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12/09/2014 | CANADA | N°2014_CSC_54

Canada | R. c. Mian


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689
Date : 20140912
Dossier : 35132

Entre :
Mohammad Hassan Mian
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Procureur général de l'Alberta
Intervenant


Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Moldaver, Karakatsanis et Wagner

Motifs de jugement :
(par. 1 à 90)
Le juge Rothstein (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, A

bella, Moldaver, Karakatsanis et Wagner)




r. c. mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689
Mohammad Hassan Mian Appelan...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689
Date : 20140912
Dossier : 35132

Entre :
Mohammad Hassan Mian
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Procureur général de l'Alberta
Intervenant


Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Moldaver, Karakatsanis et Wagner

Motifs de jugement :
(par. 1 à 90)
Le juge Rothstein (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Abella, Moldaver, Karakatsanis et Wagner)




r. c. mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689
Mohammad Hassan Mian Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
et
Procureur général de l'Alberta Intervenant
Répertorié : R. c. Mian
2014 CSC 54
N o du greffe : 35132.
2014 : 15 avril; 2014 : 12 septembre.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Moldaver, Karakatsanis et Wagner.
en appel de la cour d'appel de l'alberta
Droit criminel — Appels — Pouvoirs de la Cour d'appel — Inculpé accusé de possession de cocaïne et de possession d'argent obtenu par la perpétration d'une infraction — Nouvelles questions soulevées en appel par la Cour d'appel — La Cour d'appel a-t-elle commis une erreur en ordonnant la tenue d'un nouveau procès sur le fondement de la question d'un contre-interrogatoire inapproprié ? — La Cour d'appel a-t-elle commis une erreur en soulevant une nouvelle question en appel?
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droit d'être informé des motifs de son arrestation — Droit à l'assistance d'un avocat — Inculpé accusé de possession de cocaïne et de possession d'argent obtenu par la perpétration d'une infraction — Délai avant que la police informe l'accusé des motifs de son arrestation et de son droit à l'assistance d'un avocat — Le juge du procès a-t-il commis une erreur de droit en concluant que la police a porté atteinte au droit de l'accusé d'être informé des motifs de son arrestation et à son droit à l'assistance d'un avocat? — Le juge du procès a-t-il commis une erreur de droit en excluant des éléments de preuve? — Charte canadienne des droits et libertés , art. 10 , 24(2) .
L'inculpé a été accusé de possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic et de possession d'argent obtenu par la perpétration d'une infraction. Le juge du procès a conclu qu'il avait été porté atteinte aux droits garantis à l'accusé par les al. 10 a ) et b ) de la Charte parce que les policiers ont attendu 22 minutes avant de l'informer des motifs de son arrestation et 2 à 5 minutes supplémentaires avant de l'informer de son droit à l'assistance d'un avocat. Le juge du procès a souligné que l'avocat de la défense avait contre-interrogé le détective qui avait ordonné au policier d'arrêter et de fouiller l'accusé. Durant ce contre-interrogatoire, l'avocat de la défense a questionné le détective relativement au témoignage d'un autre témoin du ministère public qui différait de celui du détective quant aux motifs de l'arrestation et de la fouille de l'accusé. En définitive, tous les éléments de preuve ont été exclus et l'accusé a été acquitté. Le ministère public a interjeté appel. Après que le ministère public et l'avocat de la défense eurent déposé leurs observations écrites, la Cour d'appel a fourni aux parties une liste de décisions et elle leur a soumis deux questions pour commentaire à l'audience : (1) Qu'est-ce qu'une question de droit en appel d'un acquittement? (2) Quelles sont les limites du contre-interrogatoire et quelles sont les conséquences lorsque ces limites sont outrepassées? À l'audience, les deux avocats ont présenté des observations sur la question de savoir si la défense avait soumis le détective à un contre-interrogatoire inapproprié en lui demandant de se prononcer sur la véracité du témoignage de l'autre agent. La Cour d'appel a accueilli l'appel au motif que le juge du procès avait commis une erreur de droit en s'appuyant sur le contre-interrogatoire inacceptable du policier détective. Les acquittements ont été annulés et la tenue d'un nouveau procès ordonnée.
Arrêt : L'appel est accueilli et les acquittements rétablis.
U ne cour d'appel a compétence pour soulever de nouvelles questions et pour inviter les parties à présenter des observations sur une question que ni l'une ni l'autre n'a soulevée. Une question est nouvelle lorsqu'elle constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s'appuyer — autre que les moyens d'appel formulés par les parties — pour conclure que la décision frappée d'appel est erronée. Les questions qui reposent sur une question existante ou qui en sont des éléments ne sont pas de nouvelles questions, tout comme celles qui forment la toile de fond de l'instance d'appel n'en sont pas non plus. En outre, ce ne sont pas toutes les questions posées par une cour d'appel qui sont de nouvelles questions. Celles soulevées à l'audience peuvent valablement porter sur une gamme étendue de sujets, qui peuvent être des éléments des moyens d'appel mis de l'avant par les parties, ou aller au-delà de ces moyens dans le but de comprendre le contexte factuel ou législatif, ou les implications plus larges du débat. Pourvu que l'impartialité ne soit pas mise en cause, les questions soulevées à l'audience, qu'elles soient ou non liées directement ou par extension aux moyens d'appel, ne sont pas inappropriées.
Même si u ne cour d'appel dispose du pouvoir discrétionnaire de soulever une nouvelle question, elle ne doit l'exercer que dans de rares situations. En effet, elle ne doit soulever une telle question que si son omission de le faire risquerait d'entraîner une injustice. Ce pouvoir discrétionnaire est limité en toutes circonstances par l'exigence suivant laquelle, en soulevant la nouvelle question, la cour ne doit pas donner l'impression qu'elle a un parti pris ou qu'elle fait preuve de partialité. Il ne faut pas que les tribunaux soient vus comme étant en quête d'un tort à rectifier. Lorsqu'il existe une bonne raison de croire que le résultat aurait réalistement été différent si l'erreur n'avait pas été commise, ce risque d'injustice justifie l'intervention de la cour d'appel. La norme de la « bonne raison de croire » que l'omission de soulever une nouvelle question « risquerait d'entraîner une injustice » est un seuil élevé et nécessaire dans ce contexte afin d'établir un équilibre approprié entre le rôle des cours d'appel en tant qu'arbitres indépendants et impartiaux et le besoin de veiller à ce que justice soit rendue. Pour soulever une nouvelle question, la cour doit aussi se demander si elle a compétence pour l'examiner, s'il y a suffisamment d'éléments au dossier pour la trancher et si l'une ou l'autre des parties subirait un préjudice d'ordre procédural advenant le cas où la cour en question soulevait une nouvelle question.
L orsqu'une cour d'appel soulève une nouvelle question, les parties doivent en être notifiées et avoir l'occasion d'y répondre. La cour d'appel doit aviser les parties qu'elle a cerné une question susceptible de se poser et veiller à ce que les parties en soient suffisamment informées pour qu'elles puissent se préparer et y répondre. Prescrire des normes de procédure rigoureuses ferait abstraction du fait que la question peut se présenter dans diverses situations selon les dossiers. La cour doit soulever la question dès qu'il est pratiquement possible de le faire après que la question se cristallise afin d'éviter tout retard indu dans le déroulement de l'instance. Toutefois, la notification de la nouvelle question peut se faire avant l'audience, ou la question être soulevée à l'audience. La notification ne doit pas renfermer trop de détails ou indiquer que la cour d'appel s'est déjà formé une opinion. Toutefois, elle doit renfermer assez d'information pour permettre aux parties de répondre à la nouvelle question. Les exigences relatives à la réponse dépendront de la question particulière soulevée par la cour. Les procureurs voudront peut-être simplement présenter des observations orales sur le sujet, plutôt déposer d'autres arguments écrits ou faire les deux. L'enjeu sous-jacent est de faire en sorte que la cour reçoive des observations complètes sur la nouvelle question. Si une partie demande à présenter des observations écrites avant ou après l'audience, il doit y avoir une présomption en faveur de l'acceptation de la demande. La récusation devrait être rare et elle doit être régie par la considération prépondérante de savoir si la nouvelle question ou la façon dont elle a été soulevée pourrait susciter une crainte raisonnable de partialité.
