LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Michelle Y... épouse X... étant décédée le 29 avril 2009, ses père et mère, M. et Mme Y..., ont saisi en référé le président du tribunal d'instance du 18e arrondissement de Paris aux fins d'être autorisés à organiser ses funérailles, le mari de celle-ci souhaitant lui-même y pourvoir selon le rite musulman ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'ordonnance attaquée (Paris, 19 mai 2009) d'avoir dit que la personne qualifiée pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles était Mme Z..., amie de la défunte, qui a clairement exprimé que Michelle Y... aurait souhaité des funérailles selon le rite musulman, et d'avoir autorisé M. X... à procéder aux funérailles de Michelle Y... selon ce rite, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au juge de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt, et à défaut de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider des modalités des funérailles ; que la détermination de l'intention du défunt appartient donc directement au juge et que celui-ci ne peut déléguer ce pouvoir à un tiers ; qu'en décidant qu'une amie de la défunte était la "mieux qualifiée" pour exprimer ce qui aurait pu être l'intention de celle-ci, sans rechercher ni définir lui-même cette intention, le juge d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et délégué à un tiers un pouvoir qui lui est propre, en violant les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
2°/ que, contrairement à ce qu'écrit l'ordonnance attaquée, l'attestation de Mme Z... est muette sur les intentions éventuelles de Mme Michelle Y... quant à ses funérailles, et elle n'y exprime donc aucune expression claire à ce sujet ; que l'ordonnance attaquée a dénaturé cette attestation et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'à défaut d'intention déterminable du défunt quant à l'organisation de ses funérailles, le juge doit non pas désigner la personne "la mieux qualifiée" pour suppléer une intention réputée inconnue, mais désigner la personne "la mieux qualifiée" pour décider des modalités des funérailles, lesquelles modalités sont alors choisies par cette personne la mieux qualifiée ; qu'en désignant une personne "la mieux qualifiée pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles", autrement dit pour exprimer une prétendue intention à la place du défunt, et non comme étant la mieux qualifiée pour décider des modalités des funérailles, le premier président a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
4°/ qu'à défaut d'intention déterminable de la défunte, il appartenait au juge, non pas de laisser un tiers exprimer une intention supposée de celle-ci, mais, après avoir constaté l'absence d'intention exprimée par la défunte, et l'impossibilité de la déterminer directement, de désigner la personne la mieux qualifiée pour procéder aux funérailles en abandonnant à la sagesse de celle-ci la définition des modalités et de leur organisation ; que le premier président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
5°/ que le premier président ne pouvait à la fois reconnaître expressément que M. Larbi X... n'était pas qualifié pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles, dire qu'il lui appartenait de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités et confier néanmoins à M. X... le soin d'organiser les funérailles, sans lui reconnaître la qualité de personne la mieux qualifiée pour le faire ; qu'en statuant ainsi le premier président a :
- d'une part violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
- d'autre part statué par contradiction entre ses motifs et son dispositif en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la circonstance à la supposer avérée, que Michelle Y... ait eu l'intention d'avoir des funérailles selon le rite musulman, ne faisait pas pour autant et automatiquement de M. Larbi X..., mari dont elle voulait divorcer, avec lequel elle n'avait jamais eu de vie commune, et qui du propre aveu de la cour d'appel, n'avait aucune qualité pour rapporter les intentions de son épouse, la personne "la mieux qualifiée" pour organiser les funérailles ; qu'en lui confiant ce soin sans justifier en aucune manière de ce que M. X... aurait eu cette "qualification", la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'il convenait de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions de la défunte en ce qui concerne ses funérailles et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités, l'ordonnance, sans dénaturation de l'attestation de Mme Z..., ni délégation de ses pouvoirs par le juge en faveur de cette dernière, a, au vu des éléments de preuve produits, pu, d'une part, retenir que celle-ci, compte tenu de la durée de leurs liens d'amitié, était la personne la mieux placée pour rapporter l'intention de Michelle Y... quant à ses funérailles et, d'autre part, confier, sans se contredire ni violer les dispositions de l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887, l'organisation des obsèques selon le rite musulman à M. X... dont la qualification pour ce faire n'était pas contestée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf ;
