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16/02/2010 | FRANCE | N°09-81492

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 février 2010, 09-81492


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Mustapha,f- Y... Marc,- Z... Olivier,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 4 février 2009, qui a condamné le premier, pour atteinte à la vie privée d'autrui, à 2 500 euros d'amende, le deuxième, pour utilisation d'un document ou enregistrement obtenu par une atteinte à la vie privée d'autrui, à 3 000 euros d'amende, le troisième, pour complicité de ce délit, à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les inté

rêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;fVu le mémoire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Mustapha,f- Y... Marc,- Z... Olivier,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 4 février 2009, qui a condamné le premier, pour atteinte à la vie privée d'autrui, à 2 500 euros d'amende, le deuxième, pour utilisation d'un document ou enregistrement obtenu par une atteinte à la vie privée d'autrui, à 3 000 euros d'amende, le troisième, pour complicité de ce délit, à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;fVu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté comme non fondées ni justifiées les exceptions préjudicielles tirées de la nullité de la citation et de la prescription des faits, a déclaré Mustapha X... coupable du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image, Marc Y... coupable du délit d'utilisation d'un document ou enregistrement obtenu par l'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image et Olivier Z... coupable de complicité d'utilisation d'un document ou enregistrement obtenu par l'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image, et a condamné Mustapha X... à une amende de 2 500 euros, et Marc Y... et Olivier Z..., chacun, à une amende de 3 000 euros, et s'est prononcée sur les intérêts civils ;
"aux motifs que les faits incriminés ne pouvaient recevoir l'incrimination du délit de l'article 39, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, dans la mesure où ce délit ne peut être imputé qu'à la personne qui, ayant participé à une délibération judiciaire, en rendrait compte, ce qui ne correspond pas à la situation des trois prévenus, qui n'ont en aucune façon participé aux délibérations du jury de la cour d'assises d'appel d'Amiens ; qu'ils ne pourraient se voir reprocher une complicité punissable en l'absence d'un acte principal de violation du secret du délibéré par l'un des participants à celui-ci ; que, de même, l'interdiction de photographier les débats judiciaires, prévue et réprimée par l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, ne concerne que l'audience proprement dite et ne saurait s'étendre au délibéré d'une juridiction, sauf à ajouter au texte d'incrimination, dont les dispositions sont d'ailleurs explicites quant à l'objet et à l'étendue de cette interdiction ; que c'est donc à raison que le parquet d'Amiens a retenu la prévention d'atteinte à la vie privée, prévue et réprimée par les articles 226-1 et 226-2 du code pénal, et le fait que le législateur ait défini dans l'article 226-2 du code pénal, à propos de la conservation ou de la diffusion de tout enregistrement ou document obtenu par une atteinte à la vie privée, une responsabilité dite en cascade lorsque sa diffusion a été commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle, suivant renvoi aux dispositions en la matière des lois sur la presse, ne saurait induire la volonté du législateur de soumettre au régime procédural de la loi du 29 juillet 1881 toute atteinte à la vie privée commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle ; que l'intention du législateur a seulement été de prévoir une imputation légale de ces délits, qui restent, en tout état de cause, soumis au droit pénal commun, sans qu'il puisse être considéré qu'ils constituent, en tant que tels, une atteinte à la liberté de la presse et que cette incrimination soit non conforme aux dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, le dispositif répressif de l'article 226-2 du code pénal participant bien, pour sa part, à la sauvegarde de la liberté individuelle, par la protection ainsi apportée à l'intimité de la vie privée et par sa répression des atteintes ainsi commises par voie de presse écrite ou audiovisuelle ; que les exceptions préjudicielles tirées de la nullité des actes de citations et de la prescription des délits reprochés, comme étant soumis à la loi du 29 juillet 1881, s'avèrent non fondées, ni justifiées et seront donc rejetées ; que, concernant le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image d'une personne, reproché à Mustapha X..., il sera relevé que le prévenu a bien filmé, en toute