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16/03/2010 | FRANCE | N°08-44094;08-45013

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2010, 08-44094 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 08-44.094 et T 08-45.013 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... a été engagée par la société OGS, aux droits de laquelle vient la société Groupe 4 Falk, le 1er juin 1994, comme directrice adjointe des ressources humaines ; qu'elle exerçait ses fonctions au siège de la société situé à Paris ; qu'elle a été élue conseiller prud'homme employeur le 10 décembre 1997, élection qui a été annulée par un jugement du 14 juin 1999 frappé de po

urvoi rejeté du chef de l'annulation par arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2002...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 08-44.094 et T 08-45.013 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... a été engagée par la société OGS, aux droits de laquelle vient la société Groupe 4 Falk, le 1er juin 1994, comme directrice adjointe des ressources humaines ; qu'elle exerçait ses fonctions au siège de la société situé à Paris ; qu'elle a été élue conseiller prud'homme employeur le 10 décembre 1997, élection qui a été annulée par un jugement du 14 juin 1999 frappé de pourvoi rejeté du chef de l'annulation par arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2002 (n° 99-60.360) ; que l'employeur, qui devait fusionner avec la société Eurogard le 31 décembre 2001, a avisé la salariée de son intention de transférer son lieu de travail à Nanterre par lettre du 1er octobre 2001, en raison de la fermeture de ses bureaux parisiens ; que la salariée ayant fait part de son refus, il lui fut notifié une dispense de venir travailler à Nanterre jusqu'au 5 novembre avec injonction de rejoindre son poste le 9 novembre ; que par lettres des 6, 20 et 28 novembre 2001, la salariée a refusé de nouveau cette mutation tout en alléguant divers griefs contre l'employeur et en l'invitant à saisir l'inspecteur du travail compte tenu de son statut de salarié protégé ; que Mme X... a pris acte de la rupture par lettre du 1er décembre 2001 et a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement des indemnités de rupture du contrat de travail, d'indemnités pour licenciement nul et pour violation du statut protecteur, ainsi qu'en paiement d'indemnités pour harcèlement moral et licenciement vexatoire et abusif ; que par arrêt, rectifié par un second arrêt, la cour d'appel a décidé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul en l'absence d'autorisation administrative ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 2411-22 du code du travail ;

Attendu que pour fixer les indemnités dues à la salariée pour licenciement prononcé sans autorisation administrative, la cour d'appel retient d'abord que les demandes de la salariée en paiement des indemnités de préavis et de licenciement et pour licenciement nul sont bien fondées ; qu'elle énonce ensuite que la demande pour violation du statut protecteur doit être examinée en tenant compte de ce que l'élection de Mme X... comme conseiller prud'homme en 1997 a été annulée par l'effet d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2002, qu'en conséquence la période de protection du mandat s'achevait avec cet arrêt sans période de protection supplémentaire et que la demande doit être ramenée au montant des salaires qu'elle aurait perçus du 1er décembre 2001 au 28 mars 2002 dont à déduire les sommes perçues au titre de l'indemnité de préavis ;

Attendu cependant, d'abord, que selon l'article L. 2411-22 du code du travail, le conseiller prud'homme est protégé pendant une durée de six mois à compter de la cessation de ses fonctions ;

Et attendu, ensuite, qu'en application des articles R. 1441-174 et R. 1441-176 du code du travail le conseiller prud'homme dont l'élection est contestée peut valablement siéger tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur le recours, le pourvoi en cassation étant suspensif ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que si c'est à la date de la notification de l'arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2008 qui a définitivement statué sur le recours que la salariée a cessé ses fonctions, elle avait droit, sans déduction, à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur depuis le jour de son éviction jusqu'à l'expiration du délai de six mois après la date de cette cessation, dans la limite de la protection accordée aux représentants du personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en se bornant à énoncer que la demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral est mal fondée car la salariée ne rapporte aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement durant l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement brusque et vexatoire, la cour d'appel retient que la salariée qui a pris seule l'initiative de la rupture du contrat de travail ne peut faire grief à l'employeur des circonstances de celle-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le fait pour un salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail n'est pas exclusif d'un comportement fautif de l'employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont fixé à 3 102,79 euros l'indemnité pour violation du statut protecteur et en ce qu'ils ont débouté Mme X... de ses demandes en dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement brusque et vexatoire, les arrêts rendus les 28 octobre 2008 et 4 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Group 4 Falck aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Group 4 Falck à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X..., demanderesse aux pourvois n° U 08-44.094 et T 08-45.013

