Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mohamed X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 30 janvier 2013, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage, a rejeté sa requête en mainlevée d'une mesure de saisie ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Moreau, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MOREAU, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et suivants de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, 39 et suivants de la Convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord de Schengen, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la mainlevée de la mesure de blocage des deux comptes bancaires dont M. X... est titulaire en Belgique, mesure à laquelle la banque Bruxelles Lambert a procédé sur les réquisitions des autorités judiciaires belges prises à la suite de la commission rogatoire internationale délivrée par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Paris le 19 décembre 2001, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre M. X... ;
" aux motifs que, dans son jugement de condamnation du 20 juin 2008, le tribunal correctionnel de Paris « n'a pas statué expressément sur le sort des (¿) sommes figurant au crédit des comptes bancaires de M. X... ayant fait l'objet d'une mesure de blocage, le 22 janvier 2002, par la banque Bruxelles Lambert (devenue ING) à la suite d'une réquisition du magistrat instructeur par le biais d'une commission rogatoire internationale, délivrée aux autorités judiciaires belges le 19 décembre 2001 » ; que l'omission de statuer sur la mesure de confiscation n'emporte pas de plein droit mainlevée de la mesure de blocage ; que la demande de mainlevée de la mesure de blocage a été présentée au procureur général le 26 décembre 2011, soit après le délai de six mois prévu à l'article 41-4 du code de procédure pénale ; que le procureur général a relevé à bon droit, dans sa réponse du 18 avril 2012 ; que cette demande était irrecevable comme tardive et qu'il n'appartenait pas aux premiers juges pas plus qu'à la cour « d'apprécier la régularité de la mesure de blocage ni d'ajouter à leur décision du 20 juin 2008 en statuant sur une demande de mainlevée de cette mesure ;
" alors que la commission rogatoire internationale du 19 décembre 2001 ne demandait nullement que les comptes bancaires dont M. X... était titulaire en Belgique à la banque Bruxelles Lambert soient bloqués ; que le blocage de ces comptes a été effectué par la banque, d'elle-même ou à la seule demande des autorités judiciaires belges outrepassant leurs pouvoirs, et n'avait donc aucun fondement légal ou conventionnel ; que, face au refus des autorités judiciaires belges de lever cette mesure de blocage, le juge pénal saisi par M. X... devait en constater d'office l'illégalité et l'inconventionnalité et demander aux autorités judiciaires belges d'en ordonner la mainlevée immédiate " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 41-4 du code pénal, 706-141 et suivants et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la mainlevée de la mesure de blocage des deux comptes bancaires dont M. X... est titulaire en Belgique, mesure à laquelle la banque Bruxelles Lambert a procédé sur les réquisitions des autorités judiciaires belges prises à la suite de la commission rogatoire internationale délivrée par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Paris le 19 décembre 2001, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre M. X... ;
" aux motifs qu'il est incontestable que la mesure de blocage d'un compte bancaire emportant saisie des sommes inscrites à son crédit, entre dans la catégorie des saisies spéciales dont les modalités d'exécution au cours d'une procédure d'information judiciaire ont été définies par les articles 706-141 et suivants issus de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2 010 ; que ces nouvelles dispositions ne remettent pas en cause les dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale qui demeurent applicables pour la période postérieure au jugement au fond de l'affaire ; que l'omission de statuer sur la mesure de confiscation n'emporte pas de plein droit mainlevée de la mesure de blocage ; que, selon l'alinéa 3 de l'article 41-4 du code de procédure pénale, " si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent la propriété de l'Etat, sous réserve des droits des tiers " ; qu'en l'espèce, la dernière juridiction saisie, à savoir la 11ème chambre 2 du tribunal de grande instance de Paris, a épuisé sa compétence, par jugement contradictoire à l'égard de M. X..., en date du 20 juin 