Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2017, et des mémoires enregistrés les 28 mai 2017, 28 juillet 2017, 7 novembre 2017, 13 février 2018 et 24 juillet 2018, celui du 7 novembre 2017 n'ayant pas été communiqué, M. D... E..., représenté par l'AARPI Rivière avocats associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2017 par lequel le maire de la commune d'Aurillac a délivré à la SCCV Avenue Charles de Gaulle un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la réalisation d'un ensemble commercial d'une surface de plancher de 6 708 m², en tant que ce permis vaut autorisation de construire, ainsi que la décision de la même autorité du 7 avril 2017, refusant de retirer ce permis ;
2°) à titre subsidiaire, de transmettre le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aurillac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la cour est compétente en premier et dernier ressort en application de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, pour les permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, sans distinction selon que le recours émane d'un professionnel concurrent, seul soumis à l'obligation de saisir préalablement la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), ou d'un voisin ; la cour pourrait, le cas échéant, transmettre le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative ;
- il justifie d'un intérêt pour agir en qualité de voisin immédiat du projet ; la nature, l'importance et la localisation du projet porteront atteinte aux conditions d'occupation et de jouissance de son habitation ;
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente dès lors, d'une part, que son signataire n'avait pas reçu délégation pour délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, d'autre part, qu'il est pris par le maire au nom de la commune alors qu'il tient lieu d'autorisation au titre de la législation sur les établissements recevant du public (ERP) et qu'il aurait dû à ce titre être délivré au nom de l'Etat ;
- l'arrêté ne précise pas le nom de la collectivité au nom de laquelle il a été délivré et ne vise ni le code de la construction et de l'habitation, ni le code de commerce, en méconnaissance de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme ;
- la commission d'accessibilité n'a pas été saisie du dossier de demande de permis pour avis, en méconnaissance de l'article R. 111-19-23 du code de la construction et de l'habitation, le permis de construire ayant été délivré en considération d'un avis rendu dans le cadre de l'instruction d'une précédente demande de permis de construire, dont le dossier était nécessairement différent ;
- l'avis de la commission de sécurité est irrégulier en ce qu'il est entaché de contradictions et a été rendu à partir d'un contrôle partiel ;
- le dossier de demande de permis de construire était incomplet au regard des exigences de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme en ce qu'il y manque des renseignements et en ce qu'il n'en ressort pas que le pétitionnaire avait la capacité pour présenter la demande ;
- ce dossier ne contenait pas la notice architecturale prévue à l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ni de plan de toiture et en coupe, alors qu'aucune pièce ne permettait au service instructeur de porte une appréciation éclairée sur le projet ;
- ce dossier ne précisait pas la date approximative de construction des bâtiments démolis en méconnaissance de l'article R. 451-1 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire est illégal du fait de l'illégalité de la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac du 28 novembre 2016 approuvant la révision du plan local d'urbanisme (PLU) d'Aurillac ; cette délibération a en effet été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute de respect des modalités de la concertation préalable telles qu'elles avaient été énoncées dans la délibération prescrivant la révision, en l'absence de bilan de cette concertation et de débat sur le projet d'aménagement et de développement durables ; le PLU a par ailleurs été substantiellement modifié après l'achèvement de l'enquête publique ; il a été approuvé par le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac dont les membres n'avaient pas été régulièrement convoqués ; le classement en zone constructible du terrain d'assiette du projet méconnaît les articles L. 101-2 et L. 151-1 du code de l'urbanisme ;
- le permis, valant division, a été délivré alors que les statuts de l'association syndicale n'avaient pas été produits en méconnaissance de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme ;
- ce permis n'a pas été précédé d'une étude au titre de la loi sur l'eau en méconnaissance des dispositions des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement alors que le terrain d'assiette présente une superficie supérieure à 1 ha et que le projet aura une incidence sur le rejet des eaux pluviales et ne tient pas compte à cet égard des préconisations de l'évaluation environnementale réalisée à l'occasion de la révision du PLU d'Aurillac ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme relatives à l'emprise maximale des aires de stationnement des équipements commerciaux ;
- alors que le projet aurait dû faire l'objet d'une évaluation environnementale dès lors qu'il prévoit un parc de stationnement pour plus de cinquante unités, il ne ressort pas du dossier que tel soit le cas ni que l'autorité compétente aurait dispensé le demandeur de cette obligation ;
- le projet, qui entraîne une vaste imperméabilisation du sol, ne met pas en oeuvre les mesures d'atténuation et de suppression de ses effets notables sur l'environnement prescrites par l'évaluation environnementale concernant la révision du PLU d'Aurillac ; il méconnaît l'article UY du PLU et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet apparaît incompatible avec l'OAP qui couvre son terrain d'assiette en ce qu'il prévoit une bande engazonnée au lieu d'une bande enherbée et arborée, en ce que le parking, en grande partie implanté à l'alignement des voies publiques, aura un fort impact visuel depuis l'extérieur et en ce qu'aucun arbre n'est prévu au droit de l'avenue Charles de Gaulle ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article Ud 11 A du règlement du PLU relatives aux couleurs des façades ;
- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme eu égard à l'augmentation des flux de circulation sur la RN 122 générée par le projet et aux risques d'inondation qu'il créera ;
- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en autorisant un projet qui porte atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants, compte tenu de la proximité de l'hippodrome et de maisons d'habitations individuelles.