connaissance de cause, le déroulement du délibéré de la cour d'assises et ainsi fixé l'image de Christine A... ; qu'il est indifférent, au regard de l'incrimination, que le prévenu ait filmé non directement la scène litigieuse mais seulement son reflet sur une vitre extérieure, de sorte que l'image ainsi portée à l'extérieur par un phénomène de réverbération serait devenue publique et aurait, de ce fait, perdu son caractère confidentiel en étant sortie de la sphère de la vie privée ; qu'il n'est pas contestable que, mettant à profit un phénomène physique, Mustapha X... a profité d'une opportunité technique imprévue, pour filmer une scène se déroulant à l'intérieur d'un lieu privé, c'est-à-dire au terme d'une jurisprudence constante, un lieu où quiconque ne peut pénétrer ou accéder sans le consentement de l'occupant, peu important que ce lieu se trouve inclus dans un bâtiment ouvert au public ; qu'en l'espèce, seul le président de la cour d'assises avait la possibilité de donner son autorisation pour qu'une personne ne composant ni la cour ni le jury puisse y pénétrer, de sorte que la salle de délibéré se trouve temporairement être, au regard de l'article 226-1 du code pénal, un lieu privé, au demeurant soumis à la surveillance, quant à son accès, des services de police ; qu'il ne saurait non plus être retenu, contrairement à ce que considère le premier juge, que la participation d'un juré aux délibérations du jury dont il est membre, ne relève pas de l'intimité de sa vie privée, dans la mesure où il participe à une mission de service public, procédant du pouvoir régalien public ; que la participation aux délibérations d'un jury criminel se fait par vote à bulletin secret, ce qui en souligne la nature d'acte strictement personnel, qui est inséparable de la sphère de l'intimité de la vie privée, le juré devant se décider en son âme et sa conscience, tandis que son impartialité et son indépendance s'en trouvent renforcées par le jeu de plusieurs dispositions légales, dont il bénéficie notamment au titre de la protection légale de l'intimité de la vie privée ; que cette protection lui interdit d'avoir à rendre compte de ses choix personnels, tout en le garantissant de toute interpellation directe ou indirecte concernant ses votes et ses opinions exprimées durant le délibéré ; que c'est justement ce dont s'est plainte Christine A..., qui, ayant été vue et reconnue par plusieurs téléspectateurs, avait été interpellée et questionnée au sujet de sa participation en tant que jurée, au jugement de la procédure criminelle jugée le 14 décembre 2004 ; qu'il importe peu, pour caractériser le délit reproché, que les propos tenus par les personnes filmées aient été inaudibles, la simple représentation desdites personnes suffisant à caractériser le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'enfin, Mustapha X... ne saurait exciper de sa bonne foi, en alléguant avoir voulu dénoncer une situation qu'il estimait irrégulière et s'être trouvé dans l'obligation, en sa qualité de reporter d'image, de rendre compte d'un élément d'actualité à l'opinion publique ; qu'une telle argumentation relève du mobile et ne saurait faire disparaître le caractère volontaire ayant présidé à la prise de vue litigieuse et à la connaissance par le prévenu de son caractère illégal, n'ayant reçu aucune autorisation des personnes qu'il filmait ; qu'au surplus, s'il entendait que son reportage fûft diffusé, il lui était loisible, afin de respecter le droit à l'intimité de la vie privée, de recourir au procédé du floutage, ce qu'il n'a pas fait, ni exigé, en livrant son reportage à la rédaction de France 3 Picardie ; qu'aussi, en s'affranchissant des règles relatives au déroulement des procédures criminelles, lesquelles tendent à préserver le secret des délibérations et à en protéger la sérénité et l'indépendance, et en veillant à ne pas fixer l'image d'un juré à la faveur de son reportage photographique, en lui-même irrégulier, Mustapha X... a bien été animé de l'intention frauduleuse de porter atteinte à l'intimité de la vie d'autrui ; qu'ainsi en filmant le reflet du déroulement du délibéré, à l'insu de la cour et du jury, et ce en toute connaissance de cause de l'illégalité de son action, Mustapha X... a bien commis le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, dont s'est plainte notamment Christine A... ; que, concernant Olivier Z... et Marc Y..., le premier juge les a relaxés à tort, au motif que l'action publique était prescrite à leur égard, tandis que les faits imputés à Mustapha X... constituaient, selon le premier juge, intrinsèquement un délit de presse relevant de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'une telle dualité d'analyse portant sur un même fait, procède d'une contradiction de motifs quant à l'analyse des éléments