Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet, née le 18 décembre 2019 du silence gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur la demande préalable qu'il a adressée le 11 octobre 2019 reçue le 18 octobre suivant, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral et de la discrimination dont il a été victime et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000882 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2022, M. B..., représenté par Me Michel avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 49 137,71 euros en réparation des préjudices résultant de différents faits dommageables ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a statué que sur la faute commise par l'Etat du fait du harcèlement moral et des faits de discrimination qu'il a subis, sans se prononcer sur les autres fautes qu'il avait invoquées ;
- la décision de refuser de procéder au remboursement de ses frais de mission entre le 1er juin 2019 et le 6 mars 2020 est entachée d'erreur de droit et d'appréciation ;
- cette illégalité fautive est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- les préjudices résultant de cette faute doivent être indemnisés à hauteur de 18 637,71 euros ;
- la décision du 16 janvier 2019 faisant droit à sa demande de formation a été illégalement retirée par une seconde décision prise le même jour ;
- cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- il a subi de ce fait un préjudice moral pouvant être évalué à hauteur de 1 000 euros, un préjudice de carrière à hauteur de 5 000 euros, ainsi qu'un préjudice financier à hauteur de 500 euros ;
- la décision de refus de procéder à l'aménagement de son poste de travail est entachée d'un vice de procédure, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- il a subi de ce fait un préjudice moral qui devra être réparé en l'indemnisant à hauteur de 5 000 euros ;
- il a été victime de harcèlement moral et de discrimination ;
- les préjudices résultant de cette faute sont évalués à hauteur de 19 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 novembre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions présentées par M. B... tendant à l'indemnisation de préjudices qu'il allègue avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de refus de remboursement de frais de mission, de la décision de refus de suivre une formation à Saint-Lô, et du refus d'aménager son poste de travail conformément aux prescriptions de la médecine du travail, sont irrecevables, dès lors que ces conclusions indemnitaires se rattachent à des faits générateurs dont M. B... ne s'était prévalu ni dans sa réclamation préalable ni dans sa demande en première instance. Ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, constituent des demandes nouvelles, qui ne sont pas recevables devant la cour. Elles sont en outre irrecevables faute de liaison du contentieux.
Par un mémoire, enregistré le 13 mars 2024, M. B... a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., contrôleur principal depuis le 1er janvier 2004, a été affecté à la brigade nationale d'intervention en publicité foncière (BNIPF) du 1er septembre 2007 au 31 août 2020, qui est rattachée depuis le 1er septembre 2017 au service de la documentation nationale du cadastre (SDNC), puis a été affecté à la direction régionale des finances publiques (DRFIP) de Martinique au sein du service de la publicité foncière et de l'enregistrement de Fort-de-France, à compter du 1er septembre 2020. Par une lettre reçue le 18 octobre 2019, il a demandé à l'administration le versement de la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il allègue avoir subis. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement n° 2000882 du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 49 137,71 euros en réparation des préjudices qu'il allègue avoir subis en raison de plusieurs faits générateurs.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées en appel :
2. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. La victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces dommages devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance. En revanche, la victime n'est pas recevable à demander directement au juge, que ce soit en première instance ou pour la première fois en appel, l'indemnisation de préjudices résultant de faits générateurs qui n'étaient pas mentionnés dans la réclamation préalable.
3. M. B... demande pour la première fois en appel l'indemnisation de préjudices résultant de l'illégalité de la décision de refus de remboursement de frais de mission, de la décision de refus de suivre une formation à Saint-Lô, et du refus d'aménager son poste de travail conformément aux prescriptions de la médecine du travail. Il soutient que les illégalités entachant ces décisions sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Si M. B... avait évoqué ces faits dans sa réclamation préalable et dans sa demande en première instance, c'était uniquement pour caractériser les faits de harcèlement et de discrimination qu'il allègue avoir subis. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il se serait en outre prévalu de l'illégalité en tant que telle de ces décisions, comme faits générateurs spécifiques, distincts du harcèlement moral et de la discrimination allégués. Par suite, les conclusions présentées à la cour tendant à la réparation des préjudices résultant de ces trois faits générateurs constituent des demandes nouvelles, qui ne sont pas recevables en appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Ainsi qu'il a été relevé au point précédent, M. B... a évoqué dans ses écritures de première instance divers incidents survenus au cours de sa carrière en vue d'établir la réalité des faits de harcèlement et de discrimination dont il se prévalait. Il ne ressort toutefois pas de ces écritures qu'il aurait également entendu invoquer, pour chacun de ces faits, une illégalité qui serait en elle-même constitutive d'une faute spécifique de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Dès lors M. B... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué en omettant de statuer sur ces fondements de responsabilité.
