LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2008), que Mme X..., locataire d'un appartement, dépendant d'un immeuble propriété de la société Generali Vie (la société), a obtenu la condamnation sous astreinte de la bailleresse à procéder à l'installation de boîtes aux lettres individuelles nominatives pour chaque appartement donné à bail dans l'immeuble ; que l'injonction étant demeurée sans effet, Mme X... a saisi le juge de l'exécution d'une demande en liquidation de l'astreinte et en paiement de dommages et intérêts ; que ses demandes n'ayant pas été accueillies, elle a interjeté appel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de minorer le montant de l'astreinte liquidée, alors, selon le moyen, que si les juges du fond sont souverains pour liquider le montant de l'astreinte compte tenu du comportement du débiteur de l'injonction et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, ils sont néanmoins tenus, lorsqu'ils en réduisent le montant, de faire apparaître les difficultés qu'a rencontrées le destinataire de l'injonction, à raison de circonstances étrangères à son comportement ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont limité à 10 000 euros le montant de l'astreinte liquidée, quand le montant de l'astreinte prescrite, pour la période visée par la demande, s'élevait à 18 000 euros ; qu'en se bornant à faire état de ce que la mise en place d'une copropriété avait été prévue antérieurement à l'arrêt du 1er juin 2006, de ce qu'aucune démarche n'avait été faite entre la signification de l'arrêt et la publication du règlement de copropriété ou bien encore de ce que la société Generali Vie ne produisait aucune délibération de la copropriété s'opposant à l'installation des boîtes aux lettres, autrement dit en faisant état de circonstances révélant que l'inexécution était injustifiée, sans faire par ailleurs état d'aucune circonstance, étrangère au destinataire de l'injonction, susceptible de justifier une minoration du montant de l'astreinte liquidée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 36 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait de différents courriels des membres du conseil syndical que la quasi-totalité des personnes habitant l'immeuble souhaitaient continuer à bénéficier du service "porté"assuré par les gardiens et étaient hostiles à la mise en place des boîtes aux lettres, la cour d'appel a souverainement tenu compte des difficultés rencontrées par la société en réduisant le montant de l'astreinte liquidée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages et intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires ; que l'astreinte est une mesure de contrainte à caractère personnel ; qu'il entre ainsi dans les pouvoirs du juge de l'exécution d'octroyer des dommages et intérêts au bénéficiaire d'une injonction assortie d'astreinte, s'il y a inexécution fautive de la part du débiteur de l'injonction ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et 34 et 35 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
2°/ que lorsque le juge constate qu'il n'a pas le pouvoir d'apprécier le bien-fondé d'une demande, il peut seulement constater son incompétence ou son absence de pouvoir et n'est pas autorisé à rejeter la demande ; qu'en rejetant la demande de dommages et intérêts, dans les motifs de l'arrêt comme dans son dispositif, les juges du fond ont commis un excès de pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le juge de l'exécution qui liquide l'astreinte n'ayant pas le pouvoir d'apprécier le préjudice subi en raison de la résistance abusive du débiteur de l'obligation assortie de l'astreinte, la cour d'appel a rejeté, à bon droit, sans excéder ses pouvoirs, la demande de dommages et intérêts de Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société Generali Vie la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X...,
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, après avoir constaté que la Société GENERALI VIE ne s'était pas conformée à l'injonction qui lui avait été adressée, avec astreinte, il a liquidé à 10.000 le montant de l'astreinte ;
