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23/03/2010 | FRANCE | N°08-83688;09-82385

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2010, 08-83688 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- 1) X... Denis, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 8 avril 2008, qui, statuant sur intérêts civils dans la procédure suivie contre Farid Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces ;
- 2) X... Didier, partie civile,LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS,LA SOCIÉTÉ GMF ASSURANCES, parties intervenantes,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, en date du 3 mars

2009, qui, dans la même procédure, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joigna...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- 1) X... Denis, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 8 avril 2008, qui, statuant sur intérêts civils dans la procédure suivie contre Farid Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces ;
- 2) X... Didier, partie civile,LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS,LA SOCIÉTÉ GMF ASSURANCES, parties intervenantes,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, en date du 3 mars 2009, qui, dans la même procédure, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
1) Sur le pourvoi de Didier X... contre l'arrêt du 8 avril 2008 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 16, 160 du code de procédure civile, 10 592 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Denis X... de sa demande en annulation de l'expertise diligentée par le docteur Z... ;
"aux motifs que les expertises principales et complémentaires diligentées se sont déroulées après convocation régulière par lettre recommandée avec accusé de réception des parties ; que la victime, Denis X..., s'est présentée à chaque examen, accompagnée de son père, sans son conseil et sans son médecin traitant ; qu'il apparaît bien que toutes les parties étaient évidemment averties qu'une réunion de synthèse clôturerait nécessairement les travaux de l'expert principal ; que Denis X... ne peut se prévaloir utilement de sa carence en n'ayant pas informé son conseil ou son médecin de l'avancement des travaux d'expertise ; qu'une réunion de synthèse, sans nouvel examen médical de la victime, ne saurait être considérée comme une réunion d'expertise ; que l'expert n'est pas tenu de convoquer à nouveau les parties et leurs conseils, ni de provoquer leurs dires lorsqu'il lui est seulement demandé de faire la synthèse de tous les examens effectués, et ce d'autant plus qu'il appartenait à la victime d'assurer le suivi de son dossier ;
"1) alors que le respect du caractère contradictoire des opérations d'expertise impose une convocation régulière des parties à toutes les réunions organisées par l'expert ; qu'il est constant que ni Denis X... ni son avocat n'ont été convoqués et n'ont donc pu assister à la réunion de synthèse pourtant essentielle à la détermination du préjudice de la partie civile ; qu'en se contentant de relever, pour refuser d'annuler l'expertise du docteur Z..., que la partie civile avait régulièrement assisté aux réunions précédentes, sans rechercher si Denis X... avait été averti de la date de la réunion de synthèse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2) alors qu'en s'abstenant de surcroît, de rechercher si l'avocat de Denis X..., dont elle avait constaté l'absence aux réunions antérieures, avait été averti par lettre simple de la réunion litigieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3)alors qu'en omettant d'expliquer en quoi l'absence de convocation à une réunion ayant pour objet « la synthèse de tous les examens effectués » n'était pas de nature à faire grief à la victime quand Denis X... soulignait pourtant dans ses écritures (conclusions page 5 antépénultième alinéa) que cette réunion avait une importance primordiale en ce qu'elle avait pour objet de faire la synthèse des différents examens effectués par chacun des experts dans leurs disciplines respectives, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu les articles 10 du code de procédure pénale, 160 du code de procédure civile, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que l'expert commis par une juridiction pénale statuant sur les intérêts civils doit convoquer les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise à leur défenseur d'un simple bulletin ; que ces dispositions, destinées à assurer le principe de la contradiction, sont valables pour toutes les réunions où sont discutés les éléments nécessaires à la solution du litige ; que les opérations d'expertise accomplies en méconnaissance de cette obligation doivent être annulées s'il a été porté atteinte aux intérêts de la partie concernée ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation dont Didier X..., agent de la fonction publique hospitalière, a été victime, et dont Farid Y..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré entièrement responsable, la cour d'appel était saisie de conclusions de la partie civile tendant à l'annulation du rapport d'expertise médicale de son dommage, faute pour les experts commis de l'avoir convoquée, ainsi que son avocat, à la réunion de synthèse à laquelle était présent le médecin-conseil de l'assureur du véhicule du prévenu ;
Attendu que, pour rejeter cette demande d'annulation, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les règles relatives à la convocation des parties prévues par l'article 160 du code de procédure civile doivent être respectées à chacun des stades des travaux d'expertise, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si, comme le soutenait la partie civile, le fait qu'elle n'ait pas été convoquée, ainsi que son avocat, à cette réunion de synthèse lui avait causé un grief, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
2) Sur les autres pourvois :
Attendu que la cassation de l'arrêt du 8 avril 2008 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 3 mars 2009 portant liquidation du préjudice ;
Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard des parties qui ne se sont pas pourvues ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts susvisés de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 avril 2008 et du 3 mars 2009 ;
DIT que les annulations auront effet à l'égard des parties à la procédure qui ne se sont pas pourvues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-83688;09-82385
Date de la décision : 23/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXPERTISE - Caractère contradictoire - Convocation des parties - Nécessité - Cas - Expertise sur intérêts civils

EXPERTISE - Caractère contradictoire - Convocation des parties - Défaut - Sanction - Nullité - Condition

Il résulte des dispositions combinées des articles 10 du code de procédure pénale et 160 du code de procédure civile que l'expert commis par une juridiction pénale statuant sur les intérêts civils doit convoquer les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise à leur défenseur d'un simple bulletin. Ces dispositions, destinées à donner un caractère contradictoire à l'expertise, sont valables pour toutes les phases d'exécution de celle-ci lors desquelles sont fournis et discutés les éléments nécessaires à la solution du litige, leur méconnaissance entraînant la nullité de la mesure d'instruction dès l'instant où il est établi que cette méconnaissance a eu pour effet de faire grief à celle des parties qui l'invoque. En conséquence, ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui a refusé d'annuler le rapport d'expertise déposé à la suite d'une réunion dite de synthèse clôturant les opérations d'expertise, organisée en méconnaissance de ces formalités, sans avoir vérifié s'il n'a pas été porté atteinte aux intérêts de la partie concernée


Références :

articles 10 et 160 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 mars 2009

Sur la nécessité, pour l'expert commis par une juridiction pénale statuant sur les intérêts civils, de convoquer les parties pour toutes les phases d'exécution de l'expertise, dans le même sens que :Crim., 3 mai 1988, pourvoi n° 86-90372, Bull. crim. 1988, n° 190 (cassation partielle). Sur la nécessité de convoquer les parties aux opérations d'expertise, à rapprocher :2e Civ., 24 novembre 1999, pourvoi n° 97-10572, Bull. 1999, II, n° 174 (rejet) ;2e Civ., 12 juin 2003, pourvoi n° 01-13502, Bull. 2003, II, n° 189 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2010, pourvoi n°08-83688;09-82385, Bull. crim. criminel 2010, n° 53
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 53

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Lucazeau
Rapporteur ?: Mme Radenne
Avocat(s) : Me Blanc, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.83688
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