COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Shot Both Sides c. Canada, 2024 CSC 12
Appel entendu : 12 octobre 2023
Jugement rendu : 12 avril 2024
Dossier : 40153
Entre :
Jim Shot Both Sides, Roy Fox, Charles Fox, Steven Fox, Theresa Fox, Lester Tailfeathers, Gilbert Eagle Bear, Phillip Mistaken Chief, Pete Standing Alone, Rose Yellow Feet, Rufus Goodstriker, Leslie Healy, conseillers de la Blood Band, en leur nom et au nom des Indiens de la Blood Band Reserve number 148 et Blood Reserve number 148
Appelants
et
Sa Majesté le Roi
Intimé
- et -
Procureur général de l’Ontario, procureur général de la Saskatchewan, procureur général de l’Alberta, Treaty 8 First Nations of Alberta, Lac La Ronge, Innu Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam, Robinson Huron Treaty Anishinaabek, Assembly of Manitoba Chiefs, Cowichan Tribes, Stz’uminus First Nation, Penelakut Tribe, Halalt First Nation, Fédération des nations autochtones souveraines et Assemblée des Premières Nations
Intervenants
Traduction française officielle
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Côté, Rowe, Martin, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin
Motifs de jugement :
(par. 1 à 84)
La juge O’Bonsawin (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Côté, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal)
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
Jim Shot Both Sides, Roy Fox, Charles Fox, Steven Fox,
Theresa Fox, Lester Tailfeathers, Gilbert Eagle Bear,
Phillip Mistaken Chief, Pete Standing Alone, Rose Yellow Feet,
Rufus Goodstriker, Leslie Healy, conseillers de la Blood Band,
en leur nom et au nom des Indiens de la Blood Band Reserve
number 148 et Blood Reserve number 148 Appelants
c.
Sa Majesté le Roi Intimé
et
Procureur général de l’Ontario,
procureur général de la Saskatchewan,
procureur général de l’Alberta,
Treaty 8 First Nations of Alberta, Lac La Ronge,
Innu Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam,
Robinson Huron Treaty Anishinaabek,
Assembly of Manitoba Chiefs,
Cowichan Tribes, Stz’uminus First Nation,
Penelakut Tribe, Halalt First Nation,
Fédération des nations autochtones souveraines et
Assemblée des Premières Nations Intervenants
Répertorié : Shot Both Sides c. Canada
2024 CSC 12
No du greffe : 40153.
2023 : 12 octobre; 2024 : 12 avril.
Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Côté, Rowe, Martin, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin.
en appel de la cour d’appel fédérale
Droit des Autochtones — Droits issus de traités — Réserves indiennes — Caractère exécutoire d’un traité — Prétention d’une tribu autochtone selon laquelle la taille de la réserve établie par traité est plus petite que celle qui avait été promise par traité — Action intentée par la tribu pour violation de droits issus de traités après l’expiration du délai de prescription applicable mais avant l’entrée en vigueur de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 — La revendication de la tribu pour violation de droits issus de traités donnait‑elle ouverture à des poursuites en common law avant l’entrée en vigueur de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982? — La revendication de la tribu est‑elle prescrite?
Droit constitutionnel — Peuples autochtones — Droits issus de traités — Violation — L’entrée en vigueur de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a‑t‑elle créé une nouvelle cause d’action pour violation de droits issus de traités? — Loi constitutionnelle de 1982, art. 35(1).
Droit des Autochtones — Droits issus de traités — Violation — Réparations — Jugement déclaratoire — Tribu autochtone prétendant que la taille de la réserve établie par traité est plus petite que celle qui avait été promise par traité et intentant une action pour violation de droits issus de traités — Un jugement déclaratoire peut-il être accordé à titre de réparation?
La Blood Tribe est une tribu membre de la Confédération des Pieds‑Noirs des Premières Nations. Le 22 septembre 1877, le Traité no 7 a été conclu entre la Couronne et la Confédération. Le Traité no 7 a constitué la Blood Tribe Reserve no 148, qui est la plus grande au Canada et le foyer de la Blood Tribe. La taille de la réserve devait être fixée conformément aux dispositions sur les droits fonciers issus de traités (« DFIT »), en fonction d’une formule promettant un mille carré pour chaque famille de cinq personnes, ou dans une telle proportion pour des familles plus ou moins nombreuses. La Blood Tribe soutient depuis longtemps que la taille de la réserve ne respecte pas la formule des DFIT. En 1971, un chercheur pied‑noir a recueilli de l’information sur le nombre total de membres que comptait la Blood Tribe durant les années 1879 à 1884 et, sur la foi de ces renseignements, il a confirmé que les limites existantes de la réserve ne correspondaient pas aux limites que la réserve devait avoir conformément à la formule des DFIT. La Blood Tribe a demandé officiellement à négocier avec le ministre des Affaires indiennes, qui a rejeté ses revendications.
La Blood Tribe a par conséquent intenté une action en Cour fédérale en 1980, alléguant des manquements à l’obligation fiduciaire de la Couronne, la dissimulation frauduleuse et la négligence, et sollicitant un jugement déclaratoire et des dommages‑intérêts pour violation de contrat découlant du non‑respect par la Couronne des DFIT selon la formule prescrite (la « revendication fondée sur les DFIT »). Le juge de première instance a rejeté toutes les revendications sauf celle fondée sur les DFIT, concluant que la Couronne avait mal calculé la taille de la réserve en sous‑estimant le nombre de membres de la Blood Tribe, et il a déclaré que la conduite de la Couronne lors de la création de la réserve était indéfendable. Le juge de première instance a conclu que, même si les faits à la base de la revendication fondée sur les DFIT auraient pu être découverts en 1971 ou peu après, le délai de prescription applicable de six ans n’a commencé à courir qu’en 1982, quand l’adoption du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 a créé une nouvelle cause d’action pour violation de traité. Les réparations demandées pour la revendication fondée sur les DFIT n’étaient donc pas prescrites car l’action a été intentée en 1980. La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel de la Couronne et statué que la revendication fondée sur les DFIT était prescrite. À son avis, le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas créé de nouveaux droits issus de traités, et il était possible d’obtenir une mesure de réparation pour la revendication fondée sur les DFIT avant 1982, peu importe la cause d’action formulée.
Arrêt : Le pourvoi est accueilli en partie et un jugement déclaratoire est rendu.
Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas créé de cause d’action pour la violation de droits issus de traités. Les droits issus de traités découlent du traité, et non de la Constitution, et les traités sont exécutoires dès leur signature et font naître des obligations donnant ouverture à des poursuites en common law. La revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT était donc exécutoire en common law et donnait ouverture à des poursuites avant l’entrée en vigueur du par. 35(1). La Blood Tribe n’a pas contesté la conclusion du juge de première instance selon laquelle les faits à l’origine de la revendication fondée sur les DFIT auraient pu être découverts dès 1971 ou selon laquelle l’action n’a été intentée qu’en 1980. En conséquence, la revendication fondée sur les DFIT est prescrite par application du délai de prescription applicable de six ans. Un jugement déclaratoire est toutefois justifié en l’espèce compte tenu de la durée et de l’ampleur de la conduite déshonorante de la Couronne envers la Blood Tribe. Il remplira la fonction importante de préciser les DFIT de la Blood Tribe, d’identifier la conduite déshonorante de la Couronne, de contribuer aux efforts futurs de réconciliation, et d’aider à rétablir l’honneur de la Couronne.
L’achèvement du processus de conclusion d’un traité impose des obligations continues et opposables à la Couronne, et cela est bien établi dans la jurisprudence canadienne. Une longue série de décisions a confirmé le caractère exécutoire des traités en common law et les obligations donnant ouverture aux poursuites que consacrent ces traités. Bien que la terminologie entourant le caractère exécutoire des traités ait pu changer au fil du temps, des revendications visant à donner un effet juridique aux modalités des traités ont été présentées aux tribunaux bien avant l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982. Avant 1982, les tribunaux reconnaissaient clairement le caractère juridique des traités : ils créent et incarnent des obligations exécutoires sur la base du consentement mutuel des parties. Les traités sont des instruments juridiques contraignants devant être confirmés, et la common law accorde le droit à des mesures de redressement judiciaires en cas de manquement aux obligations issues de traités, lequel est fondé sur les modalités du traité en cause.
L’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas influé sur le caractère exécutoire des traités en common law. Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 accorde le statut constitutionnel aux droits existants — ancestraux ou issus de traités — et empêche que des lois fédérales, provinciales ou territoriales les abrogent. L’entrée en vigueur du par. 35(1) a reconnu dans la Constitution l’obligation de la Couronne de respecter les droits existants issus de traités. Mais le par. 35(1) n’a pas créé de droits issus de traités. Les droits issus de traités étaient exécutoires avant 1982, et l’entrée en vigueur du par. 35(1) n’a pas modifié le début des délais de prescription applicables aux revendications pour violation de droits issus de traités. Bien que les droits issus de traités soient protégés par la Loi constitutionnelle de 1982, leur existence et leur portée sont fonction des modalités du traité interprétées selon les principes établis dans les arrêts pertinents. Les conditions et limites des droits issus de traités ne découlent pas du libellé ou de l’objet du par. 35(1). L’effet central du par. 35(1) était d’empêcher que des dispositions législatives abrogent ces droits, et il avait pour objet d’accorder la protection de la Constitution aux droits ancestraux ou issus de traités préexistants.
Les arrêts de la Cour ont reconnu que les règles sur les délais de prescription s’appliquent aux revendications de droits ancestraux ou issus de traités. Bien que la constitutionnalité de l’application des lois sur la prescription aux revendications de droits ancestraux ou issus de traités n’ait jamais été abordée dans ces arrêts, ceux‑ci ont reconnu que les revendications de ce genre sont assujetties aux délais de prescription généraux de la province dans laquelle l’action a été intentée si elles sont visées par la loi concernée sur la prescription. Cependant, les lois sur la prescription ne peuvent empêcher les tribunaux de rendre des jugements déclaratoires sur la constitutionnalité de la conduite de la Couronne. Un jugement déclaratoire est une réparation discrétionnaire qui doit être située dans le contexte unique du différend juridique en cause. Les jugements déclaratoires établissent les paramètres d’une situation juridique ou de la relation juridique entre les parties, et ils peuvent aussi confirmer ou nier la violation d’un droit ou affirmer l’existence d’une nouvelle situation juridique. Les tribunaux disposent d’une compétence extrêmement vaste lorsqu’ils prononcent un jugement déclaratoire, mais ce pouvoir discrétionnaire n’est pas illimité : le tribunal peut prononcer un jugement déclaratoire lorsqu’il a compétence pour entendre le litige, lorsque la question en cause est réelle et non pas simplement théorique, lorsque la partie qui soulève la question a véritablement intérêt à ce qu’elle soit résolue et lorsque l’intimé a intérêt à s’opposer au jugement déclaratoire sollicité. Il ne convient pas de rendre de jugements déclaratoires lorsque cela n’est d’aucune utilité pratique.
