LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 22 janvier 2008) de l'avoir déboutée de sa demande tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait constituée avec son concubin, Salvatore Y..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant, pour débouter Mme X... de sa demande tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait, qu'elle ne démontrait pas que sa participation dans l'entreprise excédait la seule entraide familiale quand, d'après ses propres constatations, elle avait pourtant exercé une activité dans l'entreprise et s'était inscrite au registre des métiers comme chef d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1832 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel, pour écarter l'existence d'une société créée de fait s'agissant de l'entreprise de maçonnerie, a considéré que Mme X... ne démontrait pas avoir exercé une activité excédant une simple entraide familiale, ni avoir investi des fonds personnels dans l'entreprise ; qu'en statuant à l'aune de ces seules constatations matérielles qui n'excluaient pourtant en rien l'existence d'un apport en industrie, fût-il limité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1832 du code civil ;
3°/ qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une société créée de fait s'agissant de l'entreprise de maçonnerie, que Mme X... ne démontrait pas avoir exercé une activité excédant une simple entraide familiale ni avoir investi des fonds personnels dans l'entreprise, sans rechercher si de tels éléments excluaient l'intention de Mme Y... et de Mme X... de collaborer ensemble sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun ainsi que l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies en résultant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1832 du code civil ;
4°/ que Mme X... fait valoir dans ses conclusions, sans être contredite, qu'elle avait abandonné son activité salariée pour se consacrer à l'entreprise de maçonnerie et qu'elle administrait l'entreprise dans ses relations avec les administrations, les fournisseurs, les avocats et les clients, eu égard à l'illettrisme de son concubin ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que Mme X..., inscrite au registre des métiers en qualité de chef d'entreprise, avait par ailleurs exercé une activité de secrétaire de direction dans diverses sociétés, incompatible avec le plein exercice des responsabilités de chef d'entreprise quand il n'était pourtant pas contesté que Mme X... avait rapidement abandonné son activité salariée pour s'impliquer totalement dans l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que si elle était inscrite au registre des métiers comme chef de l'entreprise de maçonnerie, Mme X... avait exercé, dans le même temps, une activité de secrétaire de direction, d'abord auprès de la société Corege du 24 août 1978 au 15 août 1981 puis de la parfumerie Pagnon du 1er février 1985 au 31 mai 1989, difficilement compatible avec les responsabilités d'un chef d'entreprise qui apparaissaient avoir été assumées en réalité par M. Y... et que celui-ci avait acquis seul, le 26 juillet 1979, un bien immobilier alors que le couple vivait en concubinage depuis 1964, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée et n'a pas méconnu l'objet du litige, a estimé que l'intention des concubins de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun n'était pas établie ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause, alors, selon le moyen, qu'en relevant cependant, pour considérer que l'enrichissement sans cause de M. Y... au détriment du patrimoine de Mme X... n'était pas démontré, que rien n'établissait que les emprunts de faibles montants avaient été utilisés, non pour les besoins de la famille, mais dans le seul intérêt de son concubin et qu'elle avait été hébergée dans l'immeuble acquis par celui-ci, autant de circonstances insusceptibles d'exclure un appauvrissement sans cause de Mme X..., né de la seule implication dans l'entreprise sans rétribution, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil ensemble les principes régissant l'enrichissement sans cause ;
Mais attendu qu'ayant souverainement estimé que l'assistance apportée sur le plan administratif par Mme X... à la bonne marche de l'entreprise artisanale de maçonnerie qu'elle avait constituée avec son concubin n'excédait pas une simple entraide, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci n'était pas fondée à réclamer une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause et a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait constituée avec son concubin Monsieur Salvatore Y... ;
