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09/12/2009 | FRANCE | N°08-20662

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 décembre 2009, 08-20662


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 septembre 2008), que Mme X..., membre d'une cave coopérative de vinification, a donné à bail au groupement foncier agricole de la Gravière (le GFA), aux droits duquel vient la société civile immobilière de la Gravière (la SCI), des parcelles de vignes dont elle était propriétaire ; qu'estimant avoir payé une somme destinée à la cave coopérative qui ne pouvait pas être mise à sa charge, la SCI a demandé la condamnation de sa bailleresse à la lui res

tituer ; que celle-ci a, en cause d'appel, reconventionnellement sollicité ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 septembre 2008), que Mme X..., membre d'une cave coopérative de vinification, a donné à bail au groupement foncier agricole de la Gravière (le GFA), aux droits duquel vient la société civile immobilière de la Gravière (la SCI), des parcelles de vignes dont elle était propriétaire ; qu'estimant avoir payé une somme destinée à la cave coopérative qui ne pouvait pas être mise à sa charge, la SCI a demandé la condamnation de sa bailleresse à la lui restituer ; que celle-ci a, en cause d'appel, reconventionnellement sollicité la réparation du préjudice que lui avait causé le manquement par la preneuse à une obligation qu'elle avait souscrite ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que toute disposition des baux restrictive des droits stipulés par le présent titre est réputée non écrite ; que le successeur d'un associé coopérateur n'est jamais tenu de reprendre les parts sociales de son prédécesseur ; que, enfin, toute somme non justifiée remise à l'occasion d'un changement d'exploitant et de la conclusion d'un bail est sujette à répétition ; qu'en l'espèce, la clause insérée dans le bail prévoyant que la société preneuse fera son affaire personnelle des engagements pris par la bailleresse avec la cave coopérative de vinification de Vertheuil, la bailleresse étant coopératrice, qui était contraire à la liberté laissée au preneur de livrer les produits de ses récoltes à toute personne ou entreprise de son choix et à la faculté de renoncer à reprendre les parts sociales de la coopérative à laquelle avait adhéré la bailleresse, était réputée non écrite, en sorte que la somme versée à Mme X... lors de l'entrée dans les lieux par la SCI en contrepartie des pénalités réclamées à la bailleresse, était injustifiée et sujette à répétition ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-74, L. 415-12 et R. 522-5 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'article 16 des statuts de la coopérative prévoyait, conformément à l'article R. 522-5 du code rural, que l'associé coopérateur s'engageait, en cas de mutation de propriété ou de jouissance d'une exploitation, au titre de laquelle il avait pris à l'égard de la coopérative des engagements, à transférer ses parts sociales au nouvel exploitant, et retenu que la clause relative à l'engagement de la société preneuse de faire son affaire personnelle des engagements pris par la bailleresse avec la coopérative s'inscrivait dans ce strict cadre, la cour d'appel en a, sans violer les articles L. 411-74 et L. 415-12 du code rural, exactement déduit que la clause n'était pas illicite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, qu'en application de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles étaient également recevables en appel et que la SCI avait bénéficié d'un temps suffisant pour conclure, et ayant pu retenir que Mme X... était bien fondée à réclamer réparation du préjudice que lui avait causé le fait qu'au mépris de ses engagements contractuels et ce conformément à la loi et aux statuts de la coopérative, le GFA n'avait pas fait son affaire personnelle de ses engagements en qualité de coopératrice, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et n'a pas fait application d'une clause réputée non écrite, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Château La Gravière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Château La Gravière à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros, rejette la demande de la SCI Château La Gravière ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la SCI Château La Gravière
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI LA GRAVIERE de sa demande en paiement de la somme de 34 661,69 euros;
AUX MOTIFS QU' il convient de distinguer les obligations contractées par les parties en qualité de bailleresse et de preneur, de ceux résultant des engagements de la bailleresse en qualité de coopératrice ; que par application de l'article 522-5 du Code rural : « Les statuts doivent prévoir que l'associé coopérateur s'engage, en cas de mutation de propriété ou de jouissance de l'exploitation au titre de laquelle ont été pris les engagements d'activité, à transférer ses parts sociales au nouvel exploitant qui, sous réserve des dispositions des alinéas 2 et 3 ciaprès, sera substitué, pour la période postérieure à l'acte de mutation, dans tous les droits et obligations de son auteur vis-à-vis de la société » ; que l'article 16 des statuts de la coopérative prévoient conformément à l'article R 522-5 du Code rural : « l'associé coopérateur s'engage, en cas de mutation de propriété ou de jouissance d'une exploitation au titre de laquelle il a pris à l'égard de la coopérative les engagements prévus à l'article 7 ci-dessus, à transférer ses parts sociales au nouvel exploitant qui, sous réserve des dispositions des alinéas 2 et 3 ci-après, sera substitué, pour la période postérieure à l'acte de mutation, dans tous les droits et obligations de son auteur vis-à-vis de la société » ; que la clause relative à l'engagement de la société preneuse à faire son affaire personnelle des engagements pris par la bailleresse avec la coopérative s'inscrit dans ce strict cadre et n'est donc pas illicite ;
ALORS QUE toute disposition des baux restrictive des droits stipulés par le présent titre est réputée non écrite ; que le successeur d'un associé coopérateur n'est jamais tenu de reprendre les parts sociales de son prédécesseur ; que, enfin, toute somme non justifiée remise à l'occasion d'un changement d'exploitant et de la conclusion d'un bail est sujette à répétition ; qu'en l'espèce, la clause insérée dans le bal prévoyant que la société preneuse fera son affaire personnelle des engagements pris par la bailleresse avec la Cave coopérative de vinification de VERTHEUIL, la bailleresse étant coopérative, qui était contraire à la liberté laissée au preneur de livrer les produits de ses récoltes à toute personne ou entreprise de son choix et à la faculté de renoncer à reprendre les parts sociales de la coopérative à laquelle avait adhéré la bailleresse, était réputée non écrite, en sorte que la somme versée à Mme X... lors de l'entrée dans les lieux par la SCI LA GRAVIERE en contrepartie des pénalités réclamées à la bailleresse, était injustifiée et sujette à répétition ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 412-74 , L 415-12 et R. 522-5 du Code rural.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande reconventionnelle de Madame X... en paiement de la somme de 42.685,72 euros, d'avoir encore déclaré cette dernière bien fondée à réclamer réparation du préjudice subi par elle en conséquence de la violation des obligations contractées par le GFA devenu la SCI au titre de ses engagements de coopérative et enfin d'avoir, avant de statuer sur les comptes, ordonné une expertise;
AUX MOTIFS QUE par application de l'article 567 du Code de procédure civile, « les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, l'évocation ne faisant pas obstacle à l'application des articles 554, 555 et 563 à 567 » ; que la SCI a bénéficié d'un temps suffisant pour conclure sur cette demande formulée par plus d'écritures déposées depuis le 19 mai 2008, un mois avant l'audience du 19 juin 2008 ; que Mme X... est bien fondée à réclamer réparation du préjudice que lui a causé le fait qu'au mépris de ses engagements contractuels et ce conformément à la loi et au statuts de la coopérative, le GFA, devenu la SCI n'a pas fait son affaire personnelle de ses engagements en qualité de coopérateur, alors qu'au demeurant le GFA devenu la SCI revendique les paiements effectués en vertu de la clause litigieuse;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation du chef de l'arrêt visé par le premier moyen entraînera, nécessairement, et par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt visé par le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition posée par l'article 70 du Code de procédure civile, de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait sans même rechercher si la demande reconventionnelle formée par Mme X... en réparation du préjudice que lui aurait causé le fait que le GFA devenu la SCI n'aurait pas acquis ses parts sociales de la coopérative à laquelle elle avait adhéré, se rattachait par un lien suffisant à la demande principale formée par la SCI LA GRAVIERE en répétition des sommes injustifiées, indûment versées à l'occasion de la conclusion du bail, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 70, 567, 568 et 455 du Code de procédure civile;
ALORS, ENFIN, QUE seul l'adhérent coopérateur, qui entend, à l'occasion d'un transfert de propriété ou de jouissance quitter la coopérative avec laquelle il a pris des engagements, a l'obligation de notifier à cette coopérative la mutation dans un délai de trois mois à dater de l'opération, et doit s'engager à transférer ses parts sociales au nouvel exploitant qui n'est pas tenu de les acquérir ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, cependant que le GFA devenu la SCI LA GRAVIERE n'avait commis aucun manquement à ses obligations en refusant de reprendre les parts sociales de la coopérative, proposées par Mme X... et n'avait pas davantage à respecter une clause du bail qui était réputée non écrite, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles R. 522-5 du Code rural, 1134 et 1147 du Code civil, L 411-1 et L 415-12 du Code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-20662
Date de la décision : 09/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE COOPERATIVE - Coopérative agricole - Sociétaire - Acte de mutation de propriété ou de jouissance d'une exploitation - Convention de cession de parts sociales de la coopérative au nouvel exploitant - Validité - Portée

