LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 5 FS
Pourvoi n° N 23-20.665
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
M. [C] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-20.665 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [M] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [B], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 juin 2023), M. [G], propriétaire d'une parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 4], contiguë à la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3], soumise au statut de la copropriété et divisée en deux lots appartenant à MM. [N] (lot n° 1) et [B] (lot n° 2), a fait installer sur le [Adresse 5], chemin qui est matériellement situé sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3] et permet l'accès aux deux parcelles, des réseaux alimentant son fonds en eau et électricité.
2. Soutenant que le chemin devait être qualifié de chemin d'exploitation et reprochant à M. [B] d'avoir, à l'occasion de travaux de goudronnage, modifié la pente du chemin, rendant son accès en voiture impraticable, et d'avoir sectionné une partie des réseaux qu'il avait installés, M. [G] l'a assigné en remise en état et indemnisation de ses préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que le [Adresse 5] dépend de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3] et que les travaux de branchement et de raccordement engagés par M. [G] ont été effectués sans autorisation régulière au regard de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3] et de rejeter les demandes de M. [G] de dommages-intérêts et de remise en état du chemin
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. [G] tendant à voir dire que le [Adresse 5] constitue un chemin d'exploitation et de dire qu'il a une nature privative
Enoncé du moyen
4. M. [G] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que le [Adresse 5] constitue un chemin d'exploitation et de dire qu'il a une nature privative, alors « que les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation ; la qualification d'un chemin d'exploitation n'est pas liée à la propriété du sol ; en énonçant, pour écarter la qualification de chemin d'exploitation du [Adresse 5], qu'il résulte de l'état descriptif de division du 11 décembre 1980 créant deux lots sur la parcelle B [Cadastre 3], que le [Adresse 5] dépend de la propriété de la parcelle B [Cadastre 3], et que l'existence d'un titre de propriété est exclusive de la qualification de chemin d'exploitation, la Cour d'appel a violé l'article L 162-1 du code rural. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime :
5. Selon ce texte, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés.
6. Il s'en déduit que le droit de propriété d'un riverain sur le sol du chemin n'exclut ni la qualification de chemin d'exploitation (3e Civ., 23 octobre 1974, pourvoi n° 73-13.139, Bull., III, n° 377 ; 3e Civ., 9 mars 1977, pourvoi n° 75-13.647, Bull., III, n° 116) ni le droit d'usage de celui-ci par les autres propriétaires riverains du chemin (3e Civ., 26 février 1986, pourvoi n° 84-11.706, Bull., III, n° 19 ; 3e Civ., 5 février 1997, pourvoi n° 95-12.106, Bull., III, n° 31 ; 3e Civ., 24 novembre 2010, pourvoi n° 09-70.917, Bull., III, n° 208).
7. Pour rejeter la qualification de chemin d'exploitation du [Adresse 5] et dire que celui-ci a une nature privative, l'arrêt relève qu'il ressort de l'état descriptif de division du 11 décembre 1980 créant les deux lots sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3] qu'il crée une servitude de passage tous usages sur le chemin grevant le lot n° 1 et profitant au lot n° 2, de sorte qu'au regard du titre de propriété, dont il résulte que le chemin dépend de cette parcelle, le chemin ne peut être qualifié d'exploitation.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation des dispositions de l'arrêt infirmant le jugement en ce qu'il a qualifié le [Adresse 5] de chemin d'exploitation et disant que ce chemin a une nature privative n'emporte pas celle des dispositions disant que ce chemin dépend de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3] et que les travaux de branchement et raccordement engagés par M. [G] ont été effectués sans autorisation régulière au regard de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 3] et rejetant les demandes de dommages-intérêts et de remise en état du chemin au regard de l'inclinaison de la pente formées par M. [G], qui ne s'y rattachent pas par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce que celui-ci a qualifié le [Adresse 5] de chemin d'exploitation, et dit que ce chemin a une nature privative, l'arrêt rendu le 6 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.