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14/12/2017 | FRANCE | N°16NC02693

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 16NC02693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I...C..., Mme B...C..., son épouse, Mme F...C...et M. A...C..., ses enfants, ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la réparation des préjudices ayant résulté de l'arrêt cardiaque dont M. I...C...a été victime le 7 avril 2004 au centre hospitalier régional universitaire (CHU) de Reims au cours d'une séance d'oxygénothérapie hyp

erbare.

Par un jugement n° 0800293 du 26 mai 2011, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I...C..., Mme B...C..., son épouse, Mme F...C...et M. A...C..., ses enfants, ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la réparation des préjudices ayant résulté de l'arrêt cardiaque dont M. I...C...a été victime le 7 avril 2004 au centre hospitalier régional universitaire (CHU) de Reims au cours d'une séance d'oxygénothérapie hyperbare.

Par un jugement n° 0800293 du 26 mai 2011, le tribunal administratif a mis hors de cause le CHU de Reims, condamné l'ONIAM à verser à M. I...C..., d'une part, à compter du 1er janvier 2011, une rente mensuelle de 5 247 euros et, d'autre part, une indemnité de 476 240 euros et rejeté les conclusions de son épouse et de ses enfants tendant à la réparation de leurs préjudices propres ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher tendant au remboursement de ses débours.

Procédure devant la cour :

Avant cassation et renvoi :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2011, l'ONIAM, représenté par Mes Saumon et Roquelle-Meyer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800293 du 26 mai 2011 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de le mettre hors de cause ;

3°) de condamner M. C...à lui rembourser les sommes déjà versées ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims les dépens et la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'ONIAM soutient que :

- sa responsabilité au titre de la solidarité nationale étant subsidiaire et exclusive de toute faute à l'origine des dommages allégués, elle ne saurait être engagée dès lors que les dommages en litige résultent de fautes commises par le centre hospitalier universitaire de Reims ;

- le centre hospitalier universitaire de Reims a commis des fautes en ne reportant pas la séance d'hyperbare alors que M. C...présentait une hypertension artérielle et une tachycardie avant le début de la séance, en ne procédant pas à la recherche de contre-indications éventuelles avant la séance, en ne procédant pas au monitorage de la séance et en ne mettant pas en oeuvre un personnel en nombre suffisant et suffisamment qualifié ;

- l'arrêt cardiaque de M. C...est directement et exclusivement dû à ces fautes et non à un accident médical non-fautif ;

- l'arrêt cardiaque de M. C...n'était pas anormal compte tenu de son état de santé ;

- il ne saurait être condamné au profit d'un organisme social.

Par des mémoires, enregistrés les 17 octobre 2011 et 13 février 2012, M. I... C..., Mme B...C..., Mme F... C...et M. A... C..., représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800293 du 26 mai 2011 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à la réparation intégrale de leurs préjudices par le versement à M. I...C..., d'une rente mensuelle de 10 772,80 euros, avec rappel en capital entre la date de l'arrêt à intervenir et la mise en place de cette rente, ainsi d'une somme globale de 1 957 791,90 euros au titre des préjudices subis par lui ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims et l'ONIAM à verser à Mme B...C...la somme globale de 387 236 euros au titre des préjudices subis par elle, à Mme F... C...et à M. A... C..., la somme de 25 000 euros chacun au titre des préjudices subis par eux ;

4°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué ;

5°) de mettre à la charge de l'ONIAM et du centre hospitalier universitaire de Reims les dépens et une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts C...soutiennent que :

- le centre hospitalier universitaire de Reims a commis des fautes en ne reportant pas la séance d'hyperbare alors que M. C...présentait une hypertension artérielle et une tachycardie avant le début de la séance, en ne procédant pas à la recherche de contre-indications éventuelles avant la séance, en ne procédant pas au monitorage de la séance et en ne mettant pas en oeuvre un personnel en nombre suffisant et suffisamment qualifié ;

- le centre hospitalier universitaire de Reims est intégralement responsable de leurs préjudices, dont ils justifient de la réalité et du montant.

Par des mémoires, enregistrés les 18 janvier et 15 mai 2012, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher (CPAM), représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800293 du 26 mai 2011 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à lui verser la somme totale de 1 125 132,08 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du dépôt de son mémoire ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à lui verser la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims une somme de 1 200 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM soutient que :

- le centre hospitalier universitaire de Reims a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité ;

- elle justifie de sa créance, qui correspond aux seules prestations versées qui sont en lien direct avec l'accident médical du 7 avril 2004 et pour laquelle elle est subrogée dans les droits de son assuré.

Par des mémoires, enregistrés les 20 janvier, 13 avril et 18 mai 2012, le centre hospitalier universitaire de Reims, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et des conclusions des consorts C...et de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

Le centre hospitalier universitaire de Reims soutient que :

En ce qui concerne l'appel principal :

- la cause de la défaillance cardiorespiratoire dont a été victime M. C...n'est pas établie ;

- aucun des manquements qui lui sont reprochés n'est établi ;

- subsidiairement, si une faute devait être retenue à son encontre, sa responsabilité ne saurait être engagée que pour la fraction du dommage corporel correspondant à la hauteur de la chance perdue et non de l'intégralité de ce dommage ;

En ce qui concerne les conclusions des consortsC... :

- les demandes indemnitaires des consorts C...sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une réclamation préalable ;

- s'agissant de la perte de gains professionnels actuels, la période à retenir n'est que de 11 mois et seul le salaire net, dument justifié, doit être pris en compte ;

- la perte de gains professionnels futurs, à la supposer établie, est en relation avec l'accident initial et non la complication qui a suivi ;

- la demande formée au titre de l'incidence professionnelle, qui repose sur une nomenclature qui n'est pas utilisée par la jurisprudence administrative, fait double emploi avec la perte de revenus professionnels ;

- les frais de santé futurs sont pris en charge par les organismes de sécurité sociale et il n'est pas justifié qu'une partie demeurera à la charge de l'assuré ;

- les frais d'aménagement du logement et du véhicule ne sont pas justifiés ;

- les sommes réclamées au titre de l'assistance d'une tierce personne sont exagérées : elles ne tiennent pas compte de l'allocation adulte handicapé perçue par M.C..., ni des sommes alloués par l'organisme de sécurité sociale, ni de la nature des interventions requises, ni du restant à charge après crédit d'impôt ; en outre, elles doivent être versées sous forme de rente et non de capital ;

- l'indemnisation sollicitée au titre des préjudices personnels est exagérée dès lors qu'elle doit tenir compte des seuls préjudices en lien avec la complication ;

- le préjudice d'établissement n'est pas établi dans son principe ;

- l'indemnisation sollicitée au titre des préjudices de Mme C...est exagérée et partiellement injustifiée ;

- l'indemnisation sollicitée par les enfants de M. C...est excessive.

