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08/04/2008 | FRANCE | N°07-11251

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 avril 2008, 07-11251


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que lors de campagnes de défense de l'environnement, les associations Greenpeace France et Greenpeace New-Zealand (les associations) ont reproduit sur leurs sites internet la lettre A stylisée de la marque de la Société des participations du Commissariat à l'énergie atomique (SPCEA) Areva (la société) et la dénomination A Areva en les associant toutes deux à une tête de mort et au slogan "Stop plutonium-l'arrêt va de soi" dont les lettres A reprenaient le logo et en plaçant la lettre A sur

le corps d'un poisson mort ou mal en point ; que la société a assign...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que lors de campagnes de défense de l'environnement, les associations Greenpeace France et Greenpeace New-Zealand (les associations) ont reproduit sur leurs sites internet la lettre A stylisée de la marque de la Société des participations du Commissariat à l'énergie atomique (SPCEA) Areva (la société) et la dénomination A Areva en les associant toutes deux à une tête de mort et au slogan "Stop plutonium-l'arrêt va de soi" dont les lettres A reprenaient le logo et en plaçant la lettre A sur le corps d'un poisson mort ou mal en point ; que la société a assigné en référé les associations pour faire supprimer toute reproduction imitation et usage de ses marques et toute référence illicite à celles-ci puis, au fond, en contrefaçon par reproduction et par imitation des deux marques et pour des actes fautifs distincts estimant que les mentions des deux marques ainsi caricaturées sur les sites discréditaient et dévalorisaient l'image de ces marques ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en associant des images de mort à la reproduction des marques A et A Areva, dont la société Areva était titulaire, les associations Greenpeace France et Greenpeace New-Zealand avaient commis des actes de dénigrement au préjudice de cette dernière et d'avoir, en conséquence, interdit la poursuite de ses agissements sous astreinte, condamné ces associations à payer la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts à la société et autorisé celle-ci à faire publier le dispositif de l'arrêt alors, selon le moyen, que l'action qui vise l'atteinte à la réputation d'une société par l'utilisation de sa marque et de son image a pour effet de la soumettre aux conditions dérogatoires du droit de la presse de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en l'espèce en relevant expressément que la représentation des marques de la société SPCEA Areva associée à une tête de mort et à un poisson au caractère maladif associait ces marques à la mort, ce qui conduisait à penser que tout produit ou service diffusé sous ce sigle était mortel, la cour d'appel caractérisait des imputations portant sur des faits précis et visant la société SPCEA Areva elle-même ; qu'il s'en déduisait que l'action de celle-ci visait l'atteinte à sa réputation par l'utilisation de son image par les associations Greenpeace, ce qui la soumettait aux conditions dérogatoires du droit de la presse ; qu'au surplus, les abus de la liberté d'expression envers les personnes ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité des associations Greenpeace sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que l'article 1382 du code civil par fausse application ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que les actes reprochés aux associations par l'utilisation litigieuse de ses marques ne visaient pas la société mais les marques déposées par elle et en conséquence les produits ou services qu'elles servent à distinguer, de sorte qu'il était porté atteinte à ses activités et services et non à l'honneur ou à la considération de la personne morale ; que le moyen, pris en sa première branche, n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1382 du code civil, ensemble l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que pour, condamner ces associations à payer la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts à la société et autoriser celle-ci à faire publier le dispositif de l'arrêt, la cour d'appel a énoncé qu'en l'espèce la représentation des marques de la société, associées à une tête de mort et à un poisson au caractère maladif, symboles que les associations admettaient avoir choisis pour «frapper immédiatement» l'esprit du public sur le danger du nucléaire, en ce qu'elle associait les marques A et A Areva déposées pour divers produits et services, et non seulement le nucléaire, à la mort, conduisait à penser que tout produit ou service diffusé sous ce sigle était mortel ; que, de ce fait, en raison de la généralisation qu'elles introduisaient sur l'ensemble des activités de la société, les associations allaient au-delà de la liberté d'expression permise, puisqu'elles incluaient des activités qui n'étaient pas concernées par le but qu'elles poursuivaient en l'espèce, c'est-à-dire la lutte contre les déchets nucléaires ; qu'elles avaient, par cette généralisation, abusé du droit à la liberté d'expression, portant un discrédit sur l'ensemble des produits et services de la société et avaient ainsi commis des actes fautifs dont elles devaient réparation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ces associations agissant conformément à leur objet, dans un but d'intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, n'avaient pas abusé de leur droit de libre expression, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que, conformément à l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les associations avaient abusé de leur droit de libre expression, l'arrêt rendu le 17 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes formées par la SPCEA à l'encontre des associations Greenpeace France et Greenpeace New-Zealand, en paiement de dommages-intérêts et en condamnation à des mesures d'interdiction et de publication ;

Condamne la SPCEA aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07-11251
Date de la décision : 08/04/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSOCIATION - Droits - Droit de libre expression - Abus - Exclusion - Cas

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Exclusion - Applications diverses - Libre expression des associations - Condition CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - Liberté d'expression - Exercice - Atteinte - Défaut - Cas - Associations agissant conformément à leur objet, dans un but d'intérêt général et de santé publique, et par des moyens proportionnés à cette fin

N'abusent pas de leur droit de libre expression des associations qui agissent conformément à leur objet, dans un but d'intérêt général et de santé publique, et par des moyens proportionnés à cette fin


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 novembre 2006

Sur le n° 1 :Sur l'atteinte aux produits et services d'une société, distincte de l'atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne, dans le même sens que :1re Civ., 5 décembre 2006, pourvoi n° 05-17710, Bull. 2006, I, n° 532 (cassation)

arrêt citéSur le n° 2 :Sur les conditions d'exercice de la liberté d'expression d'une association, dans le même sens que :2e Civ., 19 octobre 2006, pourvoi n° 05-13489, Bull. 2006, II, n° 282 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 avr. 2008, pourvoi n°07-11251, Bull. civ. 2008, I, N° 104
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, I, N° 104

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Mellottée (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Crédeville
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.11251
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