COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Canada 3000 Inc., Re; Inter‑Canadien (1991) Inc. (Syndic de), [2006] 1 R.C.S. 865, 2006 CSC 24
Date : 20060609
Dossiers : 30214, 30729, 30730, 30731, 30732, 30738, 30740, 30742, 30743, 30745, 30749, 30750, 30751
Entre :
NAV Canada et autres
Appelantes / Intimées aux appels incidents
et
International Lease Finance Corporation et autres
Intimées / Appelantes aux appels incidents
Entre :
NAV Canada
Appelante
et
Wilmington Trust Company et autre
Intimées
Entre :
NAV Canada
Appelante
et
G.I.E. Avions de transport régional et autres
Intimées
Entre :
NAV Canada
Appelante
et
Inter‑Canadien (1991) Inc. et autres
Intimées
et entre :
Aéroports de Montréal
Appelante
et
Wilmington Trust Company et autres
Intimées
et entre :
Greater Toronto Airports Authority
Appelante
et
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority et autres
Intimées
et entre :
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority
Appelante
et
Wilmington Trust Company et autres
Intimées
Entre :
NAV Canada
Appelante
et
Inter‑Canadien (1991) Inc. et autres
Intimées
et entre :
Aéroports de Montréal
Appelante
et
Renaissance Leasing Corporation et autres
Intimées
et entre :
Greater Toronto Airports Authority
Appelante
et
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority et autres
Intimées
et entre :
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority
Appelante
et
Renaissance Leasing Corporation et autres
Intimées
Entre :
Aéroports de Montréal
Appelante
et
Wilmington Trust Company et autres
Intimées
Entre :
Aéroports de Montréal
Appelante
et
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc. et autres
Intimées
Entre :
Aéroports de Montréal
Appelante
et
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc. et autres
Intimées
et entre :
St. John’s International Airport Authority et autre
Appelantes
et
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc. et autres
Intimées
et entre :
Greater Toronto Airports Authority
Appelante
et
Greater London International Airport Authority et autres
Intimées
Entre :
Greater Toronto Airports Authority
Appelante
et
Renaissance Leasing Corporation et autre
Intimées
Entre :
Greater Toronto Airports Authority
Appelante
et
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc. et autres
Intimées
Entre :
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority
Appelante
et
Wilmington Trust Company et autre
Intimées
Entre :
St. John’s International Airport Authority
Appelante
et
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc. et autres
Intimées
Entre :
Charlottetown Airport Authority Inc.
Appelante
et
CCG Trust Corporation et autre
Intimées
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish et Charron
Motifs de jugement :
(par. 1 à 98)
Le juge Binnie (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, LeBel, Deschamps, Fish et Charron)
______________________________
Canada 3000 Inc. (Re); Inter‑Canadien (1991) Inc. (Syndic de), [2006] 1 R.C.S. 865, 2006 CSC 24
NAV Canada, Greater Toronto Airports Authority, Winnipeg
Airports Authority Inc., Halifax International Airport Authority,
Edmonton Regional Airports Authority, Calgary Airport
Authority, Aéroports de Montréal, Ottawa Macdonald‑Cartier
International Airport Authority, Vancouver International
Airport Authority et St. John’s International
Airport Authority Appelantes/intimées aux pourvois incidents
c.
International Lease Finance Corporation, Hyr Här I Sverige
Kommanditbolag, IAI X, Inc., Triton Aviation International
LLC, Sierra Leasing Limited, ACG Acquisition XXV LLC,
ILFC International Lease Finance Canada Ltd., U.S. Airways
Inc., G.E. Capital Aviation Services Inc., en qualité de
mandataire et gestionnaire de Polaris Holding Company et AFT
Trust‑Sub I, Pegasus Aviation Inc., PALS I, Inc., Ansett
Worldwide Aviation, U.S.A., MSA V, RRPF Engine Leasing
Limited, Banque Canadienne Impériale de Commerce, Flight
Logistics Inc., C.I.T. Leasing Corporation, NBB‑Royal Lease
Partnership One et GATX/CL Air
Leasing Cooperative Association Intimées/appelantes aux pourvois incidents
__________
NAV Canada Appelante
c.
Wilmington Trust Company et Wilmington Trust Corporation Intimées
__________
NAV Canada Appelante
c.
G.I.E. Avions de transport régional, ATR Marketing Inc.,
Heather Leasing Corporation, Renaissance Leasing Corporation,
Inter‑Canadien (1991) Inc. et Ernst & Young Inc., en qualité
de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
NAV Canada Appelante
c.
Inter‑Canadien (1991) Inc., Wilmington Trust Company,
Wilmington Trust Corporation, Aéroports de Montréal, Greater
Toronto Airports Authority, Ottawa Macdonald‑Cartier
International Airport Authority et Ernst & Young Inc.,
en qualité de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien
(1991) Inc. Intimées
- et -
Aéroports de Montréal Appelante
c.
Wilmington Trust Company, Wilmington Trust Corporation,
NAV Canada, Greater Toronto Airports Authority,
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority
et Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la
faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
- et -
Greater Toronto Airports Authority Appelante
c.
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority,
Wilmington Trust Company, Wilmington Trust Corporation,
Aéroports de Montréal, NAV Canada, Ernst & Young Inc.,
en qualité de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien
(1991) Inc. et Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
- et -
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority Appelante
c.
Wilmington Trust Company, Wilmington Trust Corporation et
Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
NAV Canada Appelante
c.
Inter‑Canadien (1991) Inc., Renaissance Leasing Corporation,
Heather Leasing Corporation, G.I.E. Avions de transport
régional, ATR Marketing Inc., Ernst & Young Inc., en qualité
de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc., Aéroports de
Montréal, Greater Toronto Airports Authority et Ottawa
Macdonald‑Cartier International Airport Authority Intimées
- et -
Aéroports de Montréal Appelante
c.
Renaissance Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation,
G.I.E. Avions de transport régional, ATR Marketing Inc.,
Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc., NAV Canada, Greater Toronto
Airports Authority et Ottawa Macdonald‑Cartier International
Airport Authority Intimées
- et -
Greater Toronto Airports Authority Appelante
c.
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority,
Renaissance Leasing Corporation, Heather Leasing
Corporation, G.I.E. Avions de transport régional, ATR Marketing
Inc., Aéroports de Montréal, NAV Canada, Ernst & Young Inc.,
en qualité de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc.
et Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
- et -
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority Appelante
c.
Renaissance Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation,
G.I.E. Avions de transport régional, ATR Marketing Inc. et
Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
Aéroports de Montréal Appelante
c.
Wilmington Trust Company, Wilmington Trust Corporation et
Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
Aéroports de Montréal Appelante
c.
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance
du Canada sur la Vie, Ernst & Young Inc., en qualité de syndic
à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. et Renaissance
Leasing Corporation Intimées
__________
Aéroports de Montréal Appelante
c.
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance
du Canada sur la Vie, CCG Trust Corporation, Greater London
International Airport Authority, Greater Toronto Airports
Authority, Saint John Airport Inc., St. John’s International
Airport Authority, Charlottetown Airport Authority Inc.,
Renaissance Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation
et Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
- et -
St. John’s International Airport Authority et Charlottetown
Airport Authority Inc. Appelantes
c.
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance
du Canada sur la Vie, CCG Trust Corporation, Renaissance
Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation, Lignes
aériennes Canadien régional Ltée, Canadian Regional (1998) Ltd.
et Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
- et -
Greater Toronto Airports Authority Appelante
c.
Greater London International Airport Authority, Saint John
Airport Inc., St. John’s International Airport Authority,
Charlottetown Airport Authority Inc., Newcourt Credit Group
(Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie,
CCG Trust Corporation, Aéroports de Montréal, Renaissance
Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation, Lignes
aériennes Canadien régional Ltée, Canadian Regional (1998) Ltd.
et Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
Greater Toronto Airports Authority Appelante
c.
Renaissance Leasing Corporation, Inter‑Canadien (1991) Inc. et
Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite
d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
Greater Toronto Airports Authority Appelante
c.
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance
du Canada sur la Vie, CCG Trust Corporation, Inter‑Canadien
(1991) Inc., Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la
faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. et Renaissance Leasing
Corporation Intimées
__________
Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority Appelante
c.
Wilmington Trust Company et Ernst & Young Inc., en qualité
de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
__________
St. John’s International Airport Authority Appelante
c.
Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance
du Canada sur la Vie, CCG Trust Corporation, Ernst & Young
Inc., en qualité de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991)
Inc. et Renaissance Leasing Corporation Intimées
___________
Charlottetown Airport Authority Inc. Appelante
c.
CCG Trust Corporation et Ernst & Young Inc., en qualité
de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. Intimées
Répertorié : Canada 3000 Inc. (Re); Inter‑Canadien (1991) Inc. (Syndic de)
Référence neutre : 2006 CSC 24.
Nos du greffe : 30214, 30729, 30730, 30731, 30732, 30738, 30740, 30742, 30743, 30745, 30749, 30750, 30751.
2006 : 16, 17 janvier; 2006 : 9 juin.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish et Charron.
en appel de la cour d’appel de l’ontario
en appel de la cour d’appel du québec
POURVOIS et POURVOIS INCIDENTS contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Abella et Cronk et le juge Juriansz (ad hoc)) (2004), 69 O.R. (3d) 1, 235 D.L.R. (4th) 618, 183 O.A.C. 201, 3 C.B.R. (5th) 207, [2004] O.J. No. 141 (QL), qui a confirmé en partie un jugement du juge Ground (2002), 33 C.B.R. (4th) 184, 5 P.P.S.A.C. (3d) 272, [2002] O.J. No. 1775 (QL). Pourvois et pourvois incidents accueillis en partie.
POURVOIS contre des arrêts de la Cour d’appel du Québec (les juges Nuss, Pelletier et Morissette), [2004] R.J.Q. 2966, 247 D.L.R. (4th) 503, [2004] J.Q. no 11921 (QL), [2004] J.Q. no 11922 (QL), [2004] J.Q. no 11923 (QL), [2004] J.Q. no 11924 (QL), [2004] J.Q. no 11925 (QL), [2004] J.Q. no 11926 (QL), [2004] J.Q. no 11927 (QL), [2004] J.Q. no 11928 (QL), [2004] J.Q. no 11930 (QL), [2004] J.Q. no 11932 (QL), [2004] J.Q. no 11933 (QL), [2004] J.Q. no 11961 (QL), qui a infirmé, en tout ou en partie, des jugements du juge Tremblay, [2000] R.J.Q. 2935, [2000] J.Q. no 7330 (QL), [2000] J.Q. no 4959 (QL), [2000] J.Q. no 4996 (QL), [2000] J.Q. no 5004 (QL), [2000] J.Q. no 5005 (QL), [2000] J.Q. no 5007 (QL), [2000] J.Q. no 5009 (QL). Pourvois accueillis en partie.
Clifton P. Prophet et Eric Wredenhagen, pour NAV Canada (30214).
Lyndon A. J. Barnes et Jean‑Marc Leclerc, pour Greater Toronto Airports Authority (30214).
John T. Porter et Alan B. Merskey, pour Winnipeg Airports Authority Inc., Halifax International Airport Authority, Edmonton Regional Airports Authority, Calgary Airport Authority, Aéroports de Montréal, Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority, Vancouver International Airport Authority et St. John’s International Airport Authority (30214).