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué du 23 juin 2008 rectifié par l'arrêt du 28 octobre 2008 d'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la Société GROUP 4 FALCK (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 65.381,25 € à titre d'indemnité forfaitaire pour non-respect de la procédure spéciale de licenciement et absence d'autorisation préalable de licenciement et de ne lui AVOIR alloué à ce titre que la somme de 3.102,79 € ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... a été engagée à PARIS par la Société OGS, aux droits de laquelle est venue la Société GROUP 4 SECURICOR dont le siège est à Rouen, le 4 mai 1994, à effet au 1er juin suivant, en qualité d'assistante du directeur des ressources humaines ; qu'en préparation de la fusion absorption des Sociétés OGS et EUROGUARD, elle a été informée le 1er octobre 2001 par son employeur, la Société OGS, d'une intention de transférer son poste à NANTERRE pour le 15 octobre, lieu de déménagement du service ressources humaines, et de la voir prendre de nouvelles responsabilités, avec augmentation de sa rémunération ; que le 9 octobre 2001, elle a refusé cette mutation ; que par lettre du 31 octobre 2001, la direction lui a notifié une dispense de travailler à PARIS, la fermeture définitive des services sis à PARIS à la fin novembre et l'injonction de rejoindre NANTERRE le 9 novembre ; que Madame X... a maintenu son refus par lettre du 6 novembre, refusant de se présenter à NANTERRE le 9 novembre suivant et rappelant l'obligation de solliciter une autorisation administrative de licenciement ; qu'elle a, après plusieurs autres refus, pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 1er décembre 2001 ; que tandis qu'elle saisissait le Conseil de prud'hommes le 7 décembre 2001 aux fins d'obtenir le paiement des indemnités de rupture et de divers dommages-intérêts, l'employeur lui a fait part de son refus d'accepter la prise d'acte de rupture et l'a de nouveau invitée à se présenter à NANTERRE, puis a engagé une procédure de licenciement le 25 janvier 2002, qu'il a suspendue puis reprise, au motif d'une faute grave (refus de rejoindre le poste) le 4 février 2003, par l'envoi d'une convocation à entretien préalable ; que compte tenu du statut de salariée protégée, une autorisation de l'inspecteur du travail a été demandée, mais refusée le 20 mai 2003, décision frappée d'un recours rejeté par le ministre compétent, puis contestée devant le Tribunal administratif, requête toutefois ensuite retirée ; que la procédure devant le Conseil de prud'hommes a été d'autant prolongée ; que par ailleurs, Madame X..., qui avait été élue conseiller prud'homme au Conseil de prud'hommes de PARIS le 10 décembre 1997 (collège employeur inscrit en cette qualité à raison de son contrat de travail avec la Société OGS), a, à nouveau, été élue le 11 décembre 2002, collège employeur en tant qu'employeur de personnel de maison ; que si la société peut à bon droit se prévaloir que le transfert de la Société OGS à la Société EUROGUARD le 31 décembre 2001 par suite de fusion absorption, aujourd'hui dénommée GROUP 4 FALCK, réalise un transfert total au sens de l'article L. 122-12 du Code du travail qui ne rend pas nécessaire une demande d'autorisation de transfert de Madame X... à l'inspection du travail, le changement de lieu de travail de PARIS à NANTERRE, antérieur à ce transfert juridique d'entreprise de la part de la Société OGS, toujours employeur de Madame X... jusqu'au 31 décembre 2001, un changement des conditions de travail de cette salariée protégée ; qu'en ordonnant à Madame X..., salariée protégée, de rejoindre un autre lieu de travail constitutif d'un changement des conditions de travail, et en persistant, en dépit du refus exprimé par celle-ci, l'employeur a manqué à ses obligations envers cette salariée protégée ; que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Madame X... repose sur des manquements d'une certaine gravité de l'employeur ; que cette rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que la salariée est bien fondée en ses demandes d'indemnités de préavis et de licenciement, ainsi que dans sa demande d'indemnité pour licenciement nul, laquelle, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, ne peut être inférieure à la somme des six mois de salaires qui s'élèvent à 3.342,42 € ; que la Cour a des éléments pour fixer cette indemnité à la somme de 20.000 € ;

