LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'André X... est décédé le 17 novembre 1998, en laissant pour lui succéder son frère, M. Michel X..., et en l'état d'un testament olographe du 1er juillet 1995 instituant M. Michel Y... et Mme Marie-Louise Z..., épouse Y... légataires pour la moitié de ses biens ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 816 du code civil ;
Attendu que pour ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, l'arrêt attaqué retient que l'acte dressé le 23 novembre 1998, par M. A..., notaire à Bletterans (Jura), a porté sur l'inventaire des biens mobiliers de la succession d' André X..., décédé le 17 novembre 1998, et la réalisation d'une prisée de ceux-ci, que cet acte ne fait pas état des autres avoirs du défunt et qu'il ne constitue pas un acte de partage ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée si un partage amiable n'était pas intervenu entre M. X... et M. et Mme Y... le 26 février 2005, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen soulevé d'office après avis donné aux parties :
Vu l'article 843 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
Attendu que l'arrêt condamne M. et Mme Y... à rapporter la somme de 20 885,51 euros à la succession ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le rapport des libéralités à la succession n'est dû que par les héritiers ab intestat et que M. et Mme Y... n'avaient que la qualité de légataires à titre universel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen soulevé d'office après avis donné au parties :
Vu l'article 792 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
Attendu que l'arrêt inflige à M. et Mme Y... la peine du recel successoral sur la somme de 20 885,51 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les libéralités consenties par le de cujus à M. et Mme Y... n'étaient pas rapportables et qu'en l'absence d'héritier réservataire, elles n'étaient pas non plus susceptibles d'être réductibles, de sorte que leur dissimulation ne pouvait être qualifiée de recel successoral, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de André X... ;
AUX MOTIFS QUE l'acte dressé le 23 novembre 1998, par Me A..., notaire à Bletterans (Jura), a porté sur l'inventaire des biens mobiliers de la succession de André X..., décédé le 17 novembre 1998, et la réalisation d'une prisée de ceux-ci ; que cet acte ne fait pas état des autre avoirs du défunt ; qu'il ne constitue pas un acte de partage ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être infirmé ; que l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de André X... doit être ordonnée ;
ALORS QUE le partage ne peut être judiciairement demandé qu'autant qu'il n'y a pas déjà été procédé par voie de convention ; qu'en ne recherchant pas si, comme le soutenaient les époux Y... jusque dans leurs dernières écritures (cf. leurs conclusions du 2 mars 2009 p.11 in fine) et comme l'avaient retenu les premiers juges (jugement entrepris, avant-dernière page, § 3), un partage amiable n'était pas déjà intervenu entre les époux Y... et M. X... à la date du 26 février 2005, la cour, qui ne s'explique que sur l'inventaire dressé le 23 novembre 1998, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 816 et 819 du Code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, et de l'article 1134 du même code.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné les époux Michel Y... à rapporter la somme de 20.885,51 € à la succession de André X... ;
AUX MOTIFS QU'entendue par les militaires de la brigade de gendarmerie de Beaurepaire-en-Bresse, le 2 mars 2002, Marie-Louise Z..., épouse Y..., a reconnu avoir reçu, à plusieurs reprises des sommes d'argent, de André X... ; qu'elle a évalué celles-ci à 80.000 francs (12.195,92 €) ; qu'elle s'est engagée à remettre un récapitulatif desdites perceptions, qu'elle détenait à son domicile ; que celui-ci représente un total de 69.000 francs (10.518,98 €) ; que parmi cette somme figurent les chèques de 20.000 francs chacun, du 19 mai 1996 et du 22 avril 1997, mis en évidence par l'appelant ; que l'épouse a également reconnu avoir elle-même établi un chèque de 50.000 francs (7.622,45 €), à l'ordre de son fils, Patrick, « sur le capot de la voiture » (sic !) ; que les intimés ont ainsi reçu la somme de 119.000 francs (18.141,43 €) du vivant du défunt ; que les intimés ne démontrent pas que les différents éléments composant cette somme aient eu le caractère de présents d'usage ; que dans l'audition précitée, Marie-Louise Y... a reconnu que les 80.000 francs avaient été donnés pour acheter des matériaux, et que le chèque de 50.000 francs précité était destiné à faire plaisir à son fils, qui avait rendu des services à André X... ; qu'en conséquence, la somme de 18.141,43 € doit être rapportée, par les intimés, à la succession ;
ALORS QUE seuls les héritiers sont tenu au rapport des libéralités ; que les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l'époque de l'ouverture de la succession sont toujours réputés faits avec dispense du rapport et les parents venant à la succession du donateur ne sont pas tenus de les rapporter ; qu'en incluant néanmoins dans la somme à rapporter à la succession, celle de 7.622,45 € correspondant, selon les constatations mêmes de l'arrêt, à un chèque de 50.000 francs tiré par le de cujus, non point à l'ordre des époux Y... eux-mêmes, mais à l'ordre de leur fils Patrick Y..., que M. André X... avait souhaité gratifier au titre de services qu'il lui avait rendus, mais qui n'avait pas la qualité d'héritier, la cour viole les articles 843 et 847 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir infligé aux époux Michel Y... la peine du recel successoral sur la somme de 20.885,51 € ;
