La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2009 | FRANCE | N°08-20355

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 novembre 2009, 08-20355


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le divorce entre M. X... et Mme Y..., tous deux de nationalité marocaine à la date de la requête, a été prononcé, à la demande de l'épouse, par l'arrêt attaqué, en application des articles 98 2 et 99 du nouveau code marocain de la famille promulgué par un dahir du 3 février 2004 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande en divorce présentée par son épouse, alors, selon le moyen :
1°/ q

ue l'exigence d'une double tentative de conciliation par le code de la famille maroc...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le divorce entre M. X... et Mme Y..., tous deux de nationalité marocaine à la date de la requête, a été prononcé, à la demande de l'épouse, par l'arrêt attaqué, en application des articles 98 2 et 99 du nouveau code marocain de la famille promulgué par un dahir du 3 février 2004 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande en divorce présentée par son épouse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'exigence d'une double tentative de conciliation par le code de la famille marocain "en cas d'existence d'enfants", constitue, compte tenu de l'enjeu, une règle du fond du divorce relevant de la loi personnelle des époux ; que, de plus, elle peut être aisément mise en oeuvre par le juge français ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 82 et 94 du code de la famille marocain ;
2°/ que la violation de cette exigence d'une double tentative de conciliation, conformément à la loi personnelle des époux, caractérise une fin de non recevoir au sens de l'article 122 du code procédure civile français, susceptible d'être opposée en tout état de cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a par ailleurs violé les articles 122 et 123 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a justement relevé que M. X... n'était pas fondé à opposer à titre de fin de non recevoir l'absence des deux conciliations prévues aux articles 82 et 94 du code de la famille marocain, dès lors que la juridiction française étant compétente, les règles de procédure française étaient applicables ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 3 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour accorder à Mme Y... une prestation compensatoire en application du droit français, la cour d'appel a relevé que la loi marocaine ne permettait pas d'accorder à l'épouse une allocation suffisante après le divorce de sorte qu'elle était, sur ce point, contraire à l'ordre public français ;
Qu'en statuant ainsi, sans analyser les termes du nouveau code marocain désigné par l'article 8 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 relative à la loi applicable en matière d'obligation alimentaire en l'absence de dispositions particulières de la Convention franco marocaine du 10 août 1981, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fait application de la loi française au versement de la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 16 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable la demande en divorce de Madame Y... et prononcé le divorce aux torts exclusifs de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE Madame Y... demande que le divorce soit prononcé contre le mari pour préjudice en application des articles 98-2° et 99 alinéa 2 du Code de la famille marocain ; que Monsieur X... n'est pas fondé à opposer, à titre de fin de non-recevoir, l'absence des deux conciliations prévues par les articles 82 et 94 du Code de la famille marocain, dès lors qu'il s'agit de règles de procédure inapplicables devant les juridictions françaises et qu'une ordonnance de non-conciliation a été prononcée le 13 novembre 2003, confirmée par un arrêt du 24 novembre 2004, sur l'appel de Monsieur X... qui s'est abstenu d'opposer une quelconque fin de non-recevoir, tant devant le magistrat conciliateur que devant la Cour et le Conseiller de la mise en état ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exigence d'une double tentative de conciliation par le Code de la famille marocain « en cas d'existence d'enfants », constitue, compte tenu de l'enjeu, une règle du fond du divorce relevant de la loi personnelle des époux ; que, de plus, elle peut être aisément mise en oeuvre par le juge français ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé par refus d'application les articles 82 et 94 du Code de la famille marocain ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la violation de cette exigence d'une double tentative de conciliation, conformément à la loi personnelle des époux, caractérise une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du Code procédure civile français, susceptible d'être opposée en tout état de cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a par ailleurs violé les articles 122 et 123 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur X... à verser à son épouse une prestation compensatoire sous la forme de l'abandon de sa part sur l'immeuble commun, situé ..., évalué 36.000 ;
AUX MOTIFS QUE, dès lors que la loi marocaine ne permet pas d'accorder à l'épouse une allocation suffisante après le divorce, elle est sur ce point contraire à l'ordre public français, de sorte que Madame Y... est en droit de demander une prestation compensatoire en application du droit français, après le prononcé du divorce en droit marocain ;
ALORS QUE le juge français ne peut écarter la loi étrangère applicable à une obligation alimentaire au sens du droit international privé, sans préciser en quoi elle serait manifestement incompatible avec la conception française de l'ordre public international ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui s'est bornée à affirmer que « la loi marocaine ne permet pas d'accorder à l‘épouse une allocation suffisante après le divorce », sans rien préciser des dispositions légales en cause, notamment, quant au point de savoir s'il s'agissait du nouveau Code de la Famille marocain, entré en vigueur le 1er février 2004, venu remplacer l'ancienne Moudawana, ni dire en quoi ces dispositions auraient été « manifestement incompatibles » avec l'ordre public, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 3 du Code civil, 9 et 10 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, 8 et 11 de la Convention de la Haye du 2 octobre 1973.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-20355
Date de la décision : 04/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Analyse des termes de la loi étrangère - Nécessité - Portée

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accord et conventions divers - Convention de La Haye du 2 octobre 1973 - Loi applicable aux obligations alimentaires - Loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Analyse des termes de la loi étrangère - Nécessité - Portée

Prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil, la cour d'appel qui, pour accorder à une épouse une prestation compensatoire en application du droit français, écarte la loi marocaine comme étant contraire à l'ordre public français sans analyser les termes du nouveau code marocain, désigné par l'article 8 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 relative à la loi applicable en matière d'obligation alimentaire, en l'absence de dispositions particulières de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981


Références :

Sur le numéro 1 : articles 82 et 84 du code de la famille marocain

article 122 du code de procédure civile
Sur le numéro 2 : article 3 du code civil

article 8 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 janvier 2008

Sur le n° 1 : Sur la distinction entre la loi régissant le fond du divorce et la loi applicable à la procédure de divorce, à rapprocher :1re Civ., 12 décembre 2006, pourvoi n° 04-18424, Bull. 2006, I, n° 540 (rejet.) Sur le n° 2 : Sur l'appréciation de la contrariété à l'ordre public de la loi marocaine applicable s'agissant des conséquences pécuniaires du divorce, à rapprocher :1re Civ., 7 novembre 1995, pourvoi n° 94-10447, Bull. 1995, I, n° 391 (cassation)

arrêt cité ;1re Civ., 28 novembre 2006, pourvoi n° 04-11520, Bull. 2006, I, n° 524 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 nov. 2009, pourvoi n°08-20355, Bull. civ. 2009, I, n° 218
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 218

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.20355
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award