Sur responsabilité de l'Etat :
5. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable au présent litige : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. " Aux termes de l'article 6 quinquies de cette même loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable au présent litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".
6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement et à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations et les agissements de harcèlement allégués sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. En premier lieu, M. B... fait valoir de manière certes précise et circonstanciée que, le 10 novembre 2017, à l'occasion d'une mission sur Lyon, l'un de ses collègues aurait déclaré, devant témoin que " quelqu'un d'intelligence humaine n'aurait pas travaillé comme M. B... ". Toutefois, l'administration indique en défense avoir auditionné l'agent mis en cause qui a formellement nié avoir proféré de tels propos. En outre, ainsi que le souligne l'administration en défense, aucun témoignage, ni aucune pièce n'a été versé au dossier en vue de corroborer les assertions du requérant quant à la réalité des propos allégués, pourtant tenus selon lui devant témoin. La réalité matérielle de cet incident ne saurait en conséquence être regardée comme étant établie.
8. En deuxième lieu, M. B... soutient que, lors de son entretien professionnel qui s'est tenu le 27 février 2018, il s'est vu reprocher un manquement déontologique, en raison de la transmission à ses collègues d'une note d'un syndicat professionnel alors que lui-même n'était pas délégué syndical. Il résulte toutefois de l'instruction qu'au cours de cet entretien, M. B... a pu apporter des justifications, en expliquant notamment que l'un des membres du syndicat en cause lui avait demandé d'envoyer un courriel aux adhérents, et que celui-ci se bornait à dresser la liste des brigadiers en mission et à mentionner la ville et le département concernés. Il résulte également de l'instruction que l'administration a favorablement pris en compte ces explications, qu'aucune procédure disciplinaire n'a été engagée à l'encontre de l'intéressé et que son compte-rendu d'entretien professionnel réalisé en 2018 au titre de l'année 2017 ne fait pas mention de cet incident, mais formule uniquement des appréciations soulignant l'excellence de sa valeur professionnelle. En tout état de cause, la mise au point opérée par l'administration concernant la diffusion du courriel syndical n'excède pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il résulte ainsi de l'instruction que les faits invoqués par M. B... sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement et à toute discrimination.
9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les fonctions de brigadier exercées par M. B... au sein de la BNIPF, l'ont conduit à l'instar d'autres agents de la brigade à être régulièrement missionné dans toute la France, au sein des différents services de publicité foncière (SPF) relevant de la direction générale des finances publiques (DGFIP) afin de, selon les besoins, renforcer les équipes locales et leur apporter expertise et assistance. Si M. B... soutient qu'il a été victime de discrimination en ce qu'il n'aurait été envoyé en mission ni dans le sud de la France, ni outre-mer, malgré des demandes réitérées, il n'apporte aucun élément de nature à justifier que de telles missions devaient ou pouvaient lui être confiées, et avec quelle fréquence, notamment au regard de la situation des autres agents de son service placés dans la même situation que lui. Il n'explique pas l'intérêt professionnel particulier attaché à ces missions, au-delà de leur localisation géographique. En outre, il résulte des pièces versées au dossier par M. B... lui-même que ce dernier a effectué des missions dans diverses localités, et notamment à Vienne de mars à mai 2018, à Annecy en mai et juin 2018, et à Nice entre novembre et décembre 2018. Les faits invoqués par le requérant ne sont dès lors pas de nature à faire présumer le harcèlement allégué.
10. En quatrième lieu, M. B... fait valoir qu'il a fait l'objet d'un dénigrement de ses compétences professionnelles de la part de ses supérieurs hiérarchiques, nuisant ainsi à l'évolution de sa carrière professionnelle. Il se prévaut en particulier du décalage existant selon lui dans le contenu des comptes-rendus de mission ponctuelles effectuées dans les SPF et celui des comptes-rendus d'entretien professionnel 2018 et 2019. S'il résulte de l'instruction que les comptes-rendus de ses missions soulignent l'excellence du travail de M. B... et ses qualités personnelles, le compte-rendu d'entretien professionnel 2018 souligne les mêmes qualités dans son appréciation générale et évalue au niveau " excellent ", soit le niveau le plus élevé, ses connaissances professionnelles, ses compétences personnelles, son implication professionnelle ainsi que son sens du service public. En revanche, le compte-rendu d'entretien professionnel 2019, tout en rappelant l'excellence des qualités professionnelles de M. B..., évalue au niveau " moyen " ses compétences personnelles et au niveau " bon " le sens du service public de l'intéressé. L'appréciation générale de son supérieur hiérarchique fait en outre mention, en des termes mesurés, d'une trop grande sollicitation de l'intéressé à l'égard de sa hiérarchie, et indique que M. B... conteste régulièrement les décisions prises le concernant en cherchant les moyens de les contourner. Contrairement à ce que soutient M. B..., ces éléments d'appréciation ne sont pas en contradiction avec les comptes-rendus de missions, relatifs uniquement au travail et à l'attitude de l'intéressé lors de ses missions, dont la qualité n'a jamais été remise en cause. Ces éléments d'appréciation et d'évaluation, exprimés en des termes nuancés, ne révèlent pas davantage une volonté de nuire, mais se bornent à faire mention de difficultés liées à l'attitude de l'intéressé à l'endroit de la hiérarchie de la BNIPF. Les faits ainsi invoqués par M. B... ne sont pas de nature à faire présumer le harcèlement allégué.
11. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que, pour réduire les coûts de fonctionnement de la BNIPF, l'administration a mis en place deux sites de travail à distance, à Caen et à St Germain-en-Laye, permettant aux brigadiers d'y effectuer les tâches pouvant être réalisées distance, évitant ainsi un certain nombre de déplacements sur site. M. B... fait grief à l'administration de l'avoir affecté sur le site de Saint-Germain-en-Laye plutôt que sur celui de Caen, comme il l'avait sollicité. M. B... ne se prévaut toutefois d'aucune circonstance particulière à l'appui de sa demande d'affectation sur le site de Caen, alors qu'il est constant qu'à la date de son affectation sur le site de Saint-Germain-en-Laye, il résidait à Pierrefitte-sur-Seine, et que cette affectation n'implique qu'une présence très ponctuelle sur le site concerné durant un mois renouvelable une fois dans l'année. Il résulte de l'instruction que l'intéressé a ainsi été affecté sur le site le plus proche de son domicile, à l'instar de l'ensemble des agents de la brigade résidant dans la région Ile-de-France. Il résulte en outre de l'instruction qu'après avoir été affecté sur le site de Saint-Germain-en Laye, M. B... a indiqué avoir déménagé sur Besançon à compter du mois de juin 2019, d'abord en prenant une chambre chez un particulier, puis un bail à compter d'août 2019, avant de déclarer à nouveau un domicile à Pierrefitte-sur-Seine, à compter de février 2020. Il ne fait cependant état d'aucune circonstance particulière qui justifierait que sa domiciliation sur Besançon, dont la réalité est contestée par l'administration et qui fût en tout état de cause temporaire, impliquait son affectation sur le site de Caen, encore plus éloigné de Besançon que le site de Saint-Germain-en-Laye. Ces circonstances ne sont pas de nature à faire présumer le harcèlement allégué par M. B....
12. En sixième lieu, M. B... a sollicité en janvier 2019 une formation professionnelle de préparation à un concours devant se tenir à Saint Lô, à une date à laquelle il se trouvait en mission en Normandie à Alençon. Il résulte de l'instruction qu'un accord lui a d'abord été donné par le service gestionnaire pour que cette formation se tienne effectivement sur Saint Lô, avant qu'il soit décidé qu'elle se tiendrait finalement sur Paris. Il n'est pas allégué que le contenu de cette formation délivrée à Saint Lô différait de celle délivrée à Paris. De même, il est constant qu'à la date à laquelle la formation devait se dérouler, M. B... résidait à Pierrefitte-sur-Seine et que le temps de trajet entre Alençon et Saint Lô était tout aussi important voire davantage qu'entre Alençon et Pierrefitte-sur-Seine. Eu égard à ces circonstances, les faits allégués par M. B... ne sont pas de nature à faire présumer un quelconque harcèlement, ni la moindre forme de discrimination.
13. En septième lieu, si M. B... soutient que toutes ses demandes de stage auraient été systématiquement refusées en 2018, contrairement à la plupart de ses collègues, il ne justifie pas des différentes demandes de formations qu'il aurait présentées et qui lui auraient été refusées. L'administration explique que le nombre de places disponibles pour les formations qu'elle organise est limité et qu'elles sont prioritairement réservées aux agents du département présentant des difficultés dans l'exercice de leurs missions. Eu égard aux circonstances précitées, les faits allégués ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ni de discrimination.
14. En huitième lieu, M. B... ne précise pas la nature des " travaux supplémentaires " qu'il aurait été amené à réaliser au cours de sa mission à Nice en novembre-décembre 2018. Il ne justifie pas davantage en quoi de tels travaux auraient dû recevoir une quelconque " compensation financière ", alors qu'il est constant qu'en sa qualité de brigadier M. B... perçoit déjà un montant d'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, ainsi que des jours de récupération, destinés à venir compenser sa charge de travail, notamment les " tâches supplémentaires " qui lui seraient confiées. Ainsi, les faits allégués par M. B... ne sont pas de nature à faire présumer un quelconque harcèlement, ni la moindre forme de discrimination.
