LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 avril 2015), que, par jugement du 21 mars 2013, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Horizon (la société) ; que, durant la période d'observation, la société, en vue du renouvellement d'un marché de travaux publics dont elle était attributaire, a demandé à l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), la délivrance de l'attestation relative au respect de ses obligations déclaratives et de paiement ; que l'URSSAF lui ayant adressé, le 18 novembre 2013, un document précisant : « cette attestation ne vaut pas attestation de vigilance prévue par l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale », la société a saisi le juge-commissaire aux fins d'obtenir la délivrance, sous astreinte, d'une attestation conforme aux prescriptions de ce texte ; que les organes de la procédure se sont associés à cette demande ;
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'accueillir celle-ci, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale qu'une attestation sociale ne peut être délivrée qu'à une personne s'étant acquittée des cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité voire, le cas échéant, ayant souscrit et respecté un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ; qu'en jugeant que l'URSSAF était tenue de délivrer une attestation sociale à une entreprise dès lors que cette dernière était à jour du paiement de ces cotisations au cours de la période d'observation, quand bien même il subsistait des cotisations impayées au titre de la période antérieure au jugement d'ouverture et qu'aucun plan d'apurement n'avait été arrêté, la cour d'appel a violé l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que, selon l'article L. 622-7 du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; qu'il en résulte que les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d'ouverture ne sont plus exigibles au sens de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale ;
Et attendu que l'arrêt retient qu'il est constant qu'avant l'ouverture de la procédure collective, la société ne s'était pas acquittée de la totalité de ses cotisations et contributions à leur date d'exigibilité initiale, mais que celles-ci n'étaient plus exigibles dès lors que la procédure était ouverte, laquelle faisait même interdiction au débiteur de s'acquitter de cette dette ; que pendant la période d'observation, la société était à jour des cotisations dues pour ladite période ;
Que de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement décidé que l'URSSAF devait délivrer à la société l'attestation prévue par l'article L. 234-15 du code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF Provence-Alpes Côte-d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF Provence-Alpes Côte-d'Azur et la condamne à payer à la société Horizon, la SCP Douhaire-Avazeri, ès qualités, et M. X..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes Côte-d'Azur
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR ordonné à l'URSSAF de délivrer à la société Horizon l'attestation de vigilance, conformément aux dispositions de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale et ce dans les 48 heures de la notification de la décision et, à défaut, d'avoir fixé une astreinte définitive de 2 000 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale dispose que « toute personne vérifie, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimal en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1, L. 611-8 et L. 752-1 du présent code et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime. Cette attestation est délivrée dès lors que la personne a acquitté les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité et, le cas échéant, qu'elle a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé. Les modalités de délivrance de cette attestation ainsi que son contenu sont fixés par décret. Le particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou des ascendants ou descendants n'est pas concerné par les dispositions du présent article » ; que la circulaire ACOSS n° 1998-054 du 4 mai 1998 avait invité les organismes de recouvrement, par tolérance, à considérer qu'au regard des procédures de soumission aux marchés publics, une entreprise est à jour de ses cotisations lorsqu'elle est en période d'observation à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et en conséquence à lui délivrer le certificat permettant d'accéder aux marchés publics ; que cette circulaire était fondée sur la volonté d'aligner les pratiques des organismes de recouvrement sur celle de l'administration fiscale et de mettre ainsi un terme à des divergences d'interprétation ; que par lettre du 29 avril 2008, la direction de la Sécurité Sociale est revenue sur sa position et a considéré, après concertation avec l'administration fiscale, qu'au cours de la période d'observation, l'entreprise était en état de cessation des paiements et ne pouvait à ce titre obtenir d'attestation de régularité sociale et fiscale ; que cette position a été diffusée par l'ACOSS en sa lettre circulaire n° 2008-054 du 24 juin 2008 indiquant que les organismes de recouvrement ne peuvent plus délivrer l'attestation permettant d'accéder aux marchés publics aux entreprises en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ; qu'en