En ce qui concerne les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher :

- sa responsabilité n'est pas plus engagée vis-à-vis de la CPAM qu'elle ne l'est vis-à-vis des consortsC... ;

- la CPAM ne démontre pas que les frais dont elle demande le remboursement sont la conséquence directe et certaine d'une faute qui lui est imputable ;

- la CPAM ne distingue pas entre les prestations résultant uniquement des fautes qu'elle lui reproche et celles résultant en tout état de cause de l'accident de circulation de M. C....

Par un arrêt n° 11NC01236 du 5 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer, a ordonné une nouvelle expertise en vue de déterminer l'origine de l'arrêt cardiaque de M. I...C...et les éventuels responsabilités et droits à réparation de l'intéressé.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2014, M. I...C..., Mme B... C..., Mme F...C...et M. A...C...modifient leurs conclusions et demandent désormais à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800293 du 26 mai 2011 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Reims à les indemniser dans une proportion de 55 % de leurs préjudices et, par conséquent, à verser la somme globale de 1 164 822 euros et une rente mensuelle de 6 705 euros, avec rappel en capital entre la date de l'arrêt à intervenir et la mise en place de cette rente, à M. I...C..., la somme globale de 234 779 euros à Mme B...C..., la somme de 19 250 euros à Mme F... C... et la somme de 19 250 euros à M. A...C... ;

3°) de condamner l'ONIAM à indemniser M. I...C...dans une proportion de 45 % de ses préjudices et, par conséquent, à lui verser la somme globale de 1 099 019 euros et une rente mensuelle de 5 485 euros, avec rappel en capital entre la date de l'arrêt à intervenir et la mise en place de cette rente ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM et du centre hospitalier universitaire de Reims les entiers dépens, ainsi qu'une somme de 20 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts C...soutiennent que :

En ce qui concerne les responsabilités :

- l'arrêt cardiaque dont M. C... a été victime constitue un accident médical, dont l'anormalité et la gravité des conséquences justifient la prise en charge au titre de la solidarité nationale ; la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Reims est également engagée dès lors que ses fautes ont fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'arrêt cardiaque ;

- le centre hospitalier doit être condamné à l'indemniser de ses préjudices dans une proportion de 55 %, et l'ONIAM dans une proportion de 45 % ;

En ce qui concerne les préjudices :

- les dépenses de santé engagées avant consolidation ont été intégralement prises en charge par la caisse d'assurance maladie pour un montant de 291 322,20 euros ;

- les pertes de revenus de la victime s'établissent, compte tenu de la période d'incapacité temporaire totale imputable à l'accident médical et des indemnités journalières versées par la caisse, à 10 132 euros ;

- les dépenses de santé après consolidation, incluant le lit médicalisé, le matelas anti-escarres, le fauteuil roulant électrique, le coussin anti-escarres et le lève-malade électrique, s'établissent à la somme globale de 105 241 euros, y compris la capitalisation, dont il convient de déduire la créance de la caisse pour un montant de 12 419,26 euros ;

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté s'établissent respectivement à 150 000 euros et 189 510 euros ;

- les frais d'assistance d'une tierce personne, de la date de consolidation jusqu'à celle de l'arrêt s'établissent, compte tenu des arrérages versés à ce titre par la caisse, à 1 070 888 euros ;

- la rente versée au titre de l'assistance d'une tierce personne s'établit, à compter de la date de l'arrêt et compte tenu de la prise en charge par la caisse, à 12 190 euros par mois ;

- la victime n'a pas à justifier des préjudices mentionnés ci-dessus dès lors que ses besoins sont attestés par les experts ;

- les pertes de revenus professionnels futurs s'établissent à 356 347,20 euros ;

- la pension d'invalidité versée par la caisse n'a pas à s'imputer sur ce montant dès lors que cette pension est due au titre du traumatisme initial et non au titre de l'accident médical ;

- l'incidence professionnelle est évaluée à 100 000 euros ;

- les préjudices extra-patrimoniaux de la victime s'établissent à 11 900 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 20 000 euros au titre des souffrances endurées, 267 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 20 000 euros pour le préjudice esthétique, 50 000 euros pour le préjudice d'agrément, 50 000 euros au titre du préjudice sexuel et 40 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- le préjudice professionnel, le préjudice moral et d'affection, le préjudice sexuel et le préjudice exceptionnel de Mme C...s'établissent, respectivement, à 287 236 euros, 80 000 euros, 30 000 euros et 30 000 euros ;

- chacun des enfants de la victime subit un préjudice moral évalué à 35 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans ses précédents mémoires, en portant à 1 028 euros la somme demandée au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2014, le centre hospitalier universitaire de Reims conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures et par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, que :

- les experts désignés par la Cour n'ont pas pu déterminer avec certitude la cause de l'arrêt cardiaque dont M. C...a été victime ;

- eu égard au contexte de l'accident, qui a eu lieu dans un caisson hyperbare, le manque de réactivité reproché au praticien présent lors de cet arrêt cardiaque n'est pas établi ;

- les consortsC..., qui en première instance avaient fixé le montant de leurs prétentions à 810 300,92 euros, ne sont pas recevables à solliciter en appel une indemnisation d'un montant supérieur.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2014, l'ONIAM conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

L'ONIAM soutient, en outre, que :

- il ressort du rapport d'expertise déposé devant la Cour que l'arrêt cardiaque de M. C... n'est pas imputable à une embolie pulmonaire, comme le soutient le centre hospitalier, mais à une défaillance du respirateur, qui engage la responsabilité sans faute du centre hospitalier ;

- ce même rapport confirme les manquements du centre hospitalier en ce qui concerne le défaut de monitorage et l'absence de surveillance au cours de la séance d'oxygénothérapie, qui constituent la cause exclusive de l'accident.

Par un courrier du 3 avril 2014, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme B...C..., Mme F...C...et M. A...C..., tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims à les indemniser de leurs préjudices propres, ces conclusions soulevant un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal formé par l'ONIAM.

Par une note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2014, l'ONIAM conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

Par un arrêt n° 11NC01236 du 3 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par l'ONIAM contre ce jugement, ainsi que l'appel incident et l'appel provoqué formés par les consorts C...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

Par une décision n° 384192 du 30 novembre 2016, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 3 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Nancy, ainsi que son article 4 en tant qu'il rejette les conclusions de M. C...et celles de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy dans la limite de la cassation prononcée.

