LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2008, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Georges X... des chefs d'infractions à la police de la chasse ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sur le fondement d'un procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve contraire des constatations effectuées, dressé par des agents de l'Office national des forêts (l'ONF) , Georges X..., fermier de chasse dans des bois soumis au régime forestier, a été poursuivi pour avoir, dans le département de la Moselle, à l'occasion d'une action de chasse, contrevenu aux clauses du cahier des charges régissant l'exploitation de la chasse et circulé, avec son véhicule, en forêt hors des routes et chemins ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, R. 429-1 et R. 428-2 du code de l'environnement, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des liberté fondamentales, et 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Georges X... des fins de la poursuite du chef de contravention aux clauses du cahier des charges relatives à la chasse par un fermier de la chasse, et débouté l'ONF de ses demandes au titre de l'action civile ;
"aux motifs que, selon une stricte application de la réglementation à laquelle se référait l'ONF, il y aurait eu lieu de retenir Georges X... dans les liens de la prévention ; qu'en effet la démonstration de l'ONF, reposant sur des dispositions réglementaires, pour la plupart empruntées au droit national et complétées par des arrêtés préfectoraux, pouvait paraître recevable en sa logique intrinsèque, certes animée de bonnes intentions notamment en ce qui concernait les problèmes de sécurité et d'encadrement des actions de chasse ; que, cependant, dans un strict respect de la hiérarchie des lois, il ne saurait, dans le cas présent, être fait abstraction du droit de la chasse en Alsace-Lorraine, droit qui prévalait toujours en la matière et qui posait des principes incompatibles avec le raisonnement appliqué dans la décision contestée ; qu'en effet, selon le droit local et en opposition avec le droit de la France de l'intérieur, le gibier en Alsace-Moselle n'était pas « res nullius » ; que, pour la durée du contrat qui liait le chasseur à l'ONF, le gibier circulant était la propriété de l'adjudicataire, qui portait le titre et la responsabilité de fermier de la chasse, avec le devoir qui en découlait de gérer son cheptel de chasse et à charge pour lui, le cas échéant, de payer en fin de bail des dommages et intérêts en réparation du préjudice qui serait résulté d'une mauvaise gestion de son fermage de chasse ; que, dès lors, il ne saurait être admis que l'ONF interférât dans chaque détail de la gestion du fermier de chasse, invoquant la sécurité des citoyens dans le lot donné à bail ; qu'à cet égard, celui-ci eût été mieux avisé, à titre de précaution, de ne pas mettre en location ce territoire parsemé de promeneurs du fait de sa proximité avec la ville de Sarreguemines ; que, de ce qui précédait, il ne pouvait que se déduire que Georges X... avait usé normalement de ces prérogatives de fermier de chasse en prenant des décisions appropriées, dans une situation dont il avait eu l'entière responsabilité et dans l'esprit du droit plus que centenaire qui régissait le droit de chasse dans le territoire considéré ;
"alors que, par l'effet de l'article R. 429-1 du code de l'environnement, l'article R. 428-2 du même code, qui punit de l'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe le fait pour les fermiers de la chasse, soit dans les bois relevant du régime forestier, soit sur les propriétés dont la chasse est louée au profit de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, de contrevenir aux clauses et conditions de leurs cahiers des charges relatives à la chasse, est applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; que, par suite, dans ces trois départements, la méconnaissance par un fermier de chasse des clauses et conditions de son cahier des charges relatives à la chasse est punissable sans que puisse y faire obstacle la nature juridique que le droit local conférerait au gibier ; que la cour d'appel ne pouvait donc régulièrement faire prévaloir le droit local sur le texte précité expressément et exclusivement applicable dans ces trois départements, en particulier en Moselle ;
"alors qu'en tout état de cause, les juges du fond doivent donner une base légale à leur décision en indiquant la base juridique sur laquelle ils statuent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas précisé les dispositions du droit local, qui dérogeraient au droit national précité, selon lesquelles le gibier dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin n'était pas res nullius et desquelles elle a déduit que Georges X... n'était pas passible de l'infraction prévue à l'article R. 428-2 du code de l'environnement ; qu'ainsi, elle n'a pas justifié sa décision ;
"alors qu'en outre aucune disposition du droit local applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ne confère au gibier une nature telle que le locataire de chasse serait exempté de respecter les clauses et conditions de son cahier des charges relatives à la chasse ;
"alors qu'enfin, à supposer même qu'une telle disposition du droit local existât et privât le gibier de la qualité de res nullius, une telle circonstance est impropre à faire échec au caractère répréhensible de la méconnaissance des clauses et conditions du cahier des charges relatives à la chasse ; qu'en justifiant sa décision par référence à la qualité conférée au gibier par le droit local, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier celle-ci au regard de l'article R. 428-2 du code de l'environnement ;
Vu l'article R. 428-2 du code de l'environnement, ensemble l'article R. 429-1 de ce code ;
Attendu qu'il résulte des dispositions du premier de ces textes, applicables selon le second au département de la Moselle, que la méconnaissance par un fermier de chasse des clauses et conditions du cahier des charges relatives à la chasse est punissable, sans que puisse y faire obstacle la nature juridique que le droit local conférerait au gibier ;
Attendu que, pour renvoyer Georges X... des fins de la poursuite du chef de contravention aux clauses du cahier des charges par un fermier de la chasse et débouter l'ONF de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de de la violation des articles 1382 du code civil, R. 331-3 du code forestier, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales, et 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Georges X... des fins de la poursuite du chef de circulation de véhicule en forêt hors des routes et chemins et débouté l'ONF de ses demandes au titre de l'action civile ;
"aux motifs que l'exercice du droit de circuler du locataire, muni d'une autorisation relative aux voies carrossables, dès lors qu'il s'exerçait dans le cadre de ses prérogatives de fermier de chasse et de sa gestion de chasse, ne permettait pas d'assimiler les faits relevés à ce titre à une contravention ;
"alors qu'aux termes de l'article R. 331-3, alinéa 2, du code forestier, dont l'application aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle n'est pas exclue, est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe tout détenteur de véhicules, bestiaux, animaux de charge ou de monture trouvés dans les forêts, hors des routes et chemins ; que le fermier de chasse dans ces départements, titulaire d'une autorisation relative aux seules voies carrossables, n'est pas soustrait au respect de ces dispositions s'agissant de sa présence hors de ces voies et chemins ; que, par suite, la cour d'appel a violé ce texte" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour dire non établie la contravention de circulation de véhicule en forêt hors des routes et chemins et débouter l'ONF de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt, en se référant expressément, pour l'exposé des faits, aux énonciations du jugement, retient que l'article 4 du cahier des clauses communes de la location de la chasse dans les forêts domaniales pour la région Lorraine interdit toute circulation d'engins motorisés dans les peuplements forestiers où la présence de l'engin stationné en pleine forêt a été constatée ; que le juge énonce, par ailleurs, que l'exercice du droit de circuler par un locataire, muni d'une autorisation relative aux voies carrossables, lorsqu'il intervient dans le cadre de ses prérogatives de fermier de chasse et de sa gestion de la chasse, ne permet pas d'assimiler les faits relevés à une contravention ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs empreints de contradiction , la cour d'appel n' a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 14 mars 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Georges X... devra payer à l'Office national des forêts au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;