Par des mémoires enregistrés les 26 juillet 2017, 31 août 2017, 12 juin 2018, et 19 juillet 2018, la SCCV Avenue Charles de Gaulle, représentée par la SCP A... -de Rocquigny-Chantelot-Brodiez et associés conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le requérant ne fait pas partie des personnes recevables à saisir la cour sur le fondement de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme ce qui est réservé aux personnes ayant qualité pour saisir préalablement la Commission nationale d'aménagement commercial du recours préalable prévu à l'article L. 752-17-1 du code de commerce ;
- les moyens soulevés sont infondés.
Par un mémoire enregistré le 25 août 2017, la commune d'Aurillac, représentée par la société d'avocats B...-Cannone-Kock, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour M. E..., celles de Me B... pour la commune d'Aurillac, ainsi que celles de Me A... pour la SCCV Avenue Charles de Gaulle ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite pour la ville d'Aurillac, enregistrée le 15 novembre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 janvier 2017, le maire de la commune d'Aurillac a délivré à la SCCV Avenue Charles de Gaulle un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la réalisation d'un ensemble commercial d'une surface de plancher de 6 708 m². M. D... E..., voisin de ce projet, demande à la cour d'annuler ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, ainsi que la décision du maire d'Aurillac du 7 avril 2017 refusant de retirer ce permis.
Sur la compétence de la cour pour connaître du litige :
2. En vertu des dispositions de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme créé par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4. ".
3. Il résulte des termes mêmes de cet article L. 600-10 que les litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale relèvent de la compétence en premier et dernier ressort de la cour, sans distinction selon que le recours pour excès de pouvoir formé contre un tel acte émane d'un professionnel concurrent, soumis à l'obligation de saisir préalablement la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) en vertu de l'article L. 752-17 du code de commerce , ou, comme en l'espèce, d'une personne qui se prévaut, dans le cadre défini par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, des conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance d'un bien sur lequel elle détient des droits.
4. Il en résulte, sans qu'il y ait lieu pour la cour de transmettre le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, que l'exception d'incompétence opposée par la SCCV Avenue Charles de Gaulle doit être écartée.
Sur la légalité du permis de construire :
5. Le permis de construire en litige autorise la construction, après démolition de trois bâtiments existants, d'un ensemble commercial d'une surface de plancher de 6 708 m², constitué de cinq bâtiments, sur un vaste terrain de 19 128 m² situé en bordure de l'avenue Charles de Gaulle et jouxtant au sud l'hippodrome d'Aurillac. Il se trouve, pour l'essentiel, à l'état de prairie.
6. Les auteurs du plan local d'urbanisme (PLU) d'Aurillac, approuvé le 28 novembre 2016, ont entendu réserver le secteur du projet en litige aux zones d'activités mixtes à dominante commerciale. En cohérence avec l'ambition forte en matière de prise en charge des eaux pluviales posée par l'évaluation environnementale réalisée pour la révision du PLU au regard des risques de pollution et d'inondation supplémentaires générés par l'imperméabilisation de certains sites, en particulier le site "Charles de Gaulle", l'article UY4 du règlement du PLU relatif aux conditions de desserte des terrains par les réseaux public d'eau d'électricité et d'assainissement prévoit, en son point 2.B relatif aux eaux pluviales, que " Les aménagements réalisés sur le terrain ne doivent pas faire obstacle au libre écoulement des eaux pluviales. / Les eaux pluviales issues de toute construction nouvelle seront résorbées sur le terrain s'assiette du projet. Si la surface de la parcelle, la nature du sol ou la disposition des lieux ne permet pas de les résorber sur la parcelle, les eaux pluviales seront rejetées au réseau public (fossé, caniveau ou réseau enterré) sous réserve de l'accord du gestionnaire du réseau, de telle sorte que l'écoulement soit assuré sans stagnation et que le débit de fuite du terrain ne soit pas aggravé par l'aménagement. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, outre deux cuves de récupération des eaux de pluie, le rejet de l'ensemble des eaux pluviales des toitures et voiries dans le collecteur situé avenue du commandant Monraisse. Alors qu'il n'est pas contesté que ce réseau séparatif ne supporte, pour la réception des eaux pluviales, qu'un débit de 2 l/s/ha de pluie, il résulte de la note hydraulique produite à la demande des services instructeurs en vue de compléter le dossier de demande, imprécis sur les mesures de gestion des eaux envisagées et en particulier quant au dimensionnement du bassin de stockage des eaux pluviales pour compenser l'apport d'eau au réseau communal, que le projet conduit au rejet des eaux pluviales dans le réseau de la ville à un débit "limité à 3 l/s/ha", supérieur à celui qu'il peut supporter. Dès lors, et ainsi que le soutient M. E..., le rejet dans le réseau public des eaux pluviales du projet est de nature à aggraver le débit de fuite du terrain, en méconnaissance des dispositions de l'article UY4 citées au point précédent.
8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation du permis de construire contesté.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que la commune d'Aurillac et la SCCV Avenue Charles de Gaulle demandent au titre des frais qu'elles ont exposés soient mises à la charge de M. E..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aurillac une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. E....
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 17 janvier 2017 du maire de la commune d'Aurillac délivrant un permis de construire à la SCCV Avenue Charles de Gaulle est annulé en tant qu'il vaut autorisation de construire.
Article 2 : La commune d'Aurillac versera à M. E... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à la commune d'Aurillac et à la SCCV Avenue Charles de Gaulle.
Copie en sera adressée pour information :
- à la Commission nationale d'aménagement commercial ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aurillac.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.
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N° 17LY02025
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