Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.
Par un jugement n° 1704978 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juin 2018 et le 12 juillet 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit commise par le préfet qui n'a pas examiné sa demande de titre de séjour du 14 janvier 2010 en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail ;
- les premiers juges se sont substitués à l'autorité administrative pour statuer sur la demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- il ne pouvait être exigé qu'il justifie d'un contrat de travail visé en application de l'article R. 5221-14 du code du travail ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il justifie de motifs d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a insuffisamment examiné sa demande de titre de séjour en qualité de salarié et la décision attaquée est donc entachée d'erreur de droit ;
- la décision attaquée méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 mars 2010, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé l'admission au séjour de M. B... ressortissant marocain, et lui a fait obligation de quitter le territoire. Par un arrêt n° 10MA03283 du 28 juin 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de l'intéressé. Le préfet a alors pris un nouvel arrêté le 31 juillet 2012 refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'a assorti d'une mesure d'éloignement. Par un arrêt n° 14MA04385 du 11 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cet arrêté du 31 juillet 2012 et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de titre de séjour de l'intéressé présentée le 14 janvier 2010. C'est dans ce contexte que le 16 octobre 2017 le préfet des Alpes-Maritimes a une nouvelle fois refusé d'admettre M. B... au séjour et lui a enjoint de quitter le territoire dans un délai de trente jours. M. B... interjette appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 octobre 2017.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié "... ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié. " ". L'article L. 313-14 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
4. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.
5. En l'espèce, il ressort de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 juin 2012, qui est revêtu de l'autorité de la chose jugée, que la demande de titre de séjour de M. B... du 14 janvier 2010 devait être regardée comme portant à la fois sur une demande d'admission exceptionnelle au séjour et sur une demande de titre de séjour en qualité de " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain précité. La Cour a alors annulé l'arrêté du 22 mars 2010 au motif que le préfet, en n'examinant pas la demande de l'intéressé en qualité de salarié, avait entaché sa décision d'erreur de droit.
6. L'arrêté en litige se borne à mentionner que M. B... n'est pas fondé à solliciter à titre exceptionnel la délivrance de la carte de séjour temporaire visée à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du même code et qu'il ne remplit pas les conditions justifiant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité. Il ne vise pas l'article 3 de l'accord franco-marocain applicable pour les demandes de titre de séjour des ressortissants marocains en qualité de " salarié " et ne précise pas que l'admission au séjour de l'intéressé en qualité de salarié est refusée. Dans ces conditions, la seule mention de l'absence de visa de long séjour en tête de la décision, dans le rappel des faits, n'est pas suffisante pour considérer que le préfet aurait examiné la situation de l'intéressé au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain pour vérifier s'il pouvait prétendre à un titre de séjour en qualité de salarié. Le requérant est par conséquent fondé à soutenir que ce faisant, le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur l'ensemble des moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2017.
Sur les conclusions en injonction :
8. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes examine de nouveau la situation de M. B..., notamment sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2018 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 16 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B... le 14 janvier 2010, notamment sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.
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N° 18MA03072
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