En l'espèce, la Cour d'appel a eu tort de soulever la nouvelle question du caractère inapproprié du contre-interrogatoire. La question contestée du contre-interrogatoire n'a pas influé sur la décision du juge du procès. L'erreur n'était pas substantielle et le résultat n'aurait pas été différent si le juge du procès n'avait pas autorisé le contre-interrogatoire contesté. Même si le juge du procès s'était effectivement appuyé sur la question contestée, cela n'aurait pas eu une incidence significative sur le résultat, au point de soulever un risque réaliste d'injustice. Fait également important, la question inappropriée a été posée à un témoin du ministère public, plutôt qu'à l'accusé. En outre, le fait que le ministère public n'ait pas contesté la question inacceptable et qu'il ne l'ait pas soulevée non plus comme moyen d'appel laisse entendre que la question n'avait pas eu d'incidence grave sur l'issue du voir-dire. Puisque le fait de ne pas soulever la question du contre-interrogatoire contesté n'aurait pas risqué d'entraîner une injustice, il s'ensuit que la Cour d'appel a eu tort de soulever la question.
Rien ne permet par ailleurs d'infirmer la conclusion du juge du procès selon laquelle les droits que garantit l' art. 10 de la Charte à l'accusé ont été violés. Selon le juge du procès, la preuve était insuffisante pour étayer l'assertion selon laquelle l'enquête plus large aurait été compromise s'il avait été immédiatement satisfait aux obligations découlant de l' art. 10 de la Charte . Puisque les appels d'acquittements interjetés par le ministère public se limitent aux questions de droit, les conclusions de fait ne peuvent être remises en cause que dans des situations limitées qui ne se présentent pas en l'espèce. Il n'existait aucune circonstance exceptionnelle qui justifiait le retard des policiers à se conformer aux obligations d'information prescrites par l' art. 10 . Il n'y a donc aucune raison de modifier la conclusion du juge du procès selon laquelle les al. 10 a ) et b ) de la Charte ont été violés. De plus, compte tenu de la norme de contrôle qui commande la déférence en appel et parce que les arguments du ministère public à l'égard des conclusions du juge du procès en application du par. 24(2) équivalent à une contestation des conclusions de fait du juge du procès, la Cour ne peut intervenir dans la décision du juge du procès fondée sur le par. 24(2) d'exclure des éléments de preuve.
Jurisprudence
Arrêts mentionnés : R. c. Grant , 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353; Quan c. Cusson , 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712; R. c. W. (G.) , [1999] 3 R.C.S. 597; Greenlaw c. United States , 554 U.S. 237 (2008); Brouillard c. La Reine , [1985] 1 R.C.S. 39; R. c. Sussex Justices, Ex parte McCarthy , [1924] 1 K.B. 256; Jones c. National Coal Board , [1957] 2 All E.R. 155; R. c. Sheppard , 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869; Housen c. Nikolaisen , 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; R. c. Phillips , 2003 ABCA 4, 320 A.R. 172, conf. par 2003 CSC 57, [2003] 2 R.C.S. 623; R. c. Taubler (1987), 20 O.A.C. 64; R. c. E.M.W. , 2011 CSC 31, [2011] 2 R.C.S. 542; Kourtessis c. M.R.N. , [1993] 2 R.C.S. 53; Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd. , 2002 CSC 19, [2002] 1 R.C.S. 678; R. c. Kociuk , 2011 MBCA 85, 270 Man. R. (2d) 170; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat , 2014 CSC 37, [2014] 2 R.C.S. 33; Ruby c. Canada (Solliciteur général) , 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3; R. c. Manninen , [1987] 1 R.C.S. 1233; R. c. Strachan , [1988] 2 R.C.S. 980; R. c. J.M.H. , 2011 CSC 45, [2011] 3 R.C.S. 197; R. c. Côté , 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés , art. 8 , 9 , 10 a ), b ), 24(2) .
Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C-46 , art. 676(1) a ), 686(4) .
Doctrine et autres documents cités
Black's Law Dictionary , 9th ed. St. Paul, Minn. : West, 2009, « adversary system ».
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta (les juges Côté et O'Brien et le juge Belzil ( ad hoc )), 2012 ABCA 302, 536 A.R. 308, 559 W.A.C. 308, 78 Alta. L.R. (5th) 249, 292 C.C.C. (3d) 346, 98 C.R. (6th) 311, [2012] A.J. No. 1044 (QL), 2012 CarswellAlta 1744, qui a annulé les verdicts d'acquittement de l'accusé et ordonné la tenue d'un nouveau procès. Pourvoi accueilli.
Daniel J. Song , Darin D. Sprake et Anna M. Konye , pour l'appelant.
David Schermbrucker et Ronald C. Reimer , pour l'intimée.
Jolaine Antonio , pour l'intervenant.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge Rothstein —
I. Vue d'ensemble
[1] La principale question du présent pourvoi porte sur la faculté qu'a une cour d'appel de soulever de nouveaux moyens d'appel et sur les considérations qui devraient la guider pour ce faire. Deux réalités susceptibles de s'opposer sont au cœur du présent pourvoi : (1) le système accusatoire, qui réserve aux parties le soin de formuler les questions soulevées en appel et aux tribunaux le rôle d'arbitre neutre; et (2) la nécessité qu'une cour d'appel intervienne pour éviter une injustice. En l'espèce, il s'agit de déterminer à quel point une cour d'appel peut intervenir dans le système accusatoire et soulever un moyen d'appel de son propre chef.
[2] Le présent pourvoi tire son origine d'un voir-dire portant sur l'exclusion d'éléments de preuve. La question secondaire sur laquelle nous devons nous pencher concerne donc les conclusions du juge du procès à l'égard de violations des al. 10 a ) et b ) de la Charte canadienne des droits et libertés et l'exclusion d'éléments de preuve en application du par. 24(2) .
II. Les faits
A. L'enquête visant M. Chelmick
[3] La présente affaire a pris naissance avec une enquête menée par le service de police d'Edmonton sur une série d'homicides et de tentatives d'homicide dans la ville d'Edmonton. Sous la direction du détective Werth (qui était policier à l'époque), l'équipe d'enquêteurs avait obtenu une autorisation d'écoute électronique lui permettant d'intercepter les communications privées d'une de leurs principales cibles, Robin Flynn Chelmick.
[4] Entre le soir du 5 janvier 2009 et l'après-midi du 6 janvier 2009, les policiers ont intercepté des appels de la ligne de M. Chelmick en lien avec une transaction de drogue, c'est-à-dire l'achat de 0,5 kg de cocaïne. M. Chelmick agissait comme intermédiaire pour un fournisseur non identifié relativement à une transaction qui devait avoir lieu à 16 h 30 au Duke's Bar and Grill.
[5] Une surveillance visuelle de M. Chelmick le 6 janvier 2009 a révélé qu'il a interagi avec le conducteur d'une Chevrolet Malibu grise de location, dans le stationnement du Duke's Bar. Selon le détective Werth, le conducteur de la Malibu était le fournisseur de la cocaïne et a été identifié plus tard comme étant l'appelant, Mohammad Mian.
[6] Trois rencontres distinctes ont eu lieu entre M. Chelmick et le conducteur de la Malibu. Les communications interceptées ont révélé que l'acheteur de la cocaïne était insatisfait de la qualité de la première livraison de drogue. Après la troisième rencontre, qui s'est déroulée dans le stationnement du Duke's Bar, la Malibu est partie en direction sud.
B. L'arrestation et la fouille
[7] Pendant que la surveillance de M. Chelmick suivait son cours, le détective Werth a communiqué avec deux policiers qui n'étaient pas liés à l'enquête sur les homicides, les agents McGill et Dalziel. Lors d'une réunion tenue au quartier général de la police, le détective Werth a informé ces agents qu'une surveillance était en cours relativement à un individu impliqué dans une transaction de drogue et qui, croyait-on, avait de la drogue dans son véhicule. On a fourni aux agents McGill et Dalziel une radio de surveillance pour qu'ils puissent écouter les rapports de surveillance et le détective Werth les a informés que, à un moment donné, il leur demanderait d'intercepter le véhicule cible, la Chevrolet Malibu grise.
[8] Le détective Werth a donné l'ordre aux agents McGill et Dalziel de faire un simple contrôle routier de la Malibu. Il a ensuite précisé, à leur intention, que lorsqu'ils recevraient l'ordre d'intercepter le véhicule, ils devaient prendre toutes les mesures possibles pour trouver des motifs appropriés de fouiller le véhicule sans avoir à s'appuyer sur les renseignements qu'il leur avait fournis, afin de ne pas compromettre l'enquête en cours sur les homicides. Les policiers ont néanmoins été informés qu'il existait déjà des motifs d'arrêter le conducteur sur lesquels on pouvait s'appuyer s'il n'était pas possible d'établir d'autres motifs pour ce faire.
[9] Après la réunion avec le détective Werth, les agents McGill et Dalziel se sont rendus non loin du Duke's Bar. Alors que la Malibu quittait les lieux, elle a été suivie par un véhicule de surveillance, lui-même suivi par les policiers McGill et Dalziel qui étaient à bord d'un véhicule de police. Sur l'ordre du détective Werth donné vers 19 h 40, les gyrophares de la voiture de police ont été activés, la Malibu s'est rangée sur le bord de la route et la voiture de police s'est immobilisée environ 40 pieds derrière. Lorsqu'il s'est approché de la Malibu en compagnie de son collègue, le policier McGill a reconnu le conducteur, Mohammad Mian, parce que ce dernier avait déjà eu des démêlés avec la police.
[10] Pendant que se déroulait le prétendu simple contrôle routier, le détective Werth a écouté les comptes-rendus du policier Drynan, un membre de l'équipe de surveillance, qui disait avoir aperçu le conducteur de la Malibu tendre le bras au-dessus du siège avant du côté passager et faire quelque chose avec les mains. Durant le voir-dire, le policier McGill a témoigné qu'il avait lui aussi remarqué que M. Mian tendait le bras de cette façon et qu'il avait des préoccupations liées à la sécurité des agents en voyant cela. Après avoir entendu les comptes-rendus du policier Drynan, le détective Werth a téléphoné à l'agent Dalziel, l'informant que M. Mian tendait le bras sous les sièges du véhicule et lui disant que, en compagnie de son collègue McGill, il devait se rendre jusqu'au véhicule, en faire sortir M. Mian et arrêter ce dernier.
