La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2019 | FRANCE | N°18MA05566

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 18MA05566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2011 par lequel le maire de Hyères a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réfection de la toiture d'une bergerie, sur un terrain situé 970, avenue Font des Horts, sur le territoire communal, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 7 décembre 2011.

Par un jugement n° 1200960 du 15 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA04914 du 6 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2011 par lequel le maire de Hyères a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réfection de la toiture d'une bergerie, sur un terrain situé 970, avenue Font des Horts, sur le territoire communal, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 7 décembre 2011.

Par un jugement n° 1200960 du 15 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA04914 du 6 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête.

Par une décision du 28 décembre 2018 le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. D... a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 janvier 2017 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2014 sous le n° 14MA04914, et des mémoires complémentaires enregistrés le 19 mai 2015, le 3 juin 2015 et le 8 décembre 2016, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué.

2°) d'enjoindre au maire d'Hyères de lui accorder le permis de construire sollicité, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères une somme de 5 000 euros, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, le principe du contradictoire ayant été méconnu ;

- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant procédé à une substitution de motifs sans en informer les parties ;

- le tribunal aurait dû demander la production de l'entier dossier de demande de permis de construire ; à défaut le jugement est irrégulier ;

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation alors qu'il n'était pas établi que cette insuffisance avait induit en erreur le service instructeur sur la conformité du projet à la réglementation ;

- à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme par le juge administratif, le refus du permis de construire ne pouvait qu'être annulé, sauf à procéder à une substitution de base légale et à examiner la légalité du refus en litige au regard des dispositions du plan d'occupation des sols antérieur, remis en vigueur ;

- les dispositions pertinentes du plan d'occupation des sols (POS), à savoir l'article 1 NA 1 sont elles-mêmes entachées d'erreur de droit ;

- en tout état de cause ces dispositions du POS sont devenues illégales, le parti d'aménagement retenu n'ayant pas été concrétisé ;

- le classement de la parcelle appartenant à M. D... en zone " N " est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, le maire ne pouvait se fonder sur le fait qu'il s'agirait d'un bâtiment nouveau alors que la bergerie existait et qu'elle était partiellement affectée à l'habitation ;

- les dispositions de l'article L. 111-3 alinéa 2 du code de l'urbanisme qui permettent d'autoriser la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs compte tenu de son intérêt architectural ou patrimonial auraient dû être mises en oeuvre.

Par un mémoire enregistré le 17 février 2015, la commune d'Hyères-les-Palmiers demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par deux mémoires après renvoi enregistrés le 19 janvier 2019 et le 13 février 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le refus de permis de construire du 7 octobre 2011, ensemble, la décision de rejet implicite de son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à la commune d'Hyères de lui délivrer l'autorisation sollicitée, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le projet qui vise à améliorer le confort et la solidité du bâtiment qui sera affecté à l'habitation pouvait légalement être autorisé sur le fondement des articles NA 1 et NA 2 du règlement du POS remis en vigueur ;

- il est par ailleurs conforme aux autres dispositions du POS de 1999, c'est-à-dire aux articles NA3 à NA 12 du POS ;

- le refus d'autorisation ne peut légalement se fonder sur la méconnaissance de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme qui vise seulement les constructions nouvelles et non la réhabilitation des constructions existantes ; en tout état de cause le projet se situe dans une partie urbanisée de la commune.

Par un mémoire enregistré après renvoi le 8 février 2019, la commune d'Hyères demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge du requérant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- le projet qui ne vise pas à améliorer le confort et la solidité d'un bâtiment à usage d'habitation existant, mais prévoit la reconstruction à l'identique d'un bâtiment à l'état de ruine ne pouvait légalement être autorisé au regard des dispositions du POS ;

- elle demande une substitution de motifs, en soutenant que le projet méconnait l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gougot,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me C... de la SCP d'avocats CGCB et associés, représentant la commune d'Hyères.

Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 6 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire d'Hyères a, par arrêté du 7 octobre 2010, refusé d'accorder à M. D... un permis de construire pour la réhabilitation d'une ancienne bergerie à des fins d'habitation, sur des parcelles cadastrées section DY n° 10 à 14 situées 970 avenue de la Font des Horts, sur le territoire communal. M. D... interjette appel du jugement du 15 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Par arrêt n° 14MA04914 du 28 décembre 2018, la Cour a rejeté la requête tendant à l'annulation de cet arrêté. Et par décision du 28 décembre 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, " ... La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il ressort du dossier de première instance que le tribunal ne s'est pas fondé sur des éléments nouveaux qui auraient figuré dans le mémoire en réplique présenté pour la commune de Hyères et enregistré au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2014. Par suite, la circonstance que ce mémoire n'a pas été communiqué à M. D... n'entache pas la procédure suivie devant la tribunal d'une méconnaissance du principe du contradictoire, quand bien même le tribunal a analysé ce mémoire dans le jugement.

3. En deuxième lieu, l'arrêté en litige se fonde notamment sur le fait qu'" existe une incohérence entre l'imprimé de la demande de permis de construire cadre 5 2, où est stipulée la reconstruction de la toiture à l'identique, et les plans fournis qui précisent une réhabilitation et reconstruction à l'identique de la bergerie ". Le requérant lui-même, dans sa demande introductive devant le tribunal, a contesté " un tel motif de refus " en soutenant que la " prétendue incohérence n'est pas de nature à rendre le projet [...] non conforme à la réglementation d'urbanisme en vigueur et n'a en aucun cas induit en erreur le service instructeur quant à la réalité des travaux envisagés ". Par suite, en estimant que l'incohérence relevée dans l'arrêté contesté constituait un des motifs du refus opposé par le maire à la demande présentée par le requérant, les premiers juges n'ont pas procédé d'office à une substitution de motifs irrégulière, à défaut d'information préalable des parties prévue par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, dans sa version alors en vigueur : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige... ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur. En l'espèce devant les premiers juges, le requérant se bornait à alléguer une " prétendue incohérence " pour contester le motif du refus tiré de l'existence d'une incohérence entre l'imprimé et la demande de permis de construire, l'un faisant état d'une reconstruction d'une toiture à l'identique, et l'autre d'une réhabilitation et reconstruction à l'identique d'une bergerie. Ce faisant, il ne saurait être regardé comme ayant développé des allégations sérieuses à l'encontre du motif de refus en cause. Par suite, les premiers juges ont pu, sans mettre en oeuvre leur pouvoir d'instruction et sans entacher d'irrégularité le jugement sur ce point, estimer, au vu des éléments versés au dossier par les parties, être suffisamment éclairés pour statuer sur le bien-fondé de ce motif.

5. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " La demande de permis de construire précise : [...] d) La nature des travaux... ". En l'espèce, le formulaire CERFA de la demande d'autorisation mentionne au point 5.2 " nature du projet " que la propriété comprend une maison principale et une bergerie et qu'il s'agit de reconstruire la toiture à l'identique, récemment effondrée. La circonstance que le document PC 4 B mentionne " en résumé réhabilitation d'une bergerie existante - reconstruction à l'identique " n'était pas constitutive d'une incohérence alors qu'il ne s'agit que d'un résumé et que le même document PC 4 B précise un peu plus loin que sur le " bâtiment existant [...] les murs porteurs n'ont pas subi d'effondrement (cf. photographies actuelles / toiture en place il y a moins de dix ans (cf. photo avec toiture) ". En outre la notice descriptive du projet précise que la toiture de la bergerie s'étant effondrée récemment, le projet consiste en la mise en place d'une nouvelle toiture et dans le confortement de la structure existante par des tirants formant chaînage, que les façades ne sont pas modifiées, et les pierres laissées apparentes, que les ouvertures restent inchangées, que des huisseries en bois de teinte gris clair retrouvent leur place dans les ouvertures non modifiées équipées de volets pour la mise hors d'eau du bâtiment qui conserve son emprise. C'est donc à tort que pour refuser le permis de construire attaqué, le maire d'Hyères s'est fondé sur le fait qu'il existerait une incohérence entre l'imprimé de la demande de permis cadre 5-2 et les plans fournis.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 610-12-1 du code de l'urbanisme: " L'annulation ou la déclaration d'illégalité [...] d'un plan local d'urbanisme sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet./ Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision.". Ainsi que le tribunal en a informé les parties, par courrier du 14 mars 2013, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la délibération du conseil municipal du 22 juillet 2011 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Hyères, fondant le refus en litige, a été annulée par jugement du tribunal administratif de Toulon rendu le 13 décembre 2012, devenu définitif. Par suite, le motif tiré de la méconnaissance par le projet des dispositions des articles N2 et N14 du règlement de ce plan est entaché d'illégalité.