Richard A. Conway, David P. Chernos, Linda M. Plumpton et Jana N. Stettner, pour International Lease Finance Corporation, Hyr Här I Sverige Kommanditbolag, IAI X, Inc., Triton Aviation International LLC, Sierra Leasing Limited, ACG Acquisition XXV LLC, ILFC International Lease Finance Canada Ltd. et U.S. Airways Inc. (30214).
Christopher W. Besant et Joseph J. Bellissimo, pour G.E. Capital Aviation Services Inc., en qualité de mandataire et gestionnaire de Polaris Holding Company et AFT Trust‑Sub I, Pegasus Aviation Inc., et PALS I, Inc. (30214).
Barbara L. Grossman et Christopher D. Woodbury, pour Ansett Worldwide Aviation, U.S.A., et MSA V (30214).
Kenneth D. Kraft, pour RRPF Engine Leasing Limited et Flight Logistics Inc. (30214).
Pamela L. J. Huff et Jill Lawrie, pour C.I.T. Leasing Corporation et NBB‑Royal Lease Partnership One (30214).
Argumentation écrite seulement par Craig J. Hill et Roger Jaipargas, pour GATX/CL Air Leasing Cooperative Association (30214).
Michel G. Ménard, pour NAV Canada (30729, 30730, 30731, 30732).
Richard L. Desgagnés et Véronique E. Marquis, pour Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority, St‑John’s International Airport Authority et Charlottetown Airport Authority Inc. (30731, 30732, 30742, 30749, 30750, 30751).
Gerald N. Apostolatos, pour Aéroports de Montréal (30731, 30732, 30738, 30740, 30742).
Sandra Abitan, David Tardif‑Latourelle et Allon Pollack, pour Greater Toronto Airports Authority (30731, 30732, 30742, 30743, 30745).
Bertrand Giroux, Markus Koehnen, Jeff Gollob, Jason Murphy, Jean‑Yves Fortin et Geneviève Bergeron, pour Wilmington Trust Company, Wilmington Trust Corporation, Renaissance Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation, G.I.E. Avions de transport régional et ATR Marketing Inc. (30729, 30730, 30731, 30732, 30738, 30740, 30742, 30743, 30745, 30749, 30750).
Pierre Bourque et Eugene Czolij, pour Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie et CCG Trust Corporation (30740, 30742, 30745, 30750, 30751).
Personne n’a comparu pour Banque Canadienne Impériale de Commerce, Inter‑Canadien (1991) Inc., Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc., Greater London International Airport Authority, Saint John Airport Inc., Lignes aériennes Canadien régional Ltée et Canadian Regional (1998) Ltd.
Version française du jugement de la Cour rendu par
1 Le juge Binnie — L’effondrement d’un transporteur aérien qui laisse impayés des redevances d’aéroport et des services de navigation aérienne soulève la question de savoir qui, des personnes qui sont en définitive propriétaires des aéronefs ou des personnes tenues de fournir les services d’aéroport et de navigation (et qui les ont fournis) assument la perte financière (ou, comme on dit parfois, y laissent des plumes).
2 La Cour est saisie de cette question en raison de l’effondrement d’« Inter‑Canadien (1991) Inc. » en 1999 et, en 2001, de Canada 3000 Airlines Ltd. et Royal Aviation Inc. (collectivement « Canada 3000 »). La réponse tient à l’interprétation qu’il faut donner aux dispositions de la Loi relative aux cessions d’aéroports, L.C. 1992, ch. 5 (« LCA »), et de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, L.C. 1996, ch. 20 (« LCSNAC »). Dans cette interprétation, le contexte de la nature particulière de l’industrie moderne du transport aérien revêt une grande importance.
3 Après des décennies de turbulences financières, un transporteur aérien de l’ère moderne peut n’avoir guère plus qu’un nom, avec des aéronefs loués, des contrats d’approvisionnement renouvelés de semaine en semaine et même des systèmes de réservation et de gestion de la recette unitaire confiés à un fournisseur mondial de services comme Sabre ou Galileo. Le démarrage est relativement facile, les bilans sont souvent maigres et l’échec peut survenir abruptement et (vu de l’extérieur) sans avertissement, comme l’illustre l’expérience de Canada 3000. Lorsque survient l’effondrement (et il y en a eu fréquemment au Canada et ailleurs au cours de la dernière décennie), il reste bien peu dans les coffres du transporteur pour satisfaire les créanciers non garantis. Ceux qui commercent avec ces transporteurs aériens courent des risques financiers considérables, mais les aéroports canadiens appelants, sur lesquels s’exerce une supervision gouvernementale, sont quand même légalement tenus de permettre à des transporteurs aériens en difficultés financières de recourir à leurs services (parfois, les aéroports ne savent rien de la santé financière d’un transporteur). C’est en grande partie par les frais d’atterrissage que les aéroports recouvrent leurs coûts. Lorsque ces frais et d’autres redevances ne sont pas payés, ce sont les aéroports qui absorbent le coût des services que la loi les oblige à fournir.
4 « NAV Canada », qui a pris la relève du gouvernement lorsque le système de navigation aérienne civile a été privatisé, est tenue elle aussi de fournir ses services à tout aéronef circulant dans l’espace aérien canadien, selon le principe de la récupération des coûts. Elle court un risque encore plus grand que les aéroports parce que, bien souvent, les appareils n’atterrissent même pas au Canada, comme c’est le cas de ceux qui empruntent la route orthodromique en partance ou à destination du littoral est des États‑Unis : Pan American World Airways Inc. c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 565.
5 Lorsque le Parlement a adopté au début des années 1990 son programme de privatisation des grands aéroports et des services de navigation et leur a donné une vocation commerciale, il s’attendait à ce que les investisseurs potentiels exigent une quelconque assurance qu’il serait financièrement viable de fournir des services à l’industrie du transport aérien, chroniquement instable. C’est pourquoi il a décidé d’accorder aux exploitants privés de ces services le pouvoir légal de demander à un juge de la juridiction supérieure une ordonnance de saisie et de rétention des aéronefs jusqu’à l’acquittement des redevances en souffrance, un pouvoir semblable à celui que le législateur avait déjà accordé à l’État avant la privatisation, sous le régime de la Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A‑2, par. 4.5.
6 Il convient de souligner qu’aucun pouvoir de saisie et de rétention en soi n’est accordé. Un juge d’une cour supérieure agit comme intermédiaire entre un aéroport ou NAV Canada et l’aéronef à saisir. Comme on le verra plus loin, le rôle du juge est essentiel pour bien comprendre le recours en rétention prévu par la loi.
7 Les intimées sont principalement des entités qui sont les véritables propriétaires des aéronefs à l’égard desquels les redevances en cause ont été imposées (les « propriétaires en titre »). Elles prétendent qu’aux termes des divers baux conclus avec les transporteurs aériens défaillants, elles n’ont pas utilisé les aéronefs, pas plus qu’elles n’ont recouru aux services pour lesquels des redevances ont été imposées ou qu’elles n’ont tiré profit de ces services. Elles affirment être des investisseurs et que, lorsque les locataires ont fait défaut, elles avaient le droit de reprendre possession de leurs aéronefs libres de toutes les redevances dues par les transporteurs aériens défaillants, non par les propriétaires en titre. Elles estiment injuste que les propriétaires en titre aient été tenus dans ces cas de remettre une sûreté pour pouvoir retirer « leurs » aéronefs des aéroports en cause. Les appelantes, les administrations aéroportuaires et NAV Canada, soutiennent pour leur part que l’échec de Canada 3000 et Inter‑Canadien illustre le genre d’instabilité des transports aériens que le législateur avait correctement prévue et en raison de laquelle il a créé les recours légaux en question. Selon elles, il faut considérer que le législateur était conscient qu’un transporteur aérien peut n’être qu’une coquille vide, mais qu’un aéronef en rétention constitue un gage solide et permanent de paiement.
8 Je partage l’opinion des juridictions inférieures que les propriétaires en titre intimés ne sont pas, aux termes de l’art. 55 de la LCSNAC, tenus personnellement de payer les redevances dues. Mais cela ne veut pas dire que les aéronefs soient pareillement dégagés.
9 À mon avis, les appelantes ont droit à des ordonnances judiciaires de saisie et de rétention (appelées parfois ci‑après le recours en rétention) pouvant être exécutées sur les sûretés substituées aux aéronefs. Les affaires devraient être renvoyées aux juges des requêtes pour qu’ils précisent la teneur des ordonnances. Compte tenu du contexte dans lequel le législateur a envisagé le recours en rétention, les baux entre transporteurs aériens et locateurs d’avions ne peuvent servir de moyen pour contourner ce recours comme le prétendent les intimées. Le recours en rétention est d’origine purement législative, et il convient de donner pleinement effet à l’intention du législateur de créer un mode de perception efficace visant l’aéronef lui‑même dont est propriétaire ou utilisateur la personne tenue au paiement des redevances.
10 Par ailleurs, la seule mesure de redressement offerte aux appelantes, si une ordonnance leur est accordée, se limite à la possession de l’aéronef. La simple possession aux termes de ces lois ne confère aucun droit de propriété bénéficiaire sur l’aéronef. L’autre prétention des appelantes relative à l’équivalent, pour le transport aérien, d’un privilège maritime, n’est pas fondée selon moi, et je ne crois pas non plus qu’elles puissent exercer un pouvoir « implicite » de vendre un aéronef qu’elles retiennent. Elles n’ont que ce que la loi leur accorde — un droit de demander au tribunal une ordonnance les autorisant à saisir et retenir un aéronef jusqu’au paiement de leur créance — ni plus ni moins.
11 Pour les motifs ci‑après, je suis d’avis d’accueillir en partie les pourvois et les pourvois incidents en partie et de renvoyer les demandes de saisie et de rétention aux juges des requêtes respectifs pour qu’ils statuent sur elles en conformité avec le présent jugement.
I. Faits
12 En 1992, la LCA a privatisé des aéroports que le gouvernement fédéral possédait et exploitait. En 1996, la LCSNAC a fait de même pour les services canadiens de navigation aérienne civile. C’est ainsi que NAV Canada a été constituée en société sans but lucratif ayant pour mandat de développer et d’assurer le fonctionnement et le maintien du système de navigation aérienne civile; voir les Débats de la Chambre des communes, vol. 133, 2e sess., 35e lég., 25 mars 1996, p. 1153. La LCSNAC a mis en œuvre le transfert à NAV Canada des services de navigation aérienne civile de Transports Canada et a établi les mesures réglementaires commerciales et économiques nécessaires pour assurer la prestation continue de ces services; voir les Débats de la Chambre des communes, vol. 134, 2e sess., 35e lég., 15 mai 1996, p. 2821.
A. Canada 3000
13 Le 8 novembre 2001, Canada 3000 s’est prévalue de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, ch. C‑36 (« LACC »). Une première ordonnance rendue le même jour a suspendu toutes les procédures intentées par les créanciers jusqu’au dépôt d’un plan d’arrangement. Même si l’ordonnance prévoyait la poursuite de l’exploitation, la direction de l’entreprise a publié environ cinq heures plus tard un communiqué de presse dans lequel elle déclarait qu’elle mettait fin à ses activités. Le lendemain, le 9 novembre, une nouvelle ordonnance interdisait la flotte de vol et prescrivait le retour au Canada des aéronefs utilisés par l’entreprise.