Après cassation et renvoi :

Eu égard à la décision du Conseil d'Etat précitée du 30 novembre 2016, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête enregistrée le 26 juillet 2011 en tant qu'elle porte sur les conclusions d'appel principal de l'ONIAM et les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué de M. I...C...et les conclusions d'appel provoqué de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

Par un mémoire, enregistré le 21 février 2017, M. I...C..., Mme B... C..., Mme F... C...et M. A... C...concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

En outre, ils augmentent leurs conclusions indemnitaires comme suit :

- les condamnations à mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims au titre de l'indemnisation de M.C..., à hauteur de 55 % des préjudices par lui subis, sont portées à la somme globale de 1 522 541 euros, à laquelle doit s'ajouter une rente mensuelle de 7 805 euros ;

- les condamnations à mettre à la charge de l'ONIAM au titre de l'indemnisation de M.C..., à hauteur de 45 % des préjudices par lui subis, sont portées à la somme globale de 1 419 548 euros, à laquelle doit s'ajouter une rente mensuelle de 6 386 euros.

Les consorts C...soutiennent, en outre, que :

- les conclusions de Mme B...C..., Mme F... C...et M. A... C..., déjà présentées en première instance et rejetées comme infondées, sont recevables ;

- les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué de M. I...C...sont recevables dès lors que la réduction de la part de responsabilité de l'ONIAM, seule condamnée en première instance, aggrave sa situation ;

- M.I... C... a été victime d'un accident médical non-fautif aux conséquences anormales et particulièrement graves, qui engage la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Reims est engagée en raison du défaut de prise en charge fautif qui a fait perdre à M. C...une chance d'échapper aux conséquences de l'accident médical ;

- s'agissant des préjudices patrimoniaux de M. C...après consolidation, il convient d'appliquer l'euro de rente publié par le Gazette du palais du 27 mars 2013, soit 18,951 ;

- le solde devant lui revenir, après déduction des sommes versées par la CPAM, au titre de l'assistance par une tierce personne depuis la date de consolidation du 24 février 2006 jusqu'à celle de l'arrêt à intervenir, s'établit désormais à la somme de 1 781 073 euros ;

- le capital dû au titre de l'assistance future par une tierce personne, compte tenu d'un taux horaire de 20 euros, d'un euro de rente de 12,549 au mois de février 2018 et de la créance de la caisse, s'élève à la somme de 2 137 108 euros, soit une rente mensuelle de 14 197 euros ;

- la créance de la CPAM relative à la pension d'invalidité n'a pas à s'imputer sur la perte de gains professionnels telle que sollicitée par M.C..., puisque cette créance est exclusivement liée à l'accident de la circulation et non à l'accident médical, au titre duquel l'indemnisation de la perte est demandée ;

- subsidiairement, la créance de la caisse à ce titre ne pourrait venir s'imputer que sur la part d'indemnisation à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims, et dans la proportion de cette part.

Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2017, l'ONIAM conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment et demande, en outre, que soit rejetées les conclusions d'appel incident présentées à son encontre par M.C....

Par des mémoires, enregistrés les 18 et 31 mai 2017, le centre hospitalier universitaire de Reims conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures et par les mêmes moyens.

Il demande, en outre, que la société Comex, qui a fourni le caisson hyperbare et le respirateur, soit condamnée à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Il soutient, en outre, que :

- sa responsabilité sans faute n'est pas engagée dès lors qu'il n'est pas établi qu'une défaillance du matériel utilisé est à l'origine de l'accident dont a été victime M.C... ;

- les consorts C...n'identifient pas clairement la faute qu'ils lui reprochent et il n'est pas établi qu'il en ait commise une ;

- s'agissant de la tierce personne, il est désormais demandé non plus une somme de 653 762,13 euros comme en première instance, mais une somme de 1 840 460 euros à compter de la date de consolidation fixée au 24 février 2006 sur la base d'un coût horaire lui-même majoré par rapport à la demande initiale ; cette demande de majoration n'est pas recevable ;

- s'agissant de la tierce personne future, la rente mensuelle, déjà excessive auparavant, est désormais calculée sur la base d'un taux horaire augmenté à 20 euros, sans justification ; cette rente doit être calculée sur la base d'un forfait journalier n'excédant pas 120 euros ;

- s'agissant du déficit fonctionnel permanent, les consorts C...ont porté leur demande de 201 125 euros à 267 400 euros après la cassation partielle et le renvoi du Conseil d'Etat, sans justification ; en outre, ce montant ne tient compte d'aucune fraction de responsabilité ;

- les demandes de Mme C...sont injustifiées et excessives ;

- la CPAM ne justifie pas de la réalité des dépenses dont elle fait état et les arrérages à échoir ont le caractère de dépenses futures, qui ne peuvent être mises à la charge de l'hôpital qu'avec son accord ;

- il est fondé à appeler en garantie la société Comex, fabricant du respirateur mis en cause par l'ONIAM et fournisseur du caisson hyperbare.

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2017, l'ONIAM conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

L'ONIAM soutient, en outre, que :

- sa responsabilité ne saurait être engagée, même de manière partagée, dès lors que l'accident médical ne se serait pas produit sans les fautes successives du centre hospitalier ;

- les fautes relevées par les experts sont à l'origine certaine du dommage, et les conséquences de l'accident médical survenu alors que le patient était dans le caisson hyperbare ne constituent pas un accident médical non fautif, mais la réalisation d'un risque qui pouvait être maîtrisé.

Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

En outre, la caisse augmente ses conclusions dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Reims comme suit :

- le montant de sa créance est porté à la somme de 1 512 399,46 euros, la condamnation à prononcer contre le centre hospitalier universitaire de Reims devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter du dépôt de son mémoire ;

- le montant de l'indemnité forfaitaire réclamée au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est porté à la somme de 1 055 euros ;

- la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est portée à 2 500 euros.

La CPAM soutient, en outre, que la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Reims est engagée du fait de la défaillance du respirateur utilisé.

Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2017, le centre hospitalier universitaire de Reims conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures et par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre que :

- il n'est pas établi qu'un manquement fautif de sa part aurait précédé la survenance de l'accident médical et serait la cause de celui-ci ;

- les débours dont fait état la caisse ne sont pas justifiés en l'absence de relevé précis et circonstancié, et elle n'a pas évalué les frais qu'aurait nécessairement occasionnés l'accident de la circulation, indépendamment des conséquences de l'accident médical ;

- la définition imprécise du poste " frais post consolidations réels " ne permet pas de vérifier son contenu et son éventuel double emploi avec d'autres postes ;

- l'absence d'indication quant aux codes utilisés ne permet pas de déterminer à quelles prestations les débours correspondent ;

- l'accord du centre hospitalier est requis en ce qui concerne les frais futurs ;

- le remboursement de la rente ne peut être demandé en l'absence d'incidence professionnelle et de perte de gains professionnels futurs pour M.C... ;

- les prétentions de la caisse doivent être limitées par les règles d'imputation et de priorité accordée à la victime ;

- le montant réclamé par la caisse pour la rente tierce personne à échoir, 261 766 euros dans ses dernières écritures, est erroné dès lors qu'elle avait initialement évalué ce poste de préjudice à la somme de 165 460,50 euros ;

- le renouvellement annuel du fauteuil roulant ne peut être pris en compte au titre des frais futurs.

Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

En outre, elle réduit ses conclusions dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Reims au titre de sa créance à la somme de 1 415 462,12 euros.

Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2017, le centre hospitalier universitaire de Reims conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures et par les mêmes moyens.

Le 3 octobre 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par le centre hospitalier universitaire de Reims et dirigées contre la société Comex, dès lors que cette dernière n'était pas partie à la première instance.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2017, le centre hospitalier universitaire de Reims fait valoir que son appel en garantie dirigé contre la société Comex, qui lui a fourni le matériel utilisé lors de la séance d'oxygénation hyperbare, est recevable, sauf à méconnaître les droits que lui confère l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa responsabilité sans faute à raison d'une défaillance de ce matériel n'a été soulevée pour la première fois qu'en appel.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2017, l'ONIAM conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me H...pour le centre hospitalier universitaire de Reims.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 mars 2004, M. I...C..., alors âgé de 57 ans et exerçant le métier de chauffeur d'autocar, a été victime d'un grave accident de la circulation qui lui a occasionné plusieurs fractures des membres inférieurs et une sévère plaie périnéale. Il a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims, où douze séances d'oxygénothérapie hyperbare sous sédation et ventilation contrôlée lui ont été prescrites, afin de favoriser la cicatrisation de la plaie. Lors de l'ultime séance, le 7 avril 2004, M. C...a été victime d'un arrêt cardiaque dans le caisson hyperbare. S'il a pu être réanimé, l'accident a causé une encéphalopathie post-anoxique qui lui a laissé des séquelles neurologiques irréversibles.

2. L'épouse de M. C...et ses deux enfants majeurs ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Champagne-Ardenne, qui après expertise a estimé, dans un avis du 31 mai 2007, que les séquelles neurologiques de l'intéressé étaient imputables, pour un tiers à sa pathologie initiale et, pour les deux autres tiers, à un accident médical non fautif. Par une décision du 29 août 2007, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a néanmoins refusé de présenter une offre d'indemnisation.

3. Les consorts C...ont alors saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'indemnisation initialement dirigée contre l'ONIAM seul, puis, après le dépôt de la nouvelle expertise ordonnée par un jugement avant dire droit du 5 novembre 2009, dirigée contre l'ONIAM et le centre hospitalier universitaire de Reims (CHU). Par un jugement n° 0800293 du 26 mai 2011, le tribunal a condamné l'ONIAM à verser à la seule victime une somme de 476 240 euros, ainsi qu'une rente mensuelle de 5 247 euros, mettant par ailleurs hors de cause le centre hospitalier et rejetant les demandes de l'épouse de M. C...et de ses deux enfants majeurs, ainsi que de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

4. L'ONIAM a demandé à la cour administrative d'appel de Nancy d'annuler ce jugement. Par un arrêt n° 11NC01236 du 3 juillet 2014, après une troisième expertise ordonnée le 5 juillet 2012, la cour a rejeté sa requête, ainsi que les appels incident et provoqué de M. C...et les conclusions de son épouse et ses deux enfants et de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

5. Par une décision n° 384192 du 30 novembre 2016, le Conseil d'Etat a annulé le dispositif de cet arrêt en tant qu'il a rejeté l'appel principal de l'ONIAM et a mis à sa charge une somme à verser à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C...et celles de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy dans la limite de la cassation prononcée.

Sur l'appel principal :

6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".

7. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du centre hospitalier :

8. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise déposés le 12 septembre 2010 au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par les docteurs Bodenan et Istria et le 18 novembre 2013 à la cour par les docteurs Alliot, Bollaert et Pertek, que l'arrêt cardiaque dont M. C...a été victime n'a pas pour origine une embolie pulmonaire, comme l'avaient estimé les docteurs Chiron et Meistelman dans leur expertise du 20 février 2007 établie pour la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux. Les deuxième et troisième collèges d'experts s'accordent à cet égard pour considérer que l'embolie pulmonaire que l'examen au scanner a permis de déceler chez l'intéressé est minime et ne peut avoir causé l'accident médical.

9. Il résulte des rapports des deuxième et troisième collèges d'experts que la cause de cet accident est une hypoventilation alvéolaire prolongée, ayant entrainé une diminution de la quantité d'oxygène et une augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans le sang, et résultant de manière quasi-certaine d'un problème ventilatoire au niveau du respirateur ou du circuit inspiratoire.

10. Toutefois, les docteurs Bodenan et Istria se bornent à faire état de ce problème et de l'absence d'éléments sur le fonctionnement du respirateur mécanique qui assurait la ventilation de M. C...pendant la séance, sans pour autant conclure à un défaut de la machine. Quant aux docteurs Alliot, Bollaert et Pertek, s'ils évoquent, dans la partie " discussion " de leur expertise, l'hypothèse d'un dysfonctionnement du respirateur ou du circuit inspiratoire comme étant la plus probable, ils l'écartent ensuite après avoir constaté que la révision de l'appareil effectuée le 26 janvier 2005, laissé intact depuis l'accident, n'a révélé aucune anomalie, et ils ne reviennent plus sur ce point dans leurs conclusions.

11. Dans ces conditions, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que les dommages subis par M. C...sont imputables à un appareil de santé défectueux et que la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Reims est engagée en application du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du centre hospitalier :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise déposés au tribunal et à la cour, que l'état de M. C...justifiait un traitement par oxygénothérapie hyperbare. Si M. C...présentait une hypertension artérielle et une tachycardie avant le début de la séance, les experts s'accordent pour estimer que cela ne faisait pas obstacle à la réalisation de la séance programmée le 7 avril 2004, sans qu'il fût besoin de procéder au préalable à la recherche de contre-indications éventuelles. Il résulte des mêmes rapports qu'un personnel qualifié et en nombre suffisant était présent lors de la séance, au cours de laquelle les règles d'organisation et de sécurité ont été respectées. Il résulte également de l'instruction que l'arrêt cardiaque a été diligemment et correctement pris en charge par les praticiens de l'établissement hospitalier.

