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08/07/2010 | FRANCE | N°09-16585

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 juillet 2010, 09-16585


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Versailles, 1er juillet 2009), rendue par un premier président en matière de taxe, que dans un litige ayant opposé le Fonds de garantie des dépôts (le FGD) aux anciens dirigeants d'une banque, la cour d'appel de Versailles, par un arrêt rendu le 29 mai 2008, cassé par un arrêt du 30 mars 2010, a débouté le FGD de toutes ses demandes et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ; que le FGD a contesté l'état de frais d

e la SCP d'avoués Jupin et Algrin (l'avoué), qui l'avait représenté devant ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Versailles, 1er juillet 2009), rendue par un premier président en matière de taxe, que dans un litige ayant opposé le Fonds de garantie des dépôts (le FGD) aux anciens dirigeants d'une banque, la cour d'appel de Versailles, par un arrêt rendu le 29 mai 2008, cassé par un arrêt du 30 mars 2010, a débouté le FGD de toutes ses demandes et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ; que le FGD a contesté l'état de frais de la SCP d'avoués Jupin et Algrin (l'avoué), qui l'avait représenté devant la cour d'appel ;
Attendu que le FGD fait grief à l'ordonnance de rejeter sa contestation et de taxer l'état de frais de l'avoué à la somme de 121 148,71 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en tenant pour une simple hypothèse, faute prétendument pour le FGD de l'établir, la rédaction intégrale des écritures soumises à la cour d'appel par ses avocats, cependant que ce fait était reconnu par l'avoué, qui, pour tenter de justifier ses prétentions, se limitait à soutenir que les conclusions avaient été signifiées sous sa responsabilité, l'auteur de l'ordonnance attaquée a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il se déduit du rapprochement des dispositions des articles 12, 17 et 18 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 et des deux tableaux annexés audit décret que les difficultés de procédure ayant pris naissance au cours de l'instance d'appel ne peuvent donner lieu, le cas échéant, qu'à l'application d'un coefficient «de majoration» à l'émolument calculé par application de l'article 13 et ne peuvent servir à caractériser l'importance ou la difficulté de l'affaire au regard desquelles cet émolument doit être préalablement calculé ; qu'en prétendant justifier la détermination de la rémunération de l'avoué par ces difficultés de procédure, abstraction faite de toute considération pour la rédaction des écritures au fond, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 13 du décret susvisé ;
Mais attendu que l'ordonnance retient qu'il est constant que la demande du FGD ayant été rejetée, l'avoué ne peut demander qu'un émolument proportionnel représenté par un multiple de l'unité de base par référence à l'article 13 du décret du 30 juillet 1980 ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire référence au nombre d'heures que l'avoué a pu objectivement passer sur le dossier ; que si le FGD a fait appel à deux avocats pour défendre ses intérêts, il demeure que l'avoué qu'il a constitué a été investi d'un mandat ad litem et avait seul qualité pour le représenter, conclure en son nom et était à ce titre seul responsable des écritures, de leur signification et de tous les actes de procédure ; qu'il résulte des pièces produites que l'avoué justifie de nombreuses démarches et courriers ; que l'affaire soumise à la cour d'appel était particulièrement importante et difficile tant au regard du nombre de questions de droit à résoudre qu'au montant des sommes réclamées par le FGD, plus de 200 millions d'euros avec les intérêts ; que de plus le nombre des intimés et parties intervenantes était particulièrement important, vingt-quatre au total, ce qui a eu pour effet de compliquer la tâche de l'avoué ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis aux débats, et alors que la cassation de l'arrêt qui avait statué sur la charge des dépens, ne prive pas l'avoué de la faculté de recouvrer ses frais et émoluments sur son client en vertu du mandat ad litem dont celui-ci l'a investi, le premier président, qui a ainsi fait ressortir les diligences accomplies personnellement par l'avoué, a pu décider, sans méconnaître les termes du litige, que l'émolument était justifié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Fonds de garantie des dépôts aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Fonds de garantie des dépôts ; le condamne à payer à la SCP Jupin et Algrin la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des dépôts