14 Le 9 novembre 2001, NAV Canada a demandé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario aux termes du par. 56(1) de la LCSNAC l’autorisation de saisir et de retenir des aéronefs utilisés par Canada 3000. La Greater Toronto Airports Authority (« GTAA ») a exercé un recours contre Canada 3000 mais n’a pas alors demandé l’autorisation de saisir et retenir des aéronefs.
15 Le 10 novembre 2001, les administrateurs et dirigeants de Canada 3000 ont démissionné. Le lendemain, les sociétés du groupe étaient mises en faillite. À ce moment, les sociétés de Canada 3000 devaient environ 7,4 millions de dollars à NAV Canada, 13 millions de dollars à la GTAA et 8,35 millions de dollars à d’autres administrations aéroportuaires canadiennes. Le 12 novembre, la GTAA a demandé la saisie et la rétention d’aéronefs sous le régime de l’art. 9 de la LCA et le 23 novembre, les autres administrations aéroportuaires ont fait de même.
16 Le recours en rétention exercé par les administrations visait 38 aéronefs d’une valeur globale approximative de 1,1 milliard de dollars US utilisés par les sociétés de Canada 3000. En dépit des propriétaires en titre, tous les aéronefs étaient immatriculés sous le régime de la Loi sur l’aéronautique comme appartenant à Canada 3000. Cette dernière avait conclu avec les diverses intimées des conventions de location relativement à 36 aéronefs. Les locateurs conservaient le titre de propriété sur les aéronefs. Au moment de la demande fondée sur la LACC, les arriérés de loyer représentaient une somme substantielle.
17 Les clauses de résiliation étaient quelque peu différentes d’un bail à l’autre. Certains baux prévoyaient la résiliation du bail et le droit du locateur à la reprise de possession lorsqu’une ordonnance était rendue en vertu de la LACC, selon d’autres, le bail était résilié à la cessation des activités, et selon d’autres, lors de la cession de faillite. En fait, la suspension d’instance aux termes de la LACC avait pour effet d’interdire provisoirement la reprise de possession (voir LACC, art. 11.31). À la date du recours en rétention, les aéronefs visés étaient frappés d’interdiction de vol dans les divers aéroports canadiens énumérés dans l’intitulé des diverses instances.
18 Le 3 décembre 2001, presque un mois après l’interdiction de vol des aéronefs, le juge des requêtes a approuvé les termes d’une mainlevée de la saisie contre la remise d’une sûreté équivalant à 110 pour 100 de la créance réclamée. Pendant le mois de décembre et une partie du mois de janvier 2002, il a entendu les requêtes en saisie et rétention, qu’il a rejetées le 7 mai 2002. Les administrations aéroportuaires et NAV Canada ont interjeté appel et le 20 janvier 2004, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté leur appel.
B. Inter‑Canadien
19 Inter‑Canadien exploitait sa flotte d’aéronefs en vertu de conventions de bail passées avec les propriétaires en titre des aéronefs, mais elle aussi était propriétaire enregistrée des appareils sous le régime de la Loi sur l’aéronautique. Le 27 novembre 1999, elle a cessé ses activités et a mis à pied 90 pour 100 de son personnel. Sa dette envers NAV Canada et les administrations aéroportuaires pour redevances impayées s’élevait alors à 5 millions de dollars environ.
20 Au début de décembre 1999, les administrations aéroportuaires et NAV Canada ont demandé la saisie et la rétention d’un certain nombre d’aéronefs. Quatre ordonnances de la Cour supérieure du Québec les ont autorisées entre le 8 et le 17 décembre. Avant les requêtes en saisie toutefois, une des intimées, Renaissance Leasing Corporation, avait prétendu résilier son bail conclu avec Inter‑Canadien. Les appareils sont quand même demeurés sur le tarmac à l’aéroport de Dorval.
21 Le 5 janvier 2000, Inter‑Canadien a déposé un avis de son intention de présenter une proposition à ses créanciers sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B‑3. Les créanciers ont rejeté la proposition au mois de mars, constituant rétroactivement le transporteur aérien en faillite en date du 5 janvier. Confronté aux demandes de reprise de possession des aéronefs que lui présentaient les propriétaires en titre, le syndic de faillite s’est adressé à la Cour supérieure pour obtenir des directives.
22 Le 7 juillet 2000, la Cour supérieure a accueilli une demande de mainlevée de la saisie des aéronefs contre la remise d’une sûreté équivalant à 150 pour 100 du montant réclamé par les administrations aéroportuaires et NAV Canada. Le 9 novembre 2000, le juge Tremblay, qui avait entendu la requête au fond, a confirmé la validité de la rétention et a statué que les propriétaires en titre étaient tenus au paiement des sommes dues. La Cour d’appel du Québec a infirmé cette décision, les juges majoritaires statuant que le droit des locateurs à la reprise de possession avait préséance et que les propriétaires en titre avaient droit à ce que les aéronefs leur soient remis sans qu’ils aient à payer les redevances dues.
II. Les décisions antérieures
A. Canada 3000
(1) Cour supérieure de justice de l’Ontario (le juge Ground)
23 Le juge des requêtes a conclu que, sous le régime de l’art. 55 de la LCSNAC, les propriétaires en titre n’étaient pas tenus solidairement au paiement des redevances dues à NAV Canada. Ils n’étaient pas les « propriétaire[s] » au sens de cette Loi parce qu’aucun des aéronefs n’était immatriculé à leur nom. Les propriétaires en titre n’avaient pas non plus la possession des aéronefs lorsque les redevances ont été imposées. À son avis, il ne fallait pas donner au [traduction] « mot “propriétaire” dans la [LCSNAC] une interprétation propre à inclure les personnes qui n’ont pas la garde ou la responsabilité des aéronefs, ne les utilisent pas et n’ont pas recours aux services de navigation aérienne pour lesquels les redevances sont imposées » : (2002), 33 C.B.R. (4th) 184, par. 52.
24 Le juge des requêtes a aussi conclu que les recours à la saisie et la rétention qu’offrent la LCSNAC et la LCA ne créaient pas un privilège ou une sûreté ayant préséance sur les droits de propriété ou les sûretés parfaites de tiers. Il a privilégié l’analogie à l’injonction Mareva :
[traduction] Je ne suis pas convaincu, toutefois, qu’il faille considérer que les dispositions conférant de tels droits de rétention ont créé des droits ayant pour effet de rendre des tiers jouissant, à l’égard des aéronefs, d’un droit de propriété ou d’une sûreté parfaite, responsables de dettes auxquelles ils sont étrangers et de les obliger à les acquitter pour pouvoir exercer leurs droits contractuels de reprendre possession ou d’entrer en possession des aéronefs en vue de réaliser leur garantie. [par. 43]
25 Il a donc rejeté les demandes de NAV Canada et des administrations aéroportuaires.
(2) Cour d’appel de l’Ontario
a) La juge Cronk, pour la majorité
26 La juge Cronk a souscrit à l’opinion du juge des requêtes selon laquelle les propriétaires en titre n’étaient pas solidairement responsables en vertu de l’art. 55 de la LCSNAC. Elle a estimé qu’une définition restrictive du mot « propriétaire », qui exclut les propriétaires en titre, était conforme au principe de l’utilisateur‑payeur établi par la LCSNAC, à un cadre réglementaire plus large et à l’historique législatif, qui dans l’ensemble témoignent de l’intention du législateur de limiter la responsabilité aux [traduction] « personnes qui ont la garde et la responsabilité légales des aéronefs ou aux personnes qui en ont autrement la possession » : (2004), 69 O.R. (3d) 1, par. 118.
27 La juge Cronk a également souscrit à l’opinion voulant que les dispositions de la LCSNAC et la LCA relatives à la saisie et la rétention n’attribuent pas aux administrations un droit ayant préséance sur le droit des propriétaires en titre de reprendre possession des aéronefs :
[traduction] Je conclus qu’en faisant droit aux recours prévus par les dispositions relatives à la rétention, on ne crée pas, sur les aéronefs, de droits ayant préséance sur les droits des locateurs, les propriétaires en titre, en cas de demande de reprise de possession des aéronefs par ces derniers. [. . .] Les dispositions relatives à la rétention sont censées s’appliquer aux aéronefs de personnes qui ont la garde et la responsabilité légales des aéronefs ou qui en ont autrement la possession. [par. 190]
28 La majorité de la Cour d’appel a considéré que même si les aéronefs avaient été légitimement retenus, les moteurs fixés aux aéronefs et loués à Canada 3000 par deux des intimées pouvaient être enlevés par leurs propriétaires respectifs. L’appel des diverses administrations a été rejeté.
b) Le juge Juriansz (ad hoc), dissident en partie
29 Le juge Juriansz (ad hoc) (maintenant juge à la Cour d’appel) aurait accueilli l’appel relativement aux demandes de saisie et de rétention. Selon lui, ce recours vise les aéronefs et non les personnes tenues au paiement des redevances. Dès lors que l’aéronef appartient à une personne tenue de payer des redevances, ou est utilisé par elle, il peut faire l’objet d’une demande de saisie et de rétention. Le fait que d’autres personnes puissent avoir des droits de propriété sur les aéronefs n’entre pas en ligne de compte :
[traduction] Le recours s’exerce « en sus de tout autre recours visant [le] recouvrement » des redevances en souffrance. Il n’est pas limité au recouvrement de ces redevances auprès des personnes tenues de les payer. Il ne vise aucunement des personnes, mais plutôt les « aéronefs », et il permet aux administrations de saisir et de retenir un aéronef, sous supervision judiciaire, et de refuser de donner mainlevée tant que les redevances n’ont pas été acquittées. [par. 255]
Le juge Juriansz a aussi conclu que les dispositions relatives à la rétention s’appliquaient aux moteurs loués puisqu’ils étaient fixés aux aéronefs faisant l’objet du recours en rétention.
B. Inter‑Canadien
(1) Cour supérieure du Québec (le juge Tremblay)
30 Le juge des requêtes a statué que les propriétaires en titre sont solidairement responsables du paiement des redevances dues à NAV Canada aux termes de l’art. 55 de la LCSNAC. Selon lui, la LCSNAC et la LCA prévoient le droit de retenir les aéronefs des utilisateurs en défaut de payer les redevances. Il a appuyé sa décision sur les art. 1592 et 1593 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, et a statué que le droit des administrations de retenir les aéronefs avait priorité sur les droits des locateurs : [2000] R.J.Q. 2935.
31 Dans une ordonnance en date du 9 novembre 2000, le juge des requêtes a confirmé la validité des saisies et a déclaré que les intimées étaient tenues au paiement des redevances en souffrance.
(2) Cour d’appel du Québec
a) Les juges Pelletier et Morissette, pour la majorité
32 Les juges Pelletier et Morissette ont infirmé la décision du juge des requêtes et ont dégagé les propriétaires en titre de l’obligation de payer les redevances dues à NAV Canada en vertu de l’art. 55 de la LCSNAC. Selon eux, la seule interprétation de la définition de « propriétaire » qui était compatible à la fois avec les versions française et anglaise de la Loi et avec le contexte législatif était celle qui en limitait la portée aux catégories énoncées au par. 55(2). Ils ont signalé que l’interlocuteur de prédilection de NAV Canada était l’usager d’un aéronef, non le propriétaire en titre. Ils ont conclu comme suit à [2004] R.J.Q. 2966, par. 106 :
. . . ces aéronefs ne sont tenus d’aucune façon aux dettes d’Inter‑Canadien pour la simple et bonne raison qu’ils n’appartiennent pas à cette débitrice.