QUE la demande pour violation du statut protecteur doit être examinée en tenant compte de ce que l'élection de Madame X... comme conseillère prud'homme en 1997 a été annulée par l'effet d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2002 ; qu'en conséquence, la période du mandat s'achevait avec cet arrêt sans période de protection supplémentaire ; que la demande doit être ramenée à la somme des salaires qu'elle aurait perçus du 1er décembre 2001 au 28 mars 2002 dont à déduire les sommes perçues au titre de l'indemnité de préavis soit un solde d'indemnité de 3.102,79 € (net) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le conseiller prud'homme dont le contrat de travail est rompu sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration a le droit d'obtenir, à titre de sanction de la méconnaissance du statut protecteur par l'employeur, une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de la protection accordée aux représentants du personnel qui comporte une durée de six mois après l'expiration des fonctions ; que tel est le cas du conseiller prud'homme dont le mandat expire par l'effet de l'annulation de son élection ; qu'en déduisant des salaires à prendre en compte pour le calcul des dommages-intérêts la période légale de six mois postérieure à l'expiration du mandat, au motif que cette expiration avait été provoquée par l'annulation de l'élection, Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 2411-22 (anciennement L. 514-2 alinéa 2) du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la période de protection légale de six mois intervient à l'expiration de l'accomplissement des fonctions du salarié protégé ; qu'aux termes de l'article L. 1442-3 alinéa 2 (anciennement L. 512-5 alinéa 2) du Code du travail, lorsque le mandat des conseillers prud'hommes sortants vient à expiration avant la période fixée pour l'installation de leurs successeurs, ils restent en fonction jusqu'à cette installation ; qu'il en résulte que, lors du renouvellement d'un Conseil de prud'hommes, le mandat des conseillers prud'hommes sortants vient à expiration à la date de l'installation du nouveau Conseil de prud'hommes ; qu'en relevant que le mandat de Madame X... avait pris fin à la date de l'arrêt d'annulation de la Cour de cassation, quand cessation de son mandat n'était intervenue qu'à la date de l'installation de son successeur, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 2411-22 (anciennement L. 514-2 alinéa 2) et L. 1442-3 alinéa 2 (anciennement L. 512-5 alinéa 2) du Code du travail ;

ET ALORS ENFIN QUE lorsque le conseiller prud'homme illégalement évincé de l'entreprise ne demande pas sa réintégration, il a droit, non seulement aux dommages-intérêts pour violation du statut protecteur et à des dommagesintérêts pour licenciement équivalent au moins à six mois de salaire en application de l'article L. 1235-3 alinéa 2 (L .122-14-4 alinéa 1) du Code du travail, mais aussi à l'intégralité des indemnités de préavis et de licenciement ; qu'en déduisant le solde de préavis des dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 1234-1 (anciennement L. 122-6) et L. 2411-22 (anciennement L. 514-2 alinéa 2) du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la société GROUP 4 FALCK (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 19.946,82 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE les demandes de dommages-intérêts pour harcèlement, licenciement collectif pour motif économique et brusque rupture vexatoire sont mal fondées car Madame X... ne rapporte aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement durant l'exécution du contrat de travail ; qu'ayant pris seule l'initiative de la rupture, elle ne peut faire grief à l'employeur des circonstances de celle-ci, ni de ce qu'elle n'a pas été incluse dans un licenciement collectif pour motif économique alors que la cause de son départ est le non-respect de son statut de salariée conseiller prud'homme ;

ALORS QU'aux termes de l'article L. 1152-1 (anciennement L. 122-49) du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir ; que la directive CE/2000/78 du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail prévoit, en son article 2-3, que le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination lorsqu'un comportement indésirable lié à l'un des motifs visés à l'article 1er se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; que l'article 1er de cette directive vise toute discrimination fondée, en particulier, sur les convictions du salarié ; qu'il résulte de l'article L. 1154-1 (anciennement L. 122-52) du Code du travail, applicable, d'une part, à l'article L. 1153-1 (anciennement L. 122-46) en matière de discrimination, d'autre part, à l'article L. 1152 (anciennement L. 122-49) en matière de harcèlement, et interprété à la lumière de la directive précitée, que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en affirmant que Madame X... ne rapportait pas de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement durant l'exécution du contrat de travail, alors que la salariée avait, dans ses conclusions d'appel, soutenu qu'à partir du moment où, de retour de maternité, elle avait refusé de procéder aux licenciements en raison de l'absence de plan social et, partant, de leur caractère illégal, l'employeur lui avait retiré ses fonctions d'assistante de la direction des ressources humaines puis l'avait isolée chez elle et lui avait en outre envoyé sept courriers recommandés la sommant de rejoindre, contre son gré, malgré sa qualité de salariée protégée, son nouveau poste de travail sur le site de NANTERRE, et avait enfin refusé de lui délivrer les documents sociaux après sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, la Cour d'appel, qui devait rechercher si de tels éléments étaient établis et, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1153-1 et L. 1154-1 du Code du travail, interprétés à la lumière de la directive CE/2000/78 du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le harcèlement moral ouvre droit à réparation, y compris dans le cas où il se poursuit postérieurement à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié lorsque l'employeur, contestant la réalité de la rupture, prétend poursuivre l'exécution du contrat de travail ; que Madame X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le harcèlement moral avait persisté postérieurement à la prise d'acte de la rupture, l'employeur tentant de faire pression sur elle pour qu'elle reprenne le travail sur le site de NANTERRE, persistant en outre à ne pas payer les salaires et refusant enfin de lui délivrer les documents sociaux ; qu'en refusant d'examiner ces faits aux motifs qu'ils étaient intervenus postérieurement à la rupture, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles L. 1152-1, L. 1153-1 et L. 1154-1 du Code du travail, interprétés à la lumière de la directive CE/2000/78 du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