15. En neuvième lieu, aux termes de l'article 2 du décret n°2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat : " Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : / 1° Agent en mission : agent en service, muni d'un ordre de mission pour une durée totale qui ne peut excéder douze mois, qui se déplace, pour l'exécution du service, hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale (...) 6° Résidence administrative : le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté ou l'école où il effectue sa scolarité. Lorsqu'il est fait mention de la résidence de l'agent, sans autre précision, cette résidence est sa résidence administrative ; / 7° Résidence familiale : le territoire de la commune sur lequel se situe le domicile de l'agent (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Lorsque l'agent se déplace pour les besoins du service à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim, il peut prétendre, sous réserve de pouvoir justifier du paiement auprès du seul ordonnateur : / -à la prise en charge de ses frais de transport ; / -à des indemnités de mission qui ouvrent droit, cumulativement ou séparément, selon les cas, au remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas, au remboursement forfaitaire des frais et taxes d'hébergement et, pour l'étranger et l'outre-mer, des frais divers directement liés au déplacement temporaire de l'agent. ".
16. M. B... fait grief à l'administration de refuser de procéder au remboursement de frais liés à certaines de ses missions. S'il n'indique pas avec précision et constance dans ses différentes écritures une période et une liste déterminées de déplacements, les différentes pièces qu'il verse au dossier montrent que les frais de déplacements en litige concernent neuf missions effectuées entre juin 2019 et mars 2020. Il résulte de l'instruction que cette période couvre précisément celle durant laquelle l'intéressé a allégué résider sur Besançon et pour laquelle l'administration lui a demandé de présenter des justificatifs de domicile complémentaires. Une telle demande de justificatifs se fonde sur les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 3 juillet 2006, qui n'arrêtent pas une liste déterminée de pièces, s'explique par la chronologie particulière du changement d'adresse de M. B.... L'administration a en effet relevé que M. B... avait déclaré un changement d'adresse, de Pierrefitte-sur-Seine à Besançon, d'abord en prenant une chambre chez un particulier à compter de juin 2019, puis un bail à compter d'août 2019, au moment où il avait été décidé d'affecter l'intéressé sur le site de Saint-Germain-en-Laye, et qu'un nouveau changement de résidence est intervenu, de Besançon à Pierrefitte-sur-Seine, au moment où une mission à Besançon a été confiée à l'intéressé, en février-mars 2020. Il a alors été relevé que M. B... n'avait présenté aucun justificatif de déménagement. Dans ce contexte, l'administration a estimé que l'attestation manuscrite de location de chambre pour le mois de juin 2019 et le contrat de location meublée conclue avec un particulier le 20 juillet 2019 étaient insuffisantes pour justifier de la réalité du changement de résidence de l'intéressé, à défaut en particulier d'autres pièces justificatives, qui n'ont pas été communiquées à l'administration et qui n'ont pas été versées au dossier dans le cadre de la présente instance. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, les faits allégués par le requérant ne sauraient être regardés comme constitutifs d'une discrimination, ni comme faisant présumer le harcèlement allégué.
17. En dixième lieu, M. B... fait valoir que sa hiérarchie l'a régulièrement menacé de poursuites disciplinaires. Il ne se prévaut sur ce point que de menaces qui auraient été formulées oralement, ainsi que d'un courriel du directeur du service de la documentation nationale du cadastre (SDNC) du 2 août 2019 lui reprochant son attitude de harcèlement à l'égard de sa hiérarchie et lui indiquant qu'il allait en conséquence engager des poursuites disciplinaires à son encontre. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces menaces d'engagement d'une procédure disciplinaire excèderaient les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
18. En dernier lieu, M. B... soutient que l'administration aurait indûment refusé d'aménager son poste de travail, contrairement aux prescriptions du médecin en santé au travail, indiquant dans une fiche de visite établie le 12 juin 2019 qu'il était souhaitable que l'intéressé " soit affecté sur un autre site que la direction de Saint-Germain afin de limiter la fréquence des arrêts maladie ". Il résulte toutefois de l'instruction que, après réception de cette fiche, le directeur du service de la documentation nationale du cadastre (SDNC) a demandé au médecin la confirmation de cette préconisation au vu d'éléments de contexte dont il a souhaité lui faire part, en faisant état en particulier des rapports conflictuels existant entre l'intéressé et plusieurs responsables du service. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué qu'à la suite de ces derniers échanges, la médecine du travail aurait confirmé sa préconisation de changement d'affectation. Les faits allégués apparaissent ainsi justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement et à toute discrimination.
19. Il résulte de tout de ce qui précède que les discriminations et les agissements de harcèlement allégués ne sont pas établis et que la responsabilité de l'Etat ne saurait dès lors être engagée. En conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par M. B... doivent être rejetées.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino-Martin, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE01192