33 De plus, ils ont estimé que ni les administrations aéroportuaires ni NAV Canada n’avaient droit d’obtenir une ordonnance de saisie et de rétention des aéronefs leur conférant priorité sur les droits des propriétaires en titre. Ils ont jugé non fondé le recours au Code civil par le juge des requêtes.
b) Le juge Nuss, dissident
34 Le juge Nuss a conclu qu’il n’est conforme ni à l’intention du législateur ni à l’objet des dispositions législatives que les propriétaires en titre puissent obtenir mainlevée de la saisie des aéronefs sans acquitter les redevances. Toutefois, il a limité la responsabilité des propriétaires en titre au paiement des redevances imposées relativement à l’utilisation des aéronefs dont ils sont propriétaires :
[traduction] . . . pour obtenir mainlevée de la saisie de ses aéronefs, le propriétaire en titre n’a qu’à payer les redevances de services aéroportuaires dues par l’utilisateur qui se rapportent à l’utilisation de tout aéronef appartenant au même propriétaire. [Je souligne; par. 145.]
III. Les dispositions législatives
35 Les dispositions législatives applicables sont reproduites dans les paragraphes pertinents des motifs.
IV. Analyse
36 La présente espèce est, de bout en bout, un exercice d’interprétation des lois, et les questions d’interprétation sont, comme toujours, étroitement liées au contexte. Le précepte suivant lequel une loi doit être interprétée en fonction du problème auquel elle est censée remédier remonte au seizième siècle au moins; voir Heydon’s Case (1584), 3 Co. Rep. 7a, 76 E.R. 637. Suivant une formulation plus moderne et plus exhaustive, on dit qu’[traduction] « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global et en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87).
37 Comme notre Cour l’a fait remarquer en 1915, le contexte comprend notamment [traduction] « la situation existant au moment de l’adoption de la loi » : Grand Trunk Railway Co. of Canada c. Hepworth Silica Pressed Brick Co. (1915), 51 R.C.S. 81, p. 88. Au moment o— le législateur a adopté les mesures en cause, les cas de transporteurs aériens insolvables ou en faillite étaient monnaie courante dans l’industrie du transport aérien. Bon nombre des avions qui survolaient le Canada, y arrivaient ou en partaient, étaient loués et utilisés par des transporteurs près de faire faillite ou en faillite. Suivant l’interprétation proposée par les intimées et retenue dans les décisions des Cours d’appel à la majorité, le recours en rétention serait opposable à tous, sauf aux propriétaires en titre dont les aéronefs constituent souvent les seuls avoirs qui survivent au naufrage financier. Le législateur aurait donc eu l’intention de créer un recours qui perd le plus de son efficacité lorsqu’il est le plus nécessaire. Il est plus probable que le législateur ait été pleinement conscient que, s’agissant d’aéronefs dont l’utilisation transcende les frontières et obéit à des baux complexes, le seul mode de perception efficace consiste à rendre les aéronefs eux‑mêmes saisissables et à laisser ensuite les divers intéressés, dont les propriétaires en titre, les propriétaires enregistrés, les sous‑locateurs et les utilisateurs, résoudre leur différend sur la question de savoir qui paiera les sommes dues aux fournisseurs de services. J’ajouterais que je partage l’avis du juge Juriansz selon lequel les propriétaires en titre ne sont pas sans retirer des avantages des services fournis, même si ces avantages sont indirects. Les propriétaires en titre ne pourraient pas exercer leurs activités commerciales sans les opérations aériennes quotidiennes. Ils louent des aéronefs en souhaitant qu’ils servent aux activités mêmes pour lesquelles les services sont fournis. Généralement, les propriétaires en titre sont des sociétés bien informées. Ils sont rompus aux subtilités de l’industrie dans laquelle ils ont décidé de jouer un rôle.
38 La réalité commerciale de l’entreprise privée à laquelle une loi s’applique constitue un élément de ce contexte important. En l’espèce, les appelantes issues de la privatisation fournissent des services suivant un tarif fixé par règlement et établi en fonction des coûts. Avant l’entrée en vigueur de la LCSNAC et de la LCA, c’est le gouvernement fédéral qui assurait les services aéroportuaires et de navigation aérienne civile. L’autofinancement de ces fournisseurs de service constitue un élément fondamental du régime législatif, de même que la volonté qu’ils soient financièrement autonomes et viables : voir les art. 7 et 8 de la LCSNAC; Débats de la Chambre des communes, 25 mars 1996, p. 1152‑1154. Les fournisseurs de services issus de la privatisation ne disposent pas des ressources financières du gouvernement. Les recours prévus par la loi visent donc clairement à favoriser leur viabilité financière dans un secteur commercial risqué et à faire en sorte que la privatisation attire des investisseurs et leur paraisse faisable.
39 Un autre facteur commercial important est le fait que non seulement NAV Canada et les administrations aéroportuaires sont tenues de fournir leurs services au tarif établi en fonction des coûts, mais elles ne peuvent refuser leurs services même à un transporteur aérien clairement au bord de la déconfiture. Les baux conclus entre Transports Canada et les administrations aéroportuaires prévoient que les aéroports ne peuvent restreindre l’accès des aéronefs à leurs installations sauf en cas d’intempéries ou d’urgence; voir le Bail foncier de l’aéroport international Macdonald‑Cartier d’Ottawa, art. 8.10.02. NAV Canada est pareillement tenue, en vertu de l’art. 9 de la LCSNAC, de fournir ses services de navigation aérienne civile à tous les usagers. Ces mesures correspondent aux obligations internationales contractées par le Canada; voir p. ex. l’Accord relatif au transport aérien entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États‑Unis d’Amérique, 24 février 1995 (« Accord ciels ouverts »), Annexe I, art. 1.
40 Ces observations préliminaires sur le contexte (et en particulier sur le contexte commercial d’importance vitale dans lequel ces lois doivent s’appliquer) m’amènent à l’examen des deux principales questions soulevées dans ces pourvois. Premièrement, les propriétaires en titre sont‑ils tenus aux dettes contractées envers les fournisseurs de services par les propriétaires enregistrés et usagers des transporteurs aériens défaillants? Et deuxièmement, même s’ils ne sont pas tenus à ces dettes, est‑ce que les aéronefs dont ils sont propriétaires sont assujettis, dans les circonstances en cause, à des ordonnances judiciaires de saisie et de rétention pour garantir le paiement des redevances imposées à Canada 3000 et Inter‑Canadien?
A. Les propriétaires en titre sont‑ils solidairement responsables envers NAV Canada aux termes de l’art. 55 de la LCSNAC relativement aux redevances pour services de navigation aérienne civile en souffrance?
41 À mon avis, selon une interprétation téléologique de l’art. 55, la réponse est non. Je souscris à l’opinion du juge Ground et à l’opinion unanime des deux Cours d’appel selon lesquelles les propriétaires en titre n’assument aucune responsabilité personnelle pour les redevances impayées. L’article 55 prévoit ce qui suit :
55. (1) [Solidarité] Le propriétaire et l’usager d’un aéronef sont solidaires du paiement des redevances imposées par la société pour les services de navigation aérienne à l’égard de l’aéronef.
(2) [Définition de « propriétaire »] Pour l’application du paragraphe (1), « propriétaire », relativement à un aéronef, s’entend :
a) de la personne au nom de laquelle l’aéronef est immatriculé;
b) d’une personne qui est en possession de l’aéronef à titre d’acheteur en vertu d’un acte de vente conditionnelle ou d’un acte de location‑vente qui laisse au vendeur le titre de propriété de l’aéronef jusqu’au paiement du prix d’achat ou jusqu’à l’accomplissement de certaines conditions;
c) d’une personne qui est en possession de l’aéronef à titre de débiteur hypothécaire en vertu d’une hypothèque sur biens meubles;
d) d’une personne qui est en possession de l’aéronef en vertu d’un bail ou d’un contrat de louage conclu de bonne foi.
42 Les appelantes soutiennent que le mot « propriétaire », au par. 55(1), doit être pris dans son sens ordinaire et inclure les propriétaires en titre. Qui plus qu’eux peut‑on considérer comme des « propriétaire[s] »? Ces derniers objectent qu’il n’est pas plus logique de les rendre solidairement responsables de redevances imposées pour des services de navigation aérienne civile afférents à des opérations de transport aérien auxquelles ils n’ont pas pris part que de tenir le propriétaire d’une voiture louée responsable des droits que verse le locataire qui emprunte un pont à péage. Ils signalent que l’argument de NAV Canada aurait, en pratique, des conséquences pernicieuses. En l’espèce par exemple, Canada 3000 a pris à bail des aéronefs d’International Lease Finance Corporation (« ILFC ») de Californie, l’une des principales sociétés de location d’aéronefs au monde. Si l’interprétation de l’art. 55 proposée par NAV Canada est correcte, cela signifierait que l’ordonnance de saisie et de rétention rendue relativement aux redevances d’utilisation dues par Canada 3000 pourrait en théorie s’appliquer non seulement aux aéronefs d’ILFC loués à Canada 3000 mais aussi à tout autre appareil dont ILFC est propriétaire, y compris aux aéronefs loués à d’autres transporteurs aériens (p. ex. Lufthansa, British Airways ou United Airlines). Par conséquent, le naufrage causé par l’effondrement de Canada 3000 pourrait se répercuter largement dans l’industrie et, peut‑être, déclencher sans raison une autre crise chez d’autres transporteurs aériens.
43 Les lois et l’historique législatif indiquent clairement que le législateur a voulu instituer un régime d’« utilisateur‑payeur » en matière de services de navigation aérienne civile et que les seuls « usager[s] » de ces services visés par la loi sont les transporteurs aériens, non les propriétaires en titre.
(1) Le sens de « propriétaire »
44 Si l’on considérait isolément le par. 55(1), le mot « propriétaire », dans son sens ordinaire et grammatical, inclurait le propriétaire en titre. Toutefois, notre Cour a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42 :
Il [faut] tenir compte du « contexte global » de la disposition pour pouvoir déterminer si elle est raisonnablement susceptible de multiples interprétations. . .
. . . Il est donc nécessaire, dans chaque cas, que le tribunal appelé à interpréter une disposition législative se livre à l’analyse contextuelle et téléologique énoncée par Driedger, puis se demande si [traduction] « le texte est suffisamment ambigu . . . » [Soulignement ajouté; par. 29‑30.]
45 Par conséquent, pour paraphraser un autre arrêt de notre Cour, Bristol‑Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 533, 2005 CSC 26, il est nécessaire de réserver notre jugement sur la portée exacte du terme « propriétaire » au par. 55(1) et d’examiner d’abord les éléments « contextuels » de la méthode préconisée par Driedger.
(2) Le contexte législatif de l’art. 55
46 Naturellement, les appelantes insistent fortement sur le fait que la version anglaise du par. 55(2) commence par les mots
In subsection (1), “owner”, in respect of an aircraft, includes . . .
suivis de quatre alinéas, alors que la version française est introduite par l’énoncé suivant :
Pour l’application du paragraphe (1), « propriétaire », relativement à un aéronef, s’entend . . .
