Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.
Par un jugement n° 1902247 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire enregistrés le 3 janvier 2020, le 24 janvier 2020 puis le 23 février 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas répondu à certains moyens invoqués devant lui ;
- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;
- la décision de refus de titre de séjour en litige aurait dû être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ;
- elle méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 de ce code ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du même code ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale " pour les mêmes motifs ".
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain né en 1955 et entré en France au cours de l'année 1993, a déposé, le 14 janvier 2010, une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", ainsi qu'à la régularisation de sa situation. Le préfet des AlpesMaritimes a, par un arrêté du 22 mars 2010, refusé de lui délivrer un titre de séjour et a notamment assorti ce refus d'une mesure d'éloignement. Cet arrêté a été annulé par un arrêt n° 10MA03283 de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 juin 2012 enjoignant à cette autorité de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé. A la suite de ce réexamen, le préfet des AlpesMaritimes a, par un arrêté du 31 juillet 2012, de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M. D... et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un arrêt n° 14MA04385 du 11 janvier 2016, la cour a annulé ce dernier arrêté et a enjoint au préfet de se prononcer une nouvelle fois sur la demande de titre de séjour présentée le 14 janvier 2010. La cour a également annulé, par un arrêt n° 18MA03072 du 17 janvier 2019, l'arrêté du préfet des AlpesMaritimes du 16 octobre 2017 portant notamment refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. En exécution de l'injonction de réexamen de la même demande prononcée par ce dernier arrêt, le préfet a, par un arrêté du 15 avril 2019, refusé de délivrer un titre de séjour à M. D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. D... relève appel du jugement du 20 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 15 avril 2019.
2. Il est constant que M. D... réside habituellement en France depuis l'année 1993, soit depuis plus de vingt-six ans à la date de l'arrêté attaqué, lequel rejette notamment, pour la quatrième fois, sa demande de titre de séjour déposée en 2010 et évoquée au point 1. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui produit plusieurs promesses d'embauche en qualité d'agent d'entretien, s'est efforcé de s'insérer professionnellement depuis son entrée sur le territoire français et qu'il a conclu, en dernier lieu, un contrat de travail à durée indéterminée le 10 avril 2016 afin d'occuper un poste d'ouvrier qualifié d'entretien au sein d'une entreprise de nettoyage. Par ailleurs, M. D... justifie de son engagement au sein d'une organisation syndicale depuis de nombreuses années. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, compte tenu, en particulier, de la durée de la présence en France de M. D... ainsi que de ses efforts d'intégration, et alors même qu'il est célibataire et sans charge de famille, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, M. D... est fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions, également contenues dans l'arrêté contesté, lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 avril 2019.
4. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. D.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un titre de séjour à l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 avril 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un titre de séjour à M. D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Simon, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C..., première conseillère,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
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N° 20MA00061