LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mahmoud X... étant décédé le 13 janvier 2010, Mme Y... veuve X..., sa mère, a saisi le tribunal d'instance pour voir dire, principalement, que l'épouse de ce dernier, Mme Michèle Z... veuve X... ne pourrait être considérée comme l'interprète des volontés du défunt qui devra être inhumé en Tunisie ;
Attendu que Mme Y... veuve X... fait grief à l'ordonnance attaquée (Paris, 26 janvier 2010) d'avoir dit que Mahmoud X... serait incinéré dans les conditions fixées par son épouse, alors, selon le moyen :
1° / qu'en s'abstenant de prendre en compte l'attestation par laquelle les sept frères et soeurs du défunt certifiaient que le défunt « nous a toujours demandé qu'on réalise son souhait par rapport à son enterrement dans le cavot (caveau) familial (bien entendu comme nous toujours) et il nous a toujours précisé de lui accorder la place du côté droit de notre père », le premier président a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2° / qu'en retenant que la veuve du défunt était la mieux placée pour exprimer sa volonté tout en négligeant l'attestation d'un frère du défunt relatant que ce dernier lui avait indiqué, lors d'une visite à l'hôpital peu avant son décès : « il ne faut pas écouter Michèle », ce dont il résultait qu'aux yeux du défunt lui-même, celle-ci n'était pas la personne la mieux qualifiée pour décider des modalités de ses funérailles, le premier président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
3° / qu'en s'abstenant de s'expliquer sur les attestations relatant que la veuve du défunt entendait non seulement décider seule et imposer sa décision au reste de la famille, mais encore utiliser volontairement l'incinération pour rompre ces liens (« Il n'y a plus de liens avec vous. Et c'est pour ça que je vais le brûler, comme ça il n'y aura plus de trace de lui »), ce dont il résultait que la veuve du défunt n'exprimait pas les voeux de celui-ci mais donnait libre cours à ses propres sentiments, le premier président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
4° / qu'en cas de doute sur la volonté du défunt et d'opposition entre les divers membres de la famille, notamment à raison de traditions religieuses, doit être privilégiée la modalité qui n'est pas par elle-même de nature à heurter les convictions ou sentiments des uns ou des autres ; qu'en ordonnant l'incinération, contraire à la tradition musulmane et aux sentiments de la famille par le sang, plutôt que l'inhumation, qui n'est contraire à aucune tradition et ne pouvait donc par elle-même heurter quiconque, le premier président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'il convenait de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt en ce qui concerne l'organisation de ses funérailles et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités, l'ordonnance a, au vu de l'ensemble des éléments de preuve produits, pu retenir, en l'absence de volonté connue du défunt, que Mme Z..., sa veuve, avec laquelle celui-ci a vécu pendant plus de trente ans et dont il a eu quatre enfants, était la plus qualifiée pour décider de l'organisation des obsèques, compte tenu de cette vie commune et des liens affectifs, non remis en cause, ayant uni ce couple ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... veuve X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation, première chambre civile, en l'audience publique du deux février deux mille dix ;
Où étaient présents : M. Charruault, président, M. Garban, conseiller rapporteur, M. Gridel, conseiller, M. Mellottée, premier avocat général, Mme Collet, greffier de chambre.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme Y... veuve X...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir dit que M. Mahmoud X..., décédé le 13 janvier 2010, serait incinéré dans les conditions fixées par son épouse, Mme Michèle Z... veuve X... et débouté Madame Y... veuve X..., mère du défunt, de sa demande tendant à voir ordonner son inhumation ;
AUX MOTIFS QU'« il importe de rechercher par tous moyens quelle a été la volonté du défunt en ce qui concerne l'organisation de ses funérailles et à défaut de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités ; qu'il est constant que M. Mahmoud X... n'a laissé aucun écrit relatif à l'organisation de ses funérailles ; que l'appelante, pour justifier de la volonté de son fils d'être inhumé, selon la tradition musulmane, verse aux débats des attestations de commerçants (pièces 39 à 44) et des musulmans des Fossés (pièce 45) selon lesquelles ce dernier respectait la tradition et la religion musulmane et ne l'avait, à leur connaissance, pas répudiée ; qu'il convient d'estimer que ces documents sont de faible valeur probante étant contredits par les pièces et attestations produites par