LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 25 octobre 2011, M. Maurice X..., né le 27 avril 1918 a été placé sous curatelle renforcée, pour une durée de soixante mois, et l'UDAF de Maine-et-Loire désignée en tant que curateur ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt place M. Maurice X... sous tutelle pour une durée de quatre ans, désigne son tuteur et le prive du droit de vote après avoir relevé que le ministère public, à qui la cause a été régulièrement communiquée, requérait la substitution d'une tutelle à la curatelle renforcée initialement organisée et le maintien du tuteur initial ;
Attendu qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans constater que les conclusions écrites du ministère public, non représenté à l'audience, avaient été mises à la disposition de M. Yves-Marie X... afin qu'il puisse y répondre utilement, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé, infirmant le jugement, d'ouvrir une procédure de tutelle et de désigner l'UDAF de Maine et Loire en tant que tuteur ;
AUX MOTIFS QUE « l'affaire a été communiquée au Ministère Public, qui a fait connaitre son avis » (arrêt p. 2)
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE « le ministère public à qui la cause a été régulièrement communiquée, requiert le rejet des prétentions de M. Yves-Marie X... et l'infirmation de la décision par la mise sous tutelle de M. Maurice X... ; que sur le changement de mandataire, il estime que le conflit existant entre les enfants rend particulièrement opportune la décision d'un tiers à la famille » (arrêt p. 5, alinéas 6 et 7).
ALORS QUE, premièrement, si, par exception au principe qui veut que dans le cadre d'une procédure orale, seuls les prétentions et les moyens formulés à l'audience saisissent le juge, il peut être admis, sur le fondement de l'article 425 du code de procédure civile, que l'avis du ministère public peut être formulé par écrit, c'est à la condition que, corrélativement, il soit constaté que les parties à l'instance, notamment lors des débats, ont eu connaissance de cet avis et ont pu en débattre ; que la régularité de la procédure postule que l'on puisse constater que cette formalité a été respectée ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'arrêt que l'avis du ministère public ait été communiqué et cette communication ne résulte pas davantage des pièces de la procédure ; que l'arrêt doit être censuré pour violation du principe du contradictoire et de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 431 du code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, et à tout le moins, faute de constater dans quelles conditions l'avis du ministère public a pu être communiqué aux parties, les juges du fond ont, en toute hypothèse, entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 431 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé, infirmant le jugement, d'ouvrir une procédure de tutelle et de désigner l'UDAF de Maine et Loire en tant que tuteur ;
AUX MOTIFS QUE « le docteur Z... a donc rencontré M. Maurice X... et selon rapport établi le 21 avril 2012, l'intéressé est actuellement dans une dépendance majeure, en raison de l'altération de ses facultés tant psychiques que physiques, cette altération étant de nature à altérer gravement l'expression de sa volonté et l'empêchant de pourvoir seul à ses intérêts patrimoniaux et personnels ; que ce médecin-expert conclut à la nécessité de la représenter de manière continue dans les actes de la vie civile et à l'instauration d'une « mesure de protection lourde », l'état de santé, qualifié de très évolutif, de M. X... n'étant pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ; que dès lors et par application de l'article 1246 du Code de procédure civile, et conformément aux conclusions du ministère public, il convient de placer M. Maurice X... sous tutelle pour une durée de 48 mois et de supprimer son droit de vote (article 5 du Code électoral) » (arrêt p. 7, dernier alinéa et 8 alinéas 1 à 3) ;
ALORS QUE, premièrement, l'expertise médicale du docteur Z... n'a pas été communiquée aux parties ; que M. Jean-Jacques X... le relevait notamment dans sa lettre du 7 septembre 2012 ; qu'en retenant le rapport d'expertise du docteur Z..., sans s'expliquer sur sa communication, les juges du fond ont violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, faute de s'expliquer sur la communication aux parties du rapport d'expertise du docteur Z..., les juges du fond ont à tout le moins entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé, infirmant le jugement, d'ouvrir une procédure de tutelle et de désigner l'UDAF de Maine et Loire en tant que tuteur ;
AUX MOTIFS QUE « le docteur Z... a donc rencontré M. Maurice X... et selon rapport établi le 21 avril 2012, l'intéressé est actuellement dans une dépendance majeure, en raison de l'altération de ses facultés tant psychiques que physiques, cette altération étant de nature à altérer gravement l'expression de sa volonté et l'empêchant de pourvoir seul à ses intérêts patrimoniaux et personnels ; que ce médecin-expert conclut à la nécessité de la représenter de manière continue dans les actes de la vie civile et à l'instauration d'une « mesure de protection lourde », l'état de santé, qualifié de très évolutif, de M. X... n'étant pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ; que dès lors et par application de l'article 1246 du Code de procédure civile, et conformément aux conclusions du ministère public, il convient de placer M. Maurice X... sous tutelle pour une durée de 48 mois et de supprimer son droit de vote (article 5 du Code électoral) » (arrêt p. 7, dernier alinéa et 8 alinéas 1 à 3) ;