Comme on peut le penser, l’emploi des mots « includes » et « s’entend » au par. 55(2) a suscité un débat considérable. NAV Canada soutient que « includes » étend la définition de propriétaire au‑delà des catégories énumérées et que son sens ordinaire englobe les propriétaires en titre. Ces derniers répliquent que l’expression française « s’entend » se rend habituellement en anglais par « means », qui introduit généralement une définition qu’il faut considérer comme exhaustive et qui écarterait par conséquent leur responsabilité personnelle.
47 Le mot anglais « includes » peut également, selon le contexte, introduire une définition exhaustive; voir p. ex. Dilworth c. Commissioner of Stamps, [1899] A.C. 99 (C.P.), p. 105‑106; R. c. Loblaw Groceteria Co. (Manitoba) Ltd., [1961] R.C.S. 138.
48 À mon avis, trois raisons importantes militent en l’espèce en faveur d’une interprétation restrictive du mot « includes » au par. 55(2) et écartent par conséquent la responsabilité des propriétaires en titre en vertu du par. 55(1).
49 Premièrement, le fait que la version française indique une définition fermée est significatif; voir Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, Protocole de rédaction de la Conférence pour l’uniformisation des lois au Canada (en ligne), par. 21(4). Même si la signification commune n’est pas déterminante lorsqu’elle irait à l’encontre de l’objet de la loi, elle est préférable; voir Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, p. 1070‑1072; Schreiber c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 269, 2002 CSC 62, par. 56; R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes (4e éd. 2002), p. 79‑90. De plus, lorsque l’une des versions a une portée plus large que l’autre, la signification commune favorise le sens le plus restreint ou limité; voir Schreiber; R. c. Dubois, [1935] R.C.S. 378. Comme la version anglaise est ambiguë puisqu’elle indique que l’énumération pourrait être exhaustive ou ouverte selon le contexte, le fait que la version française relativement claire signale que le mot « propriétaire » se limite aux personnes énumérées au par. 55(2) constitue un facteur militant contre l’interprétation large que fait valoir NAV Canada.
50 Deuxièmement, je conclus (comme l’ont fait les Cours d’appel) qu’il est conforme à l’ensemble du régime de réglementation et à l’historique de la loi, dont il sera question plus loin, de voir une liste exhaustive dans l’énumération faite au par. 55(2) pour l’application du par. 55(1). En limitant le mot « propriétaire » aux personnes qui sont en possession d’un aéronef et qui en ont la garde et la responsabilité légales, le par. 55(2) s’aligne sur le sens qui est conféré au mot « propriétaire » dans l’ensemble des lois qui régissent l’aéronautique. Par exemple, suivant le Règlement de l’aviation canadien, DORS/96‑433 (« RAC »), seule une personne qui a la garde et la responsabilité légales d’un aéronef peut en être le propriétaire enregistré. Les alinéas 55(2)b) à d) énoncent tous explicitement que le « propriétaire » doit être en possession de l’aéronef. L’alinéa 55(2)d) revêt aussi une importance particulière car il confère qualité de propriétaire à une personne qui est « en possession de l’aéronef en vertu d’un bail ou d’un contrat de louage conclu de bonne foi ». Il n’y est pas fait mention du locateur. Le législateur a pris en considération les accords de location d’aéronefs et il a décidé que la personne en possession d’un aéronef en est le propriétaire pour les besoins des redevances d’utilisation.
51 Troisièmement, l’exclusion des propriétaires en titre est conforme à l’intention manifeste du législateur de limiter la portée de la responsabilité aux « usagers » des services de navigation aérienne civile de NAV Canada. L’article 32 de la LCSNAC autorise NAV Canada à imposer des redevances uniquement à un « usager », défini comme l’« [e]xploitant d’un aéronef » au par. 2(1). La partie III de la LCSNAC prévoit des mécanismes précis à cet égard, et il ressort de toutes ses dispositions que c’est à l’usager que les redevances sont imposées. Le paragraphe 36(3) énonce que des préavis de révision des redevances existantes ou de nouvelles redevances doivent être envoyés aux organisations représentant les usagers. Aux termes du par. 37(4), NAV Canada doit informer ces organisations lorsqu’une nouvelle redevance a été approuvée. L’article 44 limite le droit d’interjeter appel relativement aux redevances à « l’usager ou l’organisation ou regroupement représentant ses intérêts ».
52 Les propriétaires en titre, par contre, ne reçoivent pas d’avis concernant la tarification ou le montant des redevances dues à l’égard de leurs aéronefs. En l’espèce, les intimées dans l’affaire Canada 3000 n’ont été informées de l’existence de la créance de 7,4 millions de dollars de NAV Canada que la veille du jour où le transporteur aérien s’est prévalu de la protection de la LACC. Ainsi, la juge Cronk a fait remarquer ce qui suit :
[traduction] [L]e régime de redevances de la LCSNAC ne protège pas les locateurs d’aéronefs et les créanciers garantis contre la possibilité que NAV Canada impose des redevances irrégulières ou arbitraires précisément parce qu’il n’est pas prévu que ces personnes soient assujetties à ces redevances. [par. 101]
53 En résumé, je suis d’avis que le contexte législatif appuie l’idée que les propriétaires en titre soient exclus de la définition de propriétaire à l’art. 55 de la LCSNAC.
(3) Le cadre législatif plus général
54 Comme je l’ai indiqué, au Canada, l’aéronautique est régie par un ensemble complexe de lois, de règlements et de conventions internationales. La LCSNAC et la LCA font partie de ce cadre législatif élargi. Dans R. c. Ulybel Enterprises Ltd., [2001] 2 R.C.S. 867, 2001 CSC 56, la Cour a mis l’accent, au par. 52, sur le « principe d’interprétation qui présume l’harmonie, la cohérence et l’uniformité entre les lois traitant du même sujet ». Voir aussi Bell ExpressVu, par. 27.
55 Dans tout le régime de réglementation fédéral en cause, le mot « propriétaire » renvoie en principe et en pratique à la personne qui a la garde et la responsabilité légales de l’aéronef, non au propriétaire en titre. Le RAC, par exemple, définit le propriétaire comme étant « [d]ans le cas d’un aéronef, la personne qui en a la garde et la responsabilité légales » (par. 101.01(1)). Dans la Loi sur l’aéronautique, il n’est question que des « propriétaires enregistrés », et le par. 4.4(5) énonce que seul l’utilisateur ou le propriétaire enregistré peut être tenu responsable du paiement des redevances imposées en vertu de cette Loi. Au paragraphe 3(1), le propriétaire enregistré est défini comme le titulaire d’une marque d’immatriculation d’aéronef, et il ressort clairement du RAC qu’un aéronef ne peut être immatriculé que par un propriétaire qui, encore une fois, doit avoir la garde et la responsabilité légales de l’aéronef; voir les art. 202.15 à 202.17. Le paragraphe 2(2) de la LCSNAC lui‑même énonce que « [à] moins d’indication contraire du contexte, les termes utilisés dans la présente loi s’entendent au sens du paragraphe 3(1) de la Loi sur l’aéronautique. » Je suis conscient qu’on peut opposer des arguments à chacun de ces points, mais j’estime que la position des propriétaires en titre est plus défendable.
56 Au plan international, la Convention relative à l’aviation civile internationale, 7 décembre 1944, R.T. Can. 1944 no 36 (la « Convention de Chicago »), n’exige pas que le titre de propriété corresponde à l’immatriculation. L’article 19 énonce que l’immatriculation dans un État contractant s’effectue conformément à ses lois. Il est bien établi qu’aux termes des art. 202.15, 202.16 et 202.17 du RAC, un aéronef ne peut être inscrit au Registre des aéronefs civils canadiens que par son « propriétaire », au sens de la définition énoncée au par. 101.01(1) du RAC, et cette personne est l’entité qui en a la garde et la responsabilité légales. Ainsi, un transporteur aérien utilisant un aéronef au Canada en vertu d’un bail à long terme est désigné comme le « propriétaire » de l’aéronef au certificat d’immatriculation, bien que le détenteur réel du titre de propriété soit le locateur; voir D. H. Bunker, Canadian Aviation Finance Legislation (1989), p. 764. On n’a évoqué devant nous aucun motif justifiant de considérer que les lois opérant privatisation s’écarteraient de façon aussi marquée du cadre réglementaire canadien.
(4) L’historique législatif
57 Bien que sa valeur probante soit restreinte, la transcription des débats parlementaires peut servir à déterminer le contexte et l’objet d’un texte législatif; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 35; R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463, p. 484. En l’espèce, elle confirme l’intention évidente du législateur d’exclure la responsabilité personnelle des propriétaires en titre à l’égard des redevances pour la navigation aérienne. L’historique législatif et la LCSNAC elle‑même montrent clairement que le législateur ne voulait pas que cette Loi remplace ou écarte le cadre réglementaire en place mais plutôt qu’elle s’y insère de façon cohérente. Lorsqu’il a présenté la LCSNAC, le ministre des Transports a déclaré que la Loi sur l’aéronautique, qui fournit le cadre réglementaire essentiel pour assurer la sécurité dans l’industrie aéronautique, « aura toujours préséance sur la loi prévoyant la commercialisation » (Débats de la Chambre des communes, 25 mars 1996, p. 1154). La juge Cronk de la Cour d’appel de l’Ontario a signalé d’autres interventions de porte‑parole du gouvernement assurant les députés que la LCSNAC devait s’inscrire dans le cadre réglementaire existant qui retient généralement le sens étroit du mot « propriétaire »; voir p. ex. Débats de la Chambre des communes, 15 mai 1996, p. 2834; 29 mai 1996, p. 3144; 4 juin 1996, p. 3394 et 3410, et Débats du Sénat, vol. 135, 2e sess., 35e lég., 10 juin 1996, p. 588‑589.
58 En 1985, au cours de l’adoption de la Loi sur l’aéronautique, des députés ont craint que la responsabilité imposée par le par. 4.4(5) (la disposition relative à la responsabilité) puisse s’étendre aux propriétaires en titre des aéronefs. C’est pourquoi le gouvernement a ajouté l’expression « propriétaire enregistré ». Le secrétaire parlementaire du ministre des Transports a explicitement précisé que cette modification visait à écarter la possibilité que soit retenue la responsabilité des titulaires d’une sûreté ou d’un autre intérêt financier sur un aéronef; voir Débats de la Chambre des communes, vol. IV, 1re sess., 33e lég., 20 juin 1985, p. 6065‑6066.
59 Le projet de loi C‑20 (devenu la LCSNAC) transférant de Transports Canada à NAV Canada l’exploitation du système de navigation civile a été examiné en 1996. L’analyse article par article du projet de loi présentée au comité sénatorial expliquait que le libellé de l’art. 55 s’inspirait de celui des dispositions analogues prévues par la Loi sur l’aéronautique, lesquelles, comme on l’a indiqué, limitent la notion de « propriétaire » à celle de propriétaire enregistré; voir [traduction] « Analyse article par article de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile », présentée au Comité permanent des transports et des communications du Sénat, p. 51‑52. Toutefois, la formulation différente signalée précédemment n’a pas été expliquée.
