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17/06/2009 | FRANCE | N°08-14657

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 juin 2009, 08-14657


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 5 février 2008), qu'à la suite d'un accident mortel du travail survenu sur le chantier d'un parc de stationnement dont la commune d'Angers (la commune) était maître d'ouvrage, le procureur de la République de cette ville a, le 19 octobre 2000, notifié à l'employeur de la victime une interdiction de poursuivre les travaux et a requis l'ouverture d'une information judiciaire ; que l'autorisation

de reprendre les travaux a été notifiée par le juge d'instruction le ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 5 février 2008), qu'à la suite d'un accident mortel du travail survenu sur le chantier d'un parc de stationnement dont la commune d'Angers (la commune) était maître d'ouvrage, le procureur de la République de cette ville a, le 19 octobre 2000, notifié à l'employeur de la victime une interdiction de poursuivre les travaux et a requis l'ouverture d'une information judiciaire ; que l'autorisation de reprendre les travaux a été notifiée par le juge d'instruction le 19 octobre 2001 ; que la commune a alors demandé la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à la réparation du préjudice anormal et spécial que lui avait causé le retard de livraison de l'ouvrage à la suite de l'interruption du chantier ordonnée par une décision de justice ;
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'indemnisation ;
Attendu qu'ayant souverainement constaté que l'interruption judiciaire des travaux dont ni la régularité, ni la nécessité ne sont remises en cause, avait pour objectif de préserver la conservation d'indices permettant de s'assurer, d'abord, des conditions de sécurité générale qu'offrait le chantier avant et après l'accident, ensuite des causes techniques de la rupture de la dalle alvéolaire dont l'effondrement avait provoqué la mort d'un ouvrier et que les avantages attendus de l'intervention judiciaire étaient donc de déterminer si ce décès pouvait résulter d'une faute active de l'un quelconque des constructeurs, concepteurs voire même financeurs du projet, question à laquelle il ne pouvait être passé outre sans s'exposer délibérément au risque d'un nouvel accident, la cour d'appel, qui en a déduit que la commune avait un avantage personnel à connaître les conclusions techniques des experts et ne justifiait, dans ces conditions, d'aucune rupture d'égalité devant les charges publiques, a, par ce seul motif, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Commune d'Angers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la Commune d'Angers.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la ville d'Angers de sa demande d'indemnisation,
AUX MOTIFS QUE la circonstance que l'incidence économique ne représente qu'une fraction négligeable des recettes budgétaires de la Ville, élément de fait qui résultait, semble-t-il, des connaissances personnelles du juge, ne faisait pas obstacle à la caractérisation d'un préjudice anormal, lequel s'entend, selon la jurisprudence administrative, d'un préjudice dont la gravité dépasse les charges que doivent objectivement supporter les tiers en contre partie des avantages résultant du service de la justice ; qu'il s'ensuit que l'anormalité du préjudice ne peut être déduite du seul constat que la durée de l'interruption judiciaire des travaux a excédé les aléas normaux de la construction, comme le soutient la Ville d'Angers, dès lors que ce critère fait abstraction des avantages attendus de l'intervention judiciaire ; qu'elle ne se limite pas non plus comme le suggère l'Agent judiciaire du Trésor, au seul dépassement des délais raisonnables des actes d'instruction, qui dénotant un fonctionnement défectueux du service de la justice, serait indemnisable indépendamment de la gravité du préjudice ; que l'interruption judiciaire des travaux dont ni la régularité, ni la nécessité ne sont remises en cause, avait pour objectif de préserver la conservation d'indices permettant de s'assurer d'abord des conditions de sécurité générale qu'offrait le chantier avant et après l'accident, ensuite des causes techniques de la rupture de la dalle alvéolaire dont l'effondrement avait provoqué la mort d'un ouvrier ; que les avantages attendus de l'intervention judiciaire étaient donc de déterminer si ce décès pouvait résulter d'une faute active de l'un quelconque des constructeurs, concepteurs voire même financeurs du projet, question à laquelle il ne pouvait être passé outre sans s'exposer délibérément au risque d'un nouvel accident ; qu'il s'ensuit que la Ville d'Angers qui au demeurant, n'a à aucun moment usé de la faculté qu'elle avait, en sa qualité de maître de l'ouvrage, de solliciter du juge d'instruction la main levée de l'interdiction de reprise des travaux, avait un avantage personnel à connaître les conclusions techniques des experts ; qu'elle ne justifie dans ces conditions d'aucune rupture d'égalité devant les charges publiques ; que pour ces motifs, substitués à ceux du tribunal, la Ville d'Angers ne peut qu'être déboutée de son action,
1) ALORS QUE la responsabilité de l'Etat est engagée, sans faute de sa part, lorsqu'il résulte de son activité un préjudice anormal et spécial ; que pour retenir que les conséquences de l'immobilisation du chantier pendant 15 mois pour les besoins de l'instruction judiciaire ne constituaient pas un préjudice anormal, la cour d'appel a retenu que la mesure d'instruction avait procuré à la Ville d'Angers un avantage, en permettant la recherche de l'origine de l'accident ; qu'en se prononçant par de telles considérations, liées à l'utilité de l'instruction, inopérantes à caractériser le caractère normal ou anormal de la sujétion résultant de cette mesure, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les conséquences de l'immobilisation du chantier avaient, pour la ville d'Angers, excédé ce qu'il est normal pour tout citoyen de supporter du fait de l'activité de la puissance publique, a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;
2) ALORS QUE pour débouter la ville d'Angers de sa demande, la cour d'appel a retenu qu'elle n'avait pas usé de la faculté qui était la sienne de demander la mainlevée de la suspension du chantier ; que l'anormalité du préjudice devait seulement s'apprécier au regard des conséquences de la suspension du chantier, qui n'était remise en cause ni dans son principe ni dans sa durée ; qu'en se prononçant par un tel motif, inopérant, sans rechercher si la sujétion découlant de la suspension du chantier était normale ou anormale, la cour d'appel a de ce chef encore privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-14657
Date de la décision : 17/06/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Responsabilité - Responsabilité sans faute - Cas - Responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques - Conditions - Caractère anormal de la charge supportée en contrepartie des avantages résultant de l'intervention judiciaire - Appréciation souveraine

C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'une cour d'appel, saisie d'une action fondée sur la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques, estime qu'une commune, maître d'ouvrage d'un parc de stationnement pour la construction duquel, suite à un accident mortel du travail, les travaux ont été suspendus pendant un an par une décision de justice, ne démontre pas le caractère anormal de la charge supportée par elle en contrepartie des avantages résultant de l'intervention judiciaire


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 05 février 2008

A rapprocher :1re Civ., 25 janvier 2005, pourvoi n° 03-10041, Bull. 2005, I, n° 40 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 jui. 2009, pourvoi n°08-14657, Bull. civ. 2009, I, n° 133
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 133

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: M. Falcone
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14657
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