AUX MOTIFS QU'entendue par les militaires de la brigade de gendarmerie de Beaurepaire-en-Bresse, le 2 mars 2002, Marie-Louise Z..., épouse Y..., a reconnu avoir reçu, à plusieurs reprises des sommes d'argent, de André X... ; que le montant des versements ainsi opérés représente un total de 69.000 francs, soit 10.518,98 € ; que l'épouse a également reconnu avoir elle-même établi un chèque de 50.000 francs (7.622,45 €), à l'ordre de son fils, Patrick, « sur le capot de la voiture » (sic !) ; que les intimés ont ainsi reçu la somme de 119.000 francs (18.141,43 €) du vivant du défunt ; qu'en conséquence, la somme de 18.141,43 € doit être rapportée, par les intimés, à la succession ; que sur les primes d'assurance vie, deux contrats ont été souscrits respectivement le 1er mai 1994 pour un montant de 200.000 francs, et le 8 décembre 1993, pour un montant de 18.000 francs ; que le versement le 8 décembre 1993, d'une prime de 18.000 francs (2.744,08 €) était exagéré au regard du patrimoine de André X... à cette date ; que la somme correspondante doit être rapportée à la succession ; qu'en conséquence, les intimés devront rapporter à la succession de André X... la somme de 18.141,43 € + 2.744,08 €, soit 20.885,51 € ; que les époux Michel Y... ont sciemment dissimulé à Me A..., notaire ayant établi l'inventaire du 23 novembre 1998, les sommes dont ils avaient pu bénéficier de la part de André X..., l'acte précité mentionnant que le notaire va procéder « à l'inventaire de tout ce qui peut dépendre, tant activement que passivement, de la succession du défunt ; que ce faisant, ceux-ci ont cherché à rompre l'égalité du partage ; que l'enquête pénale a été nécessaire pour rétablir l'égalité de celui-ci ; qu'en conséquence, il convient de leur infliger la peine de recel successoral sur la somme de 20.885,51 € rapportée à la succession ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, le recel successoral ne peut être caractérisé à raison de la prétendue dissimulation de libéralités que l'héritier mis en cause n'avait pas à rapporter à la succession; qu'il s'ensuit que les époux Y..., qui n'avaient pas à rapporter la somme de 7.622,45 € dont le de cujus avait gratifiée leur fils, ne pouvaient être convaincus de recel relativement à cette même somme, pourtant incluse dans la somme totale de 20.885,51 € sur laquelle la cour décide d'appliquer la peine du recel ; qu'en statuant de la sorte, la cour viole l'article 792 du code civil, ensemble les articles 843 et 847 du même code, dans leur rédaction applicable à la cause ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, s'agissant d'un contrat d'assurance vie, dès lors que le capital ou la rente payable au décès du souscripteur et que les primes versées par lui, sauf preuve judiciairement constatée du caractère manifestement exagéré de celles-ci eu égard à ses facultés, ne sont pas soumis à rapport à la succession, la non-révélation de l'existence du contrat par un héritier n'est pas constitutive, par elle-même, d'un recel successoral, faute d'élément intentionnel ; qu'en incluant néanmoins dans la somme sur laquelle elle applique la peine du recel successoral, celle de 2.744,08 € correspondant à une prime d'assurance vie qui n'était pourtant pas rapportable avant qu'il n'ait été statué sur son caractère manifestement exagéré, la cour viole de nouveau l'article 792 du code civil , dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 132-13 du code des assurances ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, la cour ne pouvait, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs, relever, pour se convaincre que c'était sciemment que les époux Y... n'avaient pas révélé les versements dont ils avaient bénéficié de la part du défunt lors de l'inventaire du 23 novembre 1998, que cet acte mentionnait que le notaire allait procéder « à l'inventaire de tout ce qui peut dépendre, tant activement que passivement, de la succession du défunt » (arrêt p.6, § 9), après avoir elle-même retenu que ce même inventaire du 23 novembre 1998 n'avait en fait porté que sur « l'inventaire des biens mobiliers de la succession d'André X... … et la réalisation d'une prisée de ceux-ci » (arrêt p.4, § 5), ce en quoi la cour viole l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT ET ENFIN, le principe de la personnalité des délits et des peines s'opposait ici à ce que Mme Y... fût convaincue de recel pour n'avoir pas révélé, dès l'inventaire du 23 novembre 1998, les versements dont elle avait bénéficié de la part d'André X..., quand il résultait pourtant des mentions de l'acte du 23 novembre 1998 que celle-ci ne figuraient pas au nombre des personnes présentes lors de cet inventaire, de sorte qu'il ne pouvait lui être personnellement reproché d'être demeurée taisante; qu'à cet égard encore, la cour viole l'article 792 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et le principe susvisé.