LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 10 février 2009), que Mme Y... a confié la défense des intérêts de son fils mineur à M. X..., avocat au barreau de Bordeaux, pour une action en responsabilité ; que M. Y..., devenu majeur, a payé à M. X... les honoraires demandés en application de la convention qui avait été souscrite par sa mère, puis a mis fin au mandat de ce dernier, a confié la défense de ses intérêts à un autre avocat et a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une contestation des honoraires réglés ; que M. X... a formé un recours contre la décision du bâtonnier ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de déclarer recevable le recours incident de M. Y..., alors, selon le moyen, que la décision du bâtonnier en matière de contestation d'honoraires est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi dans un délai d'un mois, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'aucune disposition légale applicable en cette matière ne prévoit la faculté, pour la partie n'ayant pas formé un recours dans les formes et délais de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, de le faire à titre incident, après l'expiration du délai de recours ; qu'en l'espèce, M. Y... a formé un recours incident par voie de conclusions déposées bien plus d'un mois après la décision du bâtonnier et réitéré à l'audience ; qu'en déclarant un tel recours recevable, et en aggravant le sort de l'avocat sur ce recours, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne vise que le recours principal et qu'en application des dispositions de l'article 277 du même décret, qui renvoie aux dispositions du code de procédure civile, le recours incident peut être formé en tout état de cause conformément à l'article 550 de ce code, même à l'audience, la procédure étant orale, le premier président a décidé à bon droit que le recours incident, formé par M. Y... dans ses conclusions déposées le 24 décembre 2008 et réitéré à l'audience, était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'annuler la convention d'honoraires signée le 17 février 1990 et de le débouter de sa demande au titre des honoraires de résultat alors, selon le moyen :
1°/ que sauf si elle est affectée d'une cause de nullité dont il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve, la convention d'honoraires soumise par l'avocat à son client et acceptée par celui-ci fait la loi des parties ; que le contrat n'est pas nul du seul fait qu'il contient une clause irrégulière dès lors que cette clause est divisible du reste de la convention et peut être réputée non écrite ; qu'en annulant en l'espèce l'intégralité de la convention d'honoraires, au motif qu'elle contenait une mention illicite sur le paiement des honoraires malgré l'absence d'exécution de la décision et de son caractère définitif, quand cette clause était parfaitement détachable du reste de la convention et pouvait être écartée sans entacher la validité de la convention d'honoraires, le premier président a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les honoraires librement versés par le client après service fait ne sauraient donner lieu à restitution au prétexte qu'ils seraient disproportionnés ou ne correspondraient pas aux prestations accomplies ; qu'en l'espèce, les honoraires versés à M. X... par M. Y... l'ont été librement, sur accord exprès de M. Y..., après service rendu ; qu'en ordonnant cependant la restitution d'une partie de ces honoraires, le premier président a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, que la clause prévoyant un honoraire de résultat en l'absence de toute décision ayant un caractère définitif était nulle, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du caractère déterminant de cette clause que le premier président a décidé que la convention d'honoraires était nulle en son entier ;
Et attendu que la seconde branche s'attaque à des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le premier moyen de cassation fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré recevable l'appel incident formé par Monsieur Y... dans ses conclusions déposées le 24 décembre 2008 et, en conséquence, d'avoir condamné Maître X... à restituer à Monsieur Y... la somme de 55. 600, 78 euros,
AUX MOTIFS QUE l'article 277 du décret précise qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par ledit décret ; que dès lors, en application de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement comme l'indique Maître X..., il appartient au premier président, après avoir constaté la nullité de la décision déférée, d'évoquer le fond ; que l'article 176 du décret précise que la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président qui doit être saisi par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai d'un mois ; que cette disposition ne vise que l'appel principal et ne prévoit rien en ce qui concerne l'appel incident ; que dès lors en l'absence de dispositions contraires, en application de l'article 550 du code de procédure civile, l'appel incident peut être formé en tout état de cause, même à l'audience, la procédure étant orale, dès lors que le principe du contradictoire est respecté ; que l'appel incident formé par monsieur
Y...
dans ses conclusions déposées le 24 décembre 2008 et réitéré à l'audience, doit être déclaré recevable (ord. p. 3) ;
ALORS QUE la décision du bâtonnier en matière de contestation d'honoraires est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi dans un délai d'un mois, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'aucune disposition légale applicable en cette matière ne prévoit la faculté, pour la partie n'ayant pas formé un recours dans les formes et délais de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, de le faire à titre incident, après l'expiration du délai de recours ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... a formé un recours incident par voie de conclusions déposées bien plus d'un mois après la décision du bâtonnier et réitéré à l'audience ; qu'en déclarant un tel recours recevable, et en aggravant le sort de l'avocat sur ce recours, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 176 du décret du 27 novembre 1991.
Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir, tout en écartant les pièces autres que celles visées par les conclusions de Monsieur Y..., refusé d'écarter des débats des pièces produites en sus par Monsieur Y... concernant des correspondances émanant de Maître X...,
AUX MOTIFS QU'en application du principe du contradictoire, il y a lieu de rejeter des débats les pièces produites par Monsieur Y... qui ne correspondent pas aux neuf pièces visées dans ses conclusions écrites, étant relevé que les quelques pièces produites en sus par Monsieur Y... concernent notamment six correspondances datées de 2005 qui émanent de Maître X... dont il a de ce fait nécessairement connaissance (ord. p. 3) ;
ALORS QUE le respect du contradictoire implique que la partie adverse ait connaissance des pièces produites et puisse les discuter quand bien même elle serait en l'auteur ; qu'en refusant d'écarter des débats toutes les pièces autres que celles visées dans les conclusions écrites de Monsieur Y..., qui n'avaient pas été communiquées à Maître X..., au motif que les quelques pièces produites en sus par Monsieur Y... concernaient notamment six correspondances datées de 2005 qui émanaient de Maître X... dont il avait de ce fait nécessairement connaissance, le premier président a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du respect du contradictoire.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir annulé la convention d'honoraires signée le 17 février 1990 entre Maître X... et Madame Y..., et d'avoir débouté Maître X... de sa demande au titre des honoraires de résultat,
AUX MOTIFS QUE Monsieur et Madame Jean-François
Y...
sont intervenus auprès de Maître X... en 1990 afin d'envisager une action en responsabilité à l'encontre de la clinique Saint Martin, du médecin accoucheur et de la sage femme à la suite de la naissance de leur fils Vincent Y... né le 14 octobre 1982 dans des conditions difficiles ayant entraîné des séquelles extrêmement importantes ; que Maître X... est intervenu dans le cadre de plusieurs instances judiciaires pour le compte personnel de Monsieur et de Madame Y... et de leur enfant de 1990 à juillet 2003 ; qu'une convention d'honoraires a été signée le 17 février 1990 entre Maître X... et Madame Y... agissant en son nom et en faveur de son mari et de ses enfants Vincent et Christophe ; que cette convention d'honoraires prévoyait notamment la facturation des diligences sur une base horaire de 600 euros HT, frais de courrier et de déplacement en sus et un honoraire de résultat de 10 % auquel Maître X... aura droit en cas de gain ou de perte évitée sur la totalité du résultat quelle que soit la solvabilité de l'adversaire, que la décision de justice soit exécutée ou non, qu'il y ait un recours ou non sur la décision rendue ; que si des différences d'écritures peuvent être relevées sur les mentions manuscrites, il est établi que Madame Y... ne conteste pas avoir apposé sa signature précédée de la mention « Bon pour accord » sous la mention « le client » ; qu'il en résulte qu'aucun élément ne permet de retenir que cette convention n'a pas été régulièrement signée par Madame Y... à la date indiquée, soit le 17 février 1990 ; que par contre l'honoraire de résultat ne peut être perçu qu'en présence d'une décision irrévocable, ayant force de chose jugée et après qu'elle fut mise à exécution ; que la convention signée le 17 février 1990 qui prévoit un honoraire de résultat malgré l'absence d'exécution de la décision et de son caractère définitif ne respecte pas ces conditions ; dès lors, comme l'a demandé Monsieur Y..., cette convention qui est entachée de nullité doit être annulée (ord. p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, D'UNE PART, sauf si elle est affectée d'une cause de nullité dont il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve, la convention d'honoraires soumise par l'avocat à son client et acceptée par celui-ci fait la loi des parties ; que le contrat n'est pas nul du seul fait qu'il contient une clause irrégulière dès lors que cette clause est divisible du reste de la convention et peut être réputée non écrite ; qu'en annulant en l'espèce l'intégralité de la convention d'honoraires, au motif qu'elle contenait une mention illicite sur le paiement des honoraires malgré l'absence d'exécution de la décision et de son caractère définitif, quand cette clause était parfaitement détachable du reste de la convention et pouvait être écartée sans entacher la validité de la convention d'honoraires, le premier président a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, les honoraires librement versés par le client après service fait ne sauraient donner lieu à restitution au prétexte qu'ils seraient disproportionnés ou ne correspondraient pas aux prestations accomplies ; qu'en l'espèce, les honoraires versés à Maître X... par Monsieur Vincent Y... l'ont été librement, sur accord exprès de Monsieur Y..., après service rendu ; qu'en ordonnant cependant la restitution d'une partie de ces honoraires, le premier président a violé l'article 1134 du code civil.