[11] Les policiers McGill et Dalziel ont fait sortir M. Mian du véhicule. Ce dernier tenait un téléphone cellulaire que l'agent McGill lui a enlevé. Une fouille par palpation de M. Mian a révélé que celui-ci avait sur lui 2 710 $ en argent comptant. Après que M. Mian a été placé à l'arrière de la voiture de police, la Malibu a été fouillée, ce qui a mené à la découverte d'une quantité importante de cocaïne et d'un sachet plus petit de cette drogue, d'une somme additionnelle de 1 340 $ en argent comptant, d'un autre téléphone cellulaire et du portefeuille de M. Mian. Après les fouilles, on a fait venir une remorqueuse pour saisir la Malibu.
[12] Il s'est écoulé 22 minutes entre le moment où la Malibu a été interceptée par les policiers et le moment où M. Mian a été informé qu'on l'arrêtait pour possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic. Deux à cinq minutes de plus se sont écoulées avant qu'on informe M. Mian du droit que lui garantit la Charte d'avoir recours à l'assistance d'un avocat.
[13] M. Mian a été accusé de possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic et de possession d'argent obtenu par la perpétration d'une infraction. Il a demandé l'exclusion de tous les éléments de preuve au motif qu'il avait été détenu et arrêté arbitrairement par les policiers contrairement à l' art. 9 de la Charte , que ces derniers avaient effectué une fouille et une saisie abusives contrairement à l' art. 8 de la Charte , et qu'ils avaient omis de l'informer de la raison de sa détention et de son droit à l'assistance d'un avocat, contrairement aux al. 10 a ) et b ). M. Mian a fait valoir que l'admission des éléments de preuve saisis était susceptible de déconsidérer l'administration de la justice et qu'ils devaient donc être exclus en application du par. 24(2) de la Charte .
III. Historique judiciaire
A. Cour du Banc de la Reine de l'Alberta , 2011 ABQB 290, 516 A.R. 368
[14] Dans sa décision sur le voir-dire relatif à l'exclusion d'éléments de preuve sur le fondement de la Charte , le juge Macklin a conclu que l'agent Drynan était un témoin digne de foi et il a accepté le témoignage de ce policier qui avait affirmé ne pas avoir exprimé de préoccupation liée à la sécurité des agents, mais avait simplement fait part de ses observations à l'équipe d'enquêteurs.
[15] Le juge Macklin n'a pas ajouté foi aux témoignages du détective Werth ou du policier McGill selon lesquels il existait une préoccupation liée à la sécurité des agents, dans le contexte de la fouille, de la détention ou de l'arrestation, et causée par le fait que M. Mian avait tendu le bras sous le siège de la Malibu. Le juge a conclu que le détective Werth avait livré son témoignage [ traduction ] « de façon très cavalière et d'une manière qui visait à justifier un ordre qu'il avait donné dans le but de fournir aux agents McGill et Dalziel un motif de fouiller la Malibu tout en dissimulant le véritable but de l'interception et de la fouille du véhicule au départ » (par. 68). Le juge Macklin a statué que le détective Werth « avait sciemment induit la Cour en erreur dans le but de justifier les directives qu'il avait données à l'agent Dalziel » (par. 68). Il a noté, en outre, que lorsque l'avocat de la défense avait fait part au détective Werth du témoignage du policier Drynan relativement aux mouvements de M. Mian dans le véhicule, le détective Werth avait répliqué qu'il ne se souciait pas de ce qu'avait dit le policier Drynan et que ce dernier se trompait.
[16] Cela dit, même si le juge Macklin a rejeté la thèse selon laquelle les préoccupations liées à la sécurité des agents pouvaient servir de motifs justifiant la fouille et l'arrestation de M. Mian, il a néanmoins conclu qu'il existait d'autres motifs valables, fondés sur la croyance du détective Werth selon laquelle la Malibu renfermait une quantité importante de cocaïne.
[17] Après avoir conclu que les droits garantis à M. Mian par les art. 8 et 9 de la Charte n'avaient pas été violés dans le cours de la fouille et de l'arrestation, le juge Macklin a examiné la question de savoir s'il y avait eu atteinte aux droits que les al. 10 a ) et b ) de la Charte garantissent à M. Mian en cas de détention, c'est-à-dire les droits respectivement d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de sa détention et d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Le juge Macklin a noté qu'il doit exister des circonstances exceptionnelles pour justifier la suspension des droits protégés par les al. 10 a ) et b ). Or, en l'espèce, selon lui, il n'existait aucune raison valable de ne pas informer M. Mian de ces droits dès son arrestation. Le juge Macklin a statué que, parce qu'ils avaient attendu 22 minutes avant d'informer M. Mian des motifs de son arrestation et de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, les agents Dalziel et McGill avaient violé les droits de M. Mian protégés pour les al. 10 a ) et b ).
[18] Le juge Macklin s'est ensuite penché sur la question de savoir si, selon le cadre d'analyse énoncé par la Cour dans R. c. Grant , 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, les éléments de preuve devaient être exclus en application du par. 24(2) de la Charte . Au regard du premier facteur énoncé dans Grant , le juge Macklin a conclu que les violations étaient graves et délibérées, donc inacceptables. Ce facteur militait en faveur de l'exclusion des éléments de preuve. Au regard du deuxième facteur, le juge Macklin a statué qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre les violations de la Charte et l'obtention des éléments de preuve. Par conséquent, les violations n'avaient pas eu d'incidence grave sur les intérêts de M. Mian en matière de vie privée, ce qui militait en faveur de l'inclusion des éléments de preuve. Enfin, suivant le troisième critère/facteur de l'arrêt Grant , le juge Macklin a déterminé que, même si l'infraction était grave et que les éléments de preuve étaient très fiables et probants, les violations de la Charte étaient graves elles aussi. En outre, en continuant d'invoquer les présumées préoccupations liées à la sécurité des agents, le détective Werth et le policier McGill tentaient de compromettre la fonction de recherche de la vérité du système de justice. L'interrogatoire de M. Mian par le policier McGill à l'arrière de la voiture de police avant que M. Mian ait été informé du motif de sa détention et de son arrestation constituait un autre facteur aggravant. Le juge Macklin a conclu que ce facteur favorisait l'exclusion des éléments de preuve.
[19] En définitive, le juge Macklin a statué que, tout compte fait, l'analyse des facteurs énoncés dans Grant favorisait l'exclusion des éléments de preuve.
[20] Monsieur Mian a été acquitté.
B. Cour d'appel de l'Alberta, 2012 ABCA 302, 536 A.R. 308
[21] Le ministère public a interjeté appel de l'acquittement de M. Mian, faisant valoir deux moyens d'appel : (1) que [ traduction ] « [l]e juge du procès avait commis une erreur de droit en omettant de conclure que des circonstances exceptionnelles justifiaient la suspension des droits que l' art. 10 de la Charte garantit à M. Mian »; et (2) que « [l]e juge du procès avait commis une erreur de droit en excluant “des éléments de preuve, sur le fondement de violations de la Charte qui n'avaient aucun lien de causalité avec la découverte des éléments de preuve, qui n'étaient pas flagrantes par ailleurs et qui n'avaient aucune incidence grave sur les droits de M. Mian protégés par la Charte ” » (motifs de la C.A., par. 27).
[22] Après que le ministère public et l'avocat de la défense eurent déposé leurs observations écrites, la Cour d'appel a fourni aux parties une liste de décisions et elle leur a soumis deux questions pour commentaire à l'audience : (1) Qu'est-ce qu'une question de droit en appel d'un acquittement? (2) Quelles sont les limites du contre-interrogatoire et quelles sont les conséquences lorsque ces limites sont outrepassées?
[23] À l'audience, les deux avocats ont présenté des observations sur la question de savoir si la défense avait soumis le détective Werth à un contre-interrogatoire inapproprié en lui demandant de se prononcer sur la véracité du témoignage de l'agent Drynan. Après l'audience, l'avocat de la défense a demandé l'autorisation de déposer des observations écrites additionnelles sur la question du contre-interrogatoire en cause. La Cour d'appel a accueilli cette demande, et les deux parties ont présenté des observations écrites supplémentaires conformément aux échéanciers fixés par la cour. L'avocat de la défense devait déposer ses observations écrites avant le ministère public.
[24] La Cour d'appel a statué qu'il fallait faire preuve de retenue lors du contrôle de la décision d'un juge du procès fondée sur le par. 24(2) de la Charte et que, généralement, ce contrôle était soumis à la norme de l'erreur manifeste et dominante. Toutefois, la Cour d'appel s'est dite convaincue que l'appel devait être accueilli [ traduction ] « au motif que le juge du procès avait commis une erreur de droit en s'appuyant sur le contre-interrogatoire inacceptable du détective Werth » (par. 32).
[25] Le contre-interrogatoire contesté a eu lieu lorsque le détective Werth a été questionné sur la véracité du témoignage de l'agent Drynan :
[ traduction ]

