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14/10/2009 | FRANCE | N°08-16369;08-16549

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2009, 08-16369 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Ordonne la jonction des pourvois D 08 16.549 et G 08 16.369 ;

Sur le moyen unique :
Attendu que la société américaine In Zone Brands international INC a conclu avec la société française In Zone Brands Europe, devenue In Beverage international, dont le président était M. X..., un contrat de distribution exclusive de boissons pour l'Europe ; que ce contrat, soumis aux lois de l'Etat de Georgie (Etats unis d'Amérique), comportait une clause attributive de compétence aux juridictions de cet Etat

; que la société américaine ayant résilié le contrat, la société In Bevera...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Ordonne la jonction des pourvois D 08 16.549 et G 08 16.369 ;

Sur le moyen unique :
Attendu que la société américaine In Zone Brands international INC a conclu avec la société française In Zone Brands Europe, devenue In Beverage international, dont le président était M. X..., un contrat de distribution exclusive de boissons pour l'Europe ; que ce contrat, soumis aux lois de l'Etat de Georgie (Etats unis d'Amérique), comportait une clause attributive de compétence aux juridictions de cet Etat ; que la société américaine ayant résilié le contrat, la société In Beverage international et M. X... ont saisi le tribunal de commerce de Nanterre dont la défenderesse a contesté la compétence en invoquant la clause attributive de juridiction ; que, parallèlement, la société In Zone Brands international INC a engagé une action devant la juridiction américaine et que, par décision du 3 mars 2006, la Superior Court du Comté de Cobb (Georgie) a d'une part prononcé une injonction permanente définitive ("anti suit injunction") interdisant aux parties françaises de poursuivre la procédure engagée devant le tribunal de commerce de Nanterre et d'autre part reconnu le principe de la créance de la société américaine ; que cette dernière a sollicité l'exequatur en France du jugement de la Superior Court ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 17 avril 2008) d'avoir déclaré la décision américaine exécutoire en France alors, selon le moyen, qu'en refusant de retenir la contrariété à l'ordre public international français d'une décision d'une juridiction étrangère prononçant une injonction, dite « anti suit », ayant pour objet d'interdire à une partie d'introduire ou de poursuivre une instance devant le juge français, sans même que ce dernier puisse se prononcer sur sa compétence, cependant qu'une telle injonction porte atteinte tant à une prérogative de souveraineté de l'Etat français qu'au droit d'accès au juge de la partie ayant saisi la juridiction française ou envisageant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement, en premier lieu, par motif propre, qu'eu égard à la clause attributive de compétence librement acceptée par les parties, aucune fraude ne pouvait résulter de la saisine par la société américaine de la juridiction expressément désignée comme compétente et, en second lieu, par motif propre et adopté, qu'il ne peut y avoir privation de l'accès au juge, dès lors que la décision prise par le juge georgien a précisément pour objet de statuer sur sa propre compétence et pour finalité de faire respecter la convention attributive de compétence souscrite par les parties ; que n'est pas contraire à l'ordre public international l'"anti suit injunction" dont, hors champ d'application de conventions ou du droit communautaire, l'objet consiste seulement, comme en l'espèce, à sanctionner la violation d'une obligation contractuelle préexistante ; que l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société In Beverage international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la société In Beverage international à payer à la société In Zone Brands Inc la somme de 2 500 euros ; rejette les demandes pour le surplus ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen unique identique aux pourvois n° G 08 16.369 et D 08 16.549 produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour M. X... et la société In Beverage international.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré exécutoire sur le territoire français le jugement rendu le 3 mars 2006 par la Superior Court du comté de Cobb, Etat de Géorgie (Etats-Unis d'Amérique) entre la société In Zone Brands, d'une part, monsieur Lionel X... et la société In Beverage International, d'autre part ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE par acte du 28 octobre 2005, monsieur X... et la société In Beverage International avaient assigné la société In Zone Brands devant le tribunal de commerce de Nanterre en réparation de divers préjudices résultant de la résiliation du contrat qui les liaient ; que la société In Zone Brands avait, par acte signifié le 10 janvier 2006, assigné monsieur X... et la société In Beverage International devant la Superior Court du