Le jugement déclaratoire a une signification unique dans le contexte des droits ancestraux ou issus de traités, car c’est un moyen qui permet au tribunal de favoriser la réconciliation afin de rétablir la relation de nation à nation. Un jugement déclaratoire peut favoriser la réconciliation. Le caractère non coercitif d’un jugement déclaratoire peut aider les parties au litige à résoudre les questions sans avoir recours à une approche excessivement hostile ou antagoniste et peut contribuer au rétablissement de l’honneur de la Couronne. Cette approche est tout particulièrement indiquée compte tenu de la relation non antagoniste et de nature fiduciaire que les gouvernements canadiens sont censés avoir avec les peuples autochtones. Éviter les procédures onéreuses, longues et contentieuses est une étape importante de l’atteinte de résultats axés sur la réconciliation lorsque des droits ancestraux ou issus de traités sont en cause. Le jugement déclaratoire peut contribuer à fournir un énoncé clair des droits reconnus par la loi aux parties autochtones et des obligations qui incombent à la Couronne, ainsi que de la conduite de la Couronne à l’égard de ces promesses sacrées. La clarté sur ces droits, obligations et conduite peut aider à préserver l’honneur de la Couronne, guider les parties dans le processus de réconciliation que commande le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, et contribuer aux efforts déployés pour rétablir la relation de nation à nation. Les jugements déclaratoires dans le contexte des revendications pour violation de traité peuvent également remplir une fonction correctrice en démontrant avec autorité que la Couronne a porté atteinte aux droits de la partie autochtone. Un énoncé clair indiquant que la Couronne a porté atteinte aux droits d’une partie autochtone peut encourager les efforts de réconciliation entre les parties afin de remédier aux torts subis.
Jurisprudence
Distinction d’avec l’arrêt : Ravndahl c. Saskatchewan, 2009 CSC 7, [2009] 1 R.C.S. 181; arrêts examinés : St. Catherine’s Milling and Lumber Co. c. The Queen (1888), 14 App. Cas. 46; Province of Ontario c. Dominion of Canada (1895), 1895 CanLII 112 (SCC), 25 R.C.S. 434, conf. par [1897] A.C. 199; Henry c. The King (1905), 9 R.C. de l’É. 417; Dreaver c. The King (1935), 5 C.N.L.C. 92; Pawis c. La Reine, 1979 CanLII 4133 (CF), [1980] 2 C.F. 18; Ville de Hay River c. La Reine, 1979 CanLII 4137 (CF), [1980] 1 C.F. 262; R. c. Taylor (1981), 1981 CanLII 1657 (ON CA), 34 O.R. (2d) 360; R. c. Syliboy, 1928 CanLII 352 (NS SC), [1929] 1 D.L.R. 307; arrêts mentionnés : R. c. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, [1982] 2 All E.R. 118; Simon c. La Reine, 1985 CanLII 11 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 387; R. c. Sioui, 1990 CanLII 103 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1025; R. c. McGregor, 2023 CSC 4; R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689; R. c. White (1964), 1964 CanLII 452 (BC CA), 50 D.L.R. (2d) 613, conf. par (1965), 1965 CanLII 643 (SCC), 52 D.L.R. (2d) 481; R. c. Badger, 1996 CanLII 236 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 771; Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623; Nation haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 R.C.S. 511; R. c. Desautel, 2021 CSC 17, [2021] 1 R.C.S. 533; Mitchell c. M.R.N., 2001 CSC 33, [2001] 1 R.C.S. 911; R. c. Sparrow, 1990 CanLII 104 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1075; Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69, [2005] 3 R.C.S. 388; R. c. Marshall, 1999 CanLII 666 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 533; R. c. Marshall, 1999 CanLII 665 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 456; Delgamuukw c. Colombie‑Britannique, 1997 CanLII 302 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 1010; Canada (Procureur général) c. Lameman, 2008 CSC 14, [2008] 1 R.C.S. 372; Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245; Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2024 CSC 5; S.A. c. Metro Vancouver Housing Corp., 2019 CSC 4, [2019] 1 R.C.S. 99; Ewert c. Canada, 2018 CSC 30, [2018] 2 R.C.S. 165; Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99; Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3, [2010] 1 R.C.S. 44; Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 821; West Moberly First Nations c. British Columbia, 2020 BCCA 138, 37 B.C.L.R. (6th) 232; Clyde River (Hameau) c. Petroleum Geo‑Services Inc., 2017 CSC 40, [2017] 1 R.C.S. 1069; Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371; Yahey c. British Columbia, 2021 BCSC 1287, 43 C.E.L.R. (4th) 1; 1472292 Ontario Inc. (Rosen Express) c. Northbridge General Insurance Company, 2019 ONCA 753, 96 C.C.L.I. (5th) 1.
Lois et règlements cités
Acte relatif aux Sauvages, 1880, S.C. 1880, c. 28.
Charte canadienne des droits et libertés, art. 15.
Limitation of Actions Act, R.S.A. 1970, c. 209, art. 5(1)(g).
Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(24).
Loi constitutionnelle de 1982, art. 35(1).
Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S‑26, art. 45.
Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F‑7, art. 2(1), 17(1), 39(1), 52b)(i).
Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règle 64.
Traité
Traité no 7 (1877).
Doctrine et autres documents cités
Canada. Commission royale sur les peuples autochtones. Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 1, Un passé, un avenir, Ottawa, 1996.
Canada. Commission royale sur les peuples autochtones. Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 2, Une relation à redéfinir, Ottawa, 1996.
Cardinal, Harold. La tragédie des Indiens du Canada, traduit par Raymond Gagné et Jacques Vallée, Éditions du Jour, Montréal, 1970.
Hogg, Peter W. « The Constitutional Basis of Aboriginal Rights », dans Pierre Noreau et Louise Rolland, dir., Mélanges Andrée Lajoie : Le droit, une variable dépendante, Montréal, Thémis, 2008, 177.
McCabe, J. Timothy S. The Honour of the Crown and its Fiduciary Duties to Aboriginal Peoples, Markham (Ont.), LexisNexis, 2008.
McCabe, J. Timothy S. The Law of Treaties Between the Crown and Aboriginal Peoples, Markham (Ont.), LexisNexis, 2010.
Monahan, Patrick J., Byron Shaw and Padraic Ryan. Constitutional Law, 5th ed., Toronto, Irwin Law, 2017.
Promislow, Janna. « Treaties in History and Law » (2014), 47 U.B.C. L. Rev. 1085.
Roach, Kent. Constitutional Remedies in Canada, 2nd ed., Toronto, Canada Law Book, 2013 (loose‐leaf updated October 2023, release 2).
Rowe, Malcolm, and Diane Shnier. « The Limits of the Declaratory Judgment » (2022), 67 R.D. McGill 295.
Sarna, Lazar. The Law of Declaratory Judgments, 4th ed., Toronto, Thomson Reuters, 2016.
Smith, Stephen A. Rights, Wrongs, and Injustices : The Structure of Remedial Law, New York, Oxford University Press, 2019.
Teillet, Jean. « A Tale of Two Agreements : Implementing Section 52(1) Remedies for the Violation of Métis Harvesting Rights », in Maria Morellato, ed., Aboriginal Law Since Delgamuukw, Aurora (Ont.), Canada Law Book, 2009, 333.
Woodward, Jack. Aboriginal Law in Canada, Toronto, Thomson Reuters, 1994 (loose‑leaf updated February 2024, release 1).
Woolf, Harry, and Jeremy Woolf. The Declaratory Judgment, 4th ed., London, Sweet & Maxwell, 2011.
Wright, David. Remedies, 2nd ed. Sydney (N.S.W.), Federation Press, 2014.
Zakrzewski, Rafal. Remedies Reclassified, New York, Oxford University Press, 2005.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (les juges Boivin, Rennie et Woods), 2022 CAF 20, 468 D.L.R. (4th) 98, [2022] F.C.J. No. 151 (Lexis), 2022 CarswellNat 7427 (WL), qui a modifié un jugement du juge Zinn, 2019 CF 789, [2020] 1 R.C.F. 22, [2019] 4 C.N.L.R. 19, [2019] A.C.F. no 892 (Lexis), 2019 CarswellNat 3619 (WL). Pourvoi accueilli en partie.
Gary Befus, Brendan Miller, Eugene Meehan, c.r., et Thomas Slade, pour les appelants.
Dayna Anderson, Anusha Aruliah et Amy Martin‑LeBlanc, pour l’intimé.
Richard Ogden et Imran Kamal, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
P. Mitch McAdam, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan.
Neil Dobson et Heather A. Campbell, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.
Kate Gunn, pour l’intervenante Treaty 8 First Nations of Alberta.
Glenn K. Epp et Eric L. Pentland, pour l’intervenante Lac La Ronge.
Isabelle Boisvert‑Chastenay et Marie‑Claude André‑Grégoire, pour l’intervenante Innu Takuaikan Uashat Mak Mani‑Utenam.
Dianne Corbiere, Catherine Boies Parker, c.r., et Christopher Albinati, pour l’intervenante Robinson Huron Treaty Anishinaabek.
Carly Fox, pour l’intervenante Assembly of Manitoba Chiefs.
David M. Robbins, Jessica Proudfoot et Alexis C. Giannelia, pour les intervenantes Cowichan Tribes, Stz’uminus First Nation, Penelakut Tribe et Halalt First Nation.
Ron S. Maurice et Geneviève Boulay, pour l’intervenante la Fédération des nations autochtones souveraines.
Adam Williamson et Stuart Wuttke, pour l’intervenante l’Assemblée des Premières Nations.
Version française du jugement de la Cour rendu par
La juge O’Bonsawin —
I. Survol
[1] Les traités entre la Couronne et les peuples autochtones sont des éléments fondamentaux de l’histoire du Canada et de son paysage constitutionnel. Les promesses et obligations consacrées dans ces accords fondamentaux témoignent d’un engagement durable envers le maintien d’une relation juste entre la Couronne et les peuples autochtones, et elles devaient être respectées par la Couronne « tant que le soleil se lèvera et que la rivière coulera » (Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 2, Une relation à redéfinir (1996), p. 21, citant R. c. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, [1982] 2 All E.R. 118 (C.A.), p. 124, le lord Denning).
[2] En l’espèce, le Traité no 7 consacre les promesses et obligations solennelles échangées entre la Couronne et les Kainai, également appelés « Aakainawa, la tribu des nombreux chefs » (« Blood Tribe »). Fait particulièrement important dans le présent pourvoi, le Traité no 7 a constitué la Blood Tribe Reserve No. 148 (« Réserve »), qui est la plus grande au Canada et le foyer de la Blood Tribe. La taille de la Réserve devait être fixée conformément aux dispositions sur les droits fonciers issus de traités (« DFIT »), en fonction d’une formule promettant « un mille carré pour chaque famille de cinq personnes, ou une telle proportion pour des familles plus ou moins nombreuses ou petites » (Traité no 7 (1877), p. 6; voir aussi 2019 CF 789, [2020] 1 R.C.F. 22, annexe D).