Q. D'accord. Maintenant, je sais que vous vouliez . . . je vais rapporter vos paroles, je me fiche de ce que Drynan a dit au sujet de - - au sujet du véhicule. Je vais vous dire maintenant ce que Drynan a dit. D'accord? Sous serment à l'audience. C'est qu'il n'a jamais - - jamais dit à personne, personne, d'aller arrêter le sujet du contrôle routier en raison de ces observations que - - c'est-à-dire, le fait de tendre le bras sous le siège. Je vais vous dire qu'il est allé plus loin, et il a dit sous serment qu'il n'avait jamais dit ou communiqué à personne d'aller et de sortir l'individu de la voiture arrêtée sur le bord du chemin. Il n'a jamais dit à personne de faire quoi que ce soit à la suite de ses observations.
R. Je ne suis pas d'accord avec ça. Vous venez de laisser entendre qu'il ne me l'a pas dit. Moi, ce que j'ai à vous dire c'est qu'il me l'a dit, et je ne changerai pas ça. Je me fiche de ce qu'il a dit. Je sais ce qui s'est passé.
Q. Donc, l'agent Drynan a - - a-t-il tort, ou est-ce qu'il ment?
R. Je pense qu'il a peut-être oublié.
Q. Alors vous ne vous souciez pas de ce qu'il dit. Il vous a appelé.
R. Je reviens à mon témoignage, parce que je m'en souviens clairement. J'ai dit qu'un des membres de la surveillance - - et je crois toujours qu'il s'agissait de Drynan. Je le crois encore. S'il ne s'en souvient pas, ça se peut. Mais vous pouvez me dire ce qu'il a dit et ce que j'ai dit, mais ne me dites pas qu'il ne l'a pas dit, parce que vous n'étiez pas là.
(Motifs de la C.A., par. 33, citant la transcription du procès (soulignement ajouté par la Cour d'appel).)
[26] En appel, l'avocat de la défense a reconnu que cette série de questions était inacceptable et qu'elle violait la règle qui interdit le contre-interrogatoire sur la véracité du témoignage d'un autre témoin. La Cour d'appel a conclu que le juge du procès avait commis une erreur de droit en admettant et en prenant en compte des éléments de preuve non pertinents et inadmissibles. Plus particulièrement, la Cour d'appel a statué que le juge du procès, lorsqu'il a rejeté le témoignage du détective Werth, a semblé s'appuyer sur le contre-interrogatoire contesté. Par conséquent, le juge du procès a omis de prendre dûment en compte tous les éléments de preuve pertinents à l'égard de la question fondée sur le par. 24(2) . La Cour d'appel a conclu que l'erreur du juge du procès était substantielle et que le verdict n'aurait pas nécessairement été le même si ce juge n'avait pas autorisé le contre-interrogatoire contesté et admis la preuve. La Cour d'appel a ordonné la tenue d'un nouveau procès pour ce motif. Elle n'a pas analysé les moyens d'appel soulevés par le ministère public.
IV. Questions en litige
[27] Le pourvoi soulève les questions suivantes :
(1) La Cour d'appel de l'Alberta a-t-elle soulevé à tort un nouveau moyen d'appel?
(2) La Cour d'appel de l'Alberta a-t-elle ordonné à tort la tenue d'un nouveau procès sur le fondement de la question du contre-interrogatoire inapproprié?
(3) Le juge du procès a-t-il commis une erreur de droit en concluant que les policiers avaient violé les droits que les al. 10 a ) et b ) de la Charte garantissent à l'accusé?
(4) Le juge du procès a-t-il commis une erreur de droit en excluant des éléments de preuve en application du par. 24(2) de la Charte ?
V. Analyse
A. Dans quelles situations une cour d'appel peut-elle soulever une nouvelle question?
[28] Nul ne conteste qu'une cour d'appel a compétence pour inviter les parties à présenter des observations sur une question que ni l'une ni l'autre n'a soulevée. Le présent pourvoi soulève plutôt les questions de l'étendue de cette compétence, des situations dans lesquelles elle devrait être exercée et de la procédure à suivre lorsqu'elle est invoquée.
(1) Qu'est-ce qu'une « nouvelle question »?
[29] Pour trancher le présent pourvoi, il faut se demander si une cour d'appel peut soulever une nouvelle question en appel et comment elle peut le faire, le cas échéant. Il est donc important de définir dans un premier temps ce qu'est une « nouvelle question ».
[30] Une question est nouvelle lorsqu'elle constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s'appuyer — autre que les moyens d'appel formulés par les parties — pour conclure que la décision frappée d'appel est erronée. Les questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d'appel soulevés par les parties (voir Quan c. Cusson , 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712, par. 39) et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu'elles découlent des questions formulées par les parties. Vu cette définition, dans le cas de nouvelles questions, il faudra aviser les parties à l'avance pour qu'elles puissent en traiter adéquatement.
[31] Pour définir ce qu'est une nouvelle question en appel, il est important de reconnaître ce qui n'en est pas une. Premièrement, ce ne sont pas toutes les questions posées par une cour d'appel qui sont de nouvelles questions. La compétence des cours d'appel pour poser des questions à l'audience est bien établie. Cette compétence est large et n'est limitée que par l'exigence selon laquelle les questions ne doivent pas être « soulevée[s] d'une manière qui donne à penser que la cour d'appel n'est pas impartiale » ( R. c. W. (G.) , [1999] 3 R.C.S. 597, par. 17, le juge en chef Lamer). Les présents motifs n'ont pas pour effet de limiter la faculté des juges d'appel de poser quelque question que ce soit à l'audience.
[32] Les questions soulevées à l'audience peuvent valablement porter sur une gamme étendue de sujets, qui peuvent être des éléments des moyens d'appel mis de l'avant par les parties, ou aller au-delà de ces moyens dans le but de comprendre le contexte factuel ou législatif, ou les implications plus larges du débat. Par exemple, une cour d'appel peut poser des questions sur les rouages d'un régime législatif. Pourvu que l'impartialité ne soit pas mise en cause, les questions soulevées à l'audience, qu'elles soient ou non liées directement ou par extension aux moyens d'appel, ne sont pas inappropriées (voir W. (G.) , par. 17). Elles peuvent d'ailleurs être nécessaires pour que la cour ait une meilleure compréhension des questions en litige.
[33] Deuxièmement, les questions qui reposent sur une question existante ou qui en sont des éléments ne sont pas non plus de « nouvelles questions ». Les cours d'appel peuvent attirer l'attention des avocats sur des questions qui doivent être traitées afin d'analyser comme il se doit les questions soulevées par les parties. Par exemple, dans une affaire intéressant la légitime défense, les parties peuvent débattre exclusivement de la question de savoir si la croyance qu'avait l'accusé que sa vie était en danger était raisonnable, mais il sera peut-être nécessaire que la cour analyse d'abord la question de savoir si l'accusé croyait subjectivement qu'il était en danger de mort. Il ne s'agit pas là d'une « nouvelle question », mais d'un élément de l'analyse globale des moyens soulevés par les parties. Toutefois, dans les cas appropriés, la cour doit être disposée à accorder ne serait-ce qu'un bref ajournement pour permettre aux parties de réfléchir à la question et de l'étudier.
[34] Enfin, les questions qui forment la toile de fond de l'instance d'appel, par exemple la compétence, la question de savoir si une erreur donnée doit donner lieu à une réparation et celle de la réparation appropriée, ou, comme je l'explique plus loin, la norme de contrôle, ne constituent pas de nouvelles questions et les parties n'ont pas besoin d'en être avisées pour en traiter.
[35] En résumé, on conclura qu'une question soulevée par une cour d'appel est nouvelle lorsqu'elle n'a pas été posée par les parties et lorsqu'on ne peut raisonnablement affirmer qu'elle découle des questions formulées par ces dernières, si bien que celles-ci devront en être informées afin qu'elles puissent présenter des observations éclairées. Les questions qui forment la toile de fond de l'instance d'appel ne seront généralement pas de « nouvelles questions » au regard de cette définition. La cour d'appel qui exerce sa compétence de poser des questions à l'audience ne se trouve pas à soulever une nouvelle question, sauf si, ce faisant, elle donne un nouveau fondement au contrôle de la décision frappée d'appel pour cause d'erreur.
(2) Quelles considérations devraient guider une cour d'appel dans sa décision de soulever ou non une nouvelle question en appel?
[36] Les parties ne contestent pas que les cours d'appel ont compétence pour soulever de nouvelles questions. En effet, cette compétence découle de leur pouvoir de poser des questions aux parties (voir W. (G.) , par. 17). Ainsi, la question en litige dans le présent pourvoi n'est pas celle de savoir si les cours d'appel peuvent soulever de nouvelles questions, mais celle de savoir quand et dans quelles circonstances il est approprié qu'elles le fassent.
[37] Au cœur de la question qui se pose en l'espèce, deux considérations sont susceptibles de s'opposer. Premièrement, le système accusatoire qui revêt une importance fondamentale dans notre système juridique. Deuxièmement, le rôle des tribunaux qui doivent veiller à ce que justice soit rendue.
[38] Le système accusatoire qui est le nôtre et dont nous nous servons pour trancher les différends de droit est un système procédural [ traduction ] « dans le cadre duquel des parties actives et sans entrave s'opposent pour faire valoir leur cause devant un décideur indépendant » ( Black's Law Dictionary (9 e éd. 2009), sous la rubrique « adversary system »). Un élément important de ce système est le principe de la présentation par les parties, suivant lequel les tribunaux [ traduction ] « s'appuient sur [ces dernières] pour formuler les questions qui doivent être tranchées et [. . .] se voient attribuer le rôle d'arbitre neutre sur les questions que présentent les parties » ( Greenlaw c. United States , 554 U.S. 237 (2008), p. 243, juge Ginsburg).
