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20/10/2015 | FRANCE | N°15-83441

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 2015, 15-83441


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Philippe X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 5 mai 2015, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de harcèlement moral, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant sa mise en examen supplétive ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 octobre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Parlos, conseillers de la chambre, M. Talabardon

, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier d...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Philippe X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 5 mai 2015, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de harcèlement moral, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant sa mise en examen supplétive ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 octobre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Parlos, conseillers de la chambre, M. Talabardon, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 juillet 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 31, 81, 82, 82-1, 185, 186, 186-1, 202 et 591 du code de procédure pénale, excès de pouvoir ;
" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé l'ordonnance de refus de mise en examen supplétive de M. X...du chef de harcèlement sur la personne de Brigitte D..., ordonné la poursuite de l'information, notamment à cette fin, et fait retour de la procédure à Mme Casanova juge d'instruction saisi ;
" aux énonciations que, par déclaration enregistrée au greffe dudit tribunal le 14 novembre 2013, Me Le Mercier, avocat de M. Michel D..., partie civile, a interjeté appel de l'ordonnance de refus de mise en examen supplétive rendue le 15 octobre 2013 par Mme Fontaine, juge d'instruction ;
" et aux motifs que seule la question de la mise en examen supplétive de M. X...du chef de harcèlement moral à l'égard de Brigitte D..., aux droits de laquelle vient son époux M. Michel D..., est dans le présent débat ; que divers témoins entendus au cours de l'enquête, s'accordent quant à un changement de comportement de M. X...avec la promotion de Mme Corinne de F...en qualité de directrice générale adjointe, sur laquelle il se serait appuyé pour écarter certains salariés dont Brigitte D...de leurs fonctions initiales ; que l'exécution du supplément d'information a permis de confirmer que M. X...était critiqué dans ses méthodes de gestion et d'organisation alors que directeur général, il était le supérieur hiérarchique des employés de la CCIA, ayant reçu à cet effet du président M. G...une délégation de pouvoirs en toutes matières ; qu'il apparaît, en effet, que par-delà une nécessaire refonte de l'organisation du travail, l'intéressé a, au nom de la recherche d'une polyvalence du personnel, non critiquable en soi, fait régner un climat très tendu au sein de la CCIA ; que Brigitte D...n'a trouvé auprès de la direction aucune explication cohérente à ses changements d'affectation successifs, subis comme une rétrogradation en l'absence de tout dialogue en vue d'une recherche d'adhésion ; qu'ainsi, Brigitte D...a connu : un changement de bureau fin 2006 début 2007 par suite du regroupement des trois secrétaires de chaque département, dont elle-même, Mmes de Q... et H..., dans deux bureaux adjacents exigus, lesquelles ont fait connaître leur désaccord, s'est vu imposer contre son gré un changement de poste, au terme d'un entretien qu'elle a eu avec M. Philippe I..., son supérieur d'alors, le 4 juillet 2007, suivi d'un compte rendu signé le 14 septembre 2007, a été informée six jours plus tard, soit le 20 septembre 2007, lors d'une réunion, un nouveau changement d'affectation, à effet au 1er octobre suivant, à l'occasion duquel une fiche de poste lui a été soumise pour signature par M. Joël J...en fin d'après-midi le 12 octobre 2007 ; que ce dernier épisode a donné lieu à de vifs échanges avec M. Joël J..., suivis d'un bref entretien avec M. X..., en présence du susnommé ; que Brigitte D...a vécu cet incident du 12 octobre 2007 comme une agression, ainsi qu'en attestent le long message électronique adressé à ses collègues proches, MM. K..., L..., Mmes de Q..., H..., M. N..., et la main courante déposée le lendemain au commissariat de police d'Alençon ; que son refus de rejoindre ce nouveau poste pouvait trouver sa source dans les relations difficiles que Mme Françoise H..., son amie, qui avait demandé à partir, avait entretenues avec M. Joël J...; que divers témoins entendus dont Mme Françoise H..., au service de la CCIA pendant quarante ans, ont déclaré que ses changements d'affectation successifs, vécus comme des sanctions déguisées, ont largement contribué à déstabiliser Brigitte D...et à dégrader son état de santé psychique ; que visiblement la réunion d'information tenue le 20 septembre 2007 n'a eu d'autre objet que d'imposer aux secrétaires dont Brigitte D...ce changement d'affectation, sans recherche de consensus ; qu'une nouvelle fiche de poste a été soumise pour signature à Brigitte D...le vendredi 12 octobre 2007 en fin d'après-midi par M. Joël J..., agissant aux ordres de M. X...dans le bureau duquel il entraînera la jeune femme, de manière sinon violente, du moins brutale ou abrupte ; qu'il sera rappelé que M. Benoît de O..., satisfait du travail de Brigitte D...qui avait été son assistante pendant dix ans, a indiqué que