[3] La Blood Tribe soutient depuis longtemps que la Réserve ne correspond pas aux promesses consacrées dans le Traité no 7. Au terme de longues procédures judiciaires, la Blood Tribe a demandé des jugements déclaratoires à cet effet, une ordonnance enjoignant au Canada d’acquérir des terres en vue de les ajouter à la Réserve et une indemnité financière pour la perte de jouissance, des redevances minières et des loyers. La Cour fédérale a conclu que le Canada avait contrevenu à la formule des DFIT établie dans le Traité no 7 et que la taille de la Réserve qu’il avait fournie était trop petite de 162,5 milles carrés. Devant notre Cour, le Canada admet avoir violé le Traité no 7 pour ce qui est des DFIT, mais prétend que la revendication de la Blood Tribe est prescrite par la Limitation of Actions Act, R.S.A. 1970, c. 209, de l’Alberta et la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F‑7. L’alinéa 5(1)(g) de la Limitation of Actions Act de l’Alberta prévoit un délai de prescription de six ans pour [traduction] « toute autre action non expressément prévue dans la présente loi ou une autre loi »; selon le par. 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales, la loi albertaine sur les prescriptions s’applique aux instances de la Cour fédérale « dont le fait générateur est survenu dans cette province ».
[4] Il s’agit en l’espèce de décider si la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT est prescrite par le délai de six ans établi dans la Limitation of Actions Act de l’Alberta. Cette analyse porte sur une question précise : la violation des DFIT donnait‑elle un droit d’action devant les tribunaux canadiens avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982? La Blood Tribe soutient que sa revendication ne saurait être prescrite par la Limitation of Actions Act de l’Alberta et la Loi sur les Cours fédérales avant qu’il y ait une cause d’action reconnue en droit, ce qui, selon eux, n’était pas le cas en ce qui concerne les allégations de violation d’un traité avant l’entrée en vigueur du par. 35(1). L’applicabilité et l’opérabilité sur le plan constitutionnel de la Limitation of Actions Act de l’Alberta, telle qu’incorporée en droit fédéral par le par. 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales, ne sont pas en cause.
[5] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en partie. La Cour d’appel fédérale a statué à juste titre que l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ne modifiait pas le début du délai de prescription applicable à la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT. Les droits issus de traités découlent du traité, et non de la Constitution. Il est bien établi dans la jurisprudence canadienne que les traités sont exécutoires dès leur signature et font naître des obligations donnant ouverture à des poursuites en common law. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale, la revendication de la Blood Tribe est donc prescrite. J’estime toutefois qu’un jugement déclaratoire est justifié compte tenu de la durée et de l’ampleur de la conduite déshonorante de la Couronne envers la Blood Tribe. Un jugement déclaratoire dans ce contexte favorisera la réconciliation et contribuera à rétablir la relation de nation à nation entre la Blood Tribe et la Couronne.
II. Faits
[6] Le contexte historique du présent pourvoi est vaste. La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont fait un survol complet de cet historique et de la preuve soumise par les parties (voir, p. ex., motifs de première instance, par. 56‑219; 2022 CAF 20, par. 20‑36 (CanLII)). Les conclusions de fait du juge de première instance fondées sur cette preuve n’ont pas été contestées en appel. Bien que notre Cour soit saisie d’une question de droit précise, un résumé concis du contexte historique permettant de comprendre la relation entre la Couronne et la Blood Tribe est essentiel afin d’examiner les arguments des parties et de bien saisir le contexte de la présente revendication.
A. La Blood Tribe et la Blood Tribe Reserve No. 148
[7] La Blood Tribe est une tribu membre de la Confédération des Pieds‑Noirs des Premières Nations. La Confédération était composée de trois tribus : la Blood Tribe, la Siksika (Pieds‑Noirs) et la Piikani (Peigan).
[8] La Réserve est le foyer de la Blood Tribe. Située dans le sud de l’Alberta, la Réserve est la plus grande au Canada et occupe une superficie de 547,5 milles carrés. Elle a été constituée par le Traité no 7, qui a été conclu le 22 septembre 1877 entre la Couronne et la Confédération.
B. Le Traité no 7 et la création de la Blood Tribe Reserve No. 148
[9] Le Traité no 7 promettait une réserve à chaque tribu de la Confédération. L’emplacement de la Réserve était indiqué dans le Traité no 7, mais il a plus tard été modifié par un accord distinct entre la Blood Tribe et la Couronne. La Blood Tribe soutient depuis longtemps que la Réserve ne concorde pas avec les promesses énoncées dans le Traité no 7.
[10] La taille de la Réserve, soit les DFIT, devait correspondre à une formule. Celle‑ci promettait « un mille carré pour chaque famille de cinq personnes, ou une telle proportion pour des familles plus ou moins nombreuses ou petites ».
C. Localisation et arpentage de la Blood Tribe Reserve No. 148
[11] Les arpenteurs ont fixé les limites de la Réserve en 1882, cinq ans après la signature du Traité no 7. Le levé initial décrivait la Réserve comme une zone d’environ 650 milles carrés dans le sud‑ouest de l’Alberta. Le gouvernement canadien a aussi accordé à des tiers deux baux de pâturage sur des terres situées au sud de la Réserve en 1882. Les limites nord des baux de pâturage chevauchaient la Réserve arpentée.
[12] Des responsables canadiens ont rapidement reconnu le chevauchement des limites et ont demandé à la Blood Tribe d’accepter une nouvelle limite. Un deuxième levé effectué en 1883 a mené à un nouvel accord qui définissait la limite sud de la Réserve par une description latitudinale au nord des limites des baux de pâturage. La modification des limites a réduit la taille de la Réserve, la faisant passer de 650 milles carrés à sa taille actuelle de 547,5 milles carrés.
[13] Les membres de la Blood Tribe ont exprimé des préoccupations concernant la taille de la Réserve en 1888 et ont constaté qu’elle n’était pas aussi grande qu’ils l’avaient escompté lorsqu’ils ont signé le Traité no 7. Ils ont aussi exprimé leur incertitude quant à l’emplacement précis de la limite sud. Par conséquent, on a montré aux membres de la Blood Tribe l’emplacement de la nouvelle limite pour la première fois en 1888. L’arpenteur a écrit que le chef de la Blood Tribe [traduction] « s’est alors fait demander s’il était satisfait, et il a donné une réponse affirmative » (motifs de la C.A., par. 25).
[14] Des inquiétudes au sujet de la taille de la Réserve ont été soulevées de nouveau en 1969, près d’un siècle après le second levé. Le 4 novembre 1969, un chercheur pied‑noir a présenté à la Blood Tribe un rapport sur les levés de 1882 et de 1883. Ce rapport décrivait en détail la réduction de la taille de la Réserve. Le chercheur s’est rendu à Ottawa en août 1971 pour recueillir de l’information sur le nombre total de membres que comptait la Blood Tribe durant les années 1879 à 1884. Sur la foi de ces renseignements, le chercheur a confirmé que les limites existantes ne correspondaient pas aux limites que la réserve devait avoir conformément à la formule des DFIT.
D. Négociations et action en justice initiale
[15] Le 27 février 1976, la Blood Tribe a demandé officiellement à négocier avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (aujourd’hui le ministre des Relations Couronne‑Autochtones). Elle a présenté deux revendications à l’égard de la Réserve : (i) les DFIT n’ont pas été correctement attribués, et (ii) la Blood Tribe avait droit à une zone plus grande (« grande revendication »). Le ministre a rejeté les deux revendications le 20 juin 1978.
[16] Après l’échec des négociations, la Blood Tribe a intenté une action en Cour fédérale le 10 janvier 1980. Dans sa déclaration, elle alléguait des manquements à l’obligation fiduciaire de la Couronne découlant du second levé, la dissimulation frauduleuse et la négligence. La Blood Tribe sollicitait un jugement déclaratoire et des dommages‑intérêts pour violation de contrat découlant du non‑respect des DFIT selon la formule prescrite. La déclaration a été modifiée le 24 février 1999 pour préciser, notamment, que la Blood Tribe avait des droits issus de traités protégés par la Constitution conformément au par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
[17] L’action en Cour fédérale a été mise en suspens en attendant le résultat de l’examen fait au titre de la Politique sur les revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Vu la vitesse « de tortue » de ce processus, la Blood Tribe a demandé la réactivation de son action en Cour fédérale le 7 août 1996 (motifs de la C.A., par. 32).
[18] La revendication fondée sur les DFIT a été rejetée en application de la Politique sur les revendications particulières en novembre 2003, au motif que le Canada n’avait aucune obligation juridique en souffrance. La Commission des revendications des Indiens a mené une enquête sur les revendications et, le 30 mars 2007, elle a fait deux recommandations : (i) que la grande revendication ne soit pas accueillie, et (ii) qu’étant donné que la modification des limites en 1883 avait eu pour effet de retirer des terres de la Réserve, une cession était nécessaire. La Commission a recommandé au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de négocier un règlement.
[19] L’action réactivée en Cour fédérale a été divisée en trois phases. La phase I s’est déroulée en mai 2016 pour que soient entendus les récits oraux des membres de la Blood Tribe. La phase II, portant sur la responsabilité, les faits et les témoignages d’expert, s’est déroulée en 2018. La phase III n’a pas été instruite, et elle devait porter sur les mesures de redressement.
III. Historique des procédures
A. Cour fédérale, 2019 CF 789, [2020] 1 R.C.F. 22
[20] L’action de la Blood Tribe était divisée en trois revendications :
a) La « grande revendication » : la Blood Tribe a soutenu que la Réserve ne correspondait pas à celle promise par le Canada et comprenait une superficie plus grande.
b) La « revendication fondée sur le levé de 1882 » : La Blood Tribe a affirmé que le levé de 1882 avait créé une réserve et que la réduction de 102,5 milles carrés établie par le second levé exigeait qu’elle cède les terres conformément à l’Acte relatif aux Sauvages, 1880, S.C. 1880, c. 28. La Blood Tribe a soutenu qu’elle avait droit à ces terres ou à une indemnité pour la perte de celles‑ci parce qu’elle ne les a pas cédées.
c) La « revendication fondée sur les DFIT » : La Blood Tribe a fait valoir qu’à l’époque en cause, le nombre de ses membres faisait en sorte que la superficie de la réserve promise au titre des DFIT était supérieure aux résultats des deux levés. Par conséquent, le Canada n’a pas respecté cette promesse issue du traité et ne s’est pas acquitté de son obligation fiduciaire consistant à mettre en œuvre de façon honnête et exacte les promesses issues du traité.
[21] La Couronne a contesté chaque revendication. Elle a contesté les territoires visés par la grande revendication, a soutenu que le levé de 1882 ne créait pas de réserve et a fait valoir que la taille actuelle de la Réserve s’accordait avec la formule des DFIT. Elle a aussi soutenu que l’action était prescrite.