[39] Une des raisons fondamentales pour maintenir ce système est d'assurer que les décideurs judiciaires demeurent indépendants et impartiaux et qu'ils soient vus comme demeurant ainsi. Lorsqu'un juge ou une formation de juges en appel intervient dans une affaire et déroge au principe de la présentation par les parties, cette intervention risque de susciter une crainte de partialité. Une telle dérogation à la manière habituelle d'instruire un appel peut donner l'impression que la cour intervient pour le compte d'une des parties et porter atteinte à son impartialité. Comme la Cour l'a affirmé, « [il] est tout à fait primordial que non seulement justice soit rendue, mais que justice paraisse manifestement et indubitablement être rendue » ( Brouillard c. La Reine , [1985] 1 R.C.S. 39, p. 43, citant R. c. Sussex Justices, Ex parte McCarthy , [1924] 1 K.B. 256, p. 259). C'est pour cette raison qu'un principe important de notre système d'appel veut que la cour respecte les choix stratégiques que font les parties en formulant les questions (voir W. (G.) , par. 17-18).
[40] Par ailleurs, les tribunaux ont également pour rôle de veiller à ce que justice soit rendue. Comme lord Denning l'a expliqué relativement aux juges de première instance au Royaume-Uni : [ traduction ] « . . . le juge n'est pas simplement un arbitre ayant pour tâche de déterminer “le pourquoi” d'une affaire. Il lui incombe d'abord et avant tout d'établir la vérité et de rendre justice conformément à la loi . . . » ( Jones c. National Coal Board , [1957] 2 All E.R. 155 (C.A.), p. 159 (je souligne)). Cette proposition est tout aussi vraie en ce qui concerne les juges d'appel. Un examen valable en appel a pour objet d'évaluer la justesse de la décision de la juridiction inférieure, à la fois pour ce qui est des erreurs de droit et pour ce qui est des erreurs de fait manifestes et dominantes (voir R. c. Sheppard , 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, par. 25 et 28; et Housen c. Nikolaisen , 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 1 et 4). Je conviens avec le procureur général de l'Alberta que [ traduction ] « pour que “justice soit effectivement rendue”, les juges doivent parfois “intervenir dans le débat adversaire” » (m.i., par. 16, citant Brouillard , p. 44).
[41] La question qui se pose alors est celle de savoir comment établir un juste équilibre entre ces principes opposés. Une cour d'appel doit avoir le pouvoir discrétionnaire de soulever une nouvelle question, mais ce pouvoir ne doit être exercé que dans de rares situations. En effet, elle ne doit soulever une telle question que si son omission de le faire risquerait d'entraîner une injustice. La cour doit aussi se demander si suffisamment d'éléments au dossier justifient de soulever la question et si, le faisant, elle causerait un préjudice d'ordre procédural à l'une ou l'autre des parties. Ce test est suffisamment souple, tout en offrant un degré approprié de retenue pour régler les tensions inhérentes au rôle d'une cour d'appel.
[42] Ce pouvoir discrétionnaire est limité en toutes circonstances par l'exigence suivant laquelle, en soulevant la nouvelle question, la cour ne doit pas donner l'impression qu'elle a un parti pris ou qu'elle fait preuve de partialité. Essentiellement, il ne faut pas que les tribunaux soient vus comme étant en quête d'un tort à rectifier. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé avec prudence. Il permet à une cour d'appel de soulever une nouvelle question si la justice l'exige, mais il est limité, afin de maintenir l'impartialité du décideur comme l'exige notre système accusatoire.
a) Le fait de ne pas soulever la question risquerait-il d'entraîner une injustice?
[43] En cherchant à déterminer s'il y a lieu ou non de soulever une nouvelle question, une cour d'appel doit se demander si le fait de ne pas le faire risquerait d'entraîner une injustice.
[44] Dans certaines situations, la possibilité que survienne une injustice sera plus évidente. Comme l'affirme M e Song, l'avocat de M. Mian, il existe un bon nombre de situations où il sera approprié qu'une cour d'appel soulève une question pour empêcher ou pour corriger une injustice. En effet, les parties au pourvoi conviennent que les cours d'appel peuvent intervenir pour aider les plaideurs non représentés par un avocat afin d'assurer l'équité de l'instance (voir W. (G.) , par. 18), bien que cette aide comporte des limites fondées sur le principe de neutralité et qu'un juge [ traduction ] « doi[ve] prendre garde de ne pas abdiquer son rôle de juge pour devenir le procureur virtuel de l'accusé, se plaçant “dans le rôle impossible d'être à la fois avocat et arbitre impartial” » ( R. c. Phillips , 2003 ABCA 4, 320 A.R. 172, par. 24, le juge Fruman, conf. par 2003 CSC 57, [2003] 2 R.C.S. 623, citant R. c. Taubler (1987), 20 O.A.C. 64, par. 30). Dans le contexte du droit criminel, on trouve d'autres exemples où une erreur judiciaire a pu se produire (voir R. c. E.M.W. , 2011 CSC 31, [2011] 2 R.C.S. 542, par. 4-5) ou encore lorsqu'un verdict ou une peine paraît être manifestement déraisonnable (voir W. (G.) , par. 19). Il convient toutefois de noter que même si ces exemples peuvent généralement s'appliquer, ils sont inapplicables en l'espèce, où le ministère public interjetait appel d'un acquittement.
[45] Cela dit, tenter de définir précisément les situations qui « risqueraient d'entraîner une injustice » limiterait indûment la faculté des cours d'appel d'intervenir pour veiller à ce que justice soit effectivement rendue. Lorsqu'il existe une bonne raison de croire que le résultat aurait réalistement été différent si l'erreur n'avait pas été commise, ce risque d'injustice justifie l'intervention de la cour d'appel.
[46] Pour déterminer s'il existe une bonne raison de croire que l'omission de soulever une nouvelle question « risquerait d'entraîner une injustice », la cour d'appel doit faire une évaluation préliminaire de la question en litige. La norme de la « bonne raison de croire » que l'omission de soulever une nouvelle question « risquerait d'entraîner une injustice » est un seuil élevé et nécessaire dans ce contexte afin d'établir un équilibre approprié entre le rôle des cours d'appel en tant qu'arbitres indépendants et impartiaux et le besoin de veiller à ce que justice soit rendue.
[47] À cette étape, le bien-fondé de la question n'aura pas encore été débattu ou tranché. Par conséquent, l'évaluation de la question n'est pas une « révision complète »; elle revêt plutôt un caractère préliminaire ( W. (G.) , par. 20). Dans tous les cas où une cour d'appel se demande s'il y a lieu de soulever une nouvelle question, il serait inapproprié qu'elle entreprenne une évaluation approfondie de son bien-fondé à une étape où les parties ignorent encore qu'elle pourrait être soulevée. Toutefois, l'omission par la cour de soulever une nouvelle question ne risquera pas d'entraîner une injustice en l'absence d'indication préliminaire comme quoi il y a une bonne raison de croire qu'une erreur éventuelle identifiée aurait influé sur le résultat.
[48] Il est probable que, dans bien des cas, les questions identifiées par les cours d'appel ne satisferont pas au critère du « risque d'injustice ». Il en sera notamment ainsi lorsque les deux parties sont représentées par des avocats. En effet, rares seront les cas où les avocats des deux parties auront omis d'identifier une question qui aurait réalistement influé sur le résultat.
b) Autres considérations
[49] Déterminer si l'omission de soulever une nouvelle question dans une affaire donnée risquerait d'entraîner une injustice relève certes du pouvoir discrétionnaire des cours d'appel; ce pouvoir n'est pas illimité pour autant.
[50] Premièrement, il va sans dire qu'une cour d'appel ne peut soulever une nouvelle question que si elle a compétence pour l'examiner. Une cour d'appel est un organisme créé par la loi et elle ne possède pas de compétence inhérente (voir Kourtessis c. M.R.N. , [1993] 2 R.C.S. 53, p. 69, le juge La Forest; et W. (G.) , par. 8). Par exemple, la compétence de la cour d'appel lorsque le ministère public fait appel d'un acquittement se limite à l'examen de questions de droit ( Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C-46 , al. 676(1) a ) et par. 686(4) ). Si une cour d'appel n'a pas compétence pour examiner une question soulevée par une des parties, elle ne peut la soulever en tant que nouvelle question en appel.
[51] Deuxièmement, pour soulever une nouvelle question, une cour d'appel doit être convaincue qu'il y a suffisamment d'éléments au dossier pour la trancher. « [I]l y a toujours un risque très réel que le dossier d'appel ne comporte pas tous les faits pertinents ou l'opinion du juge de première instance sur quelque question de fait cruciale, ou encore que n'ait jamais été obtenue une explication qui aurait pu être donnée par une partie ou par un ou plusieurs de ses témoins en déposant » ( Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd. , 2002 CSC 19, [2002] 1 R.C.S. 678, par. 32). La nouvelle question doit « [pouvoir] être examiné[e] à la lumière de la preuve au dossier » (par. 33).