constitutifs du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, ainsi que d'une confusion entre ce délit et ceux relatifs à l'interdiction de rendre compte des délibérations judiciaires et de photographier le déroulement des débats d'audience ; qu'en adaptant expressément le système de la responsabilité en cascade à ceux qui conservent, portent ou laissent porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou qui utilisent de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à la faveur d'une atteinte à l'intimité de la vie d'autrui, le législateur a seulement voulu renforcer la protection de la victime d'une telle atteinte sans pour autant avoir voulu définir pour chacune des infractions concernées un régime juridique distinct ; qu'il serait peu compréhensible, au regard de la cohérence de la répression, que l'auteur de l'atteinte soit poursuivi plus rigoureusement que ceux qui ont exploité cette atteinte en plaçant ces derniers sous le régime plus protecteur des délits de presse ; qu'en sa qualité de rédacteur en chef, il incombait à Olivier Z... de s'assurer de la conformité aux lois des reportages dont il décidait la publication dans le journal télévisé de la chaîne France 3 Picardie, ou pour le moins, de veiller à la mise en place du procédé technique du floutage, dans l'incertitude où il se trouvait concernant le consentement des personnes figurant dans le reportage litigieux, le prévenu ne pouvant ignorer que la salle des délibérés d'une cour d'assises est un lieu interdit au public et protégé contre les immixtions extérieures ; que Marc Y..., en sa qualité de directeur de publication, ne fait valoir aucun élément de nature à le disculper, tel un cas de force majeure, au sujet de sa mise en cause dans le délit reproché, les images litigieuses ayant bien été transmises et diffusées sur la chaîne de télévision dont il était le directeur ; qu'aussi, Olivier Z... et Marc Y... seront-ils retenus dans les liens de la prévention et déclarés coupables des faits qui leur sont reprochés ; que compte tenu de leur personnalité non défavorablement connue, les prévenus seront condamnés à des peines d'amende ;
"1°) alors que le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, suppose, pour être constitué, que la fixation de l'image d'une personne sans le consentement de celle-ci, concerne l'intimité de la vie privée de cette dernière, à savoir ses relations familiales ou amicales, sa vie conjugale ou sentimentale, sa situation physique ou son état de santé ; que l'exercice d'une fonction, même exercée temporairement, est exclue du domaine de l'intimité de la vie privée ; qu'en énonçant, pour prononcer la culpabilité du prévenu du chef d'atteinte à l'intimité de la vie privée, que l'image de la participation d'un juré aux délibérations d'une cour d'assises appartenait à l'intimité de sa vie privée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
"2°) alors que le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée nécessite également, pour être caractérisé, l'absence de consentement de la victime, ce qui implique que celle-ci a le pouvoir d'accorder ou non son autorisation à l'immixtion dans sa vie privée ; qu'au contraire, la participation aux délibérations est protégée par le législateur qui impose au juré le secret des délibérations, ce qui implique que le juré n'a pas le pouvoir d'autoriser ou de refuser une immixtion dans les délibérations ; que, pour dire le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée établi, la cour d'appel a énoncé que la participation aux délibérations relevait de la sphère privée, ce dont il se déduit que le juré pouvait consentir ou s'opposer à révéler les délibérations ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;
"3°) alors qu'ayant constaté que toute violation du secret des délibérés était exclue, la cour d'appel ne pouvait pas se fonder, pour prononcer la culpabilité du prévenu du chef d'atteinte à l'intimité de la vie privée, sur une violation des règles régissant le secret des délibérations ;
"4°) alors que le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée est un délit intentionnel, l'intention étant constituée par la volonté de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui ; que la cour d'appel a considéré que le prévenu était animé d'une telle intention aux motifs qu'il avait filmé le déroulement du délibéré en méconnaissance des règles relatives aux procédures criminelles ; qu'en l'état de ces énonciations, qui ne caractérisent qu'une volonté de méconnaître les règles de la procédure de la cour d'assises et non pas une volonté de nuire à la vie privée de Christine A..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté comme non fondées ni justifiées les exceptions préjudicielles tirées de la nullité de la citation et de la prescription des faits, a déclaré Mustapha X... coupable du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image, Marc Y... coupable du délit d'utilisation d'un document ou enregistrement obtenu par l'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image et Olivier Z... coupable de complicité d'utilisation d'un document ou enregistrement obtenu par l'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image, et a condamné Mustapha X... à une amende de 2 500 euros, et Marc Y... et Olivier Z... chacun à une amende de 3 000 euros, et s'est prononcée sur les intérêts civils ;