(5) Conclusion pour la question relative à l’art. 55
60 Une interprétation téléologique de l’art. 55 tenant compte des considérations qui précèdent m’oblige à rejeter la solution que NAV Canada nous presse de retenir. En outre, il importe de signaler qu’une interprétation restrictive du mot « propriétaire » au par. 55(1) relève du bon sens. On perturberait gravement le fonctionnement de l’industrie du transport aérien si, en raison du défaut de Canada 3000 d’acquitter ses redevances, on permettait à NAV Canada de saisir et de retenir un avion utilisé, par exemple, par Air Canada. Rien ne nous autorise à penser que le législateur voulait que l’échec d’un transporteur aérien se répercute au‑delà de la flotte de ce transporteur.
61 L’application, au par. 55(1) de la LCSNAC, de la méthode contextuelle préconisée par Driedger m’amène donc à conclure, comme le font les Cours d’appel, que les propriétaires en titre d’aéronefs ne sont pas solidairement tenus au paiement des redevances dues à NAV Canada. Ils ne sont pas des « propriétaires » au sens de cette disposition.
B. Le recours en rétention
62 Les propriétaires en titre soutiennent que s’ils ne sont pas directement tenus au paiement des redevances dues aux fournisseurs de services, il serait injuste et illogique de prendre leurs aéronefs en gage pour garantir le paiement. Les propriétaires en titre affirment que les art. 56 de la LCSNAC et 9 de la LCA devraient être interprétés dans le sens du par. 55(1) de la LCSNAC, et que leur droit de reprendre possession des aéronefs sur résiliation du bail devrait avoir préséance sur le recours prévu par la Loi.
63 Le juge Nuss par contre, qui était dissident en Cour d’appel du Québec, soutient le contraire :
[traduction] Il irait à l’encontre de l’objet des dispositions relatives à la rétention édictées par le législateur que le propriétaire en titre puisse obtenir mainlevée de la saisie sans avoir à payer les redevances dues ou à remettre une sûreté. En effet, la dette se compose de redevances encourues par l’utilisateur des aéronefs (qui en est souvent le propriétaire enregistré, comme en l’espèce) et non par leur propriétaire en titre. Ainsi, si l’argument des propriétaires en titre devait prévaloir le propriétaire en titre, qui n’est ni utilisateur ni « propriétaire » au sens des lois, pourrait toujours obtenir mainlevée, et les redevances ne seraient pas acquittées. Inévitablement, le recours prévu par le législateur ne servirait à rien. [par. 126]
Je pense que le juge Nuss a raison sur ce point.
64 Les dispositions pertinentes, qui autorisent les demandes à un juge de la juridiction supérieure de la province où se trouve l’aéronef dont le défaillant est propriétaire ou usager, ont un libellé analogue dans les deux lois.
65 L’article 56 de la LCSNAC prévoit ce qui suit :
56. (1) [Saisie et détention] À défaut de paiement ou en cas de retard de paiement des redevances qu’elle impose pour les services de navigation aérienne, la société peut, en sus de tout autre recours visant leur recouvrement et indépendamment d’une décision judiciaire à cet égard, demander à la juridiction supérieure de la province où se trouve l’aéronef dont le défaillant est propriétaire ou usager de rendre, aux conditions que la juridiction estime indiquées, une ordonnance l’autorisant à saisir et à retenir l’aéronef jusqu’au paiement des redevances ou jusqu’au dépôt d’une sûreté — cautionnement ou autre garantie qu’elle juge satisfaisante — équivalente aux sommes dues.
(2) [Demande sans préavis] Dans les mêmes circonstances, la société peut, si elle est fondée à croire que le défaillant s’apprête à quitter le Canada ou à en retirer un aéronef dont il est propriétaire ou usager, procéder à la même demande ex parte.
(3) [Mainlevée] La société donne mainlevée de la saisie après paiement des sommes dues, contre remise d’une sûreté — cautionnement ou autre garantie qu’elle juge satisfaisante — équivalente aux sommes dues ou si la juridiction lui ordonne de le faire.
66 L’article 9 de la LCA, sur lequel sont fondés les recours en saisie et rétention des administrations aéroportuaires, comporte des dispositions similaires.
9. (1) [Saisie] À défaut de paiement des frais fixés par elle — frais généraux d’aérogare ou d’atterrissage ou toute redevance se rapportant à l’utilisation d’un aéroport, ainsi que les intérêts y afférents — , l’administration aéroportuaire désignée peut, en sus de tout autre recours visant leur recouvrement et indépendamment d’une décision judiciaire à cet égard, demander à la juridiction supérieure de la province où se trouve l’aéronef dont le défaillant est propriétaire ou utilisateur de rendre une ordonnance l’autorisant à saisir et à retenir l’aéronef, aux conditions que la juridiction estime nécessaires.
(2) [Demande sans préavis] Dans les mêmes circonstances, l’administration aéroportuaire désignée peut, si elle est en outre fondée à croire que le défaillant s’apprête à quitter le Canada ou à en retirer un aéronef dont il est propriétaire ou utilisateur, procéder à la même demande ex parte.
(3) [Mainlevée] Sauf ordonnance contraire de la juridiction, l’administration aéroportuaire désignée n’est pas tenue de donner mainlevée de la saisie tant que les sommes dues n’ont pas été acquittées.
(4) [Sûretés] L’administration aéroportuaire désignée donne cependant mainlevée contre remise d’une sûreté — cautionnement ou autre garantie qu’elle juge satisfaisante — équivalente aux sommes dues.
(5) [Terminologie] Les termes du présent article et de l’article 10 s’entendent au sens de la Loi sur l’aéronautique.
67 Selon ces dispositions, les administrations aéroportuaires ou NAV Canada peuvent (après obtention d’une ordonnance) prendre possession d’un aéronef et le retenir. Le défaillant doit être le « propriétaire » ou l’« utilisateur » de l’aéronef; l’une ou l’autre qualité suffit pour fonder le recours.
68 La différence fondamentale entre les dispositions relatives à la solidarité à l’art. 55 de la LCSNAC et le recours en rétention prévu à l’art. 56 de la même Loi et à l’art. 9 de la LCA tient à ce que le recours à la saisie et à la rétention s’exerce sur l’aéronef. Alors que l’art. 55 indique un groupe de personnes tenues légalement responsables du paiement des redevances dues, le recours en rétention vise un autre objet. Il donne droit à la prise de possession de l’aéronef jusqu’au paiement de la dette ou au dépôt d’une sûreté.
69 Les propriétaires en titre soutiennent que le droit à la reprise de possession qui leur est conféré par leurs baux respectifs a préséance sur le droit de NAV Canada et des administrations aéroportuaires de retenir les aéronefs. Ils comparent le recours en saisie et en rétention à l’injonction Mareva qui a pour effet d’immobiliser les biens pendant que les parties dénouent l’écheveau de leurs droits respectifs; voir Aetna Financial Services Ltd. c. Feigelman, [1985] 1 R.C.S. 2. J’estime toutefois qu’il est inutile de recourir à des analogies, et encore moins à des analogies vagues (p. ex. l’injonction Mareva est un recours interlocutoire, alors que le recours en rétention est exercé indépendamment d’une décision judiciaire. De plus, l’injonction Mareva vise des personnes (Aetna Financial Services, p. 25‑26) alors que le recours en saisie et en rétention vise l’aéronef lui‑même).
70 Le RAC pris aux termes de la Loi sur l’aéronautique prévoit qu’un « utilisateur », dans le cas d’un aéronef, est « la personne qui a la possession de l’aéronef, notamment à titre de propriétaire ou de locataire » (par. 101.01(1)). Aux dates des demandes de saisie et des ordonnances de rétention, Canada 3000 et Inter‑Canadien étaient encore les propriétaires enregistrés des aéronefs. Par conséquent, si la Cour doit examiner les termes prévoyant le recours en rétention dans le contexte de cette industrie, tel qu’exposé précédemment, il me semble que ces recours doivent pouvoir être exercés à l’égard des aéronefs de Canada 3000 (exception faite des aéronefs dont le propriétaire en titre avait déjà repris possession avant le 8 novembre 2001, date de la demande fondée sur la LACC) et de ceux d’Inter‑Canadien. (Dès qu’un propriétaire en titre reprend possession d’un aéronef, il devient un usager qui en a la possession au sens du par. 55(1) de la LCSNAC. Cependant, comme sa possession est postérieure à l’imposition des redevances, il n’est pas tenu personnellement au paiement de ces redevances.)
71 Il est difficile d’accepter que les propriétaires en titre s’indignent que leurs aéronefs soient retenus jusqu’à l’acquittement des créances des fournisseurs de services. Il s’agit d’entreprises bien informées et bien au fait de l’industrie dans laquelle elles ont choisi d’investir. Les recours en rétention ne portent pas atteinte à leur titre de propriété. Les investisseurs ayant fait preuve de diligence raisonnable n’ignoreront pas que les recours en rétention s’exercent depuis longtemps dans l’industrie du transport. Dans l’arrêt The Emilie Millon, [1905] 2 K.B. 817 (« Mersey Docks »), par exemple, la Cour d’appel anglaise a examiné une loi permettant au Mersey Docks and Harbour Board de retenir un navire jusqu’au paiement des droits de port et de tonnage, bien que le débiteur de ces frais ne fût pas le propriétaire du navire. La décision rendue dans cette affaire rend compte de la portée traditionnelle des recours de ce genre (p. 821) :
[traduction] Le Mersey Docks and Harbour Board est légalement autorisé à retenir le navire jusqu’à l’acquittement des droits de port et de tonnage. Il s’agit d’un droit expressément conféré par la loi, et le Board n’a rien à voir avec la vente du navire, qui ne concerne que ceux qui détiennent un intérêt sur ce navire. Le Board est étranger à cette mesure. Il a le droit de retenir le navire, quel qu’en soit le propriétaire, jusqu’à ce que les droits soient payés. L’ordonnance portée en appel le prive de ce droit et, sans qu’il y ait consenti, elle lui donne la possibilité de tenter de revendiquer un quelconque privilège ou droit lui permettant d’être payé par préférence aux autres sur le produit consigné de la vente. Le Board ne possède pas de tel privilège ou droit. Si le navire avait été autorisé à quitter le port, il ne serait plus resté au Board qu’à présenter au tribunal une réclamation futile sur le produit consigné de la vente. [Je souligne.]
Une disposition de ce genre n’est pas inhabituelle dans le commerce du transport aérien, voir p. ex. les décisions rendues en application d’une loi du Royaume‑Uni formulée différemment telles Channel Airways Ltd. c. Manchester Corp., [1974] 1 Lloyd’s Rep. 456 (Q.B.), p. 461, dans laquelle la Cour a déclaré que la Manchester Corporation Act [traduction] « dit ce qu’elle veut dire » et a statué que la ville pouvait retenir un aéronef jusqu’au paiement des redevances imposées à son égard. Les propriétaires en titre sont aux prises avec ce problème de l’autre côté de l’Atlantique. Là‑bas, c’est un risque qu’ils gèrent. Ils n’ont pas indiqué pourquoi ils ne peuvent le gérer ici.
