Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire (APPCD), M. B... E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L...K..., M. A... I... et Mme N...G...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2014 du préfet des Vosges en tant qu'il a autorisé la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle à exploiter treize éoliennes (E1 à E13), quatre postes de livraison et deux locaux techniques sur le territoire des communes de Damas-et-Bettegney, Dompaire, Gelvécourt-et-Adompt, Les Ableuvenettes et Madonne-et-Lamerey.
Par un jugement n° 1402183 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision contestée dans la mesure demandée.
Procédure devant la cour :
I°) Sous le n° 16NC00117, par une requête et un mémoire enregistrés les 25 janvier 2016, 11 janvier 2017 et 2 février 2017, la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge des intimés une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation sur sa capacité à exploiter et remettre en état le projet ;
- le moyen tiré de l'insuffisance des informations relatives à ses capacités financières ne peut être accueilli ; à titre subsidiaire, les éléments indiqués dans son dossier de demande sont suffisants pour établir sa capacité à construire et exploiter le projet ;
- le dossier de demande comportait notamment une lettre par laquelle la société Neoen s'engageait de manière définitive à mettre à la disposition de la société appelante l'ensemble de ses capacités financières pour qu'elle puisse honorer tous ses engagements, y compris la construction et l'exploitation du projet, ainsi que le respect des obligations réglementaires en vigueur ; ainsi la société Neoen doit être regardée comme s'engageant à financer la totalité du projet et non pas seulement 20 % contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
- en outre, l'article L. 553-3 du code de l'environnement prévoit qu'en cas de défaillance de l'exploitant, la société mère doit se substituer à lui pour le démantèlement des installations et la remise en état du site ;
- aucun engagement bancaire de nature à démontrer ses capacités financières n'est nécessaire dès lors que les capacités financières exigées ne portent que sur l'exploitation de l'installation classée ;
- les autres moyens de première instance ne peuvent être accueillis ;
- ses capacités techniques sont suffisantes ;
- le dossier d'enquête publique est régulièrement composé ;
- l'étude d'impact est suffisante ;
- le signataire de l'avis de l'autorité environnementale justifie d'une délégation régulière ;
- les conclusions du commissaire enquêteur sont suffisamment justifiées ;
- l'article L. 511-1 du code de l'environnement n'est pas méconnu, dès lors qu'il n'y a pas d'atteinte aux paysages et à l'avifaune.
Par des mémoires en défense enregistrés le 11 août 2016 et le 2 février 2017, l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire (APPCD), M. B... E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L...K...et Mme N...G..., représentés par MeF..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté contesté dans la mesure demandée devant le tribunal administratif ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle une somme à lui verser de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, dès lors que les capacités financières de la société sont insuffisantes ;
- la société ne justifie de capacités techniques suffisantes ;
- l'étude d'impact est insuffisante ;
- l'avis de l'autorité gouvernementale est irrégulier ;
- la composition du dossier d'enquête publique est irrégulière en ce que l'avis du ministère de la défense du 8 novembre 2012 ne saurait être regardé comme se substituant à l'accord du ministre de la défense du 19 avril 2013 qui ne figurait pas au dossier ; en ce qu'il ne comprend pas les avis du ministre en charge de l'aviation civile, du ministre de la défense et du maire de la commune d'implantation qui étaient rendus obligatoires par des textes édictés avant le début de l'enquête publique, alors qu'en vertu de l'article R. 123-8 du code de l'environnement ces avis conditionnent la délivrance du permis de construire ; cette irrégularité a privé le public d'une garantie ;
- la motivation des conclusions du commissaire enquêteur est insuffisante et a privé les intéressés d'une garantie ;
- l'article L. 511-1 du code de l'environnement est méconnu.
II°) Sous le n° 16NC00199, par un recours et un mémoire enregistrés les 4 février 2016 et 24 janvier 2017, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) de rejeter la demande de première instance.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute d'être revêtu des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation au regard des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement, en ce qui concerne les capacités financières et techniques à exploiter le projet, dont la société justifie totalement ;
- l'étude acoustique est suffisante ;
- le dossier d'enquête publique est régulièrement composé ;
- l'étude d'impact est suffisante ;
- le signataire de l'avis de l'autorité environnementale justifie d'une délégation régulière ;
- les conclusions du commissaire enquêteur sont suffisamment motivées ;
- l'article L. 511-1 du code de l'environnement n'est pas méconnu, dès lors qu'il n'y a pas d'atteinte aux paysages et à l'avifaune.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 mai 2016, la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle, représentée par MeD..., demande à la cour :
- de faire droit au recours du ministre ;
- de mettre à la charge des intimés une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle se réfère aux moyens qu'elle a soulevés dans sa requête en appel.