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

En ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à question préjudicielle devant la cour de justice des communautés européennes ;
Aux motifs qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit à la demande subsidiaire ; qu'il convient de rappeler que les avoués sont des officiers ministériels qui représentent les parties devant la cour auprès de laquelle ils sont établis, nommés par le Garde des Sceaux et admis par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour en fonction d'aptitudes professionnelles déterminées par décret et dépendant de chambres régionales et nationales qui ont des fonctions de contrôle et de discipline ; que ces caractéristiques en font des auxiliaires de justice qui n'ont pas le droit de pratiquer le commerce et qui sont en conséquence exclus du circuit économique soumis à la libre concurrence ; que la Cour de cassation a déjà rappelé (arrêt du 8 septembre 2005, 2ème chambre civile) s'agissant des pratiques anti-concurrentielles et notamment de celles relatives à la fixation des prix que dans une décision du 18 février 1997, le conseil de la concurrence a dit qu'à l'exception de la tarification de la postulation et des actes de procédure régis par les dispositions du nouveau code de procédure civile, les honoraires sont fixés en accord avec le client ; que la loi exclut du champ d'application de l'article L.410-2 du code de commerce la tarification de la postulation et des actes de procédure laquelle est justifiée par la situation de monopole de représentation devant le tribunal de grande instance des avocats dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ; que dans une décision du 23 novembre 2005 le Conseil d'Etat a énoncé le même principe en jugeant que : «que les actes réservés, en application de la loi du 31 décembre 1971, au monopole des avocats, sont exclus du champ d'application du principe, posé à l'alinéa premier de l'article L.410-2 du code de commerce, de libre détermination des prix des biens, produits et services par le jeu de la concurrence ; qu'ainsi, ce principe n'est pas applicable à la postulation devant les tribunaux de grande instance en matière civile, réservée par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 au monopole des avocats ; que, dès lors, rien ne faisait obstacle à ce que le Gouvernement en règlemente la tarification» ; que les actes réservés au monopole des avoués devant la cour d'appel lesquels ont seuls qualité pour représenter une partie et conclure en son nom répondent au même critère que celui dégagé pour la postulation et les actes de procédure devant le tribunal de grande instance ; que s'agissant de l'émolument proportionnel, le montant de l'unité de base à partir duquel il est calculé, est fixé par un décret (dans le dernier état décret du 12 mai 2003) dont la mise en oeuvre se fait sous le contrôle du secrétaire vérificateur de la juridiction et du juge après visa de la chambre des avoués dont dépend l'avoué ayant établi l'état de frais ;
que même si les articles 81 et 82 du Traité CE lus en combinaison avec l'article 10 imposent aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises, le décret du 30 juillet 1980 modifié dans le dernier état par le décret du 12 mai 2003, fixant le tarif des avoués et notamment le calcul du droit proportionnel, est mis en oeuvre sous le contrôle du juge en application de l‘article 704 du code de procédure civile ; que s'il fixe un minimum pour les demandes qui comme en l'espèce donnent lieu à un émolument global supérieur à 2 000 unités de base, il demeure que tant l'avoué que le juge chargé du contrôle doit prendre en considération pour la fixation de ce droit proportionnel l'importance ou la difficulté de l'affaire ce qui répond à des objectifs de protection des consommateurs et à une bonne administration de la justice ; qu'en conséquence il apparaît que ce décret répond aux exigences déjà définies par la cour de justice des communautés européennes dans les arrêts des 19 février 2002 et 5 décembre 2006 et qu'il n'est donc pas utile de poser une question préjudicielle à ladite cour (ordonnance attaquée, p. 5 et 6) ;
Alors qu'en affirmant la compatibilité du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 aux exigences déjà définies par la Cour de justice des communautés européennes par le motif, inopérant, que l'avoué comme le juge chargé du contrôle doivent prendre en considération pour la fixation du droit proportionnel l'importance ou la difficulté de l'affaire ce qui répond à des objectifs de protection des consommateurs et à une bonne administration de la justice, cependant qu'il lui appartenait de rechercher, ainsi qu'il y était invité, si les articles 10, 81 et 82 du Traité CE ne s'opposaient pas à une règlementation, applicable à une profession qui bénéficie d'un numerus clausus et d'un monopole, telle que celle découlant du décret du 30 juillet 1980 en tant qu'elle prévoit non seulement la fixation d'un minimum pour les demandes donnant lieu à un émolument global supérieur à 2 000 unités de base mais encore l'interdiction de déroger aux modalités de fixation de la rémunération de l'avoué, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ces textes.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
En ce que l'ordonnance attaquée a rejeté la contestation du Fonds de garantie des dépôts et a taxé l'état de frais de la Scp Jupin-Algrin à la somme de 121 148,71 euros ;