cette dernière avait été déstabilisée par plusieurs changements de poste ; que l'ambiance s'est suffisamment dégradée pour qu'une alerte syndicale soit lancée le 17 décembre 2007, et pour qu'à la suite du suicide de Brigitte D...le 6 janvier 2008, la direction de la CCIA via son directeur général M. X..., se réunisse le 28 avril 2008 avec la médecine du travail pour revoir ses méthodes d'organisation et de fonctionnement ; que la CCIA fera d'ailleurs appel à un cabinet privé fin juin 2008 ; que de même les compte rendu du CHSCT des 16 et 17 janvier 2008, attestent de tensions fortes ayant fragilisé des salariés, dont Brigitte D..., et trouvant leur source dans l'organisation du travail ; que corrélativement à une dégradation matérielle de ses conditions de travail, Brigitte D...a été de nouveau placée en arrêt maladie le 22 octobre 2007 par le Dr P..., pour trois semaines, arrêt prolongé jusqu'au 2 janvier 2008, date à laquelle elle a rejoint son nouveau poste avec le même sentiment de dévalorisation ; que M. Joël J...apparaît avoir été un simple exécutant des ordres de M. X...; que les agissements dénoncés par M. Michel D...trouvent une justification dans les éléments de l'enquête s'agissant des événements rapportés, qui établissent que M. X...a pu adopter à l'égard de Brigitte D..., un comportement étranger à l'intérêt général, pour avoir outrepassé les limites de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique de direction et de contrôle ; que ces éléments permettent de suspecter de la part du mis en cause des mesures vexatoires, injustes et inappropriées dont a pu faire l'objet Brigitte D...; qu'il existe des indices graves et concordants à l'encontre de M. X...d'avoir ainsi pu participer à l'égard de Brigitte D..., à la commission du délit de harcèlement moral prévu à l'article 222-33-2 du code pénal issu de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ; qu'il convient dans ces conditions d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner la poursuite de l'information ;
" alors que le droit de requérir une mise en examen est réservé par la loi au ministère public ; qu'il en résulte que les autres parties n'ont pas qualité pour former un recours contre l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté les réquisitions du ministère public tendant à la mise en examen supplétive d'un mis en cause ; qu'en infirmant, sur le seul appel de M. Michel D..., partie civile, l'ordonnance du 15 octobre 2013 en ce qu'elle avait rejeté les réquisitions du ministère public tendant à la mise en examen supplétive de M. X...du chef de harcèlement moral à l'égard de Brigitte D..., la chambre de l'instruction, qui ne se trouvait pas légalement saisie, a excédé ses pouvoirs " ;
Vu l'article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
Attendu que la partie civile n'est pas recevable à former appel de l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction refuse de faire droit à des réquisitions du procureur de la République aux fins de mise en examen, une telle décision ne faisant pas grief à ses intérêts au sens de l'article susvisé ;
Attendu que l'arrêt attaqué a, après qu'un supplément d'information eut été ordonné par arrêt avant dire droit, accueilli la demande d'une partie civile, infirmé l'ordonnance rejetant les réquisitions aux fins de mise en examen supplétive et ordonné la poursuite de l'information ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle était saisie de l'appel de ladite ordonnance par la partie civile, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 5 mai 2015 ;
ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction saisi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-83441
Date de la décision : 20/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Ordonnances - Appel - Appel de la partie civile - Ordonnance refusant de faire droit aux réquisitions du procureur de la République aux fins de mise en examen - Recevabilité (non)

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Appel des ordonnances du juge d'instruction - Appel de la partie civile - Ordonnance refusant de faire droit aux réquisitions du procureur de la République aux fins de mise en examen - Recevabilité (non)

Ne fait pas grief aux intérêts d'une partie civile, au sens de l'article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale, l'ordonnance par laquelle un juge d'instruction refuse de faire droit aux réquisitions du procureur de la République aux fins de mise en examen. Dès lors, doit être déclaré irrecevable son appel d'une telle décision


Références :

article 186, alinéa 2, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, 05 mai 2015

Sur des hypothèses d'ordonnances ne faisant pas grief aux intérêts de la partie civile, à rapprocher :une ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction ayant requalifié les faits de la poursuite,Crim., 26 novembre 2003, pourvoi n° 03-82563, Bull. crim. 2003, n° 225 (irrecevabilité)une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ayant requalifié les faits de la poursuite,Crim., 15 février 1983, pourvoi n° 82-90928, Bull. crim. 1983, n° 54 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 2015, pourvoi n°15-83441, Bull. crim. 2016, n° 838, Crim., n° 376
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 838, Crim., n° 376

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Caby
Rapporteur ?: M. Buisson
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.83441
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