LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X..., M. Y... et M. Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes A... et L..., M. B..., Mme C..., M. D..., Mme E..., Mme F..., M. G..., Mme H..., M. I..., Mme J... épouse M..., M. K... ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ;
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Rennes, 8 décembre 2008), rendu en dernier ressort, que, par acte du 19 mai 2003, Mme X..., MM. Y... et Z..., locataires d'appartements, ont assigné leur bailleur, l'OPHLM Archipel Habitat (l'OPHLM), pour obtenir de celui-ci la production de décomptes excluant les charges correspondant à la rémunération d'un gardien qu'ils avaient acquittées entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 2001 et dont ils contestaient le caractère récupérable et le faire condamner à leur verser des dommages et intérêts ; que la cour d'appel de Rennes, par arrêt du 12 janvier 2006, a débouté les locataires de cette dernière demande, mais a ordonné la production sollicitée ; que l'OPHLM ayant exécuté cet arrêt le 28 février 2006, Mme X..., MM. Y... et Z... l'ont, par acte du 4 avril 2007, assigné en restitution des charges indûment versées entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 2001, puis, à l'audience du 22 septembre 2008, ont demandé la production de décomptes rectifiés pour les exercices 2002, 2003 et 2004, ainsi que le versement de provisions ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en répétition des charges au titre des exercices 1989 à 2001 et des exercices 2002, 2003 et 2004, le tribunal retient que l'assignation du 19 mai 2003 n'a pu avoir d'effet interruptif dès lors qu'elle n'avait pas pour objet d'obtenir le paiement des charges indûment payées, mais de contester le bien-fondé de l'inclusion de certains frais dans les charges récupérables et d'obtenir un compte rectifié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en production de décomptes de charges rectifiés et en paiement de dommages-intérêts et l'action en paiement des charges indûment perçues poursuivaient un seul et même but, le tribunal a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en répétition des charges relatives aux exercices postérieurs à l'année 2000, le jugement rendu le 8 décembre 2008, entre les parties, par le tribunal d'instance de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Rennes, autrement composé ;
Condamne l'OPHLM Archipel Habitat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'OPHLM Archipel Habitat à payer à Mme X..., MM. Y... et Z..., ensemble, la somme de 2 500 euros et rejette la demande de l'OPHLM Archipel Habitat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat de Mme X... et de MM. Z... et Y....
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite l'action en répétition des charges au titre des exercices 1989 à 2001 et des exercices 2002, 2003 et 2004 ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que les logements en cause dans la présente espèce relèvent de la législation applicable au secteur des habitations à loyer modéré ; qu'à cet égard, il découle des articles L. 442-6 du code de la construction et de l'habitation et 68 de la loi du 1er septembre 1948 qu'une prescription abrégée de trois ans s'applique à toutes les sommes indument perçues sujettes à répétition ; que, s'agissant des exercices 1989 à 2001, l'assignation délivrée le 4 avril 2007 apparaît tardive ; que le délai de prescription n'a pas été interrompu par l'assignation du 19 mai 2003 dans la mesure où, outre que les exercices antérieurs à l'année 2000 ne sont pas concernés, l'action ainsi engagée n'avait pas pour objet d'obtenir le paiement des charges indument payées, mais de contester le bien fondé de l'inclusion de certains frais dans les charges récupérables et d'obtenir ensuite un décompte rectifié ; que, s'agissant des exercices 2002, 2003 et 2004, la première demande formulée à leur sujet l'a été par les conclusions du 24 janvier 2008, soit postérieurement à l'expiration du délai de trois ans courant, pour chaque exercice, au 1er janvier de l'année suivante ;
ALORS, 1°), QUE, dans leurs conclusions récapitulatives, les locataires faisaient valoir, en réponse à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, qu'il appartiendrait au bailleur de justifier de l'application aux appartements loués du régime défini par la loi du 13 juillet 1928, lequel concerne les habitations à loyer modéré et qu'à défaut, les règles de droit commun auraient vocation à s'appliquer ; qu'en considérant, dès lors, qu'il « n'est pas contesté que les logements en cause dans la présente espèce relèvent de la législation applicable au secteur des habitations à loyer modéré », le tribunal d'instance a dénaturé les conclusions dont il était saisi en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QU'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; qu'en considérant que l'assignation du 19 mai 2003, qui tendait à la contestation du bien fondé de l'inclusion de certains frais d'entretien des parties communes de l'immeuble dans les charges récupérables sur les locataires et à la délivrance d'un décompte rectifié au titre des exercices 1989 à 2001, n'avait pas eu d'effet interruptif de prescription, compte tenu de la différence d'objet, sur la demande en répétition des charges indument versées au titre de ces mêmes exercices, cependant que ces deux actions, quoique distinctes, tendaient vers un seul et même but, le tribunal d'instance a violé l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction alors applicable.