8. Toutefois l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. La commune doit être regardée comme ayant demandé en première instance de substituer aux motifs devenus illégaux de son arrêté le motif tiré de la méconnaissance de l'article 1NA1 du règlement du plan d'occupation des sols (POS). En effet l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, désormais codifié à l'article L. 600-12 du même code dispose : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité [...] d'un plan local d'urbanisme [...] a pour effet de remettre en vigueur [...] le plan local d'urbanisme [...] immédiatement antérieur. ". Et aux termes de l'article. R. 123-18 applicable à la date d'approbation du POS : " I.- Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles./ Ces zones [...] sont : // 1. Les zones urbaines, dites "Zones U" [...] ;/ 2. Les zones naturelles, équipées ou non, [...]./ Ces zones naturelles comprennent en tant que de besoin : a) Les zones d'urbanisation future, dites " Zones NA ", qui peuvent être urbanisées à l'occasion soit d'une modification du plan d'occupation des sols soit de la création d'une zone d'aménagement concerté ou de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction compatibles avec un aménagement cohérent de la zone tel qu'il est défini par le règlement... ".

10. M. D... excipe de l'illégalité des dispositions du POS qu'il estime entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

11. D'une part, le règlement du POS remis en vigueur définit la zone 1NA comme correspondant " aux parties du territoire insuffisamment desservies ou non desservies par les équipements publics et constituant une réserve d'unités foncières sur lesquelles peut être envisagé un développement ultérieur. Les opérations se feront sous forme de ZAC destinées principalement à l'habitat ". Il résulte de ces dispositions que les possibilités d'urbanisation future de la zone " NA " ont été définies par le règlement. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité du POS qui serait entaché d'une erreur de droit au regard de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme précité, au motif que le règlement de la zone " NA " se serait borné à prévoir des réserves foncières sans perspective concrète quant à un aménagement futur. Et la circonstance que le parti d'urbanisme retenu lors de l'adoption du POS n'ait pas été concrétisé n'est pas de nature à entacher d'illégalité le POS adopté, en raison d'un changement de circonstances de fait ou de droit.

12. D'autre part, il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

13. Si la parcelle d'assiette du projet se situe à proximité de tous les réseaux, cette circonstance n'entache pas d'une erreur manifeste d'appréciation le classement du terrain d'assiette du projet en zone " NA ", dès lors que, d'une part, ce classement peut concerner les zones naturelles équipées conformément aux dispositions précitées de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, et d'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'unité foncière dans laquelle le terrain d'assiette du projet se situe présente le caractère d'une zone naturelle et jouxte à l'Ouest une vaste zone boisée. Par ailleurs, le requérant ne peut utilement soutenir que son terrain aurait dû être classé en zone urbaine dès lors qu'il appartient seulement au juge administratif, de s'assurer de la légalité du classement retenu par les auteurs du POS au regard des critères rappelés au point 12.

14. Enfin, que si les auteurs du PLU, adopté le 22 juillet 2011 puis annulé, avaient prévu de classer l'unité foncière dans laquelle se situe le terrain d'assiette, en zone naturelle " N " regroupant, selon l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme applicable en 2011, " les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels ", ni cette circonstance, ni le constat que les auteurs du plan n'ont pas défini de périmètre de zone d'aménagement concerté (ZAC) depuis 1999 comprenant le terrain d'assiette du projet, ne sont par elles-mêmes de nature à démontrer que le classement en zone " NA " serait dorénavant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 10 à 14 du présent arrêt que l'appelant n'est pas fondé à soutenir, par voie d'exception, que le refus en litige serait illégal en raison de l'illégalité du POS sur lequel il se fonde, par la voie de la substitution de base légale sollicitée par la commune.