Aux motifs qu'il est constant que la demande du Fonds ayant été rejetée, l'avoué ne peut demander qu'un émolument proportionnel représenté par un multiple de l'unité de base par référence à l'article 13 du décret du 30 juillet 1980 ; que la demande donnant lieu à un émolument global supérieur à 2 000 unités de base, l'émolument proportionnel est représenté par un multiple de l'unité de base déterminé, eu égard à l'importance ou à la difficulté de l'affaire ; qu'il n'y a donc lieu de faire référence au nombre d'heures que l'avoué a pu objectivement passer sur le dossier ; que si le Fonds a fait appel à deux avocats pour défendre ses intérêts, il demeure que la Scp Jupin et Algrin, avoués par lui constituée, a été investie d'un mandat ad litem, avait seule qualité pour représenter le Fonds et conclure en son nom et était à ce titre seule responsable des écritures, de leur signification et de tous les actes de procédure ; qu'à supposer même que la Scp n'ait pas effectivement rédigé l'intégralité des écritures signifiées au nom du Fonds, ce qui n'est pas établi par le Fonds, il résulte des pièces produites que la Scp justifie de nombreuses démarches auprès du conseiller de la mise en état, des difficultés qu'elle a rencontrées lors de plusieurs incidents devant le conseiller de la mise en état, difficultés dont elle a informé les avocats du Fonds qui lui ont demandé d'agir pour que l'affaire soit jugée sur le fond en dépit de l'opposition des intimées ; que la Scp a dû en particulier faire face à des problèmes de procédure et les courriers communiqués établissent qu'elle les a réglés elle-même ; qu'il résulte des arrêts du 3 mai 2007 et 29 mai 2008 que les parties ont d'abord été entendues sur un incident sur la recevabilité à la suite duquel une ordonnance a été rendue le 12 septembre 2006 par laquelle le conseiller de la mise en état a constaté son incompétence ; que les parties ont à nouveau conclu et que la cour a rendu un premier arrêt le 3 mai 2007 sur les fins de non recevoir et sur les exceptions de procédure ; que suite à cet arrêt, le conseiller de la mise en état a provoqué un incident destiné à organiser une expertise que toutes les parties ont refusé y compris le Fonds ; que par ailleurs certaines parties intimées souhaitant à titre principal voir écarter des débats des rapports de la commission bancaire, cela a donné lieu à un nouvel incident devant le conseiller de la mise en état ; que l'affaire soumise à la cour était particulièrement importante et difficile tant au regard du nombre de questions de droit à résoudre qu'au montant des sommes réclamées par le Fonds, plus de 200 millions d'euros avec les intérêts ; que de plus le nombre des intimés et parties intervenantes était particulièrement important, 24 au total, ce qui a eu pour effet de compliquer la tâche de la Scp qui a dû veiller à ce que l'ensemble des conclusions soit signifié à toutes les parties ayant constitué avoué (8 avoués différents) et assigner les parties défaillantes ; que compte tenu de ces éléments l'émolument proportionnel a justement été fixé à la somme de 91 800 euros H.T. auxquels s'ajoute la somme de 9 180 euros correspondant à l'application du coefficient 0,10 par référence à la décision avant dire droit du 3 mai 2007 ; que la somme réclamée au titre des débours, 179 ,53 euros n'est pas contestée pas plus que celle pour les copies d'actes (ordonnance attaquée, p. 4 et 5) ;
1°/ Alors qu'en tenant pour une simple hypothèse, faute prétendument pour le Fonds de garantie des dépôts de l'établir, la rédaction intégrale des écritures soumises à la cour d'appel par ses avocats, cependant que ce fait était reconnu par la Scp Jupin et Algrin, qui, pour tenter de justifier ses prétentions, se limitait à soutenir que les conclusions avaient été signifiées sous sa responsabilité, l'auteur de l'ordonnance attaquée a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ Et alors qu'il se déduit du rapprochement des dispositions des articles 12, 17 et 18 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 et des deux tableaux annexés audit décret que les difficultés de procédure ayant pris naissance au cours de l'instance d'appel ne peuvent donner lieu, le cas échéant, qu'à l'application d'un coefficient «de majoration» à l'émolument calculé par application de l'article 13 et ne peuvent servir à caractériser l'importance ou la difficulté de l'affaire au regard desquelles cet émolument doit être préalablement calculé ; qu'en prétendant justifier la détermination de la rémunération de la Scp Jupin et Algrin par ces difficultés de procédure, abstraction faite de toute considération pour la rédaction des écritures au fond, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 13 du décret susvisé.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Cassation - Décision cassée - Frais et émoluments dus par une partie à son avoué en exécution de cette décision

AVOUE - Représentation des parties - Mandat légal - Effets - Frais et émoluments dus par le client en exécution d'un arrêt cassé

La cassation de l'arrêt qui a statué sur la charge des dépens ne privant pas l'avoué de sa faculté de recouvrer ses émoluments sur son client en vertu du mandat ad litem dont celui-ci l'avait investi, un premier président de cour d'appel a pu taxer les émoluments dus à l'avoué en exécution de l'arrêt cassé


Références :

article 4 du code de procédure civile

articles 12, 13, 17 et 18 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 01 juillet 2009

Dans le même sens que :2e Civ., 3 mai 1990, pourvoi n° 89-10859, Bull. 1990, II, n° 84 (rejet). A rapprocher :2e Civ., 8 juillet 2010, pourvoi n° 09-14402, Bull. 2010, II, n° 135 (non-lieu à statuer)


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 08 jui. 2010, pourvoi n°09-16585, Bull. civ. 2010, II, n° 137
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, II, n° 137
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Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Maynial (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Aldigé
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 08/07/2010
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09-16585
Numéro NOR : JURITEXT000022458489 ?
Numéro d'affaire : 09-16585
Numéro de décision : 21001446
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2010-07-08;09.16585 ?
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