Où étaient présents : M. Bargue, président, M. Garban, conseiller rapporteur, M. Gridel, conseiller, M. Mellottée, premier avocat général, Mme Collet, greffier de chambre.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir dit que ni le mari de la défunte, Larbi X..., ni ses parents, les époux Y..., ne sont qualifiés pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles, dit que cette personne est Candice Z... qui a clairement exprimé que Michelle Y... aurait souhaité des funérailles selon le rite musulman, et d'avoir autorisé Larbi X... à procéder aux funérailles de Michelle Y... selon le rite musulman ;
AUX MOTIFS QUE ni le mari ni les parents, compte tenu des constatations de la Cour ne sont qualifiés pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles ; qu'il appartient dès lors à la Cour de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités ; qu'il est établi que si Michelle Y... souhaitait divorcer, elle n'avait pas pour autant rompu ses liens avec la communauté musulmane ; que compte tenu de la durée de leurs liens d'amitié, Candice Z... est la personne la mieux placée pour rapporter l'intention de Michelle Y... s'agissant de ses funérailles et a clairement exprimé que celle-ci aurait souhaité des funérailles selon le rite musulman ;
1° ALORS QU'il appartient au juge de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt, et à défaut de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider des modalités des funérailles (Civ., 1ère, 15 juin 2005, B. n° 267) ; que la détermination de l'intention du défunt appartient donc directement au juge et que celui-ci ne peut déléguer ce pouvoir à un tiers ; qu'en décidant qu'une amie de la défunte était la « mieux qualifiée » pour exprimer ce qui aurait pu être l'intention de celle-ci, sans rechercher ni définir lui-même cette intention, le juge d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et délégué à un tiers un pouvoir qui lui est propre, en violant les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
2° ALORS QUE contrairement à ce qu'écrit l'ordonnance attaquée, l'attestation de Madame Z... est muette sur les intentions éventuelles de Madame Michelle Y... quant à ses funérailles, et elle n'y exprime donc aucune expression claire à ce sujet ; que l'ordonnance attaquée a dénaturé cette attestation et violé l'article 1134 du Code civil ;
3° ALORS QU'à défaut d'intention déterminable du défunt quant à l'organisation de ses funérailles, le juge doit non pas désigner la personne « la mieux qualifiée » pour suppléer une intention réputée inconnue, mais désigner la personne « la mieux qualifiée » pour décider des modalités des funérailles, lesquelles modalités sont alors choisies par cette personne la mieux qualifiée ; qu'en désignant une personne « la mieux qualifiée pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles », autrement dit pour exprimer une prétendue intention à la place du défunt, et non comme étant la mieux qualifiée pour décider des modalités des funérailles, le Premier Président a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
4° ALORS QU'à défaut d'intention déterminable de la défunte, il appartenait au juge, non pas de laisser un tiers exprimer une intention supposée de celle-ci, mais, après avoir constaté l'absence d'intention exprimée par la défunte, et l'impossibilité de la déterminer directement, de désigner la personne la mieux qualifiée pour procéder aux funérailles en abandonnant à la sagesse de celle-ci la définition des modalités et de leur organisation ; que le Premier Président a violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;
5° ALORS QUE le Premier Président ne pouvait à la fois reconnaître expressément que Monsieur Larbi X... n'était pas qualifié pour transmettre les intentions de Michelle Y... quant à ses funérailles, dire qu'il lui appartenait de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités et confier néanmoins à Monsieur X... le soin d'organiser les funérailles, sans lui reconnaître la qualité de personne la mieux qualifiée pour le faire ; qu'en statuant ainsi le Premier Président a :
- d'une part violé les articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887 ;- d'autre part statué par contradiction entre ses motifs et son dispositif en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
6° ALORS QUE la circonstance à la supposer avérée, que Michelle Y... ait eu l'intention d'avoir des funérailles selon le rite musulman, ne faisait pas pour autant et automatiquement de Monsieur Larbi X..., mari dont elle voulait divorcer, avec lequel elle n'avait jamais eu de vie commune, et qui du propre aveu de la Cour d'appel, n'avait aucune qualité pour rapporter les intentions de son épouse, la personne « la mieux qualifiée » pour organiser les funérailles ; qu'en lui confiant ce soin sans justifier en aucune manière de ce que Monsieur X... aurait eu cette « qualification », la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 3 et 4 de la loi du 15 novembre 1887.