[22] Le juge de première instance a conclu que le Canada avait manqué aux engagements qu’il avait pris dans le traité, mais toutes les revendications sauf celle fondée sur les DFIT ont été rejetées. La grande revendication a été rejetée sur le fond et celle relative au levé de 1882 a été rejetée parce qu’elle était prescrite. Le moyen de défense fondé sur la prescription faisait échec à la revendication fondée sur le levé de 1882 même si le Canada avait manqué à son obligation fiduciaire dans la mise en œuvre du Traité no 7 et la création subséquente de la Réserve. La Blood Tribe a été informée en 1969 des faits à la base de la revendication fondée sur le levé de 1882, soit 11 ans avant que la poursuite soit intentée.
[23] Le juge de première instance a conclu que le Canada avait mal calculé la taille de la Réserve en sous‑estimant le nombre de membres de la Blood Tribe. Étant donné le nombre de membres à la date de la signature du Traité no 7, la Réserve aurait dû occuper 162,5 milles carrés de plus. Il a déclaré que la conduite du Canada lors de la création de la Réserve était indéfendable, mais que cette conduite aurait pu être découverte en 1971 ou peu après.
[24] Le juge de première instance a conclu que, même si les faits à la base de la revendication fondée sur les DFIT auraient pu être découverts en 1971, le délai de prescription applicable n’a commencé à courir qu’en 1982. L’adoption du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 a créé une nouvelle cause d’action pour les violations de traité. Les réparations demandées pour la revendication fondée sur les DFIT n’étaient pas prescrites car l’action a été intentée en 1980.
B. Cour d’appel fédérale, 2022 CAF 20
[25] La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel du Canada et statué que la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT était prescrite. Le Canada a seulement contesté la conclusion selon laquelle la revendication fondée sur les DFIT n’était pas prescrite parce qu’elle ne donnait un droit d’action qu’à l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Les parties n’ont pas contesté les conclusions de fait du juge de première instance, le rejet de la revendication fondée sur le levé de 1882 et de la grande revendication, ni l’interprétation législative de l’al. 5(1)(g) de la Limitation of Actions Act de l’Alberta ou son applicabilité sur le plan constitutionnel.
[26] La Cour d’appel fédérale est parvenue à cette conclusion pour trois raisons. Premièrement, le juge de première instance a commis une erreur en considérant les traités comme des accords internationaux et en appliquant des doctrines de droit international. Bien que les motifs du juge de première instance fussent « ambigus » sur ce point, la Cour d’appel fédérale a conclu que, « [v]u les motifs pris dans leur ensemble et étant donné qu’ils se fondent largement sur des affaires de droit international pour étayer la conclusion que les traités n’étaient pas exécutoires, [. . .] le juge a, en fait, conclu que les traités historiques étaient des traités internationaux » (par. 61). Les traités historiques ne mettent pas en jeu la théorie de l’acte de gouvernement, et il n’est pas nécessaire de les incorporer en droit interne pour qu’ils soient exécutoires. La Cour d’appel fédérale s’est fondée sur la jurisprudence de notre Cour qui a rejeté la qualification des traités comme des accords internationaux (voir, p. ex., Simon c. La Reine, 1985 CanLII 11 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 387, p. 404; R. c. Sioui, 1990 CanLII 103 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1025, p. 1038).
[27] Deuxièmement, la décision du juge de première instance allait à l’encontre d’une série ininterrompue de décisions rendues depuis 120 ans reconnaissant le caractère exécutoire des engagements pris dans les traités numérotés. La Cour d’appel fédérale a statué que la jurisprudence antérieure « enseigne invariablement que les traités numérotés ont créé des obligations, tant juridiques que morales, opposables à la Couronne. Les tribunaux canadiens avaient le pouvoir d’en faire exécuter les modalités parce qu’un principe juridique fondamental et solide commandait le respect de ces traités : l’honneur de la Couronne » (par. 14). Les tribunaux devraient s’abstenir de confiner les revendications concernant un manquement à des engagements issus de traités à une cause d’action particulière. Il était possible d’obtenir une mesure de réparation pour la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT avant 1982, peu importe la cause d’action formulée.
[28] Troisièmement, la Cour d’appel fédérale a conclu que le juge de première instance avait mal compris l’effet du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 en ce qui concerne les traités. Le paragraphe 35(1) n’a pas créé de nouveaux droits issus de traités. Il a plutôt conféré une protection constitutionnelle aux droits existants issus de traités pour qu’ils ne puissent plus être abrogés par voie législative.
IV. Questions en litige
[29] Notre Cour doit décider si la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT est prescrite par la Limitation of Actions Act de l’Alberta et le par. 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Cette analyse porte sur deux questions précises soulevées par la Blood Tribe :
(1) La violation des DFIT donnait‑elle ouverture à une poursuite devant les tribunaux canadiens avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982?
(2) Les délais de prescription prévus par la Limitation of Actions Act de l’Alberta s’appliquaient‑ils de manière à prescrire la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982?
[30] La Blood Tribe sollicite aussi un jugement déclaratoire concernant la violation par la Couronne du Traité no 7. Lors de l’instruction du présent pourvoi, le Canada a concédé qu’un jugement déclaratoire pourrait être opportun. Par conséquent, les motifs qui suivent règleront d’abord les deux principales questions du présent pourvoi, et porteront ensuite sur la question du jugement déclaratoire.
V. Analyse
[31] Pour régler le litige entre les parties, notre Cour doit se pencher sur l’effet qu’a le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 sur les revendications pour violation de traité et se demander si ces revendications donnaient ouverture à une poursuite avant l’entrée en vigueur de la disposition. Si une violation des DFIT était matière à exécution et donnait ouverture à une poursuite avant l’entrée en vigueur du par. 35(1), la Blood Tribe reconnaît que sa revendication est prescrite vu qu’elle ne conteste pas subsidiairement le moment où les faits à l’origine de sa revendication auraient pu être découverts.
[32] Comme je l’explique ci‑après, le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas créé de cause d’action pour la violation de droits issus de traités. La Cour d’appel fédérale a reconnu à bon droit que « [l]es droits issus de traités découlent des traités, et non de la Constitution » (par. 205). Les droits issus de traités étaient exécutoires avant 1982, et les parties pouvaient se prévaloir de mesures de redressement. L’entrée en vigueur du par. 35(1) n’a pas modifié le début du délai de prescription applicable à la revendication fondée sur les DFIT présentée par la Blood Tribe. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale, la revendication de la Blood Tribe est donc prescrite conformément à l’al. 5(1)(g) de la Limitation of Actions Act de l’Alberta et au par. 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Je conclus toutefois que le jugement déclaratoire est justifié en raison de la conduite déshonorante de la Couronne envers la Blood Tribe.
A. La portée du présent pourvoi
[33] Il est important de commencer par délimiter la portée du présent pourvoi. Les parties cherchent à obtenir une réponse à une question de droit précise : la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT est‑elle prescrite par la Limitation of Actions Act de l’Alberta? Cette question nous oblige à nous demander si les revendications pour violation de traité donnaient ouverture à des poursuites avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour répondre à cette question, notre Cour doit examiner le caractère exécutoire du Traité no 7 en common law ainsi que le sens et l’effet du par. 35(1) en ce qui concerne les droits issus de traités, et non l’applicabilité des lois sur la prescription au plan constitutionnel. Plusieurs intervenants invoquent des arguments allant au‑delà de cette question et portant sur l’applicabilité ou l’opérabilité des lois sur la prescription au plan constitutionnel en ce qui a trait aux revendications pour violation de traité. Compte tenu de ces arguments, il est nécessaire de clarifier la portée du pourvoi.
[34] Comme il a été mentionné plus tôt, l’applicabilité ou l’opérabilité des lois sur la prescription au plan constitutionnel n’est pas en cause dans le présent pourvoi, ce que reconnaissent explicitement les parties. Dans son mémoire, la Blood Tribe reconnaît que la question en litige dans le présent pourvoi est [traduction] « non pas que les délais de prescription ne s’appliquent pas aux revendications autochtones ou que les tribunaux peuvent renoncer à leur application, mais que la revendication d’un demandeur ne devrait pas être prescrite avant qu’il y ait un recours reconnu en droit » (m.a., par. 132). De même, la Couronne affirme que [traduction] « [l]a Cour ne devrait pas tenir compte de la validité, de l’applicabilité ou de l’opérabilité des lois fédérales sur le plan constitutionnel » (m.i. en réponse aux intervenants, par. 4). Toute extension du pourvoi au‑delà de la question précise, à savoir si la violation d’un traité donnait ouverture à une poursuite avant l’adoption du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, serait donc contraire aux arguments explicites des parties.
[35] La Blood Tribe ne demande pas à notre Cour d’évaluer l’applicabilité sur le plan constitutionnel de la Limitation of Actions Act de l’Alberta aux revendications pour violation de traité. Notre Cour a indiqué qu’il faut se garder de trancher des questions qui ne sont pas nécessaires à la résolution d’un appel, sauf circonstances exceptionnelles (R. c. McGregor, 2023 CSC 4, par. 23‑24). L’applicabilité au plan constitutionnel des lois sur la prescription en cause n’a pas été dûment soulevée devant notre Cour et n’est pas un « élément de l’analyse globale des moyens soulevés par les parties » (R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, par. 33). La Cour d’appel fédérale a reconnu que les observations de la Blood Tribe ne mettaient pas en question l’applicabilité sur le plan constitutionnel de la Limitation of Actions Act (par. 210). Notre Cour est en présence d’une question de droit tout aussi précise.
B. La violation des DFIT donnait‑elle ouverture à une poursuite devant les tribunaux canadiens avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982?
[36] Pour déterminer si une violation du Traité no 7 donnait ouverture à une poursuite avant 1982, il faut analyser deux questions : (i) le caractère exécutoire du Traité no 7 en common law, et (ii) l’effet, s’il y a lieu, de l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Si les droits issus de traités étaient exécutoires et donnaient ouverture à une poursuite avant 1982, alors le délai de prescription applicable à la revendication de la Blood Tribe a commencé à courir lorsque les faits à l’origine de la revendication auraient pu être découverts, soit plus de 10 ans avant l’entrée en vigueur du par. 35(1).
(1) Le caractère exécutoire du Traité no 7 en common law
[37] Les traités sont exécutoires à compter de la date de leur signature. Bien que la terminologie entourant le caractère exécutoire des traités ait pu changer au fil du temps, des revendications visant à donner un effet juridique aux modalités des traités ont été présentées aux tribunaux avant l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982. Bien avant 1982, les tribunaux ont reconnu que les traités n’étaient pas simplement des promesses politiques et qu’ils créaient des obligations exécutoires, notamment des « droits contractuels » (voir, p. ex., R. c. White (1964), 1964 CanLII 452 (BC CA), 50 D.L.R. (2d) 613 (C.A. C.‑B.), p. 618, conf. par (1965), 1965 CanLII 643 (SCC), 52 D.L.R. (2d) 481 (C.S.C.); J. Promislow, « Treaties in History and Law » (2014), 47 U.B.C. L. Rev. 1085, p. 1147‑1148). L’approche de la Blood Tribe à l’égard du présent litige témoigne du caractère exécutoire des traités avant 1982, puisque sa revendication alléguait une violation de contrat et a été présentée en 1980.