ET ALORS, AU DEMEURANT, QUE le comportement fautif d'un employeur à l'égard du salarié ouvre droit à réparation, peu important que ce comportement ne soit pas constitutif d'un harcèlement moral ; que la Cour d'appel, qui était saisie par l'exposante du point de savoir si les fautes précitées de l'employeur pouvaient être appréhendées au visa de l'article 1382 du Code civil, devait rechercher si celles-ci étaient établies et, dans l'affirmative, si elles n'avaient pas généré pour la salariée un préjudice devant être réparé ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette recherche en affirmant de manière inopérante que la salariée ne rapportait pas de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement durant l'exécution du contrat de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la société GROUP 4 FALCK (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 19.946,82 € à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

AUX MOTIFS QUE les demandes de dommages-intérêts pour harcèlement, licenciement collectif pour motif économique et brusque rupture vexatoire sont mal fondées car Madame X... ne rapporte aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement durant l'exécution du contrat de travail ; qu'ayant pris seule l'initiative de la rupture, elle ne peut faire grief à l'employeur des circonstances de celle-ci, ni de ce qu'elle n'a pas été incluse dans un licenciement collectif pour motif économique alors que la cause de son départ est le non-respect de son statut de salariée conseiller prud'homme ;

ALORS QUE le comportement fautif d'un employeur à l'égard du salarié engage sa responsabilité, peu important que celui-ci ait pris l'initiative de la rupture du contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil ;

ET ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en ne recherchant pas, comme l'y invitait Madame X... dans ses conclusions d'appel, si la Société GROUP 4 FALCK n'avait pas adopté à son égard un comportement fautif ayant entraîné un préjudice justifiant une réparation, dès lors que, le 5 novembre 2001, la salariée avait reçu une lettre recommandée de l'employeur la sommant brutalement de quitter les lieux et de demeurer chez elle, qu'à partir de ce moment-là, elle n'avait plus eu accès à l'entreprise ni par conséquent à ses effets personnels et qu'elle avait ainsi été isolée de ses collègues de travail, ce qui lui avait causé un préjudice moral, psychologique, d'image, de fonction, d'autorité et de carrière, d'autant qu'elle s'était retrouvée du jour au lendemain sans ressources avec trois enfants en bas âge à charge, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44094;08-45013
Date de la décision : 16/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Etendue - Portée

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Conseil de prud'hommes - Conseiller - Election - Contestation - Effets sur l'exercice des fonctions - Détermination - Portée ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Conseil de prud'hommes - Conseiller - Election - Annulation de l'élection - Effets - Perte du statut protecteur - Moment - Détermination - Portée

Selon l'article L. 2411-22 du code du travail, le conseiller prud'homme est protégé pendant une durée de six mois à compter de la cessation de ses fonctions ; le conseiller dont l'élection est contestée pouvant, en application des articles R. 1441-174 et R. 1441-76 du code du travail, siéger tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur le recours, le pourvoi en cassation étant suspensif. Viole ce texte l'arrêt qui limite la période de protection du conseiller prud'homme à la date de l'arrêt de la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi contre un jugement annulant son élection, sans période de protection complémentaire


Références :

ARRET du 04 mars 2008, Cour d'appel de Versailles, 4 mars 2008, 07/00546
articles L. 2411-22, R. 1441-174 et R. 1441-76 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 octobre 2008

Sur les effets d'un jugement d'annulation d'une désignation ou d'une élection, à rapprocher :Soc., 28 février 2007, pourvoi n° 05-42553, Bull. 2007, V, n° 36 (rejet), et les arrêts cités. Sur une autre application du principe du bénéfice d'une période de protection complémentaire, à rapprocher :Soc., 11 mai 1999, pourvoi n° 97-40765, Bull. 1999, V, n° 211 (rejet)

arrêt cité ;Soc., 2 décembre 2008, pourvoi n° 07-41832, Bull. 2008, V, n° 238 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2010, pourvoi n°08-44094;08-45013, Bull. civ. 2010, V, n° 66
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 66

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Morin
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44094
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