13. Bien que les docteurs Bodenan et Istria aient retenu ce manquement, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment des explications et précisions apportées à cet égard par les docteurs Alliot, Bollaert et Pertek, que le monitorage de la séance n'a pas été correctement et régulièrement assuré par le personnel présent.

14. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment du rapport des docteurs Alliot, Bollaert et Pertek, soulignant que la surveillance clinique de la ventilation et la réactivité sont primordiales en atmosphère hyperbare, que M.C..., placé dans le caisson à 9 heures 49, présentait dès 11 heures 03, plus d'une demi-heure avant l'arrêt cardiaque constaté à 11 heures 36, une hypotension artérielle préoccupante, signe d'un danger potentiel imminent. Ce danger méritait dès ce moment des actions correctives. Le médecin présent avec M. C... dans le caisson, chargé de sa surveillance pendant la séance, lui a certes immédiatement administré 500 millilitres de Voluven afin de rétablir sa tension, mais alors que celle-ci a continué à chuter, ce qui montrait l'inopérance de ce traitement, le médecin n'a pas entrepris d'autre action et n'a décidé de sortir M. C...du caisson hyperbare qu'à 11 heures 25, quelques minutes avant la fin prévue de la séance.

15. Cette mauvaise évaluation clinique des paramètres hémodynamiques du patient, lesquels annonçaient un arrêt cardio-circulatoire, et ce manque de réactivité pour mettre en oeuvre les soins requis par la gravité de la situation constituent des fautes imputables au centre hospitalier. Si ce dernier, qui ne conteste pas ces reproches, fait valoir que la réactivité du médecin doit être appréciée dans le contexte d'un caisson hyperbare, ce contexte n'est pas de nature à atténuer l'importance de ces fautes, à plus forte raison à l'exonérer de leurs conséquences. Au demeurant, il est constant que le médecin présent dans le caisson était un spécialiste diplômé pour ce type d'interventions.

16. Contrairement à ce que soutient l'ONIAM, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident dont a été victime M. C...ne serait pas survenu si ces fautes n'avaient pas été commises. Si ces fautes ne constituent pas la cause directe et exclusive de cet accident, en revanche, elles ont fait perdre à M. C...une chance d'échapper à l'arrêt cardiaque et à ses séquelles, dans une proportion que les experts évaluent à plus de 50 % et qu'il y a lieu de fixer, par une juste appréciation, à 55 %.

En ce qui concerne la réparation au titre de la solidarité nationale :

17. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé à la cour, que le risque aléatoire encouru par M. C...de subir un arrêt cardio-circulatoire au cours de la séance d'oxygénothérapie hyperbare était inférieur à 5 %. M. C...reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 90 %, dont 70 à 75 %, selon les différentes expertises, sont imputables à une encéphalopathie post-anoxique. Il ne résulte pas de l'instruction que cette encéphalopathie, qui a été provoquée par son arrêt cardiaque, ait un quelconque rapport avec son état de santé antérieur, en particulier à la suite de son accident de la route, ni qu'elle constitue une évolution prévisible de cet état.

18. Les conséquences de l'accident médical dont a été victime M. C...doivent ainsi être regardées comme anormales et présentant le degré de gravité éxigé au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique précité, et dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 16, il ne résulte pas de l'instruction que cet accident trouve sa cause directe et exclusive dans une faute du centre hospitalier, ces conséquences ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

19. Cependant, il n'incombe à l'ONIAM de réparer que la part des préjudices subis par M. C...résultant de l'aléa thérapeutique. Compte tenu de ce qui a été dit au point 16, il sera fait une juste appréciation de cette part en la fixant à 45 %.

20. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à soutenir que le tribunal aurait dû, compte tenu de la part de responsabilité de 45 % incombant à l'ONIAM et de l'évaluation des préjudices à laquelle il s'est livré et que ce dernier ne conteste pas, limiter l'indemnité à 428 616 euros en capital et 4 722,30 euros au titre de la rente mensuelle.

21. Toutefois, il appartient à la cour de statuer sur les conclusions d'appel incident présentées par M.C..., la solution de l'appel principal ayant pour effet d'aggraver son sort, ainsi que sur ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Reims. Il appartient également à la cour, par voie de conséquence, de statuer sur les conclusions présentées à l'occasion de cet appel provoqué par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher et dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Reims.

Sur l'appel incident de M.C... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé futures :

22. Il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher a pris et continuera à prendre en charge les frais des appareillages nécessaires à M. C..., qui comprennent un lit médicalisé, un matelas et d'un coussin anti-escarres, un lève-malade électrique et un fauteuil roulant à pousser. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment des différents rapports d'expertise, qu'un fauteuil roulant électrique soit indispensable à M.C.... Enfin, il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'une partie des frais afférents à ces différents matériels resterait à la charge de M.C....

23. Dès lors, celui-ci n'est pas fondé à demander une indemnisation au titre de ce poste de préjudice.

Quant au frais liés au handicap :

S'agissant des frais liés à l'assistance d'une tierce personne :

24. Il résulte de l'instruction notamment des rapports d'expertise déposés au tribunal et à la cour, que l'état de M. C...nécessite, depuis le 24 février 2006, date de sa consolidation, l'assistance constante d'une tierce personne. Cette assistance est évaluée, sur une journée, à quinze heures de surveillance simple sans intervention particulière, une heure d'aide spécialisée et huit heures de présence active non spécialisée. Selon les experts, les séquelles dont M. C...serait resté atteint du seul fait de son accident de la circulation auraient nécessité une assistance pendant deux heures par semaine.

Au sujet de la période antérieure au présent arrêt, au titre de laquelle M. C...sollicite l'allocation d'un capital :

25. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.

26. Dans les circonstances de l'espèce, le coût de cette assistance, prodiguée au domicile familial par l'épouse de M.C..., doit être fixé, compte tenu du salaire minimum augmenté des charges sociales et patronales et de son évolution entre 2006 et 2017, au taux horaire moyen de 12,50 euros.

