, une information judiciaire était ouverte contre X pour harcèlement moral dans le cadre des relations de travail, dont la victime aurait été Jean-Michel X... ; que, le 26 janvier 2009, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non-lieu à suivre dans cette affaire dont les époux X... ont relevé appel ; que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable l'action civile exercée par les époux X..., en leur qualité d'ayants droit, aux motifs que seul leur fils aurait pu mettre en mouvement l'action publique ; qu'en statuant ainsi, alors que les réquisitions initiales aux fins d'informer du procureur de la République avaient mis en mouvement l'action publique, peu important qu'elles aient suivi la plainte déposée par les ayants droit de la victime, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et les principes ci-dessus énoncés ;
"2) alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie fassent apparaître comme possible l'existence d'un préjudice en relation directe avec une infraction à la loi pénale ; que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable l'action civile des parents du jeune homme décédé, exercée en leur nom personnel, aux motifs que, ne cohabitant pas avec leur fils majeur au foyer familial de ce dernier, il n'était pas justifié par ceux-ci d'un préjudice directement causé par l'infraction, objet de la poursuite, dont ils auraient personnellement souffert et qui aurait tenu au spectacle permanent de l'état psychique de leur fils ; qu'en prononçant ainsi, alors que les faits dénoncés, à les supposer établis, étaient de nature à causer un préjudice personnel aux plaignants, la chambre d'instruction n'a pas justifié sa décision ;
"3) alors qu'enfin, les juges saisis de l'action civile peuvent, dans l'appréciation du préjudice, tenir compte de tous faits qui s'identifient avec les faits délictueux ou qui, même postérieurs à l'infraction, en sont la conséquence dommageable directe ; que, dès lors, la chambre de l'instruction qui considère que le suicide de Jean-Michel X... après qu'il a ôté la vie à son épouse et à ses deux enfants, n'est pas la conséquence directe de l'infraction de harcèlement moral dénoncée par ces derniers, sans prendre en compte au titre du préjudice invoqué par les parents du jeune homme l'ensemble du drame de la nuit du 27-28 février 2003, alors que ce suicide et les meurtres de sa femme et de ses enfants faisaient suite au harcèlement moral, ce qui rendait possible le lien de causalité entre ces faits et l'infraction en cause, a méconnu les articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale" ;
Vu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale ;
Attendu que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé par sa faute ;
Attendu, par ailleurs, que lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public et que la victime n'a pas renoncé à l'action civile, ses ayants droit sont recevables à agir devant la juridiction saisie ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'après avoir donné la mort, le 28 février 2003, à son épouse et à ses deux enfants, Jean-Michel X... s'est suicidé, le 12 mars 2003, dans l'établissement pénitentiaire où il avait été placé en détention provisoire ; que, le 4 mai 2004, son père et sa mère, demandeurs au pourvoi, ont porté plainte avec constitution de partie civile, contre personne non dénommée, du chef de harcèlement moral, en soutenant que les altérations de santé qui l'avaient conduit à commettre ces actes avaient été provoquées par les atteintes multiples à ses droits et à sa dignité dont il avait été victime de la part du personnel d'encadrement de la ville de Béziers dans l'exercice de ses fonctions d'agent d'entretien ; que, le 27 juin 2005, le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information du chef de harcèlement moral ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu frappée d'appel par les seules parties civiles ;
Attend que, pour déclarer cet appel irrecevable, l'arrêt retient que ni Jean-Michel X... ni le ministère public n'ayant mis en mouvement l'action publique antérieurement au dépôt de la plainte des époux X..., seule la voie civile est ouverte à ceux-ci pour exercer le droit à réparation reçu en leur qualité d'héritiers ; que la chambre de l'instruction ajoute que les époux X... ne justifient pas avoir souffert personnellement d'un préjudice direct consécutif à l'infraction dénoncée ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les réquisitions initiales aux fins d'informer du procureur de la République avaient mis en mouvement l'action publique, peu important qu'elles aient suivi la plainte déposée par les ayants droit de la victime, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes énoncés ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier en date du 30 juin 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-87624
Date de la décision : 01/09/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Constitution des ayants droit de la victime - Recevabilité - Conditions - Action publique mise en mouvement par le ministère public

ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Constitution à l'instruction - Recevabilité - Conditions - Héritier de la victime - Action publique mise en mouvement par le ministère public

Lorsque le ministère public a mis en mouvement l'action publique, et que la victime n'avait pas renoncé à l'action civile, le droit à réparation des préjudices subis par celle-ci est transmis à ses héritiers qui sont recevables à l'exercer devant la juridiction saisie, peu important que leur auteur n'ait pas introduit d'action à cette fin avant son décès. Encourt dès lors la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, dans l'information ouverte, du chef de harcèlement moral, sur la plainte avec constitution de partie civile des ayants droit d'une personne qui s'est donnée la mort, déclare irrecevable leur appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, au motif qu'ils ne justifient pas d'un préjudice personnel et que ni le ministère public, ni la victime de l'infraction reprochée n'ont mis en mouvement l'action publique du vivant de cette dernière


Références :

articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, 30 juin 2009

Sur les conditions de recevabilité d'une constitution de partie civile lorsque la victime directe est décédée, à rapprocher :Crim., 27 avril 2004, pourvoi n° 03-87065, Bull. crim. 2004, n° 96 (rejet) ;Ass. Plén., 9 mai 2008, pourvoi n° 05-87379, Bull. crim. 2008, Ass. plén., n° 1 (cassation partielle) ;Ass. Plén., 9 mai 2008, pourvoi n° 06-85751, Bull. crim. 2008, Ass. plén., n° 1 (rejet) ;Crim., 20 mai 2008, pourvoi n° 06-88261, Bull. crim. 2008, n° 123 (rejet) ;Crim., 10 novembre 2009, pourvoi n° 09-82028, Bull. crim. 2009, n° 185 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 sep. 2010, pourvoi n°09-87624, Bull. crim. criminel 2010, n° 126
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 126

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Badie
Rapporteur ?: Mme Palisse
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.87624
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award