[52] Enfin, la cour d'appel doit se demander si l'une ou l'autre des parties subirait un préjudice d'ordre procédural advenant le cas où cette cour soulevait une nouvelle question. La procédure qui doit être suivie lorsqu'une cour d'appel exerce son pouvoir discrétionnaire de soulever une nouvelle question est précisée plus loin dans les présents motifs. À la présente étape, il suffit de dire qu'il lui sera souvent possible d'assurer l'équité procédurale en ajustant le cours du processus d'appel, notamment en accordant un ajournement lorsqu'une question est soulevée à l'audience ou avant celle-ci, ou en donnant aux parties l'occasion de déposer des observations par écrit. Toutefois, si la question est soulevée d'une façon — ou à une étape — susceptible de causer un préjudice d'ordre procédural à l'une ou l'autre des parties, et qu'un tel préjudice ne peut être écarté en modulant le processus, la cour d'appel ne peut soulever la question.
(3) Quelle procédure doit être suivie lorsqu'une cour d'appel exerce son pouvoir discrétionnaire de soulever une nouvelle question?
[53] Le risque qu'une cour d'appel paraisse avoir des préjugés ou un parti pris sera réduit par l'exercice prudent du pouvoir discrétionnaire de soulever de nouvelles questions, particulièrement lorsqu'y sont combinées des garanties procédurales appropriées. En exigeant de telles garanties, on fait en sorte que les parties ne subiront aucune inéquité et qu'il n'y aura aucune apparence de partialité judiciaire.
[54] Le ministère public plaide que lorsqu'une cour d'appel soulève une nouvelle question, les parties doivent en être notifiées et avoir l'occasion d'y répondre. Je suis d'accord. En ce qui concerne la notification, la cour d'appel doit aviser les parties qu'elle a identifié une question susceptible de se poser et veiller à ce que les parties en soient suffisamment informées pour qu'elles puissent se préparer et y répondre. Il va sans dire que toutes les parties doivent être dûment notifiées. Pour ce qui est de la réponse, il n'existe pas de modèle unique. Comme l'a plaidé le ministère public, [ traduction ] « la nature de la question posée par la cour et sa relation avec les questions soulevées par les parties détermineront si les procureurs souhaiteront déposer d'autres arguments écrits, traiter de la question oralement, ou faire les deux » (m.i., par. 60).
[55] Cette approche est pratique et tient compte du fait que la procédure appropriée variera en fonction du contexte et des circonstances d'une affaire donnée. Par exemple, la cour d'appel peut prendre connaissance d'éventuelles nouvelles questions à différentes étapes du processus d'appel, que ce soit avant, pendant ou après l'audience. Prescrire des normes de procédure rigoureuses ferait abstraction du fait que la question peut se présenter dans diverses situations selon les dossiers.
[56] À mon avis, les lignes directrices suivantes devraient aider les cours d'appel à décider de la procédure appropriée dans une affaire donnée.
[57] Premièrement, la notification de la nouvelle question peut se faire avant l'audience, ou la question être soulevée à l'audience. Dans ce dernier cas, il peut être nécessaire d'accorder un ajournement afin d'assurer une audition complète et équitable de la cause ( E.M.W. , par. 4). Si la question est soulevée avant l'audience, les parties peuvent demander le report de l'audience et une prorogation des délais de dépôt d'arguments écrits supplémentaires. Dans tous les cas, la cour doit soulever la question dès qu'il est pratiquement possible de le faire après que la question se cristallise afin d'éviter tout retard indu dans le déroulement de l'instance.
[58] Deuxièmement, je pense, comme le ministère public, que la notification ne doit pas renfermer trop de détails ou indiquer que la cour d'appel s'est déjà formé une opinion. Toutefois, elle doit renfermer assez d'information pour permettre aux parties de répondre à la nouvelle question. En définitive, c'est au cas par cas qu'il faudra juger du contenu adéquat de l'avis; et cette décision dépendra de nombreux facteurs, notamment de la complexité de la question et de son caractère évident au regard du dossier.
[59] Enfin, je souscris à la prétention du ministère public selon laquelle les exigences relatives à la réponse dépendront de la question particulière soulevée par la cour. Les procureurs voudront peut-être simplement présenter des observations orales sur le sujet, ou plutôt déposer d'autres arguments écrits ou faire les deux. Comme l'affirme le ministère public en l'espèce, il appartient à la cour et aux parties de décider de ces questions. À mon avis, l'enjeu sous-jacent est de faire en sorte que la cour reçoive des observations complètes sur la nouvelle question. Si une partie demande à présenter des observations écrites avant ou après l'audience, j'estime qu'il doit y avoir une présomption en faveur de l'acceptation de la demande. Il importe avant tout de respecter la justice naturelle et la règle audi alteram partem . Il faudra prendre en compte les réponses des deux parties.
[60] Le procureur général de l'Alberta, intervenant, plaide que lorsqu'une nouvelle question est soulevée, le juge ou la formation qui l'a soulevée doit se récuser et que la formation doit être reconstituée au besoin. Je ne saurais être d'accord. Obliger un juge ou une formation à se récuser dans tous les cas serait une exigence procédurale onéreuse qui entraînerait des retards importants et qui ne serait économique ni pour les parties ni pour les tribunaux. La récusation n'est pas nécessaire dans tous les cas et le besoin d'un nouveau juge ou d'une formation reconstituée doit être déterminé au cas par cas. La récusation devrait être rare et elle doit être régie par la considération prépondérante de savoir si la nouvelle question ou la façon dont elle a été soulevée pourrait susciter une crainte raisonnable de partialité.
(4) La Cour d'appel a-t-elle soulevé à tort une nouvelle question en l'espèce?
[61] En l'espèce, la Cour d'appel a soulevé une nouvelle question portant sur le caractère inapproprié d'un contre-interrogatoire. Il s'agissait d'une nouvelle question en appel puisqu'elle n'avait pas été soulevée par les parties, qu'il fallait en aviser ces dernières pour qu'elles puissent présenter des observations éclairées et qu'elle constituait un nouveau fondement sur lequel on pouvait s'appuyer pour conclure que la décision frappée d'appel était erronée. La Cour d'appel a également invité les parties à commenter la question de savoir si les moyens d'appel mettaient en lumière une erreur de droit qui permettait au ministère public d'interjeter appel de l'acquittement. Comme le reconnaît M. Mian, la question de la compétence n'avait rien de nouveau, puisqu'elle concernait la compétence de la Cour d'appel et qu'elle avait donc été soulevée à bon droit. Rappelons que les questions de compétence forment la toile de fond de l'instance d'appel et qu'elles ne constituent jamais de nouvelles questions. La Cour d'appel n'a pas commenté la question de l'« erreur de droit » dans sa décision et elle a traité de l'appel strictement sur le fondement de la question du caractère inapproprié du contre-interrogatoire.
[62] Je conclus que la Cour d'appel a eu tort de soulever la nouvelle question du caractère inapproprié du contre-interrogatoire. Bien que les tribunaux d'appel aient compétence pour soulever de nouvelles questions, la Cour d'appel n'a pas soulevé à bon droit la question du caractère inapproprié du contre-interrogatoire en l'espèce.
[63] Au regard du deuxième critère, la nouvelle question n'aurait pas dû être soulevée. En effet, on ne saurait prétendre que l'omission de la soulever risquait d'entraîner une injustice. En effet, je ne suis pas d'accord avec la Cour d'appel pour dire que la question contestée du contre-interrogatoire a influé sur la décision du juge du procès. L'erreur n'était pas substantielle et le résultat n'aurait pas été différent si le juge du procès n'avait pas autorisé le contre-interrogatoire contesté. La nouvelle question soulevée avait pour fondement une seule question posée au cours du contre-interrogatoire du détective Werth. L'échange contesté portait sur deux lignes de la transcription du procès. La question n'a pas été contestée au procès.
[64] D'abord, rien n'indique que le contre-interrogatoire inapproprié a même été pris en compte dans le processus décisionnel. On ne trouve nulle part dans les motifs du juge du procès la réponse du détective Werth à la question contestée. Le juge du procès s'est fondé sur plusieurs facteurs pour juger de la crédibilité de ce témoin, notamment sur son attitude [ traduction ] « très cavalière » et sur l'impression qu'a eu le juge du procès qu'il a livré son témoignage « d'une manière qui visait à justifier un ordre qu'il avait donné dans le but de fournir aux agents McGill et Dalziel un motif de fouiller la Malibu tout en dissimulant le véritable but de l'interception et de la fouille du véhicule au départ » (par. 68).
[65] Ensuite, même si le juge du procès s'était effectivement appuyé sur la question contestée, je ne suis pas convaincu que cela aurait eu une incidence significative sur le résultat, au point de soulever un risque réaliste d'injustice. Fait important, la question inappropriée a été posée à un témoin du ministère public, plutôt qu'à M. Mian. Comme le plaide ce dernier, il ne s'agissait pas d'un cas où l'on a demandé à un accusé de témoigner devant un jury quant à la véracité de la preuve d'un autre témoin, minant ainsi la présomption d'innocence. Il est difficile de voir en quoi cette seule question posée à un témoin du ministère public a pu créer un risque réaliste d'injustice.
[66] Enfin, la question n'a pas été contestée au procès. Comme l'a souligné la Cour d'appel du Manitoba dans R. c. Kociuk , 2011 MBCA 85, 270 Man. R. (2d) 170, le juge Chartier (maintenant juge en chef) :