27. Dès lors que l'assistance gratuite fournie par un membre de la famille ne peut être complètement assimilée à une situation salariale, il n'y a pas lieu de prévoir de majoration du taux horaire ou du nombre de jours indemnisés pour les heures d'assistance fournies le dimanche et les jours fériés ou durant les congés. Pour la même raison, le centre hospitalier universitaire de Reims ne peut pas utilement soutenir que les heures de présence nocturne devraient être calculées conformément à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.

28. Sur ces bases, et compte tenu des deux heures d'assistance hebdomadaire liées aux séquelles de l'accident de la circulation, il sera fait une juste appréciation du montant de la réparation due au titre de l'assistance par une tierce personne pendant la période courant du 24 février 2006 jusqu'à la date du présent arrêt en le fixant à la somme de 1 278 200 euros.

29. Il résulte de l'instruction que M. C... perçoit mensuellement, depuis le mois de février 2006, de la part de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, une " majoration tierce personne ". Le décompte produit par la caisse, établi le 31 mai 2017, fait état d'arrérages échus tierce personne pour un montant total de 142 604,65 euros. Il résulte de l'instruction que, depuis le mois de juin 2017, M. C...a perçu mensuellement à ce titre 1 107,50 euros, ce qui porte, à la date du présent arrêt, le montant total versé à la somme de 150 357,15 euros. Dès lors que cette " majoration tierce personne " a pour objet de couvrir les frais relatifs à l'assistance d'une tierce personne et qu'aucune disposition particulière ne permet à la caisse d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune, il y a lieu de déduire ce montant de celui fixé au point précédent.

30. En revanche, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier universitaire de Reims, il n'y a pas lieu d'appliquer d'autres déductions. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que M. C...bénéficie, depuis février 2006, du versement d'une rente d'incapacité permanente au titre de son accident du travail, ce qui, aux termes mêmes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, exclut le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés. Ensuite, si le centre hospitalier universitaire de Reims soutient que les personnes handicapées seraient exonérées du paiement des charges sociales et patronales, il n'apporte aucune précision ni aucun élément à l'appui de cette affirmation. Enfin, il ne saurait être tenu compte du crédit d'impôt prévu par l'article 199 sexdecies du code général des impôts, dès lors que, pendant la période en cause, M. C...a bénéficié de l'assistance fournie à titre gratuit par son épouse.

31. Au total, le préjudice non encore indemnisé de M. C... doit ainsi être fixé à la somme de 1 127 842,75 euros.

Au sujet de la période postérieure au présent arrêt, au titre de laquelle M. C...sollicite l'allocation d'une rente :

32. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'une évolution notable de l'état de santé de M. C...est très peu probable. Il y a donc lieu de considérer qu'il continuera, postérieurement au présent arrêt, à nécessiter l'assistance permanente d'une tierce personne, selon les modalités décrites au point 24.

33. Sur la base d'un taux horaire, incluant les charges sociales et patronales, de 13,70 euros pour l'assistance non spécialisée et de 18 euros pour l'assistance spécialisée, d'une durée annuelle de 412 jours rémunérés intégrant les dimanches, les jours fériés et les congés, en déduisant les deux heures d'assistance hebdomadaire liées à l'accident de la circulation et en prenant en compte 9 heures quotidiennes de présence responsable nocturne rémunérées sur la base des deux tiers du SMIC, comme le prévoit la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, il sera fait une juste appréciation des frais futurs, et néanmoins certains, dont M. C...est fondé à demander l'indemnisation en les fixant à la somme mensuelle de 9 947 euros.

34. Il y a toutefois lieu de déduire de ce montant la " majoration tierce personne " versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, soit 1 107,50 euros par mois. Pour les raisons indiquées au point 30, il n'y a pas lieu de procéder à d'autres déductions, en particulier celle afférente au crédit d'impôt, qui présente un caractère purement éventuel.

35. Compte tenu de ce qui précède, le montant de la rente mensuelle à verser à M. C... à compter du 1er janvier 2018 doit ainsi être fixé à la somme de 8 839,50 euros.

S'agissant des autres frais :

36. M.C..., dont la demande relative à ce poste de préjudice a déjà été rejetée comme non étayée par le tribunal, n'apporte pas, en appel, le moindre élément concret de nature à établir la réalité et l'étendue des dépenses qu'il dit avoir engagées et devoir engager à l'avenir au titre de l'aménagement de son logement et de l'acquisition d'un véhicule automobile adapté.

S'agissant des pertes de revenus :

37. Il résulte de l'instruction notamment des rapports d'expertise déposés au tribunal et à la cour, que du fait des séquelles de son accident de la route, M. C...aurait subi une période d'incapacité temporaire totale de six mois, suivie d'une période d'incapacité physique partielle de 50 % jusqu'au 29 mars 2005, date envisagée pour sa consolidation. En outre, les experts s'accordent pour estimer que M. C...n'aurait, en tout état de cause, pas pu reprendre son métier de chauffeur de car après cette date. Compte tenu de son âge, et en l'absence de tout élément en ce sens, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait encore pu exercer une autre activité professionnelle, même adaptée aux handicaps physiques dont il serait resté atteint du fait des séquelles de son accident de la route.

38. Dès lors, les pertes de revenus, actuelles et futures, dont se plaint M. C...ne résultent pas directement de l'accident médical dont il a été victime, ce qui exclut la réparation de ce chef de préjudice.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

39. Pour les raisons indiquées aux deux points précédents, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident médical dont a été victime M. C...ait eu une incidence sur sa vie professionnelle.

Quant aux préjudices personnels :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

40. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que M. C...a subi une période d'incapacité temporaire totale de vingt-trois mois, du 29 mars 2004 au 24 février 2006. Du fait des séquelles de son accident de la route, M. C...aurait subi une période d'incapacité temporaire totale de six mois, suivie d'une période d'incapacité physique partielle de 50 % jusqu'au 29 mars 2005. L'accident médical a donc rendu totale son incapacité physique pendant cette seconde période et a prolongé de 11 mois la durée de cette incapacité temporaire totale. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. C... à ce titre en fixant sa réparation à la somme de 8 400 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

41. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise déposés au tribunal et à la cour, que les souffrances supportées par M. C...sont évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7, dont 4,5 sont imputables au seul accident de la circulation. Compte tenu du fait que des souffrances encore plus intenses ont résulté de l'accident médical, et au vu du référentiel indicatif d'indemnisation par l'ONIAM du 1er janvier 2016 et du référentiel indicatif de l'indemnisation du préjudice corporel des cours d'appel de septembre 2016, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. C...en conséquence de cet accident en fixant sa réparation à la somme de 20 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

42. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que le déficit fonctionnel permanent dont M. C...est resté atteint est évalué à 90 %, dont 70 % au moins sont imputables à l'accident médical litigieux. Compte tenu du fait que le déficit fonctionnel permanent résultant de l'accident de la circulation a été encore sensiblement aggravé par l'accident médical, et au vu du référentiel indicatif d'indemnisation de l'ONIAM du 1er janvier 2016 et du référentiel indicatif de l'indemnisation du préjudice corporel des cours d'appel de septembre 2016, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. C... en conséquence de cet accident en fixant sa réparation à la somme de 200 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

43. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que le préjudice esthétique subi par M. C...est évalué à 6 sur une échelle de 1 à 7, dont 2,5 sont imputables au seul accident de la circulation. Compte tenu du fait que le préjudice esthétique a été encore aggravé par l'accident médical, et au vu du référentiel indicatif d'indemnisation de l'ONIAM du 1er janvier 2016 et du référentiel indicatif de l'indemnisation du préjudice corporel des cours d'appel de septembre 2016, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique subi par M. C...en conséquence de cet accident en fixant sa réparation à la somme de 20 000 euros.

S'agissant du préjudice sexuel :

44. Eu égard à l'âge de M. C...et à l'absence d'atteinte morphologique résultant de l'accident médical, il sera fait une juste appréciation de son préjudice sexuel en fixant sa réparation à la somme de 10 000 euros.

Sur le préjudice d'agrément :

45. M. C...n'apporte aucun élément pour établir la réalité et l'étendue du préjudice d'agrément dont il se plaint. Il n'est donc pas fondé à en demander la réparation.

Sur le préjudice d'établissement :

46. M. C...ne peut pas prétendre à une indemnisation au titre de ce préjudice, qui correspond à la perte de chance de réaliser normalement un projet de vie familiale du fait d'un handicap, dès lors qu'à la date de consolidation des séquelles de son accident médical, il était marié et père d'une famille déjà constituée. Dans ces conditions, eu égard à son âge et à celui de son épouse, le préjudice allégué présente un caractère éventuel.

47. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à demander réparation de ses préjudices à hauteur seulement d'une somme totale de 1 386 242,75 euros, ainsi qu'une rente mensuelle de 8 839,50 euros à compter du 1er janvier 2018. Ces montants étant inférieurs à ceux réclamés par M.C..., dans le dernier état de ses écritures, en première instance, il n'est pas nécessaire d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier universitaire de Reims, tirée de l'irrecevabilité du surcroît des conclusions indemnitaires de l'intéressé.

48. Compte tenu de ce qui a été dit au point 19, M. C...est fondé à demander la condamnation de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, à lui payer une somme de 623 809,24 euros, ainsi qu'une rente mensuelle de 3 977,77 euros. Cette rente sera revalorisée par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Sur l'appel provoqué de M.C..., dirigé contre le centre hospitalier universitaire de Reims :

49. En premier lieu, le CHU reprend en appel la fin de non-recevoir qu'il avait invoquée en première instance, tirée de l'irrecevabilité de la demande dirigée contre lui par M. I... C..., en l'absence de réclamation préalable. Il y a lieu d'écarter cette fin de non-recevoir, que le CHU reprend sans apporter d'élément nouveau, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

50. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 16 et 47, que M. C...est fondé à demander la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims, au titre de sa responsabilité pour faute, à lui payer une somme de 762 433,51 euros, ainsi qu'une rente mensuelle de 4 861,73 euros. Cette rente sera revalorisée par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Sur les conclusions présentées, à l'occasion de l'appel provoqué de M.C..., par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher :

En ce qui concerne les dépenses de santé et les frais afférents déjà pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher :

51. Il résulte de l'instruction, notamment de la notification définitive des débours et de l'attestation du médecin conseil référent régional du recours contre tiers du 22 juin 2017, produites par la caisse, que celle-ci a, en lien direct avec l'accident médical litigieux et pendant la période du 6 juillet 2004 au 1er février 2006, supporté la charge de 3 114,16 euros de frais médicaux et pharmaceutiques, de 4 127,85 euros de frais d'appareillage et de 14 397,02 euros de frais de transport. Il y a lieu de retenir ces sommes, d'un montant total de 21 639,03 euros, que la caisse justifie avoir supportées.

52. Par ailleurs, la caisse justifie également, par les mêmes pièces ainsi qu'un détail de ses dépenses, éclairé par une notice explicative de leur codification, avoir déboursé, en lien direct avec l'accident médical litigieux et pendant la période du 3 mars 2006 au 29 mai 2017, en frais d'actes médicaux, de médicaments, d'appareillages et de déplacement, la somme totale de 105 545,78 euros qu'il y a également lieu de retenir.

53. Quant aux frais d'hospitalisation, dont elle réclame le remboursement pour la période du 7 avril au 23 août 2004 inclus, il résulte de l'instruction, en particulier de l'attestation du médecin conseil référent régional du recours contre tiers du 22 juin 2017, qui n'est pas contestée, que M. C...aurait, en tout état de cause, dû rester hospitalisé pendant trois mois à la suite de son accident de la circulation, soit jusqu'au 29 juin 2004. La caisse n'est donc fondée à demander le remboursement des frais d'hospitalisation que pour la période d'hospitalisation complémentaire, courant du 30 juin au 23 août 2004, rendue nécessaire par l'accident médical. Compte tenu de la dépense totale acquittée auprès du centre hospitalier de Blois et du centre hospitalier régional universitaire de Tours pendant la période du 23 mai au 23 août 2004, et en l'absence de toute autre précision de la caisse à cet égard, le prorata des dépenses dont elle est fondée à demander le remboursement s'élève à la somme de 56 291 euros.

54. Enfin, il résulte de l'instruction que M. C...aurait en tout état de cause été pris en charge au titre de sa rééducation du 23 août 2004 au 29 mars 2005, date de consolidation des séquelles de son accident de la circulation. La caisse ne peut donc solliciter le remboursement des frais de prise en charge de l'intéressé au centre Bel Air que pour la période du 30 mars 2005 au 24 février 2006. En l'absence de toute autre précision de la caisse à cet égard, le prorata des dépenses dont elle est fondée à demander le remboursement s'élève à la somme de 88 104 euros.

En ce qui concerne les dépenses de santé futures :

55. La caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher sollicite le versement d'un capital de 143 059,84 euros au titre des frais médicaux et d'appareillage qu'elle prévoit devoir engager dans le futur du fait de l'état de santé de M. C...résultant de son accident médical.