[38] Le caractère exécutoire des traités à compter de la date de leur signature est bien établi dans la jurisprudence de la Cour, sans qu’il soit nécessaire de renvoyer au par. 35(1). Par exemple, dans l’arrêt R. c. Badger, 1996 CanLII 236 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 771, notre Cour a affirmé au par. 76 : « Les traités sont comme des contrats, si ce n’est qu’ils ont un caractère public, très solennel et particulier. Ils créent des obligations exécutoires, fondées sur le consentement mutuel des parties » (je souligne). De même, notre Cour a indiqué dans l’arrêt Sioui, p. 1044, que « ce qui caractérise un traité c’est l’intention de créer des obligations, la présence d’obligations mutuellement exécutoires et d’un certain élément de solennité » (je souligne). L’arrêt Sioui s’inspirait de l’arrêt Simon, où notre Cour a souligné que l’accord en question était un traité parce qu’il s’agissait « d’une obligation exécutoire entre les Indiens et l’homme blanc » (p. 410).
[39] Le caractère exécutoire des traités à compter de la date de leur signature trouve appui dans la nature fondamentale des promesses qu’ils consacrent. Les tribunaux, les organes législatifs et les auteurs ont systématiquement reconnu cette importance : « les traités représentent une sorte de Grande Charte indienne » (H. Cardinal, La tragédie des Indiens du Canada (1970), p. 43); « les traités constitu[ent] des instruments vivants et vitaux des rapports avec les autres » (Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 1, Un passé, un avenir (1996), p. 137); et « un traité est un échange de promesses solennelles entre la Couronne et les diverses nations indiennes concernées, un accord dont le caractère est sacré » (Badger, par. 41). De plus, il faut présumer que la Couronne entend respecter ces promesses dans leur intégralité (par. 41; Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623, par. 79; Nation haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 R.C.S. 511, par. 19‑20).
[40] La Cour d’appel fédérale est arrivée à la bonne conclusion concernant le caractère exécutoire des traités avant 1982. Comme il est indiqué au par. 100 de ses motifs, « [l]es traités ont été conclus dans l’intention de créer des obligations juridiques et la façon dont ces obligations sont caractérisées est sans conséquence sur la question de savoir si les modalités des traités sont exécutoires. » Avant 1982, les tribunaux reconnaissaient clairement le caractère juridique des traités : ils créent et incarnent des obligations exécutoires sur la base du consentement mutuel des parties.
a) La jurisprudence démontre que les revendications pour violation de traité donnaient ouverture à des poursuites avant 1982
[41] Les tribunaux ont reconnu que les promesses issues de traités ont créé des obligations juridiques exécutoires donnant ouverture à des poursuites avant 1982. Bien que la qualification des traités et des obligations en découlant puisse avoir varié, [traduction] « il serait exagéré d’affirmer que les traités n’étaient pas justiciables au Canada au cours du 19e siècle; que la bonne volonté personnelle de l’exécutif et ses actes subséquents ne pouvaient pas donner naissance à des obligations exécutoires légalement ou en equity » (Promislow, p. 1147). Une longue série de décisions a plutôt confirmé le caractère exécutoire des traités en common law et les obligations donnant ouverture à poursuites que consacrent ces traités. La Cour d’appel fédérale a résumé de façon exhaustive ces décisions, mais plusieurs sont particulièrement importantes.
[42] De vieilles décisions de notre Cour et du Comité judiciaire du Conseil privé (« CJCP ») ont qualifié les traités de contrats exécutoires. L’arrêt St. Catherine’s Milling and Lumber Co. c. The Queen (1888), 14 App. Cas. 46 (C.P.), est un bon point de départ. La Blood Tribe invoque cet arrêt pour faire valoir que les revendications autochtones étaient traitées comme des questions politiques. Toutefois, un examen attentif des motifs du CJCP révèle qu’il n’était pas question dans cette affaire du caractère exécutoire des engagements issus de traités. L’appel portait plutôt sur le contrôle exercé par l’Ontario sur les terres de la Couronne. Malgré les limites de l’analyse effectuée dans St. Catherine’s, cet arrêt indique que le CJCP considère les traités comme des [traduction] « contrat[s] formel[s] » et les qualifie ainsi (voir les p. 51‑52 et 54‑55).
[43] Notre Cour et le CJCP ont reconnu le caractère exécutoire des traités une décennie plus tard dans l’arrêt Province of Ontario c. Dominion of Canada (1895), 1895 CanLII 112 (SCC), 25 R.C.S. 434 (« Affaire des annuités (CSC) »), conf. par [1897] A.C. 199 (« Affaire des annuités (CJCP) »). Le différend portait sur un engagement issu de traité d’augmenter au fil des ans les annuités versées aux Ojibways du district du lac Huron, visés par le Traité Robinson‑Huron. Le CJCP a reconnu que le traité avait imposé au gouvernement provincial [traduction] « la responsabilité de respecter les promesses et accords faits en son nom » et avait qualifié la question de « responsabilité contractuelle pour une obligation pécuniaire » (p. 205 et 213). Dans l’Affaire des annuités (CSC), notre Cour a aussi reconnu le caractère exécutoire des obligations : [traduction] « . . . les Indiens ont de plein droit, en vertu des traités, droit au paiement des arriérés » (p. 498). Contrairement au recours par la Blood Tribe à cet arrêt dans la présente affaire, la mention d’un droit issu de traité comme étant une [traduction] « obligation personnelle » à la p. 213 de l’Affaire des annuités (CJCP) n’enlève rien au caractère exécutoire de l’engagement puisque cette qualification n’a été utilisée que pour distinguer les obligations d’une charge foncière.
[44] L’Affaire des annuités (CJCP) a servi de fondement à l’arrêt Henry c. The King (1905), 9 R.C. de l’É. 417, où la Cour de l’Échiquier s’est penchée sur le caractère exécutoire des engagements issus de traités et a reconnu leur effet juridique. Les Mississaugas of the Credit ont déposé une requête visant à obtenir un jugement déclaratoire selon lequel ils avaient droit à certaines sommes dues aux termes d’un traité. La cour a exigé le paiement des annuités exigées dans la revendication et s’est dite favorable au caractère exécutoire du traité à plusieurs égards. Par exemple, le traité a été qualifié d’accord exécutoire moyennant contrepartie (p. 429). De plus, la compétence de la cour était fondée sur le fait que la revendication découlait d’un accord ou d’un traité. La cour a tiré cette conclusion parce que le droit des Mississaugas [traduction] « repose sur le traité ou le contrat conclu entre la Couronne et eux, et [. . .] la cour a [. . .] compétence pour faire une telle déclaration » (p. 446).
[45] Dans l’arrêt Dreaver c. The King (1935), 5 C.N.L.C. 92, la Cour de l’Échiquier a continué de donner effet aux modalités spécifiques d’un traité. L’arrêt Dreaver portait sur une pétition de droit déposée par la bande de Mistawasis en Saskatchewan dans le but d’obtenir des sommes pour rembourser des dépenses liées à l’éducation et à des médicaments qui avaient été prélevées de façon irrégulière sur son compte en fiducie. La bande invoquait une promesse issue de traité selon laquelle la Couronne devait assurer la gratuité de l’éducation et des médicaments. Lorsqu’elle a accueilli la pétition, la cour s’est fondée sur les promesses issues de traités et leur a donné un effet juridique. Le traité en question créait un droit donnant ouverture à des poursuites sur lequel la bande s’est fondée pour intenter son recours.
[46] Les décisions rendues près de la date d’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982 ont confirmé que les obligations issues de traités étaient exécutoires et donnaient ouverture à des poursuites en common law. Par exemple, dans l’arrêt Pawis c. La Reine, 1979 CanLII 4133 (CF), [1980] 2 C.F. 18, la Cour fédérale s’est penchée sur le rapport entre le Règlement de pêche de l’Ontario, DORS/63‑157, et les droits issus de traités des Ojibways et a expressément reconnu que les manquements aux obligations issues de traités donnaient ouverture à des poursuites. Lorsqu’elle a qualifié le traité en cause, la cour a souligné son caractère exécutoire :
. . . le Traité doit être considéré comme un accord conclu par la Souveraine avec un groupe de ses sujets, en vue d’établir entre eux des rapports juridiques spéciaux. Les promesses faites dans ce Traité [. . .] visaient indéniablement à produire des effets de droit dans un contexte légal. On peut donc dire que cet accord équivalait à un contrat, et admettre qu’un manquement aux engagements qui y sont consignés peut donner lieu à une action en rupture de contrat. [Je souligne; p. 24‑25.]
[47] Un résultat semblable a été obtenu dans les décisions Ville de Hay River c. La Reine, 1979 CanLII 4137 (CF), [1980] 1 C.F. 262, et R. c. Taylor (1981), 1981 CanLII 1657 (ON CA), 34 O.R. (2d) 360 (C.A.). Dans Hay River, la Cour fédérale a conclu que le traité en question n’était pas « un simple contrat entre les parties qui y ont souscrit », mais « impos[ait] des obligations et conf[érait] des droits » (p. 265). Dans l’arrêt Taylor, la Cour d’appel de l’Ontario n’a pas qualifié la nature du traité en cause mais a conclu que le traité avait un effet juridique évident : il préservait les droits historiques de chasse et de pêche. Aucune de ces décisions ne tend à indiquer que les traités n’étaient pas exécutoires avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
[48] Le fait que la Blood Tribe ait classé ces décisions en fonction de l’utilisation du traité (c.‑à‑d. soit comme « épée », soit comme « bouclier ») n’enlève rien aux conclusions des tribunaux examinées précédemment. La Cour d’appel fédérale a eu raison de rejeter cet argument, statuant ce qui suit : « [i]l n’y a aucune raison logique de conclure que l’utilisation d’un traité pour défendre un comportement n’a aucune incidence sur la question de savoir si un traité est exécutoire, alors qu’une action visant à faire valoir une modalité du traité en aurait une » (par. 101). Le caractère exécutoire en common law se rapporte à une question claire et concise : le traité a‑t‑il un effet juridique? Peu importe la forme de la procédure, il ressort des décisions susmentionnées que les traités s’étaient vu accorder un effet juridique, et étaient donc exécutoires, avant 1982. La possibilité que les intérêts autochtones, notamment les droits issus de traités, soient soulevés dans un vaste éventail de tribunes et d’instances ne diminue pas leur effet ou leur viabilité juridique (R. c. Desautel, 2021 CSC 17, [2021] 1 R.C.S. 533, par. 89‑92).