"aux motifs que les faits incriminés ne pouvaient recevoir l'incrimination du délit de l'article 39,f alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, dans la mesure où ce délit ne peut être imputé qu'à la personne qui, ayant participé à une délibération judiciaire, en rendrait compte, ce qui ne correspond pas à la situation des trois prévenus, qui n'ont en aucune façon participé aux délibérations du jury de la cour d'assises d'appel d'Amiens ; qu'ils ne pourraient se voir reprocher une complicité punissable en l'absence d'un acte principal de violation du secret du délibéré par l'un des participants à celui-ci ; que, de même, l'interdiction de photographier les débats judiciaires, prévue et réprimée par l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, ne concerne que l'audience proprement dite et ne saurait s'étendre au délibéré d'une juridiction, sauf à ajouter au texte d'incrimination, dont les dispositions sont d'ailleurs explicites quant à l'objet et à l'étendue de cette interdiction ; que c'est donc à raison que le parquet d'Amiens a retenu la prévention d'atteinte à la vie privée, prévue et réprimée par les articles 226-1 et 226-2 du code pénal, et le fait que le législateur ait défini dans l'article 226-2 du code pénal, à propos de la conservation ou de la diffusion de tout enregistrement ou document obtenu par une atteinte à la vie privée, une responsabilité dite en cascade lorsque sa diffusion a été commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle, suivant renvoi aux dispositions en la matière des lois sur la presse, ne saurait induire la volonté du législateur de soumettre au régime procédural de la loi du 29 juillet 1881 toute atteinte à la vie privée commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle ; que l'intention du législateur a seulement été de prévoir une imputation légale de ces délits, qui restent, en tout état de cause, soumis au droit pénal commun, sans qu'il puisse être considéré qu'ils constituent, en tant que tels, une atteinte à la liberté de la presse et que cette incrimination soit non conforme aux dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, le dispositif répressif de l'article 226-2 du code pénal participant bien, pour sa part, à la sauvegarde de la liberté individuelle, par la protection ainsi apportée à l'intimité de la vie privée et par sa répression des atteintes ainsi commises par voie de presse écrite ou audiovisuelle ; que les exceptions préjudicielles tirées de la nullité des actes de citations et de la prescription des délits reprochés, comme étant soumis à la loi du 29 juillet 1881, s'avèrent non fondées, ni justifiées et seront donc rejetées ; que, concernant le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image d'une personne, reproché à Mustapha X..., il sera relevé que le prévenu a bien filmé, en toute connaissance de cause, le déroulement du délibéré de la cour d'assises et ainsi fixé l'image de Christine A... ; qu'il est indifférent, au regard de l'incrimination, que le prévenu ait filmé non directement la scène litigieuse mais seulement son reflet sur une vitre extérieure, de sorte que l'image ainsi portée à l'extérieur par un phénomène de réverbération serait devenue publique et aurait, de ce fait, perdu son caractère confidentiel en étant sortie de la sphère de la vie privée ; qu'il n'est pas contestable que, mettant à profit un phénomène physique, Mustapha X... a profité d'une opportunité technique imprévue, pour filmer une scène se déroulant à l'intérieur d'un lieu privé, c'est-à-dire au terme d'une jurisprudence constante, un lieu où quiconque ne peut pénétrer ou accéder sans le consentement de l'occupant, peu important que ce lieu se trouve inclus dans un bâtiment ouvert au public ; qu'en l'espèce, seul le président de la cour d'assises avait la possibilité de donner son autorisation pour qu'une personne ne composant ni la cour ni le jury puisse y pénétrer, de sorte que la salle de délibéré se trouve temporairement être, au regard de l'article 226-1 du code pénal, un lieu privé, au demeurant soumis à la surveillance, quant à son accès, des services de police ; qu'il ne ssaurait non plus être retenu, contrairement à ce que considère le premier juge, que la