La clause insérée dans le bail rural par laquelle une société preneuse s'engage à faire son affaire personnelle des engagements pris à l'égard d'une coopérative agricole par sa bailleresse, jusqu'alors associée de cette coopérative en sa qualité d'exploitante des parcelles données à bail, n'est pas illicite. Dès lors ne viole pas les articles L. 411-74 et L. 415-2 du code rural, la cour d'appel qui rejette la demande formée par la preneuse en restitution des sommes destinées à la coopérative agricole versées par elle en exécution de cet engagement


Références :

Cour d'appel de Bordeaux, 11 septembre 2008, 07/01468
articles L. 411-74, L. 415-2 et R. 522-5 du code rural dans sa rédaction issue du décret n° 90-879 du 28 septembre 1990

article 567 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 11 septembre 2008

Sur l'obligation pour l'associé coopérateur, en cas de mutation de propriété ou de jouissance de l'exploitation, de transférer ses parts sociales au nouvel exploitant qui peut les refuser, à rapprocher :1re Civ., 5 mars 1974, pourvoi n° 72-11883, Bull. 1974, I, n° 75 (2) (rejet) ;1re Civ., 7 mars 1979, pourvoi n° 77-14018, Bull. 1979, I, n° 85 (3) (cassation) ;1re Civ., 16 janvier 1996, pourvoi n° 94-13649, Bull. 1996, I, n° 32 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 déc. 2009, pourvoi n°08-20662, Bull. civ. 2009, III, n° 276
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 276

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Monge
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.20662
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