[49] La Cour d’appel fédérale a dûment pris en considération et appliqué les décisions susmentionnées, entre autres en écartant R. c. Syliboy, 1928 CanLII 352 (NS SC), [1929] 1 D.L.R. 307 (C. cté N.‑É.). Dans cet arrêt, la Cour de comté de la Nouvelle‑Écosse a jugé que le traité en cause était un [traduction] « simple accord conclu par le gouverneur et le conseil avec une poignée d’Indiens, leur donnant en échange d’un bon comportement de la nourriture, des cadeaux et le droit de pêcher et de chasser comme d’habitude » (p. 313‑314). Comme l’a conclu à bon droit la Cour d’appel fédérale, « [l]’affaire Syliboy a été tranchée de manière erronée en son temps, et elle le reste aujourd’hui » (par. 140). Notre Cour avait déjà tiré cette conclusion dans l’arrêt Simon, soulignant que la décision « traduit les préjugés d’une autre époque de notre histoire » et utilise un langage qui n’est « plus acceptable en droit canadien » (p. 399). L’arrêt Syliboy ne reflétait pas l’état actuel du droit, et ne le reflète toujours pas.
[50] Les obligations issues de traités sont exécutoires et donnent ouverture à des poursuites à compter de leur signature. L’achèvement du processus de conclusion d’un traité impose des obligations continues et opposables à la Couronne, et cela est bien établi dans la jurisprudence canadienne. La thèse de la Blood Tribe selon laquelle les traités étaient considérés comme des questions politiques avant 1982 va à l’encontre de ces décisions et mine le caractère contraignant des promesses faites dans les traités historiques. Ce courant jurisprudentiel a accordé un effet juridique et donné ouverture à des mesures de redressement judiciaires, y compris un jugement déclaratoire et des ordonnances pécuniaires, sur la base des obligations consacrées dans les traités (voir, p. ex., Henry, p. 445‑447; Dreaver, p. 122).
b) Le Traité no 7 était exécutoire et donnait ouverture à des poursuites en common law
[51] La Cour d’appel fédérale a statué à bon droit que le Traité no 7 était exécutoire en common law. Cette conclusion s’accorde avec la jurisprudence exposée plus tôt et reflète la nature des traités en tant qu’instruments juridiques contraignants devant être confirmés. La common law accorde le droit à des mesures de redressement judiciaires en cas de manquement aux obligations issues de traités, lequel est fondé sur les modalités du traité en cause et ne nécessite pas l’application du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ou de mesures législatives adoptées en vertu du par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. L’analyse de l’effet du par. 35(1) vient renforcer cette conclusion, comme je le démontre ci‑dessous.
(2) L’effet du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982
[52] Le caractère exécutoire du Traité no 7 en common law est le cœur du présent pourvoi. Ayant établi ci‑dessus le caractère exécutoire du Traité en common law, il faut se demander si l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 a influé sur son caractère exécutoire. L’édiction de la Loi constitutionnelle de 1982 a profondément façonné et solidifié la protection des droits ancestraux ou issus de traités au Canada. Le paragraphe 35(1) joue un rôle‑clé à cet égard et prévoit que « [l]es droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. » Ce paragraphe restreint l’application du principe de la souveraineté du Parlement aux droits ancestraux ou issus de traités au Canada et empêche le Parlement d’éteindre ces droits (Mitchell c. M.R.N., 2001 CSC 33, [2001] 1 R.C.S. 911, par. 11; R. c. Sparrow, 1990 CanLII 104 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1075, p. 1108‑1110; P. J. Monahan, B. Shaw et P. Ryan, Constitutional Law (5e éd. 2017), p. 489).
[53] Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 accorde le statut constitutionnel aux droits existants — ancestraux ou issus de traités — et empêche que des lois fédérales, provinciales ou territoriales les abrogent (Desautel, par. 34; J. Woodward, Aboriginal Law in Canada (feuilles mobiles), § 5:2). L’entrée en vigueur du par. 35(1) a « reconnu » dans la Constitution l’obligation de la Couronne de respecter les droits existants issus de traités (Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69, [2005] 3 R.C.S. 388, par. 4; R. c. Marshall, 1999 CanLII 666 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 533 (« Marshall (no 2) »), par. 6). En conséquence, le par. 35(1) constitutionnalise les droits existants pour qu’ils ne puissent plus être abrogés par voie législative. Ce principe a été reconnu dans l’arrêt Mitchell, par. 11 :
L’édiction du par. 35(1) a conféré un statut constitutionnel aux droits autochtones existants en common law (quoiqu’il soit important de noter que la protection donnée par le par. 35(1) s’étend au‑delà des droits autochtones reconnus en common law : Delgamuukw c. Colombie‑Britannique, 1997 CanLII 302 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 1010, par. 136). Dès lors ces droits autochtones étaient couverts par la protection du par. 35(1) et ne pouvaient plus être unilatéralement abrogés par le gouvernement. Cependant, le gouvernement conservait le pouvoir de les restreindre pour des motifs valables, dans la poursuite d’objectifs publics impérieux et réels : voir R. c. Gladstone, 1996 CanLII 160 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 723, et Delgamuukw, précité.
[54] Le paragraphe 35(1) n’a pas créé de droits issus de traités. Bien que de tels droits soient protégés par la Loi constitutionnelle de 1982, leur existence et leur portée sont fonction des modalités du traité interprétées selon les principes établis dans l’arrêt R. c. Marshall, 1999 CanLII 665 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 456 (« Marshall (no 1) »). Les conditions et limites des droits issus de traités ne découlent pas du libellé ou de l’objet du par. 35(1), qui reconnaît et confirme les droits existants (Badger, par. 76; P. W. Hogg, « The Constitutional Basis of Aboriginal Rights », dans P. Noreau et L. Rolland, dir., Mélanges Andrée Lajoie : Le droit, une variable dépendante (2008), 177, p. 182; J. T. S. McCabe, The Honour of the Crown and its Fiduciary Duties to Aboriginal Peoples (2008), p. 39).
[55] Notre Cour a reconnu que le par. 35(1) avait pour objet « d’accorder la protection de la Constitution » aux droits ancestraux ou issus de traités préexistants (Badger, par. 12; Delgamuukw c. Colombie-Britannique, 1997 CanLII 302 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 1010, par. 84). De plus, comme il est clairement mentionné au par. 48 de l’arrêt Marshall (no 1), l’effet central du par. 35(1) était d’empêcher que des dispositions législatives abrogent ces droits :
Jusqu’à l’édiction de la Loi constitutionnelle de 1982, les droits issus de traités des peuples autochtones pouvaient être écartés par des dispositions législatives valides aussi facilement que pouvaient l’être les droits et libertés des autres habitants. La haie n’offrait aucune protection spéciale, comme l’ont appris les peuples autochtones dans des affaires antérieures portant sur des droits de chasse, tels les arrêts Sikyea c. The Queen, 1964 CanLII 62 (SCC), [1964] R.C.S. 642, et R. c. George, 1966 CanLII 2 (SCC), [1966] R.C.S. 267. Le 17 avril 1982, toutefois, ce type particulier de « haie » a été transformée par le par. 35(1) en un rempart plus solide, qui ne peut être déplacé que dans les cas où cela est justifié suivant le critère qui a été établi dans l’arrêt R. c. Sparrow, 1990 CanLII 104 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1075, aux pp. 1112 et suiv., et qui a été adapté à l’application des traités dans Badger, précité, le juge Cory, aux par. 75 et suiv.
[56] La Cour d’appel fédérale a correctement énoncé l’effet du par. 35(1) et a reconnu que ce paragraphe n’est « pas la source des droits issus de traités » (par. 204‑205). Cette conclusion s’accorde avec l’approche relative aux droits ancestraux en droit canadien : « . . . l’article 35 n’a pas créé le concept juridique des droits ancestraux — les droits ancestraux existaient et étaient reconnus en common law » (par. 205). Des mesures de redressement s’offraient à la Blood Tribe avant l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982, et elle a cherché à s’en prévaloir au moyen de son action pour violation de contrat intentée en 1980.
[57] Le fait pour la Blood Tribe de s’appuyer sur l’arrêt Ravndahl c. Saskatchewan, 2009 CSC 7, [2009] 1 R.C.S. 181, ne tient pas compte des différences entre l’entrée en vigueur de l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et celle du par. 35(1). Dans cet arrêt, notre Cour a statué que la cause d’action pour la revendication fondée sur la discrimination qui était en cause découlait de l’entrée en vigueur de l’art. 15. Avant l’entrée en vigueur de cet article, la demanderesse dans l’affaire Ravndahl ne disposait « d’aucun droit reconnu pour étayer sa demande » (par. 18). En revanche, la revendication de la Blood Tribe pour violation de traité s’appuie sur la common law vu que le caractère exécutoire des traités donnant ouverture à des poursuites avant 1982 est bien établi. L’entrée en vigueur du par. 35(1) n’a pas créé de droit reconnu fondant la revendication de la Blood Tribe pour violation de traité. Le droit existait en common law depuis la signature du Traité no 7 en 1877. L’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas modifié le début du délai de prescription applicable à la revendication de la Blood Tribe.
C. Les délais de prescription prévus dans la Limitation of Actions Act de l’Alberta s’appliquaient‑ils de manière à prescrire la revendication de la Blood Tribe fondée sur les DFIT avant l’entrée en vigueur du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982?
[58] Pour les motifs qui précèdent, la revendication de la Blood Tribe donnait ouverture à des poursuites avant l’entrée en vigueur du par. 35(1), et, par conséquent, le délai de prescription prévu dans la Limitation of Actions Act de l’Alberta s’appliquait de manière à prescrire la revendication avant 1982. Le seul argument que fait valoir la Blood Tribe pour contester le moment où commence à courir le délai de prescription applicable est que la revendication n’était pas reconnue en droit. La Blood Tribe ne conteste pas subsidiairement le fait que sa revendication est visée par l’al. 5(1)(g) de la Limitation of Actions Act de l’Alberta.
[59] L’alinéa 5(1)(g) de la Limitation of Actions Act de l’Alberta est une disposition générale résiduelle. Plus particulièrement, elle prévoit un délai de prescription de six ans pour [traduction] « toute autre action non expressément prévue dans la présente loi ou une autre loi ». La Blood Tribe ne conteste pas la conclusion du juge de première instance selon laquelle les faits à l’origine de la revendication fondée sur les DFIT auraient pu être découverts dès 1971 ou selon laquelle l’action n’a été intentée qu’en 1980 (motifs de la C.A., par. 6 et 210). Comme a dit la Cour d’appel fédérale, « [l]a Cour fédérale a conclu que [. . .] si une cause d’action pour violation d’un engagement pris par traité existait, la prescription de six ans prévue à l’alinéa 5(g) de la Limitation of Actions Act de 1970 rendrait l’action prescrite. Ces conclusions ne sont pas attaquées et on n’a pas soulevé [. . .] la question de savoir si, pour des motifs d’interprétation des lois ou de constitutionnalité, l’alinéa 5g) prescrivait l’action si une cause d’action existait » (par. 210).