[ traduction ] . . . le fait que des avocats d'expérience, au procès et en appel, fussent d'avis que cette question ne fût pas suffisamment importante pour justifier une objection au procès ou pour constituer un moyen en appel n'est pas dénué de pertinence. Ce fait nous éclaire non seulement sur le caractère satisfaisant dans l'ensemble des directives au jury sur cette question, il nous dit également quelque chose sur la gravité d'omissions éventuelles, aux yeux de l'avocat de la défense . . . [par. 86]
En l'espèce, le fait que le ministère public n'ait pas contesté la question inacceptable et qu'il ne l'ait pas soulevée non plus comme moyen d'appel laisse entendre que la question n'avait pas eu d'incidence grave sur l'issue du voir-dire.
[67] Puisque le fait de ne pas soulever la question du contre-interrogatoire contesté n'aurait pas risqué d'entraîner une injustice, il s'ensuit que la Cour d'appel a eu tort de soulever la question.
[68] Puisque la Cour d'appel a eu tort de soulever la nouvelle question, il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse pour déterminer si la procédure qu'elle a suivie était injuste. Toutefois, puisque M. Mian a plaidé la question de l'équité procédurale devant la Cour, il convient de faire quelques commentaires.
[69] Au soutien de son argument, M. Mian fait valoir que la Cour d'appel lui avait demandé, alors qu'il était intimé en appel, de déposer son mémoire supplémentaire sur les nouvelles questions avant le ministère public, l'appelant. Bien que dans le cours normal d'un pourvoi, l'appelant soit tenu de déposer ses observations en premier, j'estime que la procédure adoptée par la Cour d'appel était équitable. Les parties ont été notifiées des questions avant l'audience et l'avis attirait leur attention sur celles-ci en plus de leur fournir une liste de décisions pour commentaire. Les deux parties ont eu l'occasion de traiter des questions en cause et ni l'une ni l'autre n'a demandé le report de l'audience. Lorsque l'avocat de M. Mian a demandé que lui soit accordée l'occasion de déposer des observations écrites quant à la question soulevée par la Cour d'appel, la demande a été accueillie. En outre, il ne s'est pas plaint des exigences en matière de dépôt fixées par la Cour d'appel.
[70] Il n'était pas orthodoxe de demander à l'intimé de déposer ses observations en premier, d'autant plus qu'il appartenait au ministère public de prouver qu'une erreur de droit avait eu une incidence significative sur le verdict d'acquittement. Je ne préconiserais pas cette approche. Cela dit, il est difficile de prétendre qu'il en a résulté un préjudice. La Cour d'appel a reçu des observations complètes des deux parties, oralement et par écrit. La procédure adoptée, bien qu'imparfaite, était équitable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat , 2014 CSC 37, [2014] 2 R.C.S. 33, par. 43; et Ruby c. Canada (Solliciteur général) , 2002 CSC 75, [2002] 4 R.C.S. 3, par. 46).
B. L'exclusion de la preuve
[71] Puisque la Cour d'appel a eu tort d'accueillir l'appel de l'acquittement et d'ordonner la tenue d'un nouveau procès sur le fondement d'une des nouvelles questions qu'elle a soulevées, il faut déterminer s'il doit y avoir un nouveau procès fondé sur les moyens d'appel plaidés par le ministère public en Cour d'appel — à savoir que le juge du procès a eu tort de conclure qu'il y avait eu des violations des al. 10 a ) et b ) de la Charte et que le juge du procès avait commis une erreur dans son analyse fondée sur le par. 24(2) de la Charte et dans sa décision subséquente d'exclure des éléments de preuve.
(1) Les droits que garantit l' art. 10 à M. Mian ont-ils été violés?
[72] À mon avis, rien ne permet d'infirmer la conclusion du juge du procès selon laquelle les droits que garantit l' art. 10 de la Charte à M. Mian ont été violés.
[73] Le ministère public plaide que le délai de 22 minutes qui s'est écoulé avant que les policiers se conforment aux obligations d'information prescrites par l' art. 10 de la Charte était justifié par des circonstances exceptionnelles. Plus précisément, le ministère public prétend qu'une arrestation plus transparente pour trafic de drogue aurait compromis l'intégrité de l'enquête distincte en cours, menée par écoute électronique, sur la violence des gangs.
[74] Le ministère public admet que si l'on acceptait cet argument, on se trouverait à élargir les circonstances dans lesquelles les droits garantis par l' art. 10 peuvent être suspendus. Comme le ministère public le reconnaît en l'espèce, [ traduction ] « [l]a situation précise qui se présente ici n'est traitée nulle part dans la jurisprudence » (m.i., par. 81). Je conviens que la jurisprudence reconnaît la possibilité de suspendre les droits à l'information que garantit l' al. 10 b ) dans des circonstances exceptionnelles (voir R. c. Manninen , [1987] 1 R.C.S. 1233, p. 1244; et R. c. Strachan , [1988] 2 R.C.S. 980, p. 998-999). Toutefois, en l'espèce, il n'est pas nécessaire de décider si le besoin de protéger l'intégrité d'une enquête distincte en cours constitue une circonstance exceptionnelle de ce type. Il n'est pas non plus nécessaire de déterminer si des circonstances exceptionnelles pouvaient retarder la mise en œuvre des droits que garantit l' al. 10 a ) . Même si c'était le cas, les faits constatés par le juge du procès ne constituent nullement des circonstances exceptionnelles.
[75] Selon le juge du procès, la preuve était insuffisante pour étayer l'assertion selon laquelle l'enquête plus large aurait été compromise s'il avait été immédiatement satisfait aux obligations découlant de l' art. 10 de la Charte . Le juge du procès a reconnu que le détective Werth avait affirmé dans son témoignage que le délai avait découlé du souci de ne pas compromettre l'enquête en cours. Toutefois, le juge a poursuivi en concluant qu'aucun élément de preuve ne permettait d'expliquer pourquoi le simple fait d'informer M. Mian des motifs de son arrestation ou de son droit à l'assistance d'un avocat aurait nui à l'enquête en cours sur M. Chelmick et d'autres membres de la bande. Ultimement, le juge du procès a conclu qu'il n'y avait aucune preuve de l'existence d'un [ traduction ] « danger réel et actuel de nuire à l'opération ou de la compromettre » (par. 86). Le ministère public n'a pas établi de fondement juridique pour attaquer ces conclusions de fait. Les appels d'acquittements interjetés par le ministère public se limitent aux questions de droit. Les conclusions de fait ne peuvent être remises en cause que dans des situations limitées — qui ne se présentent pas en l'espèce — où des lacunes dont souffre l'appréciation de la preuve par le juge du procès constituent une erreur de droit (voir Code criminel , al. 676(1) a ); et R. c. J.M.H. , 2011 CSC 45, [2011] 3 R.C.S. 197, par. 24-39, le juge Cromwell).
[76] Par conséquent, il n'existait aucune circonstance exceptionnelle qui justifiait le retard des policiers à se conformer aux obligations d'information prescrites par l' art. 10 . Il n'y a aucune raison de modifier la conclusion du juge du procès selon laquelle les al. 10 a ) et b ) de la Charte ont été violés.
(2) Le juge du procès a-t-il eu tort d'exclure des éléments de preuve en application du par. 24(2) ?
[77] Il est bien établi que la détermination, par le juge du procès, de ce qui, suivant le par. 24(2) , est susceptible de déconsidérer l'administration de justice eu égard aux circonstances, sera contrôlée avec déférence : « Lorsque le juge du procès a pris en compte les considérations applicables et n'a tiré aucune conclusion déraisonnable, sa décision justifie une grande déférence en appel » ( R. c. Côté , 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215, par. 44, le juge Cromwell). Appliquant cette norme en l'espèce, il n'y a aucune raison d'infirmer la décision qu'a prise le juge du procès d'exclure des éléments de preuve en application du par. 24(2) de la Charte . Même si le ministère public plaide que le juge du procès a commis des erreurs de droit graves dans son analyse fondée sur le par. 24(2) , ses arguments reviennent à des contestations de conclusions de fait tirées par le juge du procès et de son appréciation ultime en application du par. 24(2) de la Charte . Il s'agit d'un élément important parce que la présente affaire concerne l'appel d'un acquittement interjeté par le ministère public dont les moyens d'appel de la décision du juge du procès doivent se limiter aux questions de droit.
a) Le test de l'arrêt Grant relatif à l'exclusion d'éléments de preuve en application du par. 24(2)
[78] En application du par. 24(2) de la Charte , des éléments de preuve obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou aux libertés garantis par la Charte sont écartés, s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur admission est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Dans Grant , la Cour a statué qu'une analyse fondée sur le par. 24(2) obligeait le tribunal à évaluer et à mettre en balance les facteurs suivants : (1) la gravité de la violation de la Charte ; (2) l'incidence de la violation sur les droits garantis de l'accusé; et (3) l'intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond (par. 71). Le juge du procès a appliqué ce test et, comme je l'explique en détail ci-après, il n'a pas tiré de conclusions déraisonnables.
(i) La gravité de la violation de la Charte
[79] Le ministère public prétend que la gravité de la violation a été réduite en raison des circonstances atténuantes d'une enquête en cours. Il plaide aussi que les policiers ont tardé à informer M. Mian de la raison de son arrestation et de son droit à l'assistance d'un avocat pour éviter de compromettre une enquête, ce qui réduit la gravité de la violation de la Charte .