56. Toutefois, le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente. Il ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord (Conseil d'Etat, 4 décembre 2009, n° 309521).

57. En l'espèce, le centre hospitalier universitaire de Reims déclare s'opposer au versement immédiat d'un capital. Néanmoins, la caisse peut prétendre au remboursement de ces dépenses par le centre hospitalier, sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure qu'elles seront exposées.

En ce qui concerne les indemnités journalières, ainsi que les arrérages échus et à échoir de rente d'accident du travail :

58. Eu égard à leur finalité de réparation d'une incapacité temporaire ou permanente de travail, qui leur est assignée par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à leur mode de calcul, basé sur le salaire de référence de la victime et, pour la rente d'accident de travail, le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2 du même code, les indemnités journalières et la rente d'accident du travail doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

59. Ainsi qu'il a été dit au point 37, l'accident médical dont a été victime M. C... ne peut être regardé comme constituant la cause directe de ses pertes de gains professionnels ni comme ayant eu une incidence sur sa vie professionnelle, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard à son âge, il aurait été à même de reprendre une activité professionnelle après la consolidation des séquelles de son accident de la circulation.

60. Dès lors, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher n'est pas fondée à demander le remboursement des sommes déjà versées à titre d'indemnités journalières et de rente d'accident du travail, ni de celles qu'elle pourra verser à l'avenir à titre de rente d'accident du travail.

En ce qui concerne les montants échus et à échoir de la " majoration tierce personne " :

61. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 29 que la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher est fondée à demander le remboursement de la somme totale de 150 357,15 euros qu'elle a déjà versée, à la date du présent arrêt, au titre de la " majoration tierce personne ".

62. En second lieu, pour la raison déjà indiquée au point 56 et du fait de l'absence d'accord du centre hospitalier, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher ne peut obtenir le versement immédiat d'un capital au titre des arrérages à échoir de la " majoration tierce personne ". Néanmoins, la caisse peut prétendre au remboursement de ces dépenses par le centre hospitalier, sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure qu'elles seront exposées.

63. Au total, la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher est fondée à demander le remboursement d'une somme de 421 936,96 euros. Compte tenu de ce qui a été dit au point 16, la caisse est fondée à demander que 55 % de cette somme, soit 232 065,33 euros, soient mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims. Cette somme sera augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 janvier 2012.

64. En outre, les dépenses de santé futures nécessitées par l'état de santé de M. C..., incluant les frais médicaux et d'appareillage divers et les frais de transport afférents, ainsi que les arrérages à échoir de la " majoration tierce personne ", seront remboursés par le centre hospitalier, sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure que ces dépenses seront exposées, dans la limite de 55 % de leur montant.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire :

65. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée (...) ".

66. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1055 € et à 105 € à compter du 1er janvier 2017 ".

67. La caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher a droit, en application des textes en vigueur à la date de la présente décision, à l'indemnité forfaitaire pour le montant maximum de 1 055 euros.

Sur l'appel en garantie du centre hospitalier universitaire de Reims :

68. Ainsi qu'il a été dit au point 11, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages subis par M. C...sont imputables à un appareil de santé défectueux. Par conséquent, l'appel en garantie formé par le centre hospitalier universitaire de Reims à l'encontre de la société Comex, qui lui a fourni le respirateur mécanique utilisé lors de la séance d'oxygénation hyperbare du 7 avril 2004, est en tout état de cause sans objet.

Sur les conclusions de Mme B...C..., Mme F... C...et M. A... C... :

69. Par sa décision n° 384192 du 30 novembre 2016, le Conseil d'Etat n'a pas annulé l'arrêt du 3 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par Mme B...C..., Mme F... C...et M. A... C.... Il n'a donc pas renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

70. Par conséquent, il n'appartient plus à la cour de se prononcer sur les conclusions de Mme B...C..., Mme F... C...et M. A... C..., réitérées dans un mémoire enregistré le 12 février 2017.

71. En conclusion de tout ce qui précède, le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il a de contraire aux points 20, 48, 50, 63 et 67.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

72. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

73. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims, qui n'est pas, vis-à-vis de l'ONIAM, la partie perdante, une somme à verser à ce dernier en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, Mme B...C..., Mme F... C...et M. A... C...étant parties perdantes à la présente instance, ils ne sont pas fondés à demander qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims et de l'ONIAM au titre de ces dispositions.

74. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims et de l'ONIAM une somme de 1 000 euros chacun à verser à M. I...C...au titre de ces dispositions. Il y a également lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims une somme de 1 500 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er: Les sommes que l'ONIAM a été condamné à verser à M. I...C...sont portées à 623 809,24 euros (six-cent-vingt-trois mille huit-cent-neuf euros et vingt-quatre centimes) s'agissant du capital, et 3 977,77 euros (trois-mille-neuf-cent-soixante-dix-sept euros et soixante-dix-sept centimes) en ce qui concerne la rente mensuelle. Cette rente sera revalorisée par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Reims est condamné à verser à M. I... C... une somme de 762 433,51 euros (sept-cent-soixante-deux-mille quatre-cent-trente-trois euros et cinquante-et-un centimes), ainsi qu'une rente mensuelle de 4 861,73 euros (quatre-mille-huit-cent-soixante-et-un euros et soixante-treize centimes). Cette rente sera revalorisée par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Reims est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher une somme de 232 065,33 euros (deux-cent- trente-deux-mille-soixante-cinq euros et trente-trois centimes), augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 janvier 2012. Le centre hospitalier universitaire de Reims remboursera, en outre, 55 % des dépenses de santé futures nécessitées par l'état de santé de M.C..., incluant les frais médicaux et d'appareillage divers et les frais de transport afférents, ainsi que 55 % des arrérages à échoir de la " majoration tierce personne ", sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure que ces dépenses seront exposées.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Reims est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher une somme de 1 055 (mille-cinquante-cinq) euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 5 : Le jugement n° 0800293 du 26 mai 2011 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 4.

Article 6 : Le centre hospitalier universitaire de Reims et l'ONIAM verseront, chacun, une somme de 1 000 (mille) euros à M. I...C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier universitaire de Reims versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher une somme de 1 500 (mille-cinq-cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à M. I... C..., à Mme B...C..., à Mme F...C..., à M. A... C..., au centre hospitalier universitaire de Reims et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.

Copie du présent arrêt sera adressée aux professeurs Etienne Aliot et Pierre-Edouard Bollaert et au docteur Jean-Pierre Pertek, experts.

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N° 16NC02693


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