participation d'un juré aux délibérations du jury dont il est membre, ne relève pas de l'intimité de sa vie privée, dans la mesure où il participe à une mission de service public, procédant du pouvoir régalien public ; que la participation aux délibérations d'un jury criminel se fait par vote à bulletin secret, ce qui en souligne la nature d'acte strictement personnel, qui est inséparable de la sphère de l'intimité de la vie privée, le juré devant se décider en son âme et sa conscience, tandis que son impartialité et son indépendance s'en trouvent renforcées par le jeu de plusieurs dispositions légales, dont il bénéficie notamment au titre de la protection légale de l'intimité de la vie privée ; que cette protection lui interdit d'avoir à rendre compte de ses choix personnels, tout en le garantissant de toute interpellation directe ou indirecte concernant ses votes et ses opinions exprimées durant le délibéré ; que c'est justement ce dont s'est plainte Christine A..., qui, ayant été vue et reconnue par plusieurs téléspectateurs, avait été interpellée et questionnée au sujet de sa participation en tant que jurée, au jugement de la procédure criminelle jugée le 14 décembre 2004 ; qu'il importe peu, pour caractériser le délit reproché, que les propos tenus par les personnes filmées aient été inaudibles, la simple représentation desdites personnes suffisant à caractériser le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'enfin, Mustapha X... ne saurait exciper de sa bonne foi, en alléguant avoir voulu dénoncer une situation qu'il estimait irrégulière et s'être trouvé dans l'obligation, en sa qualité de reporter d'image, de rendre compte d'un élément d'actualité à l'opinion publique ; qu'une telle argumentation relève du mobile et ne saurait faire disparaître le caractère volontaire ayant présidé à la prise de vue litigieuse et à la connaissance par le prévenu de son caractère illégal, n'ayant reçu aucune autorisation des personnes qu'il filmait ; qu'au surplus, s'il entendait que son reportage fûft diffusé, il lui était loisible, afin de respecter le droit à l'intimité de la vie privée, de recourir au procédé du floutage, ce qu'il n'a pas fait, ni exigé, en livrant son reportage à la rédaction de France 3 Picardie ; qu'aussi, en s'affranchissant des règles relatives au déroulement des procédures criminelles, lesquelles tendent à préserver le secret des délibérations et à en protéger la sérénité et l'indépendance, et en veillant à ne pas fixer l'image d'un juré à la faveur de son reportage photographique, en lui-même irrégulier, Mustapha X... a bien été animé de l'intention frauduleuse de porter atteinte à l'intimité de la vie d'autrui ; qu'ainsi, en filmant le reflet du déroulement du délibéré, à l'insu de la cour et du jury, et ce en toute connaissance de cause de l'illégalité de son action, Mustapha X... a bien commis le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, dont s'est plainte notamment Christine A... ; que, concernant Olivier Z... et Marc Y..., le premier juge les a relaxés à tort, au motif que l'action publique était prescrite à leur égard, tandis que les faits imputés à Mustapha X... constituaient, selon le premier juge, intrinsèquement un délit de presse relevant de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'une telle dualité d'analyse portant sur un même fait, procède d'une contradiction de motifs quant à l'analyse des éléments constitutifs du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, ainsi que d'une confusion entre ce délit et ceux relatifs à l'interdiction de rendre compte des délibérations judiciaires et de photographier le déroulement des débats d'audience ; qu'en adaptant expressément le système de la responsabilité en cascade à ceux qui conservent, portent ou laissent porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou qui utilisent de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à la faveur d'une atteinte à l'intimité de la vie d'autrui, le législateur a seulement voulu renforcer la protection de la victime d'une telle atteinte sans pour autant avoir voulu définir pour chacune des infractions concernées un régime juridique distinct ; qu'il serait peu compréhensible, au regard de la cohérence de la répression, que l'auteur de l'atteinte soit poursuivi plus rigoureusement que ceux qui ont exploité cette atteinte en plaçant ces derniers sous le régime plus protecteur des délits de presse ; qu'en sa qualité de rédacteur en chef, il incombait à Olivier Z... de s'assurer de la conformité aux lois des reportages dont il décidait la publication dans le journal télévisé de la chaîne France 3 Picardie, ou pour le moins, de veiller à la mise en place du procédé technique du floutage, dans l'incertitude où il se trouvait concernant le consentement des personnes figurant dans le