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18/02/2016 | FRANCE | N°14VE01981

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 18 février 2016, 14VE01981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL LES CITADINES a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 21 septembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Sceaux a retiré l'arrêté du 28 juin 2012 par lequel il lui avait accordé un permis de démolir des bâtiments et de construire un immeuble comprenant seize logements et un commerce en

rez-de-chaussée sur un terrain situé 111 et 113 rue Houdan à Sceaux.

Par un jugement n° 1301708 du 5 mai 2014 le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL LES CITADINES a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 21 septembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Sceaux a retiré l'arrêté du 28 juin 2012 par lequel il lui avait accordé un permis de démolir des bâtiments et de construire un immeuble comprenant seize logements et un commerce en

rez-de-chaussée sur un terrain situé 111 et 113 rue Houdan à Sceaux.

Par un jugement n° 1301708 du 5 mai 2014 le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2014, et des mémoires en réplique enregistrés les 21 janvier 2015 et 27 janvier 2016, la SARL LES CITADINES, représentée par Me A... puis par Me Cassin, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 21 septembre 2012 du maire de la commune de Sceaux ;

3° de mettre à la charge de la commune de Sceaux le versement d'une somme de

5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en ce compris la contribution pour l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le retrait du permis de construire notifié le 29 septembre 2012 est tardif en méconnaissance de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme sur le fondement duquel il a été pris ;

- la motivation différée de l'acte fondée sur des manoeuvres frauduleuses est illégale ; le jugement n'est pas motivé sur ce point ;

- à titre subsidiaire, aucune manoeuvre frauduleuse n'a été commise pour obtenir le permis de construire ; ces allégations n'interviennent que pour pallier le dépassement du délai de retrait de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme d'autant que la commune pour l'instruction du permis de construire était informée du litige qui opposait la SARL LES CITADINES au vendeur du terrain qui avait signé une autre promesse de vente avec une autre société ;

- l'autorité administrative ne doit opérer qu'un contrôle formel se bornant à vérifier l'existence de l'attestation de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme et du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code ; l'administration ne peut ni trancher un litige sur la qualité du propriétaire ni se fonder sur ce litige pour refuser d'examiner la demande et ne pouvait donc pas motiver sa décision sur une supposition que le titre de vente était caduc ; le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a outrepassé sa compétence et a méconnu l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme en jugeant implicitement la valeur juridique et la validité d'une convention conclue le 28 octobre 2011 entre deux personnes de droit privé et s'est abstenu de motiver sa démonstration consistant à écarter cet engagement de vente à son bénéfice qui mentionnait le dépôt de permis de construire ; aucune manoeuvre intentionnelle ne peut lui être reprochée, ses diligences aux fins de faire respecter les engagements de la propriétaire étant manifestes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2014, la commune de Sceaux, représentée par son maire en exercice, par Me Drago, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL LES CITADINES de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de ce que la fraude n'aurait pas motivé la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

- la requérante s'est livrée à une manoeuvre de nature à induire en erreur le maire de Sceaux en attestant qu'elle remplissait les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer sa demande de permis de construire alors que l'accord initial avec la propriétaire était caduc et la promesse de vente n'avait pas été régularisée entre la SARL LES CITADINES pétitionnaire et la propriétaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations de Me Cassin pour la SARL LES CITADINES et de Me Drago pour la commune de Sceaux ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, dont la SARL LES CITADINES relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 septembre 2012 par lequel le maire de la commune de Sceaux a retiré le permis de construire qu'il lui avait délivré le 28 juin 2012 pour la démolition de bâtiments et la construction d'un immeuble comprenant seize logements et un commerce en rez-de-chaussée sur un terrain situé 111 et 113 rue Houdan ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif a jugé que le maire de la commune de Sceaux devait être regardé comme ayant fondé la décision attaquée sur l'absence de qualité de la SARL LES CITADINES pour déposer la demande de permis de démolir et de construire en cause, ce qui constitut ainsi une manoeuvre frauduleuse en vue de l'obtention du permis du 28 juin 2012, même si le terme fraude ne figure pas explicitement dans cette décision et que dès lors le moyen tiré de ce que le maire ne pouvait légalement substituer, dans la décision de rejet de recours gracieux, le motif de la fraude au motif initial de la décision attaquée, manquait en fait ; que, par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante du jugement sur ce point doit être écarté ;

Sur le fond :