les intimés (10, 20, 24, 17, 33, 32, 31, 29, 23, 15, 25, 26, 13, 14, 37, 38) qui relatent au contraire que le défunt avait abandonné la pratique de la religion musulmane, se nourrissait de viande de porc et que les photos versées aux débats (pièces 43 à 54) le représentent alors qu'il consomme des boissons alcoolisées ; que l'appelante se prévaut d'un maintien des relations familiales et de l'attachement du défunt à sa famille tunisienne en produisant diverses attestations et documents (pièces 47 à 51, 53, 49, 54, 43), que de même, il sera estimé que ces documents sont sujets à contestation dès lors qu'il sont contredits par d'autres attestations et qu'il résulte du passeport de M. Mahmoud X... qu'il ne s'était pas rendu dans sa famille en Tunisie depuis de nombreuses années ; que pour démontrer que la volonté de M. Mahmoud X... était d'être inhumé, elle verse une attestation de son (ses) frère (s) et ses soeurs (pièce 50) selon laquelle il leur aurait toujours demandé qu'on réalise son souhait par rapport à son enterrement dans le caveau familial et leur a toujours précisé de lui accorder la place du côté droit de leur père ; que ce document ne saurait être considéré comme traduisant de façon indiscutable la volonté du défunt quant à l'organisation de ses funérailles, qu'en effet, il ne se réfère à aucune date et relate de façon indirecte et peu circonstanciée le souhait qu'aurait exprimé le défunt et il est contredit par des attestations et des témoignages faisant état de la volonté de ce dernier de ne surtout pas être inhumé, comme l'a précisé, eu demeurant, M. A..., son ancien employeur à l'audience ; qu'il y a lieu d'estimer que l'ensemble des pièces produites aux débats, qui se contredisent, ajouté à la propre contrariété des témoignages de sa veuve et de ses enfants avec ceux de sa famille demeurée pour partie au pays ne permettent pas de déterminer avec certitude quelle a été véritablement la volonté du défunt quant à l'organisation de ses funérailles et qu'il convient en conséquence de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités ; qu'il n'est pas contesté que M. Mahmoud X... a vécu plus de trente ans avec Mme Michèle Z... qu'il avait épousée et dont il a eu quatre enfants, qu'il convient d'estimer compte tenu de la durée de cette vie commune et des liens affectifs, non remis en cause, ayant unis ce couple, que sa veuve est la mieux placée pour décider de l'organisation de ses obsèques ; que dans ces conditions, la décision déférée qui a dit que M. Mahmoud X... serait incinéré dans les conditions fixées par son épouse doit être confirmée en toutes ses dispositions » ;
ALORS D'UNE PART QU'en s'abstenant de prendre en compte l'attestation (pièce n° 55) par laquelle les sept frères et soeurs du défunt certifiaient que le défunt « nous a toujours demandé qu'on réalise son souhait par rapport à son enterrement dans le cavot (caveau) familial (bien entendu comme nous toujours) et il nous a toujours précisé de lui accorder la place du côté droit de notre père », le Premier Président a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en retenant que la veuve du défunt était la mieux placée pour exprimer sa volonté tout en négligeant l'attestation (pièce 11) d'un frère du défunt relatant que ce dernier lui avait indiqué, lors d'une visite à l'hôpital peu avant son décès : « il ne faut pas écouter Michèle », ce dont il résultait qu'aux yeux du défunt lui-même, celle-ci n'était pas la personne la mieux qualifiée pour décider des modalités de ses funérailles, le Premier Président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART en s'abstenant de s'expliquer sur les attestations (pièces n° 50 et 52) relatant que la veuve du défunt entendait non seulement décider seule et imposer sa décision au reste de la famille, mais encore utiliser volontairement l'incinération pour rompre ces liens (« Il n'y a plus de liens avec vous. Et c'est pour ça que je vais le brûler, comme ça il n'y aura plus de trace de lui »), ce dont il résultait que la veuve du défunt n'exprimait pas les voeux de celui-ci mais donnait libre cours à ses propres sentiments, le Premier Président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
ALORS QU'ENFIN en cas de doute sur la volonté du défunt et d'opposition entre les divers membres de la famille, notamment à raison de traditions religieuses, doit être privilégiée la modalité qui n'est pas par elle-même de nature à heurter les convictions ou sentiments des uns ou des autres ; qu'en ordonnant l'incinération, contraire à la tradition musulmane et aux sentiments de la famille par le sang, plutôt que l'inhumation, qui n'est contraire à aucune tradition et ne pouvait donc par elle-même heurter quiconque, le Premier Président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887.