[80] Le ministère public insiste sur le fait que le délai n'a été que [ traduction ] « de 22 minutes » et il qualifie ce délai de « mineur » (m.i., par. 99). Bien qu'un délai de 22 minutes puisse être « mineur » dans certaines circonstances, dans le cas considéré en l'espèce, il était important. En effet, la preuve révèle que M. Mian a été interrogé pendant qu'il se trouvait dans la voiture de police alors que les droits que lui garantit l' art. 10 n'avaient pas encore été respectés (motifs sur le voir-dire, par. 98). Même si le ministère public n'a pas tenté de mettre en preuve des déclarations que M. Mian a pu faire à ce moment-là, l'interrogatoire de M. Mian témoigne de la gravité du retard. L'importance de l'écoulement du temps est amplifiée par les circonstances de l'espèce, où le juge du procès a conclu qu'aucun motif valable ne justifiait le délai et que les policiers avaient eu de nombreuses occasions d'informer M. Mian du motif de sa détention et de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat ( ibid ., par. 94).
[81] Cela ne veut pas dire que la gravité d'un délai ne sera jamais réduite par des circonstances atténuantes. En effet, dans une situation appropriée, lorsqu'une violation de la Charte est constatée, un délai de plus de 22 minutes pourrait très bien être justifié. Cependant, en l'espèce, ces arguments sont des tentatives inacceptables de miner les conclusions de fait du juge du procès.
[82] Premièrement, dans Grant , la Cour a reconnu que « des circonstances atténuantes, telle la nécessité d'empêcher la disparition d'éléments de preuve, [pouvaient réduire] la gravité d'actions policières contraires à la Charte » (par. 75). Toutefois, en l'espèce, le juge du procès a conclu que dès que M. Mian s'est trouvé à l'extérieur de son véhicule, on ne pouvait pas s'inquiéter de la destruction ou de la perte d'éléments de preuve dans le véhicule. Deuxièmement, le juge du procès a conclu que le détective Werth avait dit aux agents McGill et Dalziel que s'ils ne pouvaient pas établir leurs propres motifs pour arrêter le conducteur de la Malibu, il existait déjà des motifs d'arrestation sur lesquels ils pouvaient s'appuyer. Enfin, le juge du procès a conclu [ traduction ] « que la preuve ne révélait aucun danger réel et actuel de nuire ou de compromettre l'opération si M. Mian avait été immédiatement informé du motif de son arrestation » ou de « son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat » (par. 86). Compte tenu de ces conclusions de fait qu'il était loisible au juge du procès de tirer, je ne puis accepter l'argument du ministère public selon lequel les circonstances atténuantes de l'enquête en cours étaient suffisamment importantes pour réduire la gravité de la violation.
[83] Le ministère public prétend en outre que la violation n'était pas grave, faute de lien de causalité entre la violation et la découverte des éléments de preuve. Toutefois, un lien de causalité , ou l'absence d'un tel lien, n'est pas concluant. La Cour a confirmé qu'un lien de causalité n'est pas nécessaire pour faire entrer en jeu le par. 24(2) de la Charte ( Strachan , p. 1000-1002). D'ailleurs, le ministère public reconnaît qu'un lien temporel est suffisant en principe pour ce faire. Qui plus est, la première question à se poser dans le cadre de l'analyse de l'arrêt Grant a pour objet la conduite des policiers, et non le lien ou l'absence de lien entre leur conduite et les éléments de preuve ( Grant , par. 72-73; voir aussi Côté , par. 71).
[84] À l'étape de l'évaluation de la gravité de la violation, le caractère délibéré et inacceptable de la conduite de l'État favorise l'exclusion de la preuve : « Pour évaluer l'effet de l'utilisation d'éléments de preuve sur la confiance du public envers le système de justice, le tribunal saisi d'une demande fondée sur le par. 24(2) doit examiner l'importance de l'atteinte sous l'angle de la gravité de la conduite répréhensible des autorités étatiques qui, en vertu du principe de la primauté du droit, sont tenues de respecter les droits garantis par la Charte » ( Grant , par. 73 (je souligne)). En l'espèce, le juge du procès a conclu que les violations de la Charte étaient [ traduction ] « extrêmement graves et délibérées » (par. 96) compte tenu du « grand nombre d'occasions » (par. 94) qu'avaient eues les agents McGill et Dalziel d'informer M. Mian de la raison de sa détention et parce que « aucun élément de preuve [. . .] ne révélait en quoi le simple fait de fournir ces renseignements à M. Mian était susceptible de créer un danger réel et actuel de compromettre l'enquête en cours » (par. 96). Il s'agissait là de conclusions de fait, envers lesquelles la déférence est de mise.
[85] À mon avis, le juge de première instance n'a pas considéré de facteurs inappropriés ni fait abstraction de facteurs appropriés à la première étape du cadre d'analyse énoncé dans l'arrêt Grant . Il n'y a aucune raison de modifier ses conclusions selon lesquelles la première étape de l'analyse milite en faveur de l'exclusion des éléments de preuve.
(ii) L'incidence de la violation sur les droits garantis de l'accusé
[86] Le ministère public prétend que [ traduction ] « le juge du procès s'est trompé en exagérant l'incidence de la violation sur les droits que la Charte garantit à l'accusé » (m.i., par. 100). Au soutien de cet argument, le ministère public fait valoir que M. Mian « a dû attendre 22 minutes — et non plusieurs heures — avant d'obtenir les renseignements dont la transmission est prescrite par la Constitution. Il n'a pas été soumis à un long interrogatoire » (m.i., par. 103).
[87] Toutefois, comme je l'ai expliqué précédemment, une cour d'appel doit faire preuve d'une grande déférence à l'égard de l'appréciation faite par le juge du procès des facteurs examinés dans Grant à la lumière des faits de la cause. En fait, les arguments du ministère public constituent une attaque contre l'appréciation des faits par le juge et non une prétention d'erreur de droit. De plus, alors que le juge du procès a conclu que l'incidence sur les droits de M. Mian en ce qui concerne l'omission de l'avoir informé du motif de sa détention ou de son droit à l'assistance d'un avocat aurait milité en faveur de l'exclusion de déclarations que le ministère public aurait pu tenter d'introduire, le ministère public n'a pas cherché à introduire de tels éléments de preuve. Qui plus est, en ce qui a trait aux éléments de preuve matérielle non corporelle, le juge du procès a conclu que les violations de l' art. 10 de la Charte avaient eu peu d'incidence sur le droit au respect de la vie privée de M. Mian à l'égard du contenu de sa voiture, notamment en raison de l'absence de lien de causalité entre la violation et l'élément de preuve. Il était approprié d'examiner le lien de causalité à cette étape ( Grant , par. 122). Dans ce contexte, il est difficile de voir en quoi le juge du procès aurait exagéré l'incidence de la violation sur les droits que la Charte garantit à M. Mian. Je ne vois aucune raison de modifier les conclusions du juge du procès à l'égard du deuxième facteur dont Grant prescrit l'examen.
(iii) L'intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond
[88] Le ministère public soutient que le juge du procès a eu tort de conclure que la fiabilité et l'importance des éléments de preuve avaient été neutralisées par la tentative du détective Werth d'induire la cour en erreur. Je suis d'accord pour dire qu'il faut faire l'analyse du témoignage trompeur d'un policier dans le cadre de l'examen du premier facteur de Grant . Toutefois, le test énoncé dans cet arrêt est un exercice souple et imprécis de recherche d'équilibre (voir Grant , par. 85-86). Il s'agit de savoir si le juge du procès a examiné les bons facteurs. En l'espèce, c'est exactement ce qu'il a fait. En effet, il a statué que l'absence de lien de causalité entre la violation et les éléments de preuve, l'incidence minimale de la violation sur les droits à la vie privée de M. Mian, la fiabilité de la preuve et la gravité de l'infraction militaient en faveur de l'admission des éléments de preuve. Il a également statué que la conduite délibérée et inacceptable de l'État, l'absence de justification valable pour la violation de la Charte et la conduite trompeuse de l'État militaient en faveur de l'exclusion de la preuve. Globalement, le juge a conclu que la conduite délibérée et flagrante de l'État et les tentatives de tromper la Cour pesaient plus lourd que l'intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond. Cette conclusion n'était pas déraisonnable.
b) Conclusion sur l'admissibilité des éléments de preuve
[89] Compte tenu de la norme de contrôle qui commande la déférence en appel et parce que les arguments du ministère public à l'égard des conclusions du juge du procès en application du par. 24(2) équivalent à une contestation des conclusions de fait du juge du procès, la Cour ne peut intervenir dans l'analyse du juge du procès fondée sur le par. 24(2) .
VI. Conclusion
[90] Le pourvoi est accueilli et le verdict prononcé par le juge du procès acquittant M. Mian est rétabli.
Pourvoi accueilli.
Procureurs de l'appelant : Sprake Song & Konye, Vancouver.
Procureur de l'intimée : Service des poursuites pénales du Canada, Edmonton.
Procureur de l'intervenant : Procureur général de l'Alberta, Calgary.


Synthèse
Référence neutre : 2014 CSC 54 ?
Date de la décision : 12/09/2014
Proposition de citation de la décision: R. c. Mian


Origine de la décision
Date de l'import : 27/09/2015
Fonds documentaire ?: Lexum
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2014-09-12;2014.csc.54 ?

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