ALORS QUE, premièrement, eu égard aux termes de l'article 440 du code civil, c'est au juge et à lui seul de dire, avant de prononcer la tutelle, si le majeur a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425 du code civil, d'être représenté de manière continue dans les actes de la vie civile et qu'eu égard à l'état du majeur, une mesure de tutelle, même renforcée, serait insuffisante ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont bornés à relater l'avis du docteur Z... sans faire apparaître d'une manière ou d'une autre qu'au-delà de l'avis du docteur Z..., les éléments du dossier leur permettaient de considérer qu'une curatelle renforcée n'était pas suffisante et qu'il était nécessaire de mettre en place une tutelle, M. Maurice X... ayant besoin d'être représenté de façon continue dans la vie courante ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont violé les articles 12, 232 et 238 du code de procédure civile, ensemble les articles 425, 432 et 440 du code civil ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, à défaut d'avoir recherché si une mesure de curatelle et notamment de curatelle renforcée ne permettait pas de sauvegarder suffisamment les intérêts de M. Maurice X..., les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 440 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'après avoir ouvert une procédure de tutelle, il a désigné l'UDAF de Maine et Loire en tant que tuteur ;
AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE « du certificat médical établi en avril 2012, il ressort qu'il n'existe-au regard de l'état de santé actuel de Monsieur X...-aucune contre-indication à ce que la mesure de tutelle soit exercée par un membre de la famille ; qu'il ne peut être méconnu cependant que les rapports de la fratrie sont extrêmement conflictuels, deux clans s'étant formés : d'un côté les deux frères aînés, de l'autre les trois plus jeunes ; qu'il ne peut également être méconnu que Monsieur Yves-Marie X... a engagé une procédure contre ses frères et soeur à la suite du décès de leur mère et porté plainte contre X, mais en visant expressément ses deux jeunes frères, pour abus de faiblesse ; qu'il ne peut enfin être davantage méconnu que même si l'intéressé se présente comme le seul à gui son père faisait ou ferait confiance, ce qui a pu être possible, la Cour observe cependant que les nombreuses et différentes procédures que Monsieur Yves-Marie X... a engagées depuis 2009 ne vont pas nécessairement dans l'intérêt de son père, lequel semble ne vouloir, si on reprend les explications de son conseil données à l'audience, que terminer sa vie en paix avec les siens mais tous les siens : que par ailleurs l'U. D. A. F. est remise en cause dans sa gestion au seul motif qu'elle n'est intervenue dans les faits que deux ou trois mois après l'instauration de la mesure de curatelle, malgré l'exécution provisoire s'attachant au jugement du 25 octobre 2011, ce qu'elle ne conteste pas à l'audience ; que ceci étant, Monsieur Yves-Marie X... n'établit pas que cet état de fait ait porté quelque préjudice que ce soit à Monsieur Maurice X... ou ait été contraire à ses intérêts, tant patrimoniaux que personnels ; que finalement, l'intérêt supérieur de Monsieur Maurice X... commande de désigner un tiers à la famille, ce qui ne déroge nullement à l'article 448 du code civil, puisque le conflit majeur entre les enfants et les procédures engagées par Monsieur Yves-Marie X... laissent craindre, si la mesure était exercée par lui, la survenance d'autres difficultés dans la fratrie, ce au mépris de la nécessité du maintien entre le père et chacun de ses enfants de relations exemptes de toute tension et de toute défiance » (arrêt p. 8, alinéas 3 à 9) ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE « l'article 1111-6 du code de la santé publique permet à toute personne majeure de désigner une « personne de confiance (...) qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté » ; que ce même texte précise que lors de « toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance... Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation à moins que le malade n'en dispose autrement » ; qu'en novembre 2010, Monsieur Maurice X... est présenté par son fils aîné Jean-Jacques comme sain d'esprit, par son autre fils Yves-Marie comme ne relevant d'aucune mesure de protection, même limitée ; que dès lors-et au vu des pièces versées par l'appelant lui-même, cette déclaration du 17 août 2010, réitérée le 31 août 2010, ne peut manifestement s'inscrire que dans le seul cadre de l'alinéa 2 de l'article L 1111-6 du code de la santé publique ; qu'il en résulte en premier lieu que la désignation de Monsieur Yves-Marie X... comme « personne de confiance » au sens de ce texte a cessé d'avoir effet à la sortie de son père, Monsieur Maurice X..., du CHU et à son admission le même jour à la maison de retraite « les Augustines » à Angers, savoir le 26 octobre 2010 ; ce qui ne remet nullement en cause la confiance que celui-ci pouvait avoir en celui-là ; qu'il en résulte en second lieu que tout son argumentaire sur la méconnaissance éventuelle des droits de son père, pour cause unique de défaut d'information de la « personne de confiance », est sans objet et sans incidence sur la solution du présent litige » (arrêt p. 6, alinéa 3 à 8) ;
ALORS QUE, premièrement, aux termes de l'article 449 du code civil, « le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables » et encore « le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêts porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage » ; que c'est seulement lorsqu'aucun membre de la famille ne peut assumer la curatelle ou la tutelle que le juge, en vertu de l'article 450 du code civil, désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur une liste ; qu'en refusant de prendre en compte, avant d'écarter M. Yves-Marie X... comme tuteur, la circonstance qu'il ait été désigné par M. Maurice X..., son père, comme personne de confiance, dans le cadre de l'article L. 1116-6 du code de la santé publique, quand cette désignation doit être prise en compte, quel que soit l'objet de la disposition au titre des sentiments exprimés par le majeur, de ses relations habituelles et de l'intérêt porté à son égard, les juges du fond ont violé l'article 449 du code civil ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, si l'arrêt devait être compris comme ne portant pas refus de prendre en compte la désignation de M. Yves-Marie X... comme personne de confiance, confiance réitérée tout au long de la procédure, à tout le moins doit-il être compris comme n'ayant pas pris en compte cette désignation ; que l'arrêt doit en tout état de cause être censuré pour défaut de base légale au regard de l'article 449 du code civil.