3. Considérant que la commune de Sceaux saisie le 30 juillet 2012 du recours gracieux d'un tiers, la société Foncier Construction, demandant le retrait du permis de construire en se prévalant de la fraude commise par la SARL LES CITADINES en vue d'obtenir ce permis délivré le 28 juin 2012, a adressé le 27 août 2012 à la SARL LES CITADINES bénéficiaire de ce permis un courrier l'invitant à présenter ses observations sur l'absence d'un titre l'habilitant à construire et l'informant " que, si la ville a connaissance d'une déclaration manifestement erronée voire frauduleuse, le permis de construire peut être retiré sans délai. " ; que, par un courrier reçu par la commune le 13 septembre 2012, la SARL LES CITADINES a notamment fait valoir des " agissements frauduleux de la société Foncier Construction " alors qu'elle " possédait un engagement de promesse de vente antérieur de plusieurs mois qui obligeait irrévocablement la propriétaire " et qu'un contentieux au fond était pendant devant " le Tribunal de Nanterre " ; que, par la décision attaquée du 21 septembre 2012, le maire de Sceaux a retiré le permis de construire, aux motifs de ce que ni la société Foncier Construction, titulaire d'une promesse de vente sur le terrain depuis le 16 décembre 2011, ni la propriétaire du terrain n'avait autorisé la SARL LES CITADINES à exécuter les travaux objet de la demande de permis de construire qu'elle avait déposée le 24 février 2012 ; qu'en outre l'arrêté attaqué indique que la SARL LES CITADINES ne peut se prévaloir d'une lettre d'engagement de la propriétaire du terrain de signer une promesse de vente avant le 15 novembre 2011 laquelle était caduque à la date du dépôt de la demande de permis de construire ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué du maire de Sceaux, qui comporte les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde, notamment le visa de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et une référence à l'absence d'autorisation donnée à la SARL LES CITADINES pour déposer un permis de construire sur le terrain sis 113 rue Houdan, est suffisamment motivé ; que, par suite, la circonstance qu'il ne mentionne pas expressément la fraude est sans incidence sur sa légalité ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés :a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire (...) comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1pour déposer une demande de permis. " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus et qu'il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur, la commune de Sceaux, dans le cadre de l'instruction d'un recours d'un tiers arguant de la fraude de l'attestation du demandeur du permis de construire, n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu les dispositions précitées des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme en vérifiant si la SARL LES CITADINES avait été autorisée a exécuter les travaux faisant l'objet du permis de construire ;

7. Considérant, que pour établir qu'elle disposait du droit à déposer une demande de permis de construire en application de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, la SARL LES CITADINES produit un acte sous seing privé, daté du 28 octobre 2011, portant la signature de la propriétaire du 113 rue Houdan sous la mention " bon pour accord " s'appliquant à un prix d'acquisition de son bien d'un montant de 600 000 euros et indiquant " nous avons convenu que la promesse unilatérale de vente sera signée en présence du notaire de votre choix (...) au plus tard le 15 novembre 2011 (...) elle sera soumise aux conditions suspensives d'usage, et notamment (...) obtention d'un permis de construire (...)" ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'à la date du dépôt de sa demande, le 24 février 2012, ce délai était expiré ; qu'alors même qu'elle entendait introduire, le 6 avril 2012, devant le Tribunal de grande instance de Nanterre, à titre principal, une action en nullité de la promesse de vente signée par la propriétaire avec une autre société pour fraude aux engagements souscrits en octobre 2011, et à titre subsidiaire une demande de condamnation à lui verser 1 139 791,20 euros à titre de dommages et intérêts, la SARL LES CITADINES ne remplissait pas les conditions définies par les dispositions précitées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, l'administration, qui s'est bornée à constater que la SARL LES CITADINES n'était pas autorisée à exécuter les travaux objet du permis de construire, n'a pas méconnu la compétence dévolue à l'autorité délivrant les autorisations d'urbanisme ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire " ; qu'en outre, un acte administratif obtenu par fraude ne créant pas de droits, il peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai qui lui est normalement imparti à cette fin serait expiré ;

9. Considérant qu'en attestant avoir qualité pour demander l'autorisation alors que la SARL LES CITADINES savait notamment qu'une promesse de vente en vue de construire avait été signée par la propriétaire du terrain d'assiette du projet avec une autre société, elle a nécessairement eu l'intention de tromper l'autorité administrative sur un point essentiel ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que le maire aurait pris connaissance du litige privé durant l'instruction de la demande de permis de construire ; que, par suite, l'autorisation contestée a été obtenue sur la base d'une déclaration frauduleuse ; que cette autorisation n'ayant pu, dans ces conditions, créer de droits au profit de son bénéficiaire, le maire a pu légalement la retirer sans condition de délai par l'arrêté attaqué ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LES CITADINES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sceaux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SARL LES CITADINES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SARL LES CITADINES une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Sceaux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LES CITADINES est rejetée.

Article 2 : La SARL LES CITADINES versera à la commune de Sceaux, une somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LES CITADINES et à la commune de Sceaux.

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :

M. Brumeaux, président de chambre,

Mme Geffroy, premier conseiller,

Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2016.

Le rapporteur,

B. GEFFROYLe président,

M. BRUMEAUX Le greffier,

V. HINGANT

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 14VE01981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01981
Date de la décision : 18/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes non créateurs de droits.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : NK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-02-18;14ve01981 ?
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