Le quatrième moyen de cassation fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné la restitution par Maître X... de la somme de 55. 600, 78 euros TTC à titre de trop perçu,
AUX MOTIFS QUE la convention d'honoraires ne pouvant s'appliquer, les honoraires de Maître X... doivent être fixés en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ; que Maître X... indique que les résultats favorables à Monsieur Y... sont dus à sa détermination et son implication, ce qui n'est pas en définitive contesté ; qu'il a chiffré le temps passé à 825 heures ce qui apparaît très important mais qui sur 13 ans conduit à une moyenne de 63 h 30 par an, chiffre tout à fait admissible et qui peut être retenu, étant relevé que Maître X... ne peut prétendre à rémunération après son dessaisissement en juillet 2003 ; que Maître X... justifie d'un tarif horaire de 994 francs (151 euros) en 1997 admis par l'association nationale d'assistance administrative et fiscale des avocats ; que ce chiffre était inférieur en 1990, début de son intervention, et supérieur en 2003, fin de son intervention ; qu'il constitue une moyenne qui peut être retenue compte tenu de la durée de l'intervention ; que l'honoraire de Maître X... doit être fixé à la somme de 151 euros x 825 h = 124. 575 euros ; que Maître X... reconnaît lui-même qu'il a perçu soit de Madame Y... au nom de son fils mineur, soit de Monsieur Y... la somme de 75. 477, 50 euros HT au titre de l'honoraire de diligences, de 1. 029, 03 euros HT au titre des frais et débours, et de 94. 557, 41 euros HT au titre de l'honoraire de résultat en application de la convention d'honoraires, soit un total de 171. 063, 94 euros HT, 204. 592, 48 euros TTC ; qu'il y a lieu d'ordonner la restitution de la somme de 55600, 78 euros TTC à titre de trop perçu, Maître X... ne pouvant valablement soutenir que toute restitution d'honoraires ne pouvait intervenir après service rendu dans la mesure où la convention qui a servi de fondement au paiement des honoraires a été elle-même annulée et ne peut donc plus légitimer un quelconque paiement d'honoraire ;
ALORS QUE, D'UNE PART, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé notamment selon les usages, en fonction de la difficulté de l'affaire, de la notoriété de l'avocat ainsi que des diligences accomplies ; qu'en se bornant, pour fixer les honoraires de Maître X... à la somme totale de 148. 991, 70 euros TTC, à faire état d'un taux horaire forfaitaire, invoqué par Maître X... comme étant un taux moyen national pratiqué par la profession en 1997, sans évaluer de manière concrète les honoraires dus à l'avocat au regard, notamment, de ses diligences, de la complexité de l'affaire et de sa notoriété, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la somme totale de 204. 592, 48 euros TTC perçue par Maître X... comprenait pour une somme de 47. 840 francs TTC l'honoraire de résultat calculé sur les sommes allouées pour préjudice moral à chacun des parents et au frère de Vincent Y... ; que comme le faisait valoir Maître X... dans ses conclusions, les parents et le frère de Vincent Y... n'ont jamais sollicité la restitution des honoraires versés à ce titre, si bien qu'il fallait déduire des sommes réclamées par Monsieur Vincent Y... celles représentant les honoraires versés par ses parents et son frère ; qu'en faisant droit à la demande de Monsieur Vincent Y... pour l'intégralité des sommes sollicitées, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.