[60] Le résultat que l’on peut dégager de l’analyse qui précède s’accorde avec les arrêts où notre Cour a reconnu que les règles sur les délais de prescription s’appliquent aux revendications de droits ancestraux ou issus de traités (voir, p. ex., Manitoba Metis, par. 134; Canada (Procureur général) c. Lameman, 2008 CSC 14, [2008] 1 R.C.S. 372, par. 12‑13; Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245, par. 121 et 125‑133). Bien que la constitutionnalité de l’application des lois sur la prescription aux revendications de droits ancestraux ou issus de traités n’ait jamais été abordée dans ces arrêts, ceux‑ci ont reconnu que les revendications de ce genre sont assujetties aux délais de prescription généraux de la province dans laquelle l’action a été intentée si elles sont visées par la loi concernée sur la prescription (Woodward, § 20:18; J. T. S. McCabe, The Law of Treaties Between the Crown and Aboriginal Peoples (2010), p. 421).
[61] Tout au long du présent pourvoi, le Canada a souligné d’autres moyens de favoriser la réconciliation et de rétablir la relation de nation à nation, notamment les négociations et le Tribunal des revendications particulières (m.i., par. 71‑74). Notre Cour a déjà reconnu l’importance de la recherche de la réconciliation à l’extérieur des tribunaux, et ces processus peuvent être utiles pour l’examen du manquement par la Couronne aux obligations qu’elle avait envers la Blood Tribe (voir, p. ex., Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2024 CSC 5 (« Renvoi relatif au projet de loi C‑92 »), par. 76‑78; Delgamuukw, par. 186; Desautel, par. 87, citant S. Grammond, Terms of Coexistence, Indigenous Peoples and Canadian Law (2013), p. 139). Dans la perspective d’efforts futurs de réconciliation, il est nécessaire que notre Cour se penche sur les autres mesures de redressement demandées par la Blood Tribe dans le cadre de son action en justice.
D. La possibilité d’obtenir un jugement déclaratoire et la portée de celui‑ci
[62] Dans son action, la Blood Tribe sollicite un jugement déclaratoire. Au procès, elle a réclamé notamment un jugement déclaratoire selon lequel la Couronne avait violé les DFIT (motifs de la C.A., par. 3 et 31). La Couronne a par la suite admis avoir manqué à son obligation issue d’un traité à l’égard des droits fonciers de la Blood Tribe (m.i., par. 2). Lors de l’audition du présent pourvoi, la Couronne a concédé que le jugement déclaratoire peut convenir et pourrait appuyer les efforts de réconciliation avec la Blood Tribe (transcription, p. 111‑116).
[63] Les règles de prescription énoncées ci‑dessus ne font pas obstacle à un jugement déclaratoire dans la présente affaire. Bien que les demandes de réparation personnelle ou de dommages‑intérêts découlant de violations d’un traité puissent être assujetties aux lois sur la prescription, celles‑ci ne peuvent empêcher les tribunaux de rendre des jugements déclaratoires sur la constitutionnalité de la conduite de la Couronne (Manitoba Metis, par. 135, 137, 139 et 143). Le litige en l’espèce porte sur un droit issu de traité protégé par la Constitution et l’honneur de la Couronne, lui‑même un principe constitutionnel (par. 136). Notre Cour a reconnu la possibilité d’obtenir des jugements déclaratoires pour faciliter les négociations extrajudiciaires avec la Couronne même dans les cas où une réparation personnelle peut être prescrite, comme nous le verrons plus loin (par. 137).
[64] Le jugement déclaratoire est justifié en l’espèce. Notre Cour a le pouvoir de rendre le jugement que les juridictions inférieures auraient dû prononcer (Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S‑26, art. 45). Les juridictions inférieures disposaient du pouvoir de rendre le jugement déclaratoire sollicité par la Blood Tribe (Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règle 64; Loi sur les Cours fédérales, par. 2(1) et 17(1) et sous‑al. 52b)(i)). Dans la section qui suit, j’analyse la nature du jugement déclaratoire, j’établis sa valeur dans les cas de violation d’un traité et j’explique pourquoi il est justifié dans les circonstances du présent pourvoi.
(1) Le caractère discrétionnaire du jugement déclaratoire
[65] Les jugements déclaratoires sont [traduction] « des énoncés faisant autorité sur des situations juridiques » (S. A. Smith, Rights, Wrongs, and Injustices : The Structure of Remedial Law (2019), p. 15; lord Woolf et J. Woolf, The Declaratory Judgment (4e éd. 2011), p. 1‑2). Un simple jugement déclaratoire n’accorde pas de mesure de redressement en conséquence ni de mesure de redressement coercitive. En effet, [traduction] « [l]’essence d’un jugement déclaratoire est une déclaration, une confirmation, un prononcé, une reconnaissance, un témoignage et un appui judiciaire à la relation juridique entre les parties sans ordonnance d’application ou d’exécution » (L. Sarna, The Law of Declaratory Judgments (4e éd. 2016), p. 6).
[66] Les jugements déclaratoires établissent les paramètres d’une situation juridique ou de la relation juridique entre les parties. Leur vocation première est de confirmer ou nier l’existence des droits reconnus par la loi aux parties. Il est à noter que les jugements déclaratoires peuvent aussi confirmer ou nier la violation d’un droit ou affirmer l’existence d’une nouvelle situation juridique (voir, p. ex., Manitoba Metis, par. 6 et 154; Smith, p. 15).
[67] Un jugement déclaratoire est une réparation discrétionnaire (S.A. c. Metro Vancouver Housing Corp., 2019 CSC 4, [2019] 1 R.C.S. 99, par. 60; Ewert c. Canada, 2018 CSC 30, [2018] 2 R.C.S. 165, par. 83). Les tribunaux disposent d’une [traduction] « compétence extrêmement vaste » lorsqu’ils prononcent un jugement déclaratoire (Sarna, p. 37; R. Zakrzewski, Remedies Reclassified (2005), p. 158). Ce pouvoir discrétionnaire n’est pas illimité, et notre Cour a énoncé des critères qui servent à déterminer s’il est possible de rendre un jugement déclaratoire. Dans l’arrêt Ewert, notre Cour a affirmé : « Le tribunal peut, à son gré, prononcer un jugement déclaratoire lorsqu’il a compétence pour entendre le litige, lorsque la question en cause est réelle et non pas simplement théorique, lorsque la partie qui soulève la question a véritablement intérêt à ce qu’elle soit résolue et lorsque l’intimé a intérêt à s’opposer au jugement déclaratoire sollicité . . . » (par. 81). Les tribunaux s’appuient depuis longtemps sur ces critères pour déterminer si un jugement déclaratoire peut être rendu (voir, p. ex., S.A., par. 60; Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 11; Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3, [2010] 1 R.C.S. 44, par. 46).
[68] Il ne convient pas de rendre de jugements déclaratoires lorsque cela n’est d’aucune utilité pratique. Comme l’a fait remarquer notre Cour dans l’arrêt Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 821, p. 832, « un jugement déclaratoire n’est normalement pas accordé lorsque le litige est passé et est devenu théorique ou lorsque le litige n’est pas encore né et ne naîtra probablement pas ». L’importance de l’utilité pratique est bien établie, notamment dans les extraits suivants de la doctrine :
[traduction] Un jugement déclaratoire doit avoir une certaine utilité pour les parties; autrement, le tribunal s’exprime pour une raison qui ne sied pas à sa compétence. Par conséquent, le tribunal devrait éviter de rendre un jugement déclaratoire dépourvu d’utilisation tangible ou concrète pour les parties.
(Sarna, p. 46)
[traduction] Les tribunaux ne rendront généralement pas un jugement déclaratoire qui est simplement consultatif, qui n’a aucune utilité pratique ou qui se rapporte à un différend hypothétique. [. . .] [Un jugement déclaratoire] peut aussi remplir une fonction correctrice en ce qu’il peut démontrer avec autorité au défendeur qu’il porte atteinte aux droits du demandeur.
(Zakrzewski, p. 159)
[traduction] Il est essentiel que le jugement déclaratoire vise à trancher des différends juridiques et entraîne de véritables conséquences pour les parties.
(D. Wright, Remedies (2e éd. 2014), p. 284)
[69] Comme l’a souligné la majorité de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans l’arrêt West Moberly First Nations c. British Columbia, 2020 BCCA 138, 37 B.C.L.R. (6th) 232, par. 343, [traduction] « il n’y a aucune obligation en droit des jugements déclaratoires de débattre de l’éventail des effets d’un jugement déclaratoire. Il s’agit tout simplement de savoir si le jugement déclaratoire aura une utilité pratique » (je souligne).
(2) La valeur d’un jugement déclaratoire dans les cas de violation d’un traité
[70] Le jugement déclaratoire a une [traduction] « signification unique » dans le contexte des droits ancestraux ou issus de traités, car c’est un moyen qui permet au tribunal de favoriser la réconciliation afin de rétablir la relation de nation à nation (l’hon. M. Rowe et D. Shnier, « The Limits of the Declaratory Judgment » (2022) 67 R.D. McGill 295, p. 314 et 318). Le jugement déclaratoire repose en partie sur l’hypothèse que le gouvernement le reconnaîtra promptement et agira de façon honorable en décidant des moyens de favoriser la réconciliation (J. Teillet, « A Tale of Two Agreements : Implementing Section 52(1) Remedies for the Violation of Métis Harvesting Rights », dans M. Morellato, dir., Aboriginal Law Since Delgamuukw (2009), 333, p. 340‑341). La difficulté d’une telle hypothèse dans les cas de violation d’un traité, du fait que les efforts de réconciliation font souvent suite à des décennies de conduite déshonorante de la Couronne et de litiges antagonistes, ne diminue pas l’effet bénéfique que peuvent avoir les jugements déclaratoires.
[71] Le processus de réconciliation se distingue du processus judiciaire contradictoire, axé sur le conflit, qui est souvent l’antithèse d’une réconciliation significative et durable. Comme l’a fait remarquer la Cour dans l’arrêt Clyde River (Hameau) c. Petroleum Geo‑Services Inc., 2017 CSC 40, [2017] 1 R.C.S. 1069, par. 24, « [o]n ne parvient que rarement, voire jamais, à une véritable réconciliation dans une salle d’audience. » La Cour a insisté à maintes reprises sur l’importance de la réconciliation entre les peuples autochtones et la Couronne à l’extérieur des tribunaux (voir, p. ex., Renvoi relatif au projet de loi C‑92, par. 77; Desautel, par. 87; Nation haïda, par. 20; Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371, par. 47).
[72] Un jugement déclaratoire peut favoriser la réconciliation. Le caractère non coercitif d’un jugement déclaratoire peut aider [traduction] « les parties au litige à résoudre les questions sans avoir recours à une approche excessivement hostile ou antagoniste » et peut contribuer au rétablissement de l’honneur de la Couronne (Sarna, p. 178). Dans la doctrine, il est reconnu que cette approche [traduction] « est tout particulièrement indiquée compte tenu de la relation non antagoniste et de nature fiduciaire que les gouvernements canadiens sont censés avoir avec les peuples autochtones » (K. Roach, Constitutional Remedies in Canada (2e éd. (feuilles mobiles)), § 15:31). Éviter les procédures onéreuses, longues et contentieuses est une étape importante de l’atteinte de résultats axés sur la réconciliation lorsque des droits ancestraux ou issus de traités sont en cause.
