LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mars 2008), qu'engagée en mai 1990 par la société Autajon, Mme X... a été en arrêt de travail pour maladie ; qu'à l'issue d'une visite de reprise, elle a, le 5 janvier 2004, été déclarée par le médecin du travail apte à un travail à mi-temps en évitant le poste de "réceptionneuse", un poste de triage étant préconisé ; que l'employeur l'a invitée, le 15 janvier 2004, à reprendre son poste à temps plein tout en lui proposant un poste de "dépiauteuse" à mi-temps ; que la salariée ayant refusé d'occuper un poste qu'elle estimait incompatible avec l'avis de la médecine du travail, a, le 3 février 2004, été licenciée pour absence injustifiée ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que lors de la visite de reprise du 5 janvier 2004 consécutive à l'absence pour maladie de Mme X..., le médecin du travail avait conclu à l'aptitude de la salariée à un travail à mi-temps, de durée prolongée, ne comportant pas de manutention lourde ; que dès lors que cet avis, expressément qualifié par le praticien de "fiche d'aptitude" dans son courrier du 27 janvier suivant, constatait l'aptitude avec réserves de la salariée, la société Autajon devait, en vertu des dispositions de l'article L.4624-1 ancien article L.241-10-1 du code du travail, prendre en considération les mesures individuelles proposées par le médecin et, en cas de refus, faire connaître les motifs qui s'opposaient à ce qu'il y soit donné suite ; que dans ces conditions, en affirmant que la société Autajon ne pouvait imposer à Mme X... une reprise du travail sur son poste de réceptionneuse et que le licenciement fondé sur son refus était injustifié, alors qu'elle avait auparavant constaté que la société avait informé la médecine du travail le 15 janvier 2004 et la salariée le 13 et le 15 janvier de ce qu'elle ne pouvait organiser un travail à mi-temps sur machine et qu'il n'existait pas de possibilités de reclassement conformes aux propositions formulées, la cour d'appel a d'ores et déjà violé les dispositions de l'article L. 4624-1 ancien article L. 241-10-1 du code du travail ;
2°/ que la cour d'appel qui, tout en constatant que la société Autajon avait informé la médecine du travail le 15 janvier 2004 et la salariée le 13 et le 15 janvier qu'il n'existait pas de possibilités de reclassement conformes aux propositions qui avaient été formulées par le praticien, a retenu, pour conclure néanmoins que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la société aurait manifesté sa volonté de ne pas suivre les préconisations du médecin du travail "qui n'avait pas encore répondu à sa demande du 15 janvier 2004", alors que seules les conclusions écrites du médecin du travail émises lors de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de ses obligations en matière de reclassement et qu'aucune disposition légale n'impose que l'avis d'aptitude rendu à l'issue de la visite de reprise doive être confirmé ensuite par le praticien, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 ancien article R. 241-51, 1er et 2e alinéa du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant que la référence faite dans la lettre de licenciement à l'article L. 4624-1 ancien article L. 241-10-1 du code du travail était erronée "dans la mesure où c'était à la suite d'un long arrêt pour maladie et d'une visite de reprise que le médecin du travail avait donné son avis", alors que, le médecin du travail ayant conclu, à l'issue de la visite de reprise prévue par les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 ancien article R. 241-51, 1er et 2e alinéa du code du travail, à l'aptitude de Mme X..., la société Autajon était bien tenue par les dispositions de l'article L. 4624-1 et avait, ainsi qu'il lui incombait en vertu de ce texte, justifié des raisons pour lesquelles elle n'avait pu donner suite à l'avis médical, la cour d'appel a violé ledit article ;
4°/ qu'en affirmant que c'était à la société Autajon qu'il appartenait de saisir l'inspection du travail si elle entendait contester l'avis du médecin du travail et non pas à Mme X... "qui était d'accord avec cet avis dont elle n'avait fait que demander le respect", alors qu'il ressortait des écritures des deux parties que l'employeur considérait, comme le médecin du travail, que l'avis du 5 janvier 2004 était un avis d'aptitude tandis que la salariée considérait pour sa part qu'il s'agissait d'un avis d'inaptitude, la cour d'appel qui a dénaturé lesdites écritures a méconnu les exigences de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que, subsidiairement, il ressortait des éléments versés aux débats que si la société Autajon avait, dans un premier temps, considéré que l'avis du médecin du travail en date du 5 janvier 2004 constatait l'inaptitude de la salariée, ce qui l'avait conduite à rechercher, sans succès, son reclassement sur un poste de triage, le médecin du travail l'avait ensuite informée, notamment dans son courrier en date du 27 janvier suivant, de ce qu'il avait en réalité constaté dans cet avis l'aptitude de la salariée, ce qui avait conduit dans un second temps l'employeur à enjoindre l'intéressée à retrouver son poste initial ; qu'en affirmant, dès lors, que la société Autajon ne pouvait imposer à Mme X... une reprise du travail sur son poste de réceptionneuse et que le licenciement fondé sur son refus était injustifié, sans même rechercher si l'absence de respect des obligations formulées en matière de constatation d'inaptitude ne résultait pas de ce que le médecin du travail avait lui même qualifié son avis du 5 janvier 2004 d'avis d'aptitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 ancien article R. 241-51, 1er et 2e alinéa et de l'article L. 4624-1 ancien article L. 241-10-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 4624-1 du code du travail ;
Et attendu qu'après avoir relevé que, sans attendre la réponse à un courrier qu'il adressait le 15 janvier 2004 au médecin du travail, l'employeur avait invité la salariée, à laquelle il adressait un avenant à signer dans les quinze jours, à reprendre son poste ou un autre, non conformes à l'avis émis par le médecin du travail lors de la visite de reprise, la cour d'appel a constaté qu'il avait, en dépit de la réponse, reçue le 28 janvier 2004, de ce médecin, qui insistait sur l'inadéquation des postes proposés à l'état de santé de la salariée, le poste de trieuse étant le seul poste envisageable, persisté dans sa décision de licencier la salariée pour absence injustifiée ; que la cour d'appel, qui a, sans dénaturation, pu déduire de ces énonciations que le refus de la salariée de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du travail ne constituait pas une faute, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Autajon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Autajon et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 325 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.