Aux motifs que « c'est à bon droit, et par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le premier juge a estimé que l'existence d'une société créée de fait entre Monsieur Salvatore Y... et Madame Rose X... n'était pas démontrée, après avoir relevé, s'agissant de la propriété achetée par Monsieur Y... seul le 26 juillet 1979, que ceux-ci vivaient depuis 1964 avaient manifesté ainsi leur souhait de ne pas participer ensemble à cette acquisition, alors même que Madame X..., qui travaillait, aurait pourtant pu la financer en partie, et que dans ce contexte la caution consentie par cette dernière dans le cadre de la souscription des engagements souscrits ne pouvait suffire à caractériser une intention de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun, et, s'agissant de l'entreprise de maçonnerie générale pour laquelle Madame X... était inscrite au registre des métiers en qualité de chef d'entreprise, que celle-ci, qui avait par ailleurs exercé une activité de secrétaire de direction dans diverses sociétés, difficilement compatible avec le plein exercice des responsabilités de chef d'entreprise, ne démontrait pas avoir eu dans l'entreprise de maçonnerie, qui apparaît avoir été en réalité gérée par Monsieur Y..., une activité excédant une simple entraide familiale, étant en outre observé qu'il n'est pas non plus établi que Madame X... ait investi des fonds personnels dans l'immeuble acquis par son concubin, ou l'entreprise de maçonnerie, les documents comptables produits n'étant pas probants à cet égard » ;
Alors que, d'une part, la participation d'une personne à l'exploitation économique de l'entreprise de son concubin, révélée notamment à travers son inscription comme chef d'entreprise, constitue un apport en industrie, distinct de la seule mise en commun d'intérêts inhérents à la vie maritale ; qu'en retenant, pour débouter Madame X... de sa demande tendant à la reconnaissance d'une société créée de fait, qu'elle ne démontrait pas que sa participation dans l'entreprise excédait la seule entraide familiale, quand, d'après ses propres constatations, elle avait pourtant exercé une activité dans l'entreprise et s'était inscrite au registre des métiers comme chef d'entreprise, la Cour d'appel a violé l'article 1832 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, l'existence d'une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour écarter l'existence d'une société créée de fait s'agissant de l'entreprise de maçonnerie, a considéré que l'exposante ne démontrait pas avoir exercé une activité excédant une simple entraide familiale, ni avoir investi des fonds personnels dans l'entreprise ; qu'en statuant à l'aune de ces seules constatations matérielles, qui n'excluaient pourtant en rien l'existence d'un apport en industrie, fût-il limité, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard l'article 1832 du Code civil ;
Alors que, de troisième part, l'existence d'une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une société créée de fait s'agissant de l'entreprise de maçonnerie, que l'exposante ne démontrait pas avoir exercé une activité excédant une simple entraide familiale ni avoir investi des fonds personnels dans l'entreprise, sans rechercher si de tels éléments excluaient l'intention de M. Y... et de Madame X... de collaborer ensemble sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun ainsi que l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies en résultant, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard l'article 1832 du Code civil ;
Alors qu'enfin l'exposante faisait expressément valoir dans ses conclusions, sans être contredite, qu'elle avait abandonné son activité salariée pour se consacrer à l'entreprise de maçonnerie et qu'elle administrait l'entreprise dans ses relations avec les administrations, les fournisseurs, les avocats et les clients, eu égard à l'illettrisme de son concubin ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour écarter l'existence d'une société créée de fait, a considéré que Madame X..., inscrite au registre des métiers en qualité de chef d'entreprise, avait par ailleurs exercé une activité de secrétaire de direction dans diverses sociétés, incompatible avec le plein exercice des responsabilité de chef d'entreprise, quand il n'était pourtant pas contesté que Madame X... avait rapidement abandonné son activité salariée pour s'impliquer totalement dans l'entreprise, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de son action tendant à être dédommagée de l'appauvrissement de son patrimoine au profit de celui de Monsieur Salvatore Y... qui avait bénéficié d'un enrichissement sans cause ;
Aux motifs que « par ailleurs, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, il n'est pas non plus démontré que Monsieur Salvatore Y... se soit enrichi sans cause légitime au détriment du patrimoine de Madame X..., rien n'établissant que les emprunts de faibles montants contractés par celle-ci aient été utilisés, non pour les besoins de la famille, mais dans le seul intérêt de son concubin, étant au surplus relevé qu'elle a été elle-même hébergée dans l'immeuble acquis par celui-ci, pendant tout le temps où il en a été propriétaire » ;
Alors que la collaboration d'une personne à l'exploitation de l'entreprise de son concubin sans rétribution, qui se distingue d'une simple participation aux dépenses communes, implique par elle-même un appauvrissement et corrélativement un enrichissement sans cause ; qu'en relevant cependant, pour considérer que l'enrichissement sans cause de Monsieur Y... au détriment du patrimoine de Madame X... n'était pas démontré, que rien n'établissait que les emprunts de faibles montants contractés avaient été utilisés, non pour les besoins de la famille, mais dans le seul intérêt de son concubin, et qu'elle avait été hébergée dans l'immeuble acquis par celui-ci, autant de circonstances insusceptibles d'exclure un appauvrissement sans cause de Madame X..., né de la seule implication dans l'entreprise sans rétribution, la Cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil ensemble les principes régissant l'enrichissement sans cause.