[73] Dans le cas des revendications de droits ancestraux ou issus de traités, le jugement déclaratoire peut contribuer à fournir un énoncé clair des droits reconnus par la loi aux parties autochtones et des obligations qui incombent à la Couronne, ainsi que de la conduite de la Couronne à l’égard de ces promesses sacrées. La clarté sur ces droits, obligations et conduite peut aider à préserver l’honneur de la Couronne, guider les parties dans le processus de réconciliation que commande le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, et contribuer aux efforts déployés pour rétablir la relation de nation à nation.
[74] Les jugements déclaratoires dans le contexte des revendications pour violation de traité peuvent remplir une fonction correctrice en démontrant avec autorité que la Couronne a porté atteinte aux droits de la partie autochtone (Zakrzewski, p. 159). Un énoncé clair indiquant que la Couronne a porté atteinte aux droits d’une partie autochtone peut encourager les efforts de réconciliation entre les parties afin de remédier aux torts subis. Le jugement déclaratoire ne saurait représenter la fin du processus de réconciliation en lien avec la violation par la Couronne du Traité no 7 : il ne fait que mettre la table pour déployer d’autres efforts en vue de rétablir la relation de nation à nation et l’honneur de la Couronne.
(3) Le jugement déclaratoire est justifié pour la Blood Tribe
[75] Le Canada a rompu les promesses qu’il avait faites par traité à la Blood Tribe. Le Canada n’a pas fourni les terres promises : il manquait une superficie de 162,5 milles carrés. En 1883, le lieutenant‑gouverneur des Territoires du Nord‑Ouest a donné pour instruction à l’arpenteur de modifier les limites de la Réserve en contravention des engagements qu’avait pris le Canada par voie de traité. Des représentants de la Couronne ont par la suite déclaré faussement à la Blood Tribe que les DFIT avaient été respectés, notamment dans une lettre de 1888 selon laquelle la Réserve [traduction] « renfermait beaucoup plus de terres que ce à quoi [la Blood Tribe] avai[t] droit » (motifs de première instance, par. 459). La divergence n’a jamais été corrigée ni reconnue, et ce n’est que grâce aux efforts déployés par un chercheur pied‑noir de 1969 à 1971 que l’étendue de l’inconduite de la Couronne en ce qui concerne les DFIT a été mise au jour. Cette conduite est déplorable et ne reflète pas l’objectif fondamental du droit moderne en matière de droits issus des traités, à savoir la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones et la conciliation de leurs revendications, intérêts et ambitions respectifs (Première nation crie Mikisew, par. 1). Durant sa plaidoirie devant notre Cour, la Couronne a reconnu que sa violation du Traité était [traduction] « très grave », « déshonorante », et même « indéfendable » (transcription, p. 95‑96).
[76] Les promesses contenues dans les traités doivent être respectées tant et aussi longtemps que le soleil se lève et que la rivière coule. Elles constituent des « instruments vivants et vitaux des rapports avec les autres », et la Couronne est présumée vouloir tenir ces promesses dans leur intégralité (Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 1, p. 137; Badger, par. 41; Manitoba Metis, par. 79; Nation haïda, par. 19‑20). En faisant fi des engagements qu’il a pris dans le Traité no 7, le Canada n’a pas respecté ni saisi le caractère sacré de ses promesses.
[77] Plusieurs considérations appuient l’exercice du pouvoir discrétionnaire de rendre un jugement déclaratoire à la lumière de ce contexte. Plusieurs précédents de notre Cour ont énoncé les critères qui établissent si un jugement déclaratoire peut se justifier (voir, p. ex., S.A., par. 60; Ewert, par. 81). Ces critères sont respectés en l’espèce, et les détails du pourvoi dont nous sommes saisis appuient davantage l’exercice par notre Cour du pouvoir discrétionnaire de rendre un jugement déclaratoire. Personne ne conteste que notre Cour a compétence pour instruire la question ou que la Blood Tribe a véritablement intérêt à la régler. L’analyse qui suit ne porte donc que sur l’utilité pratique, s’il y a lieu, de rendre un jugement déclaratoire et sur la question de savoir si la Couronne a intérêt à s’opposer au jugement déclaratoire (S.A., par. 60; Ewert, par. 81).
[78] Un jugement déclaratoire dans ce contexte aura un effet pratique. La violation déshonorante par la Couronne du Traité no 7 se poursuit, et la relation brisée entre la Couronne et la Blood Tribe devrait être réparée grâce à des efforts de réconciliation soutenus. Il ne s’agit pas d’une situation où un jugement déclaratoire serait dépourvu d’utilité tangible ou concrète ou pourrait être considéré comme « ficti[f] ou théoriqu[e] » (Solosky, p. 831). Celui‑ci sera utilisé pour exposer la conduite déshonorante antérieure de la Couronne à l’égard du Traité no 7. Il peut également remplir une fonction correctrice dans les circonstances, car il démontre de façon décisive que le Canada a violé les droits issus de traités de la Blood Tribe, ce qui peut contribuer à favoriser la réconciliation. Toute incertitude quant à la question de savoir si des efforts de réconciliation permettront de renforcer la relation de nation à nation ne diminue pas l’utilité pratique du jugement déclaratoire (West Moberly, par. 321‑324 et 331).
[79] Le jugement déclaratoire expose la conduite de la Couronne et guide les parties vers le processus de réconciliation. Les droits de la Blood Tribe sont garantis par le Traité no 7 lui‑même, en plus d’être constitutionnellement reconnus et confirmés par le par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. De plus, un jugement déclaratoire de ce genre concorde avec l’impératif constitutionnel de réconciliation et le favorise. Un jugement déclaratoire dans ce contexte n’est pas un énoncé de [traduction] « faits détachés » ou un « énoncé général du droit » (West Moberly, par. 312 et 336; voir, p. ex., Yahey c. British Columbia, 2021 BCSC 1287, 43 C.E.L.R. (4th) 1, par. 1876‑1877 et 1884; 1472292 Ontario Inc. (Rosen Express) c. Northbridge General Insurance Company, 2019 ONCA 753, 96 C.C.L.I. (5th) 1, par. 30‑31).
[80] Le différend entre la Couronne et la Blood Tribe est réel et non théorique. La Couronne s’est opposée au jugement déclaratoire sollicité par la Blood Tribe à presque tous les stades du litige qui nous occupe. Le différend repose sur un contexte factuel complexe et contesté relativement aux engagements pris par la Couronne aux termes du Traité no 7 et à la taille des DFIT. La Couronne a nié avoir manqué à ses obligations prévues dans le Traité no 7 lorsque l’action a été intentée en 1980. La question est demeurée en litige pendant des décennies, ce qui a donné lieu à un procès long et complexe devant la Cour fédérale et à une conclusion selon laquelle le Canada avait manqué aux engagements qu’il avait pris dans le traité. Dans sa demande introductive d’instance, la Blood Tribe a sollicité un jugement déclaratoire en vue de régler le différend en cours sur cette question au moyen d’une action en justice (motifs de la C.A., par. 3).
[81] Devant notre Cour, la Couronne concède qu’elle a violé les DFIT et qu’un jugement déclaratoire pourrait s’avérer une réparation convenable. En conséquence, on pourrait affirmer que la Couronne n’a plus intérêt à s’opposer au jugement déclaratoire sollicité en ce qui a trait au dernier critère de prononcé d’un jugement déclaratoire. Toutefois, permettre que cette concession tardive écarte la possibilité de rendre un jugement déclaratoire privilégierait la forme aux dépens du fond en ce qui concerne la nature du « véritable » litige dont nous sommes saisis, et négligerait la nature prolongée du litige qui a mené les parties à cette issue. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que cette concession, faite à la toute fin du présent litige et eu égard à l’opposition vigoureuse de la Couronne à toute réparation en l’espèce, devrait maintenant empêcher notre Cour de rendre un jugement déclaratoire.
[82] Un jugement déclaratoire est en fin de compte une mesure de réparation discrétionnaire qui doit être située dans le contexte unique du différend juridique en cause. Les considérations analysées plus tôt appuient le prononcé d’un jugement déclaratoire dans ces circonstances. Ces considérations doivent être appréciées à la lumière de décennies de désaccord entre les parties quant à la portée des promesses issues de traités envers la Blood Tribe qui ont abouti à un long litige. La Blood Tribe et la Couronne ont été parties à un processus judiciaire contradictoire et antagoniste qui a abouti à un appel devant notre Cour, et non pas à un différend qui est « théorique » ou « hypothétique » (Solosky, p. 832‑833; S.A., par. 60). Le jugement déclaratoire remplira la fonction importante de préciser les DFIT de la Blood Tribe, d’identifier la conduite déshonorante de la Couronne, de contribuer aux efforts futurs de réconciliation, et d’aider à rétablir l’honneur de la Couronne.
[83] À la lumière des considérations et du contexte qui précèdent, la Blood Tribe a droit au jugement déclaratoire suivant :
Selon les dispositions du Traité no 7 concernant les droits fonciers issus de traités, la Blood Tribe avait droit à une réserve d’une superficie de 710 milles carrés.
La réserve actuelle de la Blood Tribe compte 162,5 milles carrés de moins que ce qui avait été promis dans le Traité no 7.
Le Canada, qui a donné à la Blood Tribe une réserve d’une superficie de 547,5 milles carrés, a violé de façon déshonorante les dispositions du Traité no 7 concernant les droits fonciers issus de traités.
VI. Dispositif
[84] Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en partie et de rendre le jugement déclaratoire énoncé ci‑dessus. Les appelants se voient adjuger leurs dépens devant toutes les cours.
Pourvoi accueilli en partie avec dépens devant toutes les cours.
Procureurs des appelants : Walsh, Calgary; Foster, Calgary; Supreme Advocacy, Ottawa.
Procureur de l’intimé : Ministère de la Justice Canada, Secteur national du contentieux, Winnipeg.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Ministère du Procureur général, Bureau des avocats de la Couronne — Droit civil, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan : Attorney General for Saskatchewan, Constitutional Law Branch, Regina.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Alberta Justice Constitutional and Aboriginal Law, Calgary.
Procureurs de l’intervenante Treaty 8 First Nations of Alberta : First Peoples Law, Vancouver.
Procureurs de l’intervenante Lac La Ronge : TLE, Edmonton.
Procureurs de l’intervenante Innu Takuaikan Uashat Mak Mani‑Utenam : O’Reilly, André‑Grégoire & Associés, Montréal.
Procureurs de l’intervenante Robinson Huron Treaty Anishinaabek : Nahwegahbow Corbiere, Rama (Ont.); Arvay Finlay, Victoria.
Procureurs de l’intervenante Assembly of Manitoba Chiefs : Fox, Calgary.
Procureurs des intervenantes Cowichan Tribes, Stz’uminus First Nation, Penelakut Tribe et Halalt First Nation : Woodward & Company, Victoria.
Procureurs de l’intervenante la Fédération des nations autochtones souveraines : Maurice Law, Calgary.
Procureur de l’intervenante l’Assemblée des Premières Nations : Assemblée des Premières Nations, Ottawa.
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