comté de Cobb, Etat de Géorgie (Etats-Unis) qui, par un premier jugement du 3 mars 2006, avait prononcé une "INJONCTION PERMANENTE DEFINITIVE et interdit spécifiquement aux défendeurs de poursuivre la procédure qu'ils ont intentée contre Zone Brands, Inc. et/ou Zone Brands International, Inc. relativement aux relations commerciales antérieures entre les parties, ou découlant des réclamations contenues dans l'action et faites ou susceptibles d'être faites au cours de la procédure intentée par les défendeurs devant le tribunal de commerce français de Nanterre" et statué par défaut sur la responsabilité des dommages dont elle avait réservé le montant jusqu'à l'audience du 29 mars 2006 ; que par un second jugement rendu par défaut le 29 mars 2006, la Superior Court s'était prononcée en faveur du demandeur et avait condamné les défendeurs conjointement et solidairement à verser la somme de 51.314,66 $ (arrêt, p. 2) ; que le juge de l'exequatur, hors convention internationale, devait exclusivement vérifier la compétence du juge étranger, la conformité à l'ordre public international de procédure et de fond et l'absence de fraude à la loi (arrêt, p. 3) ; que le contrat de distribution signé entre les parties comportait un article 24 ainsi libellé : "Ce contrat sera régi et interprété conformément aux lois de l'Etat de Géorgie, Etats-Unis, à l'exclusion de toute disposition de règle de conflit de l'Union Européenne ou de la France, et tout litige devra être soumis à la compétence exclusive de l'Etat de Géorgie, Etats-Unis, dont les décisions seront exécutoires dans toutes les juridictions concernées» ; que monsieur X... avait expressément accepté cette clause qui faisait partie de l'économie du contrat (arrêt, p. 4) ; que le grief portant sur la privation d'un accès au juge ne pouvait prospérer dès lors que la décision prise par le juge géorgien avait précisément pour objet de statuer sur la compétence de ce dernier et pour finalité de faire respecter la convention attributive de compétence souscrite par les parties (arrêt, p. 5) ; que les défendeurs n'étaient pas fondés à prétendre que la décision étrangère heurtait l'ordre public international français procédural et de fond pour défaut d'accès au juge ; que la décision dite anti-suit injunction avait pour objet de statuer sur la compétence du juge saisi et pour finalité de faire respecter la convention attributive de compétence souscrite librement par les parties et de remédier à sa violation ; que cette décision ne privait donc pas les défendeurs d'un accès au juge librement désigné devant lequel ils avaient le loisir de se défendre, ne justifiant de nul obstacle financier ; qu'il s'ensuivait que ces critiques ne faisaient pas obstacle à l'efficacité en France de la décision entreprise ; qu'il y avait dès lors lieu de déclarer exécutoire sur le territoire français le jugement du 3 mars 2006 (jugement, p. 4) ;
ALORS QU'en refusant de retenir la contrariété à l'ordre public international français d'une décision d'une juridiction étrangère prononçant une injonction, dite «anti-suit», ayant pour objet d'interdire à une partie d'introduire ou de poursuivre une instance devant le juge français, sans même que ce dernier puisse se prononcer sur sa compétence, cependant qu'une telle injonction porte atteinte tant à une prérogative de souveraineté de l'Etat français qu'au droit d'accès au juge de la partie ayant saisi la juridiction française ou envisageant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-16369;08-16549
Date de la décision : 14/10/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Caractérisation - Défaut - Cas - "Anti suit injunction" hors champ d'application de conventions ou du droit communautaire - Condition

N'est pas contraire à l'ordre public international, l'"anti suit injunction" dont, hors champ d'application de conventions ou du droit communautaire, l'objet consiste seulement à sanctionner la violation d'une obligation contractuelle préexistante


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 avril 2008

Sur les conditions de la reconnaissance et de l'exequatur des décisions étrangères, à rapprocher :1re Civ., 30 septembre 2009, pourvoi n° 08-18769, Bull. 2009, I, n° ??? (cassation)

arrêt citéSur l'effet d'une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère dans le règlement du conflit de juridictions, à rapprocher : 1re Civ., 30 septembre 2009, pourvoi n° 08-17587, Bull. 2009, I, n° ??? (rejet) Sur le n° 2 : A rapprocher :1re Civ., 19 novembre 2002, pourvoi n° 00-22334, Bull. 2002, I, n° 275 (cassation) ;1re Civ., 30 juin 2004, pourvois n° 01-03.248 et 01-15.452, Bull. 2004, I, n° 191 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 oct. 2009, pourvoi n°08-16369;08-16549, Bull. civ. 2009, I, n° 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 207

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Mellottée (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Pascal
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.16369
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