72 Les propriétaires en titre peuvent mieux se protéger contre les pertes de ce genre que les administrations aéroportuaires ou NAV Canada. Ils sont en mesure de choisir les transporteurs aériens avec lesquels ils sont disposés à traiter et d’inclure des garanties acceptables dans les baux qu’ils négocient avec les transporteurs aériens. Dans le cas des aéronefs en cause dans ces appels, bon nombre des baux, sinon la totalité, prévoyaient des dépôts de garantie substantiels. Par exemple, le montant total du dépôt fourni par Canada 3000 pour protéger ILFC contre le non‑paiement des redevances aéroportuaires s’élevait à environ 15 305 500 dollars. Il n’est pas nécessaire de dresser l’inventaire de toutes les formules de garantie possibles, mais ces dépôts démontrent que les propriétaires en titre peuvent négocier des mesures de protection avec les transporteurs aériens lorsque ceux‑ci sont solvables afin de couvrir les montants des redevances en souffrance que le transporteur aérien peut éventuellement être requis de payer aux fournisseurs de services prévus par la loi.
73 Je suis d’accord avec la juge Cronk qui expose (au par. 133) les nombreuses restrictions applicables au recours en rétention prévu par la loi : (i) ce recours n’est pas automatique et doit être autorisé par la cour; (ii) il est discrétionnaire et le tribunal peut l’assujettir aux conditions qu’il estime nécessaires, (iii) aux termes des par. 9(3) de la LCA et 56(3) de la LCSNAC, le tribunal peut aussi limiter la durée de la saisie en ordonnant à l’administration en cause de donner mainlevée avant le paiement de la somme pour laquelle l’aéronef avait été saisi; (iv) en tout état de cause, une administration qui obtient une ordonnance autorisant la rétention est tenue de donner mainlevée sur paiement des sommes ou des redevances dues pour lesquelles la saisie a été pratiquée, ou contre remise d’une garantie satisfaisante (par. 9(3) et (4) de la LCA et 56(1) et (3) de la LCSNAC), et (v) une ordonnance de saisie ne peut être accordée si l’aéronef en cause est insaisissable en vertu du droit provincial (par. 10(1) de la LCA et 57(1) de la LCSNAC) ou, dans le cas de la LCA, si un règlement du gouverneur en conseil exempte l’aéronef de la saisie ou de la rétention (par. 10(2)).
74 Le juge Juriansz, dissident en partie, avait toutefois raison de conclure qu’il [traduction] « ressort clairement du libellé des dispositions relatives à la saisie et à la rétention qu’un aéronef peut être saisi et retenu sans égard aux droits de propriété des personnes qui ne sont ni propriétaires enregistrés ni utilisateurs de l’aéronef au sens des lois en cause. Tant que le débiteur des redevances en souffrance est propriétaire ou utilisateur de l’aéronef, une demande de saisie et de rétention de l’aéronef peut être présentée. Le fait que d’autres personnes, qui ne sont pas tenues de payer les redevances en souffrance, puissent avoir un droit de propriété sur l’aéronef n’entre pas en ligne de compte » (par. 239).
75 J’aborde maintenant un certain nombre d’arguments soulevés de part et d’autre qui, à mon avis, compliquent inutilement un simple exercice d’interprétation des lois.
(1) L’existence d’un privilège
76 Les parties au litige ontarien ont beaucoup débattu la question de savoir si le recours en rétention créait un privilège. Cependant, comme la Cour d’appel anglaise l’a indiqué dans Mersey Docks, l’administration portuaire n’avait pas à [traduction] « revendiquer un quelconque privilège » (p. 821). Une telle revendication n’est pas nécessaire non plus en l’espèce. Comme dans l’affaire Mersey Docks, l’origine du recours en l’espèce est exclusivement législative. Bien que la question de savoir si un privilège a pu naître par l’effet de la loi puisse revêtir un intérêt théorique, elle n’a aucune incidence concrète sur l’issue des présents pourvois.
(2) L’effet des procédures de faillite
77 Les procédures de faillite tant au Québec qu’en Ontario ont engendré des complications procédurales. Pour les besoins de la présente espèce, il suffit de remarquer qu’au Québec, les recours en rétention ont été entamés bien avant la cession de faillite. En Ontario, les recours en rétention ont été entamés au cours de la période de suspension ordonnée en application de la LACC, et Canada 3000 est restée propriétaire enregistré des aéronefs en question. Dans ces deux cas, les aéronefs n’ont jamais fait partie de l’avoir de la faillie (parce que le titre de propriété appartenait aux propriétaires en titre). Néanmoins, les aéronefs pouvaient légitimement être visés par le recours en rétention puisqu’ils se trouvaient encore sur le tarmac d’un aéroport au Canada et que les transporteurs aériens en étaient encore « propriétaires ou usagers » (au sens des lois en cause) aux dates pertinentes.
(3) Le recours au Code civil du Québec
78 Le juge Tremblay de la Cour supérieure du Québec a statué que les dispositions relatives à la saisie et à la rétention créent un droit analogue à celui que prévoient les art. 1592 et 1593 du Code civil du Québec. À mon avis cependant, il n’est pas nécessaire de recourir au droit provincial ou, plus spécifiquement, au Code civil, et il est inopportun d’y recourir en l’espèce. L’article 56 de la LCSNAC et l’art. 9 de la LCA énoncent expressément que ce recours s’exerce « en sus de tout autre recours », ce qui comprend les recours prévus par le droit provincial.
79 La Loi sur l’aéronautique, la LCA et la LCSNAC sont des lois fédérales qui établissent un régime unifié en matière d’aéronautique. Le législateur a voulu constituer un code exhaustif qui soit applicable dans tout le pays de façon uniforme d’une province à l’autre. Cette uniformité est d’autant plus essentielle que l’extrême mobilité des aéronefs leur permet de passer facilement d’un territoire à l’autre.
80 NAV Canada a également invoqué les art. 8.1 et 8.2 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, au soutien de l’argument selon lequel l’art. 56 de la LCSNAC crée un droit de rétention civiliste. Toutefois, aucun de ces articles ne s’applique en l’espèce. L’article 8.1 prévoit ce qui suit :
. . . s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut [. . .] avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.
S’il est nécessaire d’avoir recours au droit provincial, c’est le droit de la province où la disposition est appliquée qui doit servir : Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461, 2004 CSC 68. En l’espèce, il n’est pas nécessaire, pour les motifs déjà exposés, de recourir au droit provincial.
81 L’article 8.2 de la Loi d’interprétation énonce notamment :
. . . est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la province d’application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un sens différent dans l’un et l’autre de ces systèmes.
82 Nous ne sommes pas en présence de termes contradictoires en l’espèce. Les termes employés relativement au recours en rétention sont tout à fait propres à exprimer clairement l’intention du législateur dans les deux langues et dans les deux systèmes de droit. Bref, il n’était ni nécessaire ni indiqué de recourir au Code civil.
(4) L’existence d’un pouvoir de faire vendre
83 Les appelantes soutiennent que la saisie et la rétention emportent (en leur faveur) un pouvoir de faire vendre. Ni la LCSNAC ni la LCA ne prévoient un tel pouvoir. Il ne découle pas non plus nécessairement de la création du pouvoir de saisir et retenir. Tout ce que les administrations peuvent revendiquer sous le régime du droit aéronautique fédéral, c’est la possession des aéronefs jusqu’à l’acquittement de leurs redevances.
(5) La présomption de non‑atteinte aux droits privés
84 Le juge des requêtes saisi de l’affaire ontarienne a appliqué une démarche restrictive au recours en rétention parce que ce recours empiète sur ce qui serait autrement des droits de propriété des propriétaires en titre. Il a cité l’arrêt Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411, dans lequel la Cour a statué qu’en raison de l’absence de texte clair et sans équivoque, les dispositions en cause n’imposaient pas un privilège. Toutefois, le recours à des présomptions comme le principe de « l’interprétation stricte » ne se justifie que si une disposition est ambiguë (au sens où, à l’issue d’un examen exhaustif du contexte, le libellé peut donner lieu à diverses interprétations également compatibles avec l’intention du législateur). Ce n’est pas le principe de « l’interprétation stricte » qui s’applique mais l’art. 12 de la Loi d’interprétation qui énonce que tout texte « est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet »; voir Bell ExpressVu, par. 28 :
D’autres principes d'interprétation — telles l’interprétation stricte des lois pénales et la présomption de respect des « valeurs de la Charte » — ne s’appliquent que si le sens d’une disposition est ambigu. (Voir, relativement à l’interprétation stricte : Marcotte c. Sous‑procureur général du Canada, [1976] 1 R.C.S. 108, p. 115, le juge Dickson (plus tard Juge en chef du Canada); R. c. Goulis (1981), 33 O.R. (2d) 55 (C.A.), p. 59‑60; R. c. Hasselwander, [1993] 2 R.C.S. 398, p. 413, et R. c. Russell, [2001] 2 R.C.S. 804, 2001 CSC 53, par. 46. . .)
Selon moi, les dispositions créant le recours en rétention ne sont aucunement ambiguës, et il n’y a donc pas lieu de recourir à « l’interprétation stricte ».
(6) Fractionnement de la dette aéronef par aéronef
85 Selon les propriétaires en titre, il serait extrêmement injuste qu’un aéronef puisse, quelle que soit la date, même récente, de sa location, être retenu comme gage du paiement de la totalité des redevances dues par le transporteur aérien qui l’a utilisé. Ils prétendent que si les propriétaires en titre doivent acquitter des redevances pour recouvrer un appareil (ce qu’ils contestent), ils ne devraient avoir à payer que les redevances imposées à l’égard de l’appareil pour lequel mainlevée est demandée, et non celles qui se rapportent à la flotte entière du transporteur en défaut.
86 Les textes de loi prévoient toutefois qu’un aéronef utilisé par le débiteur des redevances impayées peut être saisi et, en l’absence de nouvelle ordonnance judiciaire, peut être retenu jusqu’au paiement du montant total dû par cet utilisateur. C’est ce qu’indiquent clairement les dispositions relatives à la mainlevée aux par. 9(3) de la LCA et 56(3) de la LCSNAC. Les administrations ne sont pas tenues de donner mainlevée de la saisie des aéronefs « tant que les sommes dues n’ont pas été acquittées ». Puisque les par. 9(1) et 56(1) ne font pas de distinction en fonction des redevances accumulées à l’égard de chaque aéronef d’un propriétaire enregistré ou utilisateur défaillant, il semble clair que la dette à l’égard de laquelle la saisie a été pratiquée est le montant total d— par ce propriétaire ou utilisateur.
(7) Exclusion des moteurs
87 Deux des intimées, RRPF Engine Leasing Ltd. et Flight Logistics Inc. (les « locateurs de moteurs »), ont donné à bail à Canada 3000 les moteurs installés dans deux des aéronefs saisis, lesquels étaient en bon état de vol au moment de la saisie. Elles prétendent avoir droit de reprendre possession de leurs moteurs parce que la saisie d’aéronefs diffère de la saisie de moteurs. S’appuyant sur les motifs du juge Laskin (plus tard Juge en chef) dans Firestone Tire & Rubber Co. of Canada c. Industrial Acceptance Corp., [1971] R.C.S. 357, elles font valoir que la doctrine de l’accession ne s’applique pas à un objet amovible et identifiable comme un moteur.
88 Selon moi, pour les besoins de la présente espèce, les moteurs sont des composantes des aéronefs. Les moteurs et les pièces d’équipement comme les ordinateurs de bord entrent dans la définition de « produits aéronautiques » énoncée dans la Loi sur l’aéronautique (par. 3(1)). Si les moteurs pouvaient être enlevés, les tiers locateurs pourraient aussi enlever « les hélices et appareillages d’aéronefs, ainsi que leurs pièces ou autres éléments constitutifs, y compris les matériels et logiciels informatiques »; voir Loi sur l’aéronautique, par. 3(1).