16. La commune estime que le refus de permis de construire pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article 1 NA 1 du règlement du POS au motif que la construction en litige avait initialement une destination agricole, qu'aucun changement de destination n'avait été autorisé, et que, compte tenu de son état de ruine, cette construction ne pouvait être qualifiée de " construction à usage d'habitation existante " mais devait être regardée comme une construction nouvelle.

17. L'article 1 NA1 du règlement du POS dispose que: " ... Sont admis sous conditions spéciales [...] : / Pour les constructions à usage d'habitation existantes :/ Les travaux visant à améliorer le confort et la solidité des bâtiments. / Les reconstructions en cas de sinistre, sans que les travaux n'entraînent un accroissement supérieur à 30 % de l'emprise au sol et de la S.H.O.N. existantes à la date du 26.09.1984 et à condition qu'elles ne constituent pas une gêne pour l'aménagement futur de la zone./ La création de pièces supplémentaires à des habitations existantes destinées à une amélioration justifiée des conditions sanitaires pour les occupants, à condition qu'elle n'ait pas pour effet d'augmenter le nombre de logements et qu'elles ne constituent pas une gêne pour l'aménagement futur de la zone [...] / Pour les constructions existantes à usage agricole :/ Les constructions nouvelles à caractère précaire et démontable.(notamment les serres " tunnel "... ". Et aux termes de l'article 1NA 2 du même règlement, relatif aux types d'occupation ou d'utilisation du sols interdits, sont ainsi interdits " les constructions et installations de toute nature, à l'exception de celles visées à l'article 1NA 1".

18. Si l'usage d'une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu'une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l'usage initial de la construction. Il lui incombe d'examiner si, compte tenu de l'usage qu'impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d'urbanisme applicables.

19. En l'espèce, si la construction en litige a été utilisée comme bergerie, il ressort des pièces du dossier que cet usage avait cessé depuis des décennies. Par suite, ainsi qu'il a été dit au point 18, la commune ne pouvait pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée se fonder sur l'usage agricole initial de cette construction et soutenir qu'elle n'était pas au nombre des constructions à usage agricole autorisées par l'article 1NA 1 du règlement du POS précité.

20. En revanche, les travaux demandés décrits au point 6 ne sauraient être regardés comme des travaux visant à améliorer le confort et la solidité d'une construction à usage d'habitation existante, au sens de l'article 1 NA 1 du POS précité, dès lors que la construction, qui est très dégradée, a perdu sa toiture et sa charpente, qu'elle n'a plus le plancher qui séparait la partie habitation d'un niveau inférieur, ni de portes et d'huisseries, que seules se distinguent les traces d'un conduit de cheminée et d'emplacements de placards et que ces parties subsistantes sont envahies par la végétation, et ce alors même que subsistent les linteaux des fenêtres et deux pignons ainsi que les murs porteurs, lesquels nécessitent toutefois des tirants formant chaînages. De tels travaux doivent être regardés comme une construction nouvelle non autorisée par les dispositions précitées de l'article 1NA 1 du règlement du POS. Par suite, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs sollicitée, dès lors que le motif tiré de la méconnaissance de l'article 1 NA 1 du POS est de nature à fonder légalement la décision de refus, que cette substitution n'a pas pour effet de priver le requérant d'une garantie procédurale et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer cette disposition du règlement du POS. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que la commune aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce seul motif.

21. En troisième et dernier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du refus en litige: " Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421 5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. ". Toutefois M. D... ne peut utilement se prévaloir de cette disposition alors qu'il ressort des pièces du dossier que ni la demande de permis de construire, ni l'arrêté attaqué ne se fondent sur ces dispositions.

22. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre demande de substitution de motifs sollicitée par la commune, M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. D... dirigées contre la commune d'Hyères qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros, à verser à la commune d'Hyères en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune d'Hyères une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la commune d'Hyères.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Gougot, premier conseiller,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

N° 18MA05566 9

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA05566
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : BONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-20;18ma05566 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award