LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 février 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 224 F-B
Pourvoi n° R 23-10.295
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
La société Keolis [Localité 3], société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-10.295 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la cour d'appel de [Localité 3] (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à Mme [R] [N], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Keolis [Localité 3], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 novembre 2022), Mme [N] a été engagée en qualité de conducteur receveur de transport en commun le 13 novembre 2003 par la société Keolis [Localité 3].
2. La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 février 2016.
3. Soutenant que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle a avec le syndicat CGT TCL saisi la juridiction prud'homale le 16 mars 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée était nul au motif d'une discrimination en raison de son état de santé et de le condamner au paiement de dommages-intérêts à ce titre, alors « que selon l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les premières conclusions déposées devant la cour d'appel telles que mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code ; que la demande en nullité d'un licenciement pour discrimination et la demande visant uniquement à la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse constituent des prétentions distinctes ; qu'en l'espèce, pour accueillir les demandes formées par Mme [N] au titre de la nullité de son licenciement du fait d'une discrimination en raison de son état de santé, la cour d'appel a jugé que ''les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié'', que ''ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable'' et ''[qu'] il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dès lors que, si l'article 910-4 du code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elle développent à l'appui de leurs prétentions'' ; qu'en statuant ainsi, quand la demande en reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse d'un licenciement et la demande en nullité de la rupture pour discrimination ne constituent pas une même prétention et qu'elle constatait que dans ses premières écritures d'intimée, la salariée n'avait pas demandé la nullité de son licenciement, ce dont il résultait que cette prétention était irrecevable, la cour d'appel n'a pas tiré le conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
6. Pour déclarer recevable et fondée la demande de nullité du licenciement, l'arrêt retient que les demandes formées par la salariée au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'elle estime injustifié. Il ajoute que ces demandes poursuivent par conséquent les mêmes fins, de sorte que la demande de nullité du licenciement est recevable et qu'il est indifférent que la salariée n'ait pas visé la nullité du licenciement dans ses premières écritures d'intimée dès lors que, si l'article 910-4 du code de procédure civile exige que les parties présentent l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, cette exigence ne s'applique pas aux moyens qu'elles développent à l'appui de leurs prétentions.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que dans ses premières conclusions du 31 mars 2020, la salariée n'avait pas demandé la nullité de son licenciement, de sorte que cette prétention était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession formée par le syndicat CGT TCL, débouté Mme [N] de sa demande de rappel d'indemnités journalières, condamné la société Keolis [Localité 3] à payer à Mme [N] la somme de 3 397,61 euros au titre des rappels de congés payés du 29 octobre au 8 décembre 2015, outre celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne Mme [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.