LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, reprochant au Crédit lyonnais de lui avoir consenti deux prêts dont le remboursement, garanti par le cautionnement solidaire de son ex-mari, M. X..., excédait ses facultés contributives, Mme Y... l'a assigné en réparation du préjudice né de cette faute ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt attaqué retient que, bénéficiant lors de l'octroi des prêts litigieux de l'assistance de M. X..., présenté comme exerçant les activité ou profession de conseil ou consultant financier, Mme Y... était en mesure d'obtenir de celui-ci toutes les informations utiles à l'appréciation de l'opportunité et de la portée de l'engagement qu'elle contractait, de sorte qu'à supposer qu'elle n'ait pas disposé elle-même des compétences nécessaires pour porter seule une telle appréciation, elle ne pouvait se présenter comme une emprunteuse profane, partant rechercher la responsabilité du Crédit lyonnais pour avoir manqué au devoir de mise en garde auquel celui-ci n'était pas tenu à son égard ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, dont elle ne peut être dispensée par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'action en responsabilité dirigée contre le Crédit lyonnais par Mme Y..., l'arrêt rendu le 7 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne le Crédit lyonnais aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Crédit lyonnais à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande du Crédit lyonnais ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Isabelle Y... de son action en responsabilité contre le Crédit Lyonnais ;
Aux motifs qu'il est constant qu'à l'époque de la souscription du premier emprunt litigieux, Isabelle Y..., âgée de 41 ans et fonctionnaire de l'OCDE, justifiait percevoir un revenu mensuel net de l'ordre de 2.400 , qui ne lui permettait pas d'assumer la charge de remboursement de cet emprunt ; que cependant Dominique X... a été étroitement associé à la réalisation et au financement de l'acquisition immobilière effectuée le 26 juin 2002 au nom d'Isabelle Y... et qu'il entendait effectivement contribuer au remboursement d'un tel prêt ; que même s'il n'a pas contracté à son nom l'emprunt accordé le 26 juin 2002, il ne s'est pas moins porté caution solidaire de l'emprunteur, Isabelle Y..., envers la banque en garantie du remboursement de la totalité du prêt et, comme celle-ci, a adhéré à l'assurance de groupe, également pour la totalité du prêt, garantie qu'il a fait jouer entre les 26 octobre 2004 et 26 mars 2006 en raison de la survenance d'une incapacité temporaire de travail ; qu'il a très précisément informé le Crédit Lyonnais du montant de ses ressources, de l'état des son patrimoine immobilier et de son endettement au titre de deux prêts immobiliers ; que sur les questionnaires remis à la banque comme sur le compromis de vente conclu le 9 mars 2002, il a indiqué exercer la profession de « conseil financier » ou de « consultant financier » ; qu'il est ainsi suffisamment établi qu'Isabelle Y... a, lors de l'acquisition immobilière du 26 juin 2002 et de la souscription de l'emprunt destiné à la financer, bénéficié de l'assistance de Dominique X... de qui elle était en mesure d'obtenir toutes les informations utiles pour lui permettre d'apprécier l'opportunité et la portée de l'engagement qu'elle contractait au regard de sa propre situation et de celle de son ex-mari, à supposer qu'elle n'ait pas disposé elle-même des compétences nécessaires pour ce faire bien qu'elle se soit qualifiée « d'assistante de direction » sur le compromis de vente du 9 mars 2002 et l'acte notarié du 26 juin 2002 ; qu'elle ne saurait désormais dénier la compétence de Dominique X... en matière financière au motif qu'il aurait, en réalité, seulement assumé des fonctions de « commercial » au sein d'une compagnie d'assurance alors que celui-ci a, sur les questionnaires et compromis de vente précités, lui-même indiqué exercer les activité ou profession de conseil ou consultant financier et qu'il n'appartenait pas au Crédit Lyonnais de mettre en doute ou d'apprécier la pertinence de ces indications dont Dominique X... avait certifié l'exactitude ; qu'au demeurant, l'opération d'emprunt litigieuse dont le montant, la durée, le taux des intérêts fixes et la charge de remboursement en découlant sous forme d'échéances mensuelles constantes étaient clairement déterminés et aisément compréhensibles, ne présentait pas de complexité particulière ; qu'il n'est pas davantage prétendu par Isabelle Y... que le Crédit Lyonnais aurait eu sur ses revenus et ses facultés de remboursement prévisibles en l'état de ses relations avec Dominique X... des informations dont elle n'aurait pu elle-même disposer ; que ne pouvant, dans ces conditions, se présenter comme une emprunteuse « profane », Isabelle Y... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du Crédit Lyonnais au titre de manquements à des obligations de conseil, d'information, de mise en garde ou, encore, de vérification auxquelles cette banque n'était pas tenue envers elle ; que pour des motifs identiques, Isabelle Y... n'est pas davantage fondée à invoquer la faute qu'aurait commise le Crédit Lyonnais en lui ayant accordé le 15 juillet 2003 le prêt « personnel » de 42.000 dont la charge de remboursement aurait pareillement excédé ses capacités financières ; que dans ce cas aussi, l'emprunt a été contracté par Isabelle Y... en association avec Dominique X..., au regard de la situation financière et des revenus escomptés de ce dernier ; que ce n'est qu'après la survenance d'un arrêt de travail, puis la perte de son emploi par Dominique X... que les échéances des deux prêts litigieux n'ont plus été réglées ; qu'Isabelle Y... doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre du Crédit Lyonnais ;
ALORS D'UNE PART QUE la banque, qui octroie un prêt dont les charges de remboursement excède les revenus de l'emprunteur commet une faute à son égard, peu important qu'un tiers ait eu l'intention de contribuer au remboursement de cet emprunt qu'il n'a pas lui-même personnellement souscrit ou que l'opération envisagée ne présente pas de complexité particulière ; qu'ayant constaté que le revenu mensuel net de Mme Y... ne lui permettait pas d'assumer la charge de remboursement de l'emprunt qu'elle a souscrit le 26 juin 2002 auprès du Crédit Lyonnais, ni a fortiori le prêt personnel que lui a accordé cette banque le 15 juillet 2003, la cour d'appel, qui a néanmoins débouté l'emprunteuse de son action en responsabilité contre la banque, a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE manque à son obligation de mise en garde et engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de l'emprunteur profane le banquier qui accorde à ce dernier un emprunt excessif sans l'alerter sur les risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'il ne résulte pas nécessairement du fait que le coobligé, qui s'est porté caution de cet emprunt, puisse être considéré comme averti que l'emprunteur l'est également ; qu'en déduisant de la seule présence de M. X..., quand bien même il eût été conseil financier, aux côtés de Mme Jaspart, que celle-ci était une emprunteuse avertie, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS ENSUITE QUE la banque qui octroie un crédit à un emprunteur profane est tenue d'exécuter elle-même son obligation de mise en garde ; que l'intervention d'un tiers averti dans l'opération de prêt, aux côtés de l'emprunteur, n'est pas de nature à la dispenser de cette obligation ; que la circonstance que Mme Y... ait pu être en mesure d'obtenir de la part de M. X... toutes les informations utiles pour lui permettre d'apprécier l'opportunité et la portée de l'engagement qu'elle contractait au regard de sa propre situation, ne dispensait pas la banque de son obligation de l'alerter sur les risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en déduisant cependant de l'assistance supposée de Mme Y... par M. X... que la banque n'était tenue d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard de l'emprunteuse, pour débouter Mme Y... de son action en responsabilité contractuelle à l'encontre du Crédit Lyonnais, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS EN OUTRE QUE seul celui dont les compétences et connaissances effectives en matière financière sont établies peut être considéré comme un emprunteur averti ; qu'en déduisant la qualité d'emprunteuse avertie de Mme Y... de la présence à ses côtés de M. Fruchon, sans constater expressément que ce dernier disposait des compétences et connaissances effectives en matière financière suffisantes pour être qualifié d' « emprunteur » averti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS ENFIN QU'en ne recherchant, comme il le lui était expressément demandé, si M. X..., qui était seulement commercial pour une compagnie d'assurance, disposait effectivement de compétences et connaissances en matière financière et était ainsi réellement averti ou non, au motif inopérant que la banque avait pu croire que tel était le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.