AUX MOTIFS QUE « l'arrêt rendu le 1er juin 2006 par la Cour d'appel de PARIS a été signifié à la Société GENERALI VIE le 21 juin 2006 ; qu'il n'est pas contesté par les parties que les obligations mises à la charge de cette dernière par l'arrêt du 1er juin 2006, à savoir l'installation de boîtes aux lettres individuelles nominatives, n'ont pas encore été remplies ; que la Société GENERALI VIE prétend que cette installation se heurte à l'impossibilité d'imposer aux autres locataires une décision par rapport à laquelle ils sont tiers et dont ils ne souhaitent pas forcément les conséquences ; que cependant, l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 interdit au juge de l'exécution et à la cour statuant avec les mêmes pouvoirs de modifier le dispositif de la décision, fondement de la demande ; que, de plus, la Cour d'appel, en imposant cette installation de boîtes aux lettres individuelles nominatives pour chaque appartement donné à bail n'était pas sans savoir que d'autres locataires résidaient dans l'immeuble ; que la Société GENERALI VIE argue d'une autre difficulté majeure pour expliquer l'inexécution de l'arrêt, à savoir la soumission de l'immeuble au régime de la copropriété ; que cependant, cette mise en copropriété était prévue depuis le mois d'avril 2006, antérieurement au prononcé de l'arrêt ; que la Société GENERALI VIE n'a pas cru bon d'avertir la Cour d'appel de ce changement de statut de l'immeuble concerné ; que cet événement n'est pas extérieur à la Société GENERALI VIE puisqu'elle a organisé elle-même la vente par appartements de son immeuble ; que l'acte de dépôt du règlement de copropriété a été régularisé le 21 juillet 2006 mais publié au bureau des hypothèques les 23 août et 26 septembre 2006 ; que la Société GENERALI VIE ne justifie d'aucune démarche entre la signification de l'arrêt et cette publication, opposable aux tiers, pour équiper l'immeuble de boîtes aux lettres ou pour prévoir avec le syndicat des copropriétaires les modalités d'une telle pose ; que, néanmoins, s'il résulte des différents courriels des membres du conseil syndical que la quasi-totalité des personnes habitant l'immeuble souhaitent continuer à bénéficier du service « porté » assuré par les gardiens et sont hostiles à la mise en place des boîtes aux lettres, la Société GENERALI VIE ne verse au dossier aucune preuve d'assemblée générale refusant ladite installation de boîtes aux lettres ; qu'il convient, compte tenu de ces éléments, de liquider l'astreinte à la somme de 10.000 (…) » (arrêt, p. 3, dernier §) ;
ALORS QUE si les juges du fond sont souverains pour liquider le montant de l'astreinte compte tenu du comportement du débiteur de l'injonction et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, ils sont néanmoins tenus, lorsqu'ils en réduisent le montant, de faire apparaître les difficultés qu'a rencontrées le destinataire de l'injonction, à raison de circonstances étrangères à son comportement ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont limité à 10.000 le montant de l'astreinte liquidée, quand le montant de l'astreinte prescrite, pour la période visée par la demande, s'élevait à 18.000 ; qu'en se bornant à faire état de ce que la mise en place d'une copropriété avait été prévue antérieurement à l'arrêt du 1er juin 2006, de ce qu'aucune démarche n'avait été faite entre la signification de l'arrêt et la publication du règlement de copropriété ou bien encore de ce que la Société GENERALI VIE ne produisait aucune délibération de la copropriété s'opposant à l'installation des boîtes aux lettres, autrement dit en faisant état de circonstances révélant que l'inexécution était injustifiée, sans faire par ailleurs état d'aucune circonstance, étrangère au destinataire de l'injonction, susceptible de justifier une minoration du montant de l'astreinte liquidée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 36 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme X... à raison du préjudice subi par cette dernière du fait de la résistance abusive de la Société GENERALI VIE ;
AUX MOTIFS QUE « le juge de l'exécution, et la Cour statuant en appel de l'une de ses décisions avec les mêmes pouvoirs, liquidant une astreinte, n'ont pas le pouvoir d'apprécier le préjudice subi en raison de la résistance abusive du débiteur de l'obligation assortie de l'astreinte, qui relève du juge du fond ; que la demande de dommages et intérêts de l'appelante doit être rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point (…) » (arrêt, p. 4, § 1er) ;
ALORS QUE, premièrement, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires ; que l'astreinte est une mesure de contrainte à caractère personnel ; qu'il entre ainsi dans les pouvoirs du juge de l'exécution d'octroyer des dommages et intérêts au bénéficiaire d'une injonction assortie d'astreinte, s'il y a inexécution fautive de la part du débiteur de l'injonction ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire et 34 et 35 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Et ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, lorsque le juge constate qu'il n'a pas le pouvoir d'apprécier le bien-fondé d'une demande, il peut seulement constater son incompétence ou son absence de pouvoir et n'est pas autorisé à rejeter la demande ; qu'en rejetant la demande de dommages et intérêts, dans les motifs de l'arrêt comme dans son dispositif, les juges du fond ont commis un excès de pouvoirs et violé l'article 562 du Code de procédure civile.