reportage litigieux, le prévenu ne pouvant ignorer que la salle des délibérés d'une cour d'assises est un lieu interdit au public et protégé contre les immixtions extérieures ; que Marc Y..., en sa qualité de directeur de publication, ne fait valoir aucun élément de nature à le disculper, tel un cas de force majeure, au sujet de sa mise en cause dans le délit reproché, les images litigieuses ayant bien été transmises et diffusées sur la chaîne de télévision dont il était le directeur ; qu'aussi Olivier Z... et Marc Y... seront-ils retenus dans les liens de la prévention et déclarés coupables des faits qui leur sont reprochés ; que compte tenu de leur personnalité non défavorablement connue, les prévenus seront condamnés à des peines d'amende ;
"alors que l'article 226-2, alinéa 1, du code pénal réprime le fait d'utiliser, de quelque manière que ce soit, un enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 du code pénal ; que l'infraction de l'article 226-2 n'est donc caractérisée qu'en présence d'une atteinte à l'intimité de la vie privée ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur une violation du secret des délibérations ne pouvait pas en déduire l'infraction d'utilisation d'un enregistrement obtenu par une telle violation ; que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que plusieurs jurés ont porté plainte auprès du procureur de la République pour atteinte à l'intimité de la vie privée à la suite de l'enregistrement et de la diffusion d'une scène filmée dans une salle de la cour d'assises où ils s'étaient retirés pour délibérer ; que l'enquête a établi que Mustapha X... avait filmé, à la faveur d'un reflet sur les parois de verre d'un immeuble faisant face, une scène permettant d'identifier notamment deux jurés et que cet enregistrement filmé avait été diffusé dans le journal télévisé d'une station régionale ;
Attendu qu'ont été cités directement devant le tribunal correctionnel Mustapha X..., journaliste, Marc Y..., directeur de la publication, et Olivier Z..., rédacteur en chef de la chaîne de télévision, du chef d'atteinte à la vie privée et complicité, au visa de l'article 226-1 du code pénal ;
Attendu que le tribunal a renvoyé Mustapha X... des fins de la poursuite et, après avoir requalifié les faits reprochés à Marc Y... et Olivier Z... en délit de presse, a constaté l'extinction de l'action publique ;
Attendu que, sur appels de la partie civile et du ministère public, pour infirmer le jugement entrepris et déclarer la prévention établie, l'arrêt retient que Mustapha X... a profité d'une opportunité technique pour filmer une scène se déroulant à l'intérieur d'un lieu où quiconque ne peut pénétrer sans l'autorisation de l'occupant et que Christine A..., ainsi filmée à son insu, a été vue et reconnue par des téléspectateurs ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 226-1, alinéa 2, du code pénal selon lequel constitue une atteinte volontaire à l'intimité de la vie privée le seul fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Finidori, Montfort conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Robert ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-81492
Date de la décision : 16/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ATTEINTE A LA VIE PRIVEE - Elément légal - Fixation sans son consentement de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé - Cas

ATTEINTE A LA VIE PRIVEE - Elément légal - Lieu privé - Définition - Juré présent dans la salle des délibérations de la cour d'assises

Justifient leur décision les juges du fond qui, pour dire établi en tous ses éléments le délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée, prévu par l'article 226-1 2° du code pénal, retiennent que le prévenu, profitant d'une opportunité technique, a filmé une scène se déroulant à l'intérieur de la salle des délibérations de la cour d'assises, lieu où quiconque ne peut pénétrer sans l'autorisation de l'occupant, et que l'un des jurés présents, ainsi filmé à son insu, a été vu et reconnu par des téléspectateurs


Références :

article 226-1 2° du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 04 février 2009

Sur la définition du lieu privé, à rapprocher :Crim., 25 avril 1989, pourvoi n° 86-93632, Bull. crim. 1989, n° 165 (rejet) ;Crim., 12 avril 2005, pourvoi n° 04-85637, Bull. crim. 2005, n° 122 (cassation partielle) ;Crim., 14 février 2006, pourvoi, n° 05-84.384, Bull. crim. 2006, n° 38 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 fév. 2010, pourvoi n°09-81492, Bull. crim. criminel 2010, n° 25
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 25

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Robert
Rapporteur ?: M. Straehli
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.81492
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