l'espèce, il est constant qu'avant l'ouverture de la procédure collective la société Horizon ne s'était pas acquittée de la totalité de ses cotisations et contributions à leur date d'exigibilité d'alors, mais que ces cotisations et contributions n'étaient plus exigibles dès lors que la procédure était ouverte, laquelle faisait même interdiction à la société Horizon de s'acquitter des dettes antérieures ; qu'il est tout aussi constant qu'au temps où s'est noué le litige, c'est-à-dire pendant la période d'observation, la société Horizon était à jour de ses cotisations dues pour ladite période mais que rien ne permettait de garantir que la procédure se terminerait pas un plan de redressement ; que c'est dans ces conditions qu'il convient d'interpréter les dispositions de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale à la lumière des principes généraux tant de la libre concurrence dans l'accès aux marchés publics que des procédures collectives ; que l'admission d'une entreprise aux marchés publics, alors qu'elle ne s'acquitte pas de ses charges sociales, introduit une distorsion de concurrence qu'il convient de prévenir, mais l'ouverture d'une procédure collective induit par elle-même une telle distorsion dans l'ensemble de la vie économique et pas uniquement dans l'accès aux marchés publics ; que cette distorsion se trouve justifiée par la brièveté de la période d'observation ainsi que par les contrôles mis en place pendant cette dernière qui peut toujours s'achever avant son terme ; qu'ainsi, même si rien ne garantit durant la période d'observation que la dette sera finalement acquittée à l'issue d'un plan de cession ou de redressement, il convient de retenir que la protection de l'activité économique et de l'emploi commande de considérer que la dette de l'entreprise qui a été admise au bénéfice du redressement judiciaire n'est plus exigible et, sous la condition satisfaite en l'espèce du paiement des charges dues au titre de la période d'observation, l'URSSAF devait remettre l'attestation de vigilance prévue à l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale contrairement aux instructions qu'elle avait reçues et dont elle ne pouvait se prévaloir au détriment d'un affilié » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE « dans son jugement rendu le 21 mars 2013, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une période d'observation jusqu'au 21 septembre 2013 ; que ladite période a été renouvelée jusqu'au 21 mars 2014 ; que la SAS Horizon va être amenée à demander le renouvellement d'un marché public pour lequel elle a soumissionné ; que ce renouvellement doit intervenir en mars 2014 ; que pour ce faire, la SAS Horizon a sollicité la délivrance d'une attestation de vigilance auprès de l'URSSAF, conformément aux dispositions de l'article 46 du code des marchés publics ; que le 18 novembre 2013, l'URSSAF délivre une attestation qui précise : « cette attestation ne vaut pas attestation de vigilance prévue par l'article 243-15 du code de la sécurité sociale » ; que pour motiver son refus d'établir une attestation conforme, l'URSSAF invoque une lettre circulaire de l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale et la de la Direction de la Réglementation du Recouvrement et du Service en date du 24 juin 2008, relative aux entreprises en redressement judiciaires soumissionnaires de marché public ; que cette circulaire évoque l'état de cessation des paiements de l'entreprise en redressement judiciaire, qui ne pourrait à ce titre obtenir l'attestation de régularité fiscale et sociale ; qu'il ressort des comptes et explications fournis à l'audience que les cotisations que la SAS Horizon doit à l'URSSAF sont, à ce jour, réglées ; que l'article L. 622-7 du code de commerce précise : « le jugement ouvrant la procédure collective emporte de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture » ; qu'en l'espèce, les cotisations impayées antérieurement au jugement d'ouverture, font ou feront l'objet d'une déclaration de créance et seront payées dans le cadre d'un plan de redressement ; que les soumissionnaires à un marché public doivent bénéficier du principe d'égalité (CJCE 12 décembre 2002, Cons. Const. 26 juin 2003) ; qu'une note interne ne peut être opposable à un tiers ; que l'article 243-15 du code de la sécurité sociale précise que « cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité » ; que, pour la période d'observation, la SAS Horizon est à jour du paiement de ses cotisations ; qu'ainsi, il convient de faire droit aux demandes de la SAS Horizon » ;
ALORS QU'il résulte de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale qu'une attestation sociale ne peut être délivrée qu'à une personne s'étant acquittée des cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité voire, le cas échéant, ayant souscrit et respecté un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ; qu'en jugeant que l'URSSAF était tenue de délivrer une attestation sociale à une entreprise dès lors que cette dernière était à jour du paiement de ces cotisations au cours de la période d'observation, quand bien même il subsistait des cotisations impayées au titre de la période antérieure au jugement d'ouverture et qu'aucun plan d'apurement n'avait été arrêté, la cour d'appel a violé l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale.