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31/05/2024 | FRANCE | N°22MA03084

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 31 mai 2024, 22MA03084


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les articles 2 et 4 de la délibération du conseil municipal de la commune de Saorge du 26 octobre 2018, ensemble la décision implicite par laquelle le maire de la commune a rejeté le recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1900945 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.




> Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les articles 2 et 4 de la délibération du conseil municipal de la commune de Saorge du 26 octobre 2018, ensemble la décision implicite par laquelle le maire de la commune a rejeté le recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1900945 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2022, les 18 et 26 septembre 2023 et le 30 octobre 2023, l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC), représentée par Me Manaigo, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter les demandes reconventionnelles de la commune de Saorge ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 octobre 2022 ;

3°) d'annuler les articles 2 et 4 de la délibération du conseil municipal de la commune de Saorge n° 42/2018 du 26 octobre 2018 ;

4°) d'annuler la décision par laquelle la commune de Saorge a implicitement rejeté son recours gracieux contre cette délibération ;

5°) d'enjoindre à la commune de Saorge de réexaminer sa demande en date du 17 octobre 2014 tendant à l'attribution d'un bail de chasse sur le territoire communal, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Saorge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête en première instance est recevable ;

- la délibération attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle vise à faire échec à la décision du tribunal administratif du 3 octobre 2017 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 542 du code civil ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-12 du code pénal dès lors qu'elle est constitutive d'une prise illégale d'intérêts ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- elle est constitutive d'un abus de pouvoir dès lors que la commune ne peut pas être considérée comme une société de chasse ;

- elle méconnaît le principe d'égalité et lèse les intérêts de la commune ;

- elle méconnaît le principe de liberté d'association et celui d'égalité entre personnes morales et personnes physiques.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 avril 2023 et le 20 octobre 2023, la commune de Saorge, représentée par le cabinet Bastille Avocats, agissant par Mes Lagier et Bonzy, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1900945 du 18 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Un mémoire a été présenté pour la commune de Saorge le 20 novembre 2023, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code pénal ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- les observations de Me Mollard, représentant la commune de Saorge, et celles de M. A... B..., représentant la Société de chasse communale de Saorge APCNC.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 31 octobre 2014, le conseil municipal de Saorge a accordé à la société de chasse de Saorge un bail de chasse sur la totalité du territoire communal pour une durée de neuf ans. L'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge (APCNC), devenue Société de chasse communale de Saorge, qui avait également demandé le bénéfice d'un bail de chasse sur le territoire communal, a demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de cette délibération. Par un jugement n° 1405210 du 3 octobre 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 17MA04639 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération et a enjoint à la commune de procéder au réexamen de la demande de l'association " société de chasse communale de Saorge ". Par une délibération du 13 septembre 2018, le conseil municipal de Saorge a fixé les modalités de participation à l'exercice de la chasse sur les biens communaux, créé une régie municipale de chasse et résilié le bail de chasse consenti à la société de chasse de Saorge le 31 octobre 2014. Par une délibération du 26 octobre 2018, la commune de Saorge a retiré cette dernière délibération puis, dans son article 2, fixé les modalités de participation à l'exercice de la chasse, dans son article 3, résilié le bail de chasse conclu avec la société de chasse de Saorge et, dans son article 4, rejeté la demande présentée par l'association Société de chasse communale de Saorge. Par le jugement n° 1900945 du 18 octobre 2022, dont l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête présentée par cette dernière tendant à l'annulation des articles 2 et 4 de la délibération du 26 octobre 2018, ensemble la décision implicite par laquelle le maire de la commune a rejeté le recours gracieux contre cette délibération.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 18 octobre 2022 :

2. Aux termes de l'article 542 du code civil : " Les biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d'une ou plusieurs communes ont un droit acquis ". Il résulte de ces dispositions que seuls les habitants de la commune, permanents ou non, ont vocation à utiliser les biens communaux.

3. La délibération en litige prévoit, dans son article 2 relatif aux modalités de participation à l'exercice de la chasse, que " Les personnes désirant chasser sur les biens communaux de Saorge sont tenues de se déclarer à la mairie sur le registre prévu à cet effet. Elles feront état, par tout justificatif approprié (inscription au rôle de la taxe d'habitation, inscription sur une liste électorale, quittance de loyer, factures d'électricité, de gaz ou d'eau, domiciliation bancaire, ...), de leur qualité d'habitant au sens de l'article 542 du code civil notamment en termes de domicile ou de résidence secondaire. En outre, il sera présenté le permis de chasser validé et l'attestation d'assurance pour la campagne de chasse 2018/2019. La commune préparera un agenda des battues et des actions de chasse pour la saison 2018/2019. (...) La commune déterminera la composition de deux équipes de chasse et les modalités précises de leurs actions. Chaque chasseur aura droit à un invité journalier dont il fera connaître l'identité préalablement à l'action de chasse. (...) Le nombre d'invités sera limité à 5 par journée de chasse et par équipe. Les bracelets de grand gibier seront répartis de façon équitable entre les deux équipes de chasse. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des habitants de la commune, qu'ils soient résidents permanents ou non, et à la condition de disposer d'un permis de chasser valide et d'une attestation d'assurance, ont la possibilité de chasser sur les biens communaux. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, le droit de chasse tel qu'il est organisé par ces dispositions n'est pas réservé à des habitants de la commune qui seraient agréés par elle, mais à ceux, titulaire d'un permis de chasser, autorisation qui ne peut être délivrée que par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage conformément à l'article R. 423-5 du code de l'environnement. La circonstance que toute personne désirant chasser sur les biens communaux doive s'inscrire sur un registre prévu à cet effet en mairie, démarche seulement déclarative, n'a pas pour effet de limiter l'exercice de la chasse à une catégorie de la population. Les conditions ainsi fixées par la commune pour l'exercice de la chasse sur les biens communaux ne méconnaissent ni le principe de la liberté d'association, les membres de l'association requérante conservant la faculté de pratiquer la chasse dans ces conditions non discriminatoires, ni le " contrat d'association " qui résulterait des statuts de cette association, ni le principe d'égalité. Ainsi, la délibération attaquée ne méconnaît pas l'égale vocation des habitants de la commune à utiliser les biens communaux. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la délibération contestée a été adoptée en méconnaissance des dispositions de l'article 542 du code civil.

5. L'association requérante reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de la méconnaissance de l'irrégularité de l'adoption de la délibération du 26 octobre 2018 en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales et de la méconnaissance de l'article L. 432-12 du code pénal. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 à 12 et aux points 13 et 14 du jugement attaqué.

6. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'environnement : " Nul n'a la faculté de chasser sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit ". Aux termes de l'article L. 422-2 du même code : " Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d'assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d'un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l'éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d'apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s'exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l'ensemble des partenaires du monde rural ". Aux termes de l'article L. 422-3 de ce code : " Les associations sont constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. L'agrément leur est donné par le président de la fédération départementale des chasseurs ". Aux termes de l'article L. 422-4 du même code : " Il ne peut y avoir qu'une association communale agréée par commune. (...) ". Aux termes de l'article L. 422-6 de ce code : " La liste des départements où doivent être créées des associations communales de chasse est arrêtée par le ministre chargé de la chasse sur proposition des préfets après avis conforme des conseils départementaux, les chambres d'agriculture et les fédérations départementales des chasseurs ayant été consultées ". Enfin, aux termes de l'article L. 422-7 du code de l'environnement : " Dans les départements autres que ceux mentionnés à l'article L. 422-6, la liste des communes où sera créée une association communale de chasse est fixée par le président de la fédération départementale des chasseurs sur demande justifiant l'accord amiable de 60 % des propriétaires représentant 60 % de la superficie du territoire de la commune, cet accord étant valable pour une période d'au moins cinq années. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le droit de chasse est un attribut du droit de propriété. Il peut être démembré du droit de propriété ou être loué, à travers des associations ou des sociétés de chasse. Dans le cas où le droit de chasse est confié à une association communale de chasse agréée (ACCA), le propriétaire est alors privé de son droit de chasse, qui est attribué à l'association et s'exerce à travers elle. Or, il est constant que le département des Alpes-Maritimes n'est pas au nombre de ceux où le recours à une association communale de chasse agréée est obligatoire et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle association soit constituée sur le territoire de la commune de Saorge. En approuvant les dispositions de l'article 2 de la délibération du 26 octobre 2018, la commune de Saorge, en tant que propriétaire de son domaine et titulaire du droit de chasse y afférent, n'a eu pour seul objet que de préciser les modalités d'une bonne organisation technique de la chasse sur les biens communaux de la commune de Saorge, dans le respect des règles fixées par les articles L. 424-1 à L. 424-15 du code de l'environnement, en tant que propriétaire de son domaine et titulaire du droit de chasse y afférent, et non, comme le soutient l'association requérante, de règlementer l'organisation générale du droit de chasse. Dès lors, les moyens tirés de l'incompétence de la commune et de l'" abus de droit " soulevés par l'association requérante doivent être écartés.

8. L'association requérante reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de la lésion des intérêts économiques de la commune et de ceux de ses contribuables. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 18 du jugement attaqué.

9. Par un jugement du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 31 octobre 2014 par laquelle le conseil municipal de Saorge a accordé à la société de chasse de Saorge un bail de chasse sur la totalité du territoire communal et a enjoint à la commune de réexaminer la demande de l'association requérante. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 17MA04639 du 25 juin 2018 devenu définitif. Par la délibération du 26 octobre 2018, le conseil municipal a résilié le bail conclu avec la société de chasse de Saorge et a procédé au réexamen de la demande de la société requérante, conformément au dispositif du jugement précité du 31 octobre 2014. S'il a également rejeté la demande de l'association tendant à se voir octroyer un bail de chasse, rien ne s'y opposait, le jugement du tribunal lui imposant seulement de procéder au réexamen de sa demande. Par ailleurs, par un arrêt n° 18MA03276 du 17 décembre 2018 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que la délibération en litige du 26 octobre 2018 n'était contraire ni au dispositif du jugement, ni aux motifs qui sont les supports nécessaires de la décision du tribunal et devait être regardée comme assurant l'exécution de cette décision. Par suite, les moyens tirés de ce que la délibération attaquée constitue un détournement et un abus de pouvoir doivent être écartés comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saorge, que l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 2 et 4 de la délibération du conseil municipal de la commune de Saorge du 26 octobre 2018 et de la décision par laquelle la commune a implicitement rejeté son recours gracieux contre cette délibération.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 26 octobre 2018 étant rejetées, celles présentées à fin d'injonction sous astreinte par l'association requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saorge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) et à la commune de Saorge.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2024.

2

N° 22MA03084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03084
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-046 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LAGIER;LAGIER;MANAIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;22ma03084 ?
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