89 Firestone Tire n’est d’aucun secours en l’espèce. Cette affaire portait sur la reprise d’un camion aux termes d’un contrat de vente conditionnelle. Le vendeur en possession du véhicule opposait son droit de conserver les pneus installés sur le camion à la réclamation du vendeur conditionnel de ces pneus. Le juge Laskin a estimé injustifiable l’avantage inattendu dont aurait joui un créancier en prenant possession de choses appartenant à un autre créancier impayé sans avoir « donné [. . .] aucune contrepartie » (p. 359). En l’espèce, aucun intérêt bénéficiaire n’est en cause. Les moteurs sont fixés aux aéronefs à l’égard desquels des redevances ont été imposées et qui sont visés par la rétention. Les dispositions législatives n’envisagent pas le démontage des appareils sur le tarmac (et, par conséquent, le morcellement de leur valeur en tant que garantie).
(8) L’effet de la sous‑location à bail
90 Les intimées Ansett Worldwide Aviation, U.S.A. et MSA V ont loué trois aéronefs à Canada 3000, et elles avaient elles‑mêmes loué deux de ces appareils d’autres personnes aux termes de baux principaux. Elles ne sont pas en meilleure position, à titre de sous‑locateurs, que les propriétaires en titre, et les aéronefs sur lesquels elles détiennent un intérêt à bail étaient visés par la saisie.
C. L’importance du rôle du juge des requêtes
91 Le recours en rétention ne crée pas de droits sauf si une ordonnance autorise la saisie et la rétention d’un aéronef, et à compter de cette ordonnance. Les dispositions législatives en cause prévoient plutôt un recours potentiel, soumis au pouvoir discrétionnaire du tribunal et subordonné aux conditions que le tribunal estime nécessaires, comme l’a signalé la juge Cronk au par. 134.
92 Le juge des requêtes peut examiner bon nombre des possibles effets injustes du recours en rétention qu’ont évoqués les propriétaires en titre. Le paragraphe 56(3) de la LCSNAC énonce que NAV Canada doit donner mainlevée de la saisie « si la juridiction lui ordonne de le faire ». De la même façon, le par. 9(3) de la LCA prévoit qu’une administration aéroportuaire n’est pas tenue de donner mainlevée de la saisie tant que les sommes dues n’ont pas été acquittées, « [s]auf ordonnance contraire de la juridiction ». Le législateur a donné au juge des requêtes la latitude nécessaire pour élaborer des solutions justes et raisonnables pour toutes les parties en cause, dans la mesure où elles sont compatibles avec la réalisation de l’objet et de l’esprit du recours (assurer le paiement des redevances dues). Il serait loisible au juge qui entend une demande de saisie et de rétention de procéder à une répartition entre propriétaires en titre qui tienne compte de facteurs comme le nombre d’aéronefs saisis, le montant des redevances afférentes à un appareil en particulier ou la courte période pendant laquelle un appareil a fait partie de la flotte du transporteur défaillant. Le juge n’a pas à retenir chaque aéronef en gage du paiement de la totalité des redevances dues pourvu que l’administration soit entièrement payée. Ainsi, une mesure qu’on pourrait autrement dépeindre comme draconienne peut devenir une réponse juste et mesurée à l’effondrement du transporteur aérien.
D. Les intérêts
93 La LCA autorise expressément les administrations aéroportuaires à exiger des intérêts sur les sommes en souffrance. Le paragraphe 9(1) définit la créance fondant la saisie comme les « frais généraux d’aérogare ou d’atterrissage ou toute redevance se rapportant à l’utilisation d’un aéroport, ainsi que les intérêts y afférents ». Bien que les intérêts ne soient pas explicitement mentionnés dans la LCSNAC, les art. 32 à 35 accordent à NAV Canada un pouvoir étendu de fixer et d’imposer des redevances. Suivant une procédure établie en application de l’al. 35(1)a) en vue de l’approbation, par le ministre des Transports, des redevances imposées par NAV Canada, le Ministre a approuvé un règlement imposant des intérêts. Les transporteurs aériens (mais non les propriétaires en titre) ont reçu avis du règlement, lequel n’a fait l’objet d’aucune demande de contrôle judiciaire.
94 En matière commerciale, la valeur temporelle de l’argent est universellement reconnue; voir Banque d’Amérique du Canada c. Société de Fiducie Mutuelle, [2002] 2 R.C.S. 601, 2002 CSC 43. Rien ne justifie d’écarter ce principe dans le cas des services aéronautiques privatisés, et il n’est pas surprenant que NAV Canada ait été autorisée à inclure dans sa tarification l’intérêt sur les redevances en souffrance.
95 Il s’agit donc alors de se demander pendant combien de temps les intérêts peuvent courir. Les administrations aéroportuaires et NAV Canada peuvent demeurer en possession des aéronefs tant que les redevances ou les sommes à l’égard desquelles la saisie a été pratiquée n’ont pas été acquittées. Il me semble que cette créance doit être envisagée dans son contexte et doit inclure la valeur temporelle de l’argent.
96 Vu l’existence du pouvoir d’exiger des intérêts, je suis d’avis que les intérêts courent jusqu’à la date du paiement des redevances, de la remise d’une sûreté ou de la faillite, selon celui de ces événements qui survient en premier. Si les intérêts cessaient de courir avant le paiement de la créance, les administrations aéroportuaires et NAV Canada ne recouvreraient pas le montant total réel qui leur est dû. La remise d’une sûreté par le propriétaire, l’utilisateur ou le propriétaire en titre met fin à l’accumulation des intérêts. Le propriétaire en titre supporte alors le coût de la sûreté et perd la valeur temporelle de l’argent ainsi engagé. Il ne devrait pas avoir à payer deux fois. Alors que le fait de se prévaloir de la LACC ne met pas fin à l’accumulation de l’intérêt, les redevances impayées restent une créance non garantie prouvable à l’égard du transporteur aérien failli. La réclamation n’accumule pas d’intérêts après la faillite : art. 121 et 122 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
97 Les pourvois québécois soulèvent une question particulière concernant l’avis des frais d’intérêt qui doit être donné. Cette question sera examinée par le juge des requêtes lorsque ces affaires lui seront renvoyées pour qu’il en poursuive l’examen et qu’il rende une décision.
V. Décision*
98 Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir en partie les pourvois et les pourvois incidents ainsi qu’il suit :
1. les pourvois de NAV Canada visant à faire reconnaître la responsabilité personnelle des intimées sont rejetés;
2. les pourvois formés par NAV Canada et les administrations aéroportuaires contre le rejet de leurs demandes de saisie et de rétention sont accueillis et ces demandes sont renvoyées aux juges des requêtes respectifs pour qu’ils les tranchent conformément aux présents motifs;
3. les ordonnances enjoignant NAV Canada et les administrations aéroportuaires de défrayer les intimées des coûts afférents à la rétention des aéronefs sont annulées;
4. les pourvois formés par NAV Canada et la GTAA contre la décision portant que les locateurs de moteurs ont le droit de reprendre possession des moteurs loués sont accueillis;
5. les intérêts sur les sommes en souffrance courent jusqu’à la date du paiement des redevances, de la remise d’une sûreté ou de la faillite, selon celui de ces événements qui survient en premier.
Pour le reste, les pourvois et pourvois incidents seront rejetés. Aéroports de Montréal, St. John’s International Airport Authority Inc. et Charlottetown Airport Authority Inc. ont droit à leurs dépens dans les pourvois québécois. Toutes les autres parties supporteront leurs propres dépens.
Pourvois et pourvois incidents accueillis en partie.
Procureurs de NAV Canada (30214) : Gowling Lafleur Henderson, Toronto.
Procureurs de Greater Toronto Airports Authority (30214) : Osler Hoskin & Harcourt, Toronto.
Procureurs de Winnipeg Airports Authority Inc., Halifax International Airport Authority, Edmonton Regional Airports Authority, Calgary Airport Authority, Aéroports de Montréal, Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority, Vancouver International Airport Authority et St. John’s International Airport Authority (30214) : Ogilvy Renault, Toronto.
Procureurs d’International Lease Finance Corporation, Hyr Här I Sverige Kommanditbolag, IAI X, Inc., Triton Aviation International LLC, Sierra Leasing Limited, ACG Acquisition XXV LLC, ILFC International Lease Finance Canada Ltd. et U.S. Airways Inc. (30214) : Torys, Toronto.
Procureurs de G.E. Capital Aviation Services Inc., en qualité de mandataire et gestionnaire de Polaris Holding Company et AFT Trust‑Sub I, Pegasus Aviation Inc., et PALS I, Inc. (30214) : Cassels Brock & Blackwell, Toronto.
Procureurs d’Ansett Worldwide Aviation, U.S.A., et MSA V (30214) : Fraser Milner Casgrain, Toronto.
Procureurs de RRPF Engine Leasing Limited (30214) : Heenan Blaikie, Toronto.
Procureurs de Flight Logistics Inc. (30214) : Morrison Brown Sosnovitch, Toronto.
Procureurs de C.I.T. Leasing Corporation et NBB‑Royal Lease Partnership One (30214) : Blake Cassels & Graydon, Toronto.
Procureurs de GATX/CL Air Leasing Cooperative Association (30214) : Borden Ladner Gervais, Toronto.
Procureurs de NAV Canada (30729, 30730, 30731, 30732) : Lapointe Rosenstein, Montréal.
Procureurs d’Ottawa Macdonald‑Cartier International Airport Authority, St‑John’s International Airport Authority et Charlottetown Airport Authority Inc. (30731, 30732, 30742, 30749, 30750, 30751) : Ogilvy Renault, Montréal.
Procureurs d’Aéroports de Montréal (30731, 30732, 30738, 30740, 30742) : Langlois Kronström Desjardins, Montréal.
Procureurs de Greater Toronto Airports Authority (30731, 30732, 30742, 30743, 30745) : Osler Hoskin & Harcourt, Montréal.
Procureurs de Wilmington Trust Company, Wilmington Trust Corporation, Renaissance Leasing Corporation, Heather Leasing Corporation, G.I.E. Avions de transport régional et ATR Marketing Inc. (30729, 30730, 30731, 30732, 30738, 30740, 30742, 30743, 30745, 30749, 30750) : Brouillette Charpentier Fortin, Montréal.
Procureurs de Newcourt Credit Group (Alberta) Inc., Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie et CCG Trust Corporation (30740, 30742, 30745, 30750, 30751) : Desjardins Ducharme Stein Monast, Montréal.
Procureurs de Banque Canadienne Impériale de Commerce (30214) : Blake Cassels & Graydon, Toronto.
Procureurs d’Inter‑Canadien (1991) Inc. et Ernst & Young Inc., en qualité de syndic à la faillite d’Inter‑Canadien (1991) Inc. (30730, 30731, 30732, 30738, 30740, 30742, 30743, 30745, 30749, 30750, 30751) : Kugler Kandestin, Montréal.
Procureurs de Greater London International Airport Authority et Saint John Airport Inc. (30742) : Ogilvy Renault, Montréal.
Procureurs de Lignes aériennes Canadien régional Ltée et Canadian Regional (1998) Ltd. (30742) : Fraser Milner Casgrain, Montréal.
* Les modifications qui ont été apportées au par. 98 le 16 août 2006 sont incorporées dans les présents motifs.