LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Les Assurances du crédit mutuel, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre spéciale des mineurs, en date du 21 janvier 2010, qui, dans la procédure suivie contre Hamza X... des chefs, notamment, d'homicide involontaire aggravé, vol et infraction au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 janvier 2011 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, MM. Palisse, Arnould, Le Corroller, Nunez, Mme Radenne, M. Pers conseillers de la chambre, M. Roth conseiller référendaire, M. Maziau, conseiller référendaire stagiaire ayant prêté serment ;
Avocat général : Mme Zientara-Logeay ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire ZIENTARA-LOGEAY ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 211-1 du code des assurances, 1384, alinéa 4, du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, transgression des termes du litige ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré opposable aux Assurances du crédit mutuel la décision rendue à l'égard de Hamza X... et de ses parents sur les intérêts civils et condamné les assurés à l'indemnisation du préjudice moral subi par les proches d'Habib Y... du fait de son décès ;
"aux motifs que l'article L. 211-1 du code des assurances fait partie du livre 2ème des assurances obligatoires et qu'il régit l'assurance de véhicules terrestres à moteur et leurs remorques et semi-remorques ; que le chapitre 1er concerne l'obligation de s'assurer ; que la section 1ère, personnes assujetties, comporte l'article L. 211-1 du code des assurances qui indique que toute personne physique dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteinte aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité dans les conditions fixées par un règlement d'administration publique ; que les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au 1er alinéa de l'article L. 211-1 doivent également couvrir la responsabilité civile de toutes personnes ayant la garde ou la conduite même non autorisée du véhicule à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l'automobile ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance ; que, toutefois, en cas de vol d'un véhicule, ces contrats ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, co-auteurs ou complices du vol ; que cet article ne régit que les contrats d'assurance des véhicules terrestres à moteur ; que le contrat souscrit par Mme X... est un contrat visant à garantir la responsabilité civile des mineurs dont Mme X... avait la garde à savoir la responsabilité de son enfant mineur ; que ce contrat n'est pas un contrat obligatoire et qu'il était susceptible de viser différents cas dans lesquels l'enfant aurait pu commettre des fautes entraînant des dommages pour des tiers ; que très précisément le contrat souscrit par Mme X... prévoyait une exclusion à savoir à l'article 22-7 « nous ne prenons pas en charge les dommages causés par tous les véhicules y compris les remorques assujetties à l'assurance obligatoire » ; qu'il était toutefois précisé que la garantie restait acquise en cas de dommages causés par un enfant mineur ou tout autre personne dont l'assuré ou une personne assurée serait reconnu civilement responsable et qui conduit à l'insu des personnes assurées éventuellement sans permis un véhicule terrestre à moteur dont les personnes assurées ne sont ni propriétaires ni gardiennes habituelles ; que cette clause ne constitue nullement une partie d'un contrat visé à l'article L. 211-1 du code des assurances et que, dès lors, il appartenait à la compagnie d'assurances de prévoir expressément que dans le cas où elle garantirait les tiers victimes d'un enfant mineur qui conduirait un véhicule terrestre à moteur, elle exclurait de sa garantie les co-auteurs ou complices d'un vol ; que les exclusions de garantie dans un contrat d'assurance doivent être expressément indiquées afin que l'assuré puisse déterminer quelles étaient les conditions de l'assurance afin éventuellement de choisir un autre assureur ou un autre libellé du contrat d'assurance ; que la garantie responsabilité civile du chef de famille n'étant pas une assurance obligatoire de responsabilité civile des véhicules terrestres à moteur et n'ayant pas indiqué qu'il existait une exclusion de garantie pour les tiers victimes, co-auteurs ou complices d'un vol, celui-ci doit s'appliquer quelle que soit la faute éventuellement commise par le jeune Y... ; que, s'agissant des fautes reprochées à la victime, s'il est prétendu que la victime ne pouvait ignorer que le conducteur du véhicule était en état d'alcoolémie, et, étant mineur, non titulaire du permis de conduire, il s'agit de simples affirmations ; que si la compagnie soutient que la victime savait que le véhicule était volé, elle ne rapporte ni dans ses écritures ni dans les pièces qu'elle a fournies que M. Y... était parfaitement informé du vol de la voiture ;
"1°) alors qu'il se déduit du dernier alinéa de l'article L. 211-1 du code des assurances, qui est d'ordre public, que le législateur a entendu interdire aux compagnies d'assurance de prévoir l'indemnisation des victimes d'accident de circulation lorsque le véhicule impliqué avait été volé par celle-ci ; que l'exclusion impérative de la garantie de l'assureur pour le passager victime d'un accident à bord du véhicule qu'il a contribué à voler s'analyse comme une déchéance qui ne saurait être contournée par l'application des règles de droit commun ;
"2°) alors que les parties civiles, ayants droit du jeune Habib Y... ne contestaient nullement que celui-ci avait participé au vol du véhicule à bord duquel il avait trouvé la mort ; qu'en reprochant aux Assurances de crédit mutuel de ne pas rapporter la preuve qu'Habib Y... était « parfaitement informé » de ce que ce véhicule était volé, la cour d'appel a transgressé les termes du litige et méconnu les exigences de la contradiction ;
"3°) alors subsidiairement que les Assurances du crédit mutuel se prévalaient expressément des déclarations d'un témoin du vol qui avait vu les trois jeunes gens prendre place à bord du véhicule, ainsi que des déclarations des deux autres protagonistes de ce vol, l'un et l'autre condamnés pour vol en réunion, et qui déclaraient qu'Habib Y... y avait participé ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Hamzar X..., alors âgé de seize ans, qui était accompagné de deux autres mineurs, a volé un véhicule automobile ; que, poursuivi par la police, il a perdu le contrôle du véhicule qui est tombé dans un canal et que l'un des passagers, Habib Y..., est décédé ; que, par jugement devenu définitif, le tribunal pour enfants a déclaré Hamzar X... coupable de vol, refus d'obtempérer et d'homicide involontaire ; que, prononçant sur l'action civile exercée par les consorts Y..., le tribunal a écarté l'exception de non garantie soulevée par les Assurances du crédit mutuel, assureur de responsabilité de la mère du prévenu, qui avait été appelée en cause en qualité de civilement responsable de son enfant mineur ;
Attendu que, pour confirmer le rejet de cette exception et dire que la condamnation à réparer le préjudice des parties civiles était opposable à l'assureur, l'arrêt énonce que l'article L. 211-1 du code des assurances, qui exclut les dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol d'un véhicule, ne régit que l'assurance obligatoire des véhicules terrestre à moteur et ne s'applique pas à un contrat d'assurance garantissant la responsabilité civile des parents d'un mineur ; que les juges ajoutent qu'il n'existe pas, dans le contrat souscrit en l'espèce, de clause d'exclusion qui serait applicable et qu'ils en déduisent que l'assureur doit sa garantie ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 n'excluent pas la responsabilité des parents, recherchés comme civilement responsables ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit février deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;