Par des mémoires en défense enregistré le 11 août 2016 et le 16 février 2017, l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire (APPCD), M. B... E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L...K...et Mme N...G..., représentés par MeF..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté contesté dans la mesure demandée devant le tribunal administratif ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle une somme à lui verser de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur d'appréciation, dès lors que les capacités financières de la société sont insuffisantes ;
- la société ne justifie pas suffisamment de ses capacités techniques ;
- l'étude d'impact est insuffisante ;
- l'avis de l'autorité gouvernementale est irrégulier ;
- la composition du dossier d'enquête publique est irrégulière ;
- la motivation des conclusions du commissaire enquêteur est insuffisante ;
- l'article L. 511-1 du code de l'environnement est méconnu.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle, ainsi que celles de MeF..., pour l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire et autres.
Une note en délibéré présentée par la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle a été enregistrée le 14 mars 2017.
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 décembre 2012, la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle a déposé une demande d'autorisation d'exploiter une installation composée de dix-huit éoliennes, cinq postes de livraison et trois locaux technique sur le territoire de communes situées dans le canton de Dompaire, dans l'emprise du schéma régional de développement éolien approuvé le 20 décembre 2012. Par arrêté du 30 janvier 2014, le préfet des Vosges a accordé l'autorisation d'exploiter treize éoliennes, situées dans le secteur nord du projet, implantées sur les territoires des communes de Damas-et-Bettegney, Dompaire, Gelvécourt-et-Adompt, Les Ableuvenettes, Madonne-et-Lamerey et a refusé l'autorisation d'exploiter les autres éoliennes. Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy, sur demande de l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire et cinq particuliers, a annulé l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2014.
2. Les requêtes visées ci-dessus de la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont dirigées contre un même jugement, posent des questions communes et ont fait l'objet d'une même instruction. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, la minute du jugement comporte les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la société Centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " (...) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ".
6. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du même code, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ".
7. Il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code.
8. Dans le dossier de demande, la société pétitionnaire présentait un plan d'affaire prévisionnel pour vingt ans, qui faisait état des recettes qu'elle pouvait espérer compte tenu de l'obligation d'achat de son électricité par EDF, du montant des charges annuelles d'exploitation, de la constitution de provisions de démantèlement sur quinze ans, avec application d'un coefficient d'indexation, ainsi qu'un compte d'exploitation faisant apparaître les flux de trésorerie. Ces éléments sont en cohérence avec les données connues pour d'autres parcs en exploitation.
9. Toutefois, en ce qui concerne la réalisation de l'investissement initial, la société mentionnait que la société mère en verserait 20 %, que 80 % seraient financés par un prêt bancaire et que le montage financier ne serait fait qu'après la délivrance des permis de construire et de l'autorisation d'exploiter. La société indiquait également qu'il était probable que le financement se ferait par un prêt bancaire sur quinze ans à un taux d'intérêt d'environ 5 %. Toutefois, elle ne produit en appel à l'appui de ces éléments, que deux lettres de banques, qui si elles affirment leur grand intérêt pour financer l'opération contestée, ainsi qu'elles l'ont déjà fait pour d'autres opérations du groupe Neoen qu'elles financent depuis de nombreuses années, indiquent également qu'elles ne sont pas en mesure de faire de propositions avant la fin de la phase de développement. La lettre du 29 novembre 2012 jointe au dossier de demande par la société pétitionnaire, par laquelle le président de la société mère avait déclaré qu'il mettrait à la disposition de la SARL centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle l'ensemble de ses capacités financières pour qu'elle puisse honorer ses engagements, ne comporte pas d'engagement suffisamment précis de financement pour vérifier que la société Neoen sera en mesure de financer éventuellement la totalité du projet même si elle détient totalement la société pétitionnaire à travers sa filiale, la société Neoen éolienne.
10. Ainsi, c'est à bon droit, que le tribunal administratif a jugé, pour annuler l'arrêté contesté, que la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle n'avait pas apporté suffisamment d'éléments de nature à démontrer sa capacité financière, ainsi que l'exigeaient les dispositions précitées des articles L. 512-1 et R. 512-3 du code de l'environnement alors applicables.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté préfectoral contesté.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, de M. B...E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L...K..., et Mme N...G..., qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle une somme totale de 1 500 euros à verser à l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, M. B...E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L... K..., et Mme N...G...au titre des mêmes frais.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 16NC00117 et n° 16NC00199 sont jointes.
Article 2 : Les requêtes n° 16NC00117 et n° 16NC00199 de la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont rejetées.
Article 3 : La société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle versera à l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, M. B...E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L...K..., et Mme N...G...une somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des intimés relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société centrale éolienne du pays entre Madon et Moselle, à l'association pour la protection du paysage du canton de Dompaire, M. B...E..., M. M...H..., M. C...J..., M. L...K..., Mme N...G...et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée à M. A...I...et au préfet des Vosges.
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N° 16NC00117-16NC00199