2008, laquelle décision est devenue définitive ; que, dès lors, la requête initialement formée auprès du procureur de la République de Paris, le 26 décembre 2011, sur le fondement de cet article, a été présentée à ce dernier plus de six mois après que le tribunal ait épuisé sa compétence, ce que le procureur de la République avait très justement relevé dans sa réponse au requérant le 18 avril 2012, pour déclarer irrecevable ladite requête pour tardiveté ; qu'en conséquence, la cour comme les premiers juges relèvent qu'il n'appartenait pas à ces derniers pas plus qu'à la cour d'apprécier la régularité de la mesure de blocage ni d'ajouter à leur décision du 29 juin 2008 en statuant sur une demande de main-levée de cette mesure ;
" 1°) alors que, comme l'a admis la cour d'appel, une mesure de blocage d'un compte bancaire entre dans la catégorie des saisies spéciales prévues par les articles 706-141 et suivants issus de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 ; que ces saisies spéciales présentent un caractère conservatoire et sont destinées à garantir l'exécution d'une éventuelle peine complémentaire de confiscation prononcée par la juridiction de jugement ; que, dès lors qu'aucune peine complémentaire de confiscation n'est prononcée, le jugement, une fois devenu définitif, emporte de plein droit mainlevée de la mesure de blocage ; que, par conséquent, les dispositions de l'article 41-4, alinéa 3, du code de procédure pénale ¿ selon lesquelles les objets placés sous main de justice deviennent propriété de l'Etat si leur restitution n'a pas été demandée dans un délai de six mois à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence ¿ ne trouvaient pas à s'appliquer en l'espèce et ne pouvaient être opposées à M. X... pour lui refuser la mainlevée du blocage de ses comptes bancaires ;
" 2°) alors qu'en toute hypothèse, les dispositions de l'article 41-4, alinéa 3, du code de procédure pénale-selon lesquelles les objets non restitués deviennent propriété de l'Etat passé un délai de six mois à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence-ayant pour unique justification la nécessité d'éviter l'encombrement des services des scellés des juridictions par des objets dont la propriété n'est pas revendiquée, ces dispositions ne sauraient, sauf à porter atteinte au droit de propriété, trouver à s'appliquer au crédit d'un compte bancaire ayant fait l'objet d'une mesure de blocage, crédit qui constitue un bien incorporel et reste, au surplus, sous la garde de la banque ; qu'en l'espèce, lesdites dispositions ne pouvaient être opposées à M. X... pour lui refuser la mainlevée du blocage de ses comptes bancaires " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en exécution de la demande d'entraide du magistrat instructeur informant à l'encontre, notamment, de M. X... des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage, les autorités judiciaires belges ont procédé, le 22 janvier 2002, au blocage de deux comptes bancaires dont celui-ci était titulaire ; que le tribunal correctionnel, qui, par jugement contradictoire du 20 juin 2008, a déclaré M. X... coupable des faits reprochés et a prononcé sur les peines, n'a pas ordonné la confiscation des sommes versées sur ces comptes ; que la requête en mainlevée de la saisie de ces sommes dont M. X... a saisi le procureur de la République le 26 décembre 2011 a été déclarée irrecevable, en application de l'article 41-4, troisième alinéa, du code de procédure pénale, pour avoir été présentée plus de six mois à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence ; que, contestant cette décision, l'intéressé a présenté au tribunal correctionnel la même requête, sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant rejeté cette requête, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le titulaire d'un compte bancaire ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts et sur lequel ont été saisies au cours de l'enquête ou de l'instruction des sommes d'argent dont ni la confiscation ni la restitution n'a été ordonnée par une décision définitive de la juridiction de jugement, ne peut en obtenir restitution que selon les modalités et délais prévus par l'article 41-4 du code de procédure pénale, et dès lors que ce texte ne met pas en cause les principes fondamentaux du régime de la propriété, à laquelle il ne porte pas une atteinte disproportionnée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